La grossesse

Write by belleetrebelle

À Yaoundé, loin de l’humidité familière de Douala, la grossesse de Chloé fut un calvaire solitaire. Les nausées n’étaient pas de simples malaises matinaux, mais des vagues de nausée incessantes qui la pliaient en deux, lui arrachant jusqu’aux larmes. Une lourdeur coupable et permanente s’était installée dans son bas-ventre, et lors d’une consultation de routine, le médecin avait prononcé les mots redoutés : « menace de fausse couche ». Il lui prescrivit un repos absolu, une sentence qui transforma son petit appartement en prison. Allongée des heures durant, la main sur son ventre encore plat, elle guettait avec anxiété le moindre signe, pleurant de peur, de solitude et d’épuisement. Les hormones décuplaient son angoisse, rendant chaque minute une épreuve. Dans ces moments de vulnérabilité extrême, l’absence d’Armand était une douleur plus aiguë que toutes les autres. Elle imaginait sa main réconfortante sur son front, sa voix calme pour la rassurer, et cette absence lui rappelait cruellement qu’elle avait brisé le pilier sur lequel elle aurait dû pouvoir s’appuyer.


Poussée par un besoin viscéral de partager ce fardeau et un reste d’espoir fou, elle rassembla son courage et composa son numéro. La conversation fut hésitante, tendue. Lorsqu’elle lui annonça la nouvelle, il y eut un long silence à l’autre bout du fil, un vide bien plus effrayant que la colère. Puis la voix d’Armand, froide et distante, lui parvint, charriant un doute qui la transperça plus profondément que toute insulte : « Chloé… Je suis là pour toi en tant qu’être humain, c’est une épreuve difficile. Mais tu comprendras que, compte tenu de… ce qui s’est passé… j’ai besoin d’être sûr. Je ne peux pas m’investir émotionnellement sans la certitude que cet enfant est de moi. » Ces mots, prononcés avec une froide clarté, furent un second rejet, peut-être même plus dévastateur que le premier. La nouvelle vie qui grandissait en elle, déjà si fragile, était déjà marquée du sceau du soupçon.


Raccrochant, Chloé se replia sur elle-même comme une fleur meurtrie se referme sous un gel tardif. Le doute d’Armand avait scellé son isolement. Les nausées, la fatigue et l’angoisse devinrent son lot quotidien, un pénible chemin de croix qu’elle devait parcourir seule. Chaque coup de pied, chaque changement de son corps était un rappel à la fois de ce miracle et de la déchirure qui l’accompagnait. Elle vivait une grossesse pénible, doublement alourdie par le poids de sa faute passée et la solitude amère du présent.

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