La porte de sortie
Write by Farida IB
Nahia…
Je me réveille avec une sensation étrange. Les
moments forts de voyage de noces n’arrêtent pas de défiler dans ma tête comme un film et je revis
distinctement tout notre séjour. Du voyage mystère à la première nuit "
Ex-cep-tion-nel-le ! " passant par nos moments de délires les plus fous au
plus tendres et intenses. Ce soir là Mustapha nous a largués au bord d'un
désert qu'on nous a fait traverser à dos de chameau ensuite nous avons fait le
tour de quelques pays du golfe persique à bord d'un yacht pour échouer sur une
île en jet-ski. Ils se sont arrangés de sorte à ce qu'il ait toujours quelqu'un
pour nous guider à chaque étape. Nous n'avions
juste qu'à nous laisser vivre et je dois dire que nous en avons profité à fond. En dehors des instants
câlins, nous avons fait des ballades natures sympa, des pique-nique au bord
l'océan qui finissaient toujours par un tour de montagnes russes dans les eaux
turquoise de la région nous avons aussi fait des activités avec des touristes
étrangers. C'était trop trop PARFAIT !!!! Nous avons réellement eu notre moment
de détente à nous.
Sauf que là, j’ai du mal à distinguer si je suis encore sur l’île ou non. Ou encore si je rêve ou pas parce que je m’aperçois dans le même temps que je suis dans un lit. J’ai mal partout et je ressens une migraine atroce. J’entends des bruits de machines autour de moi et je sens une main douce
frotter la mienne. Il me faut quelques minutes pour réaliser la présence de
Khalil à mes côtés et tout à coup soudain brusquement le bruit saccadé des
pleurs de Yumna mêlé à l’engueulade me ramène à ma syncope. Je
réfléchis deux minutes avant de consentir à ouvrir mes yeux pour voir Khalil me
dévisager fixement la tête ailleurs pourtant. Il a une expression neutre dans
le regard qui ne laisse rien transparaître de son état d’âme actuel. Je me lance donc avec réserve.
Moi : je vous trouve beaucoup trop serein
monsieur pour que je sois déjà rendue au ciel.
Il sort de sa rêverie et grimace un
sourire.
Khalil : salam ! Bienvenue parmi les
vivants Cheikha Nahia.
Je cligne des yeux plusieurs fois. Enfin
ces derniers temps, il me colle ce titre que quand il est extrêmement heureux
et je ne vois pas ce qu’il y a de réjouissant ici. Il a également
un je ne sais quoi dans sa voix qui m’intrigue encore plus. Un peu tendue certes, mais chargée d’une émotion que je n’arrive pas à
déchiffrer. Je me redresse péniblement et grimace à cause de mon mal de tête.
Khalil ton inquiet : tu as mal quelque part
? (il se lève) Laisse-moi t’aider.
J’acquiesce pendant qu’il redresse le lit.
Moi : j’ai une de ces migraines.
Il relève ensuite les coussins contre
lesquels je m’adosse.
Khalil (se retournant pour partir) : je
vais chercher le médecin.
Moi : attends, que m’est-il arrivé ?
Khalil : tu t’es évanouie.
Moi : ça je le sais, mais pourquoi ? Je n’ai pas l’habitude de tomber dans les pommes.
Khalil : ce n'est rien de grave, au fait…
Il s’interrompt en voyant un homme en blouse blanche que je devine être le
médecin faire son entrée.
Docteur (s’adressant à moi) : mâchallah notre belle au bois dormant s’est enfin réveillée, vous nous avez fait une grande frayeur pardi !
Je lui fais un sourire contrit pendant qu’il s’approche, Khalil reste sur le côté pour qu’il puisse m’examiner. Il entreprend de vérifier mes
signes vitaux et mes réflexes.
Docteur concluant : bien ! Tout a l’air normal (rangeant son matériel dans sa poche) il ne reste plus qu’à vous diriger vers ma collègue gynécologue histoire de nous assurer que
le bébé se porte également bien. Et si c’est le cas, vous pouvez rentrer chez vous dès qu’il fera jour.
J'ouvre les yeux et le regarde perplexe.
Docteur poursuivant : par contre, je vous
recommande vivement d’éviter dorénavant le trop-plein de stress
et d’angoisse (s’adressant à Khalil) sauf votre respect, Votre Éminence, j’espère pouvoir compter sur vous pour veiller à ce qu’elle s’éloigne au maximum des situations
anxiogènes. Ce n’est pas bon pour le bébé qu'elle porte.
Khalil hoche lentement la tête.
Moi (réfléchissant tout haut) : bébé
???
Il me regarde un sourcil arqué avant de se
tourner à nouveau vers Khalil.
Docteur : je présume que vous ne lui avez
rien dit ?
Khalil souriant : je n’en ai pas encore eu l’occasion docteur.
Docteur : je vous laisse alors le faire
ensuite vous l’amènerez (montrant la salle adjacente) dans
cette salle pour l'échographie. Je vais prévenir ma collègue de ce pas.
Khalil : merci docteur.
Docteur (se dirigeant vers la porte) : tout
le plaisir est pour moi Votre Éminence.
Moi (au bord de l’hébétude) : attends, je suis enceinte ?
Khalil : oui, c’est ce qu’a révélé ton test sanguin.
Je reste médusée pendant des minutes
entières.
Khalil m’enjoignant : Aynia respire !
Je respire un bon coup avant d’apercevoir son regard inquiet devant mon visage. Il me prend la main et
se met à caresser le dos.
Khalil : reprends-toi chérie. C’est plutôt une bonne nouvelle, tu ne trouves pas ?
Moi complètement lost : si euh dis moi, c’était quand le jour du halal ?
Khalil : le 6 juin.
Moi : mais nous sommes toujours en juin non
?
Il acquiesce.
Moi (secouant la tête incrédule) : nannnn
ils se sont sûrement trompés.
Khalil riant doucement : j’ai eu la même réaction que toi lorsqu’on me l’a annoncé, mais bon je propose qu’on aille faire l’examen ultrason pour nous en assurer.
J’écarte brusquement la couverture et descends du lit avec détermination.
Autant dire que la migraine a comme disparu.
Moi : et comment ? Je dois voir ça de mes
propres yeux avant de croire.
… C’est à croire que je ne suis pas au bout de ma stupéfaction. Il y a bel
et bien un petit bout d’embryon vivant implanté dans ma cavité
utérine qui apparaît clairement à l’écran. Je regarde l’écran sans trop
savoir comment réagir, bon il y a la sensation étrange à mon réveil qui a
resurgi. Ce qui fait en sorte que j’entends vaguement les commentaires de la gynécologue au loin pendant que
je me remémore mes précédentes grossesses. Et simultanément, je sens la main de
Khalil enveloppé la mienne. Comme moi, il n’a pas pipé mot depuis le début de l’écho. En revanche, sa manière de me serrer la main avec ferveur à mesure
des explications en dit long sur son état émotionnel actuel.
Mais je demande hein, Adja ne peut jamais
guère tomber enceinte, le réaliser elle-même et faire une surprise à son homme
? Il faut toujours que ça me prenne au dépourvu ! Dans un hôpital ! À chaque
nouveau tournant de ma vie ! (souffle) Ce n’est pas pour me plaindre, c’est plutôt une bonne nouvelle comme Khalil l’a dit. Mais un peu de quand même quoi. C’est la sonde que la gynécologue bouge de nouveau en moi (elle a procédé
par échographie transvaginale) qui me sort de ma demi rêverie. Ensuite, on
perçoit de façon tangible comme un petit clignotant.
La gygy expliquant : c’est en fait l’activité cardiaque de votre futur petit
bout, si je me réfère à la date de conception estimée (elle nous le montre)
vous venez d’entamer votre 4e semaine…
Khalil me regarde genre « tu penses la même
chose que moi ? » Je hoche simplement la tête, la gorge nouée par les larmes.
Comment vous le dire, j’ai soudain été submergé par un flot d’émotions.
Voix enjouée de la gygy : tout ce que je
peux vous dire pour l’instant est que l’œuf est bien situé et le développement suit bien. Votre grossesse
devrait se dérouler sans problème.
Des larmes s’échappent de mes paupières pendant que je hoche nonchalamment la tête. C’est ça la métaphore parfaite du bonheur. Je sens Khalil me serrer
davantage la main, j’ouvre les yeux au moment où la gynéco
retire la sonde. Elle me nettoie ensuite le périnée et me tend un rouleau de
papier pour essuyer mes larmes.
La gygy
: mabrook ! (félicitations !) Je suis heureuse pour vous. Je vais à
présent vous laisser aller vous reposer chez vous. Je vous donne rendez-vous
dans une semaine pour un check-up complet…
Khalil (sortant de son silence) : merci !
Par contre pour le rendez-vous ça ne sera pas nécessaire. Son médecin personnel
prendra le relai.
Je lui lance un regard interrogateur qu’il détourne vers elle.
La gygy : ah d’accord, il n'y a pas de souci. Nous allons lui prescrire un tranquillisant pour l'heure,
elle verra le reste avec son médecin.
Khalil : ok bien.
Elle nous laisse après nous avoir demandé
de la rejoindre dans son bureau.
Moi : un médecin personnel ? Depuis quand j’ai un médecin personnel ?
Khalil haussant l’épaule : je vais t’en trouver un, il vaut mieux qu’on évite de revenir par ici à cause de Yumna.
Moi : je vois. À propos, j’espère que tu ne pensais pas ce que tu disais avant que je m’évanouisse.
Il me lance un coup d'œil mais ne dit rien.
Moi : Khalil...
Khalil posément : écoutes, je voudrais que
tu restes en dehors de cette histoire s'il te plaît. Le docteur a été clair,
plus de stress pour toi.
Je veux répliquer lorsqu’il ajoute posément.
Khalil : je te promets de régler ça de la
meilleure manière qui soit, si toi tu me promets de te préoccuper uniquement que
de toi et de notre bébé.
Moi lui souriant : je te le promets, papa.
Il répond à mon sourire et m’embrasse le front avant de me tendre la main dont je me sers pour
descendre de la table. Nous sortons de là pour le bureau du médecin escortés
par les agents de sécurité qu’il a fait
rappliquer entre temps. Je crois que c'est pour éviter que l'affaire s'ébruite.
Nous croisons Ussama devant la chambre qui m’a été attribuée.
Ussama : ah tiens, je venais voir si Nahia
était réveillée.
Khalil : elle l’est, on va voir le docteur. On revient.
Ussama : ok (me fixant) ça va mieux j’espère.
Moi : oui oui alhamdulilah, et Yumna ?
Ussama : elle tient le coup, bon je
retourne veiller sur elle. Faites moi signe au besoin.
Nous : ok.
Quand on ressort du bureau du médecin,
Khalil retrouve les officiers et moi ses frères. Yumna m’accueille avec le sourire.
Yumna : la maman de mon fils.
Moi sourire béat : je vois qu’on a retrouvé le sourire.
Yumna : il le faut bien, tu nous as porté une
touche de lumière dans ce brin de
ténèbres.
Moi riant franchement : c’est comme tu dis.
Ussama souriant doucement : je crois que
des félicitations s’imposent.
Moi : et comment ? Avec tous les honneurs
en plus !
On éclate de rire ensemble pendant que je
prends place à côté de Yumna. J’attends que le
calme revienne pour m’enquérir de ses nouvelles.
Moi : ça va toi ?
Yumna : honnêtement non (soupir) je suis
dans un cauchemar.
Moi soupir : un vrai de vrai ! Tu savais
que tu étais enceinte ?
Yumna : même pas, je te l'aurais dit.
Moi : c'est ce que je me suis dite aussi. J'ai
remarqué ton appétit accru, ton goût prononcé pour les moelleux au chocolat
alors que d’habitude, tu en avais horreur (elle fait
une grimace) et tu passais tout ton temps libre à dormir. Mais puisque tu n'as
rien dit, j'ai pensé que je me trompais.
Yumna soupirant : si seulement j'avais
écouté Eddie on n’en serait pas là. Il en était plus que convaincu. C'est
maintenant que je me rends compte que j’étais dans le déni.
Moi hochant la tête : je vois le genre, je
suis désolée ma belle. C'est bien triste.
Yumna : j'accuse le coup.
Moi : qu'Allah t'accompagne dans cette
épreuve.
Yumna : amine yarabi.
Moi : et Elias dans tout ça ?
Ussama répliquant : on n’autorise personne à le voir pour l’instant.
Moi : le pauvre ! Il doit être dévasté.
Yumna serre un poing au niveau de sa
poitrine en me regardant tristement.
Yumna : je venais le présenter aux parents.
Moi : oulaaa, ça a plutôt mal commencé.
Yumna soupire triste : à qui le dis-tu ?
Nous avons grillé toutes nos cartes avec mon père. De toute façon il n'y a plus
de relation, nous allons finir notre vie en prison.
Moi : on ne va pas en arriver là
t'inquiètes, ton frère va trouver une solution in extremis pour nous sortir de
ce gouffre.
Ussama me lance un regard sceptique pendant
que Yumna me regarde dans le genre tu crois toi même ce que tu dis ? J’acquiesce avec conviction.
Yumna (dubitative mais hochant quand même
la tête) : dans tous les cas si Khalil se montre flexible, Al-Amine lui ne me
laissera aucune marge de manœuvre. Dans la mesure où il demande déjà, non il exige
qu’on me fasse un test afin de savoir depuis
combien de temps je suis sexuellement active.
Moi abasourdie : oh ?
Khalil bourru : épargne-nous cette
humiliation de plus en lui révélant toi-même la vérité.
On se retourne tous les trois en même temps
parce que le ton de sa voix n’a rien d’amical. Le type a son regard de lion enragé, ça ne sent pas bon là !
Khalil (quittant le pas de la porte) :
apprêtez-vous, on rentre à la maison.
On se regarde intrigué.
Moi (voix aiguë) : " on " c’est-à-dire nous tous ?
Khalil : oui (faisant volte-face) je vous
attends à l'extérieur.
Il s’en va en nous laissant tous pantois.
Moi (me voulant rassurante) : c’est plutôt bon signe.
Ussama : oui et nous ferons mieux de le
rejoindre avant qu’il ne change d’avis.
On met quelques minutes à le faire. Il se
met lui-même au volant du Touareg d’Ussama et se place au milieu du cortège. Pendant qu’il conduit, le regard tempétueux ne le quitte pas donc personne n’ose rompre le silence. Il se contente de me jeter des coups d’œil protecteurs furtif que je capte un moment avant de m’assoupir.
…….
Je
suis réveillée par le bruit du moteur, j’ouvre les yeux et réalise que nous sommes sur le parking intérieur du
palais. Je descends moi-même avant qu’il n’arrive du côté passager avant où je me
trouve. Il ouvre la marche vers le tunnel, ses frères vont en direction de
leurs ascenseurs personnels et je le suis vers le sien.
Moi (pendant l’ascension) : tu peux me dire au
moins ce qui se passe ?
Khalil évasif : tout est sous contrôle ma
chérie.
Moi : hmm ok (du tic au tac) je t'ai promis
de ne pas me mêler de tout ça mais il y a quand même une chose qui me tient à
cœur et que voudrais te dire.
Khalil arquant le sourcil : vas-y je
t'écoute.
Moi (prenant une grande inspiration) : je
sais que la situation est délicate et je sais encore plus ce que ça implique
pour toi. Cependant, ne perd pas de vue qu'il s'agit de ton unique sœur qui de
surcroît vient de perdre un bébé dont elle ignorait l’existence. (il lève le sourcil)Je ne sais pas si tu te rends compte à
quel point cette situation peut être affligeante pour elle mais le moins que tu
puisses faire c'est de faire preuve d'un peu de compréhension et de compassion
envers elle. D'aussi loin que je me souvienne, elle a toujours été là pour vous
peu importe la situation.
Il me regarde un long moment comme s'il
analysait mes propos avant de répondre dans un soupir.
Khalil : ok j'ai compris.
Plus personne ne parle jusqu'à
l'appartement où il fonce sous la douche, je le remplace ensuite. C’est pendant que je troque mon ensemble de prière contre une tenue plus
relaxe qu’il rentre dans le dressing avec nos
bagages. Il les pose près de l’étagère et se
tourne vers moi. Il pose un regard insistant sur mon ventre encore tout plat, puis
sur ma poitrine dénudée avant de me regarder fixement.
Khalil de tout son sérieux : tu crois que
bébé va bouder si papa et maman danse un peu la Lambada ?
Moi amusée : lol je ne crois pas non.
Khalil (sourire en coin): on va vérifier ça
tout à l'heure. Tu viens ? Mes parents nous attendent pour le petit déjeuner.
Moi: ok donne-moi deux minutes.
Il me regarde pendant que je finis de
m'habiller ensuite il passe sa main autour de ma taille et me ramène à lui avant
d'enfoncer sa tête dans mon cou.
Khalil : merci pour ce beau cadeau mon cœur.
Moi : mais de rien, c'était un vrai travail
d'équipe.
Khalil : et c'est vrai en plus ! (relevant
sa tête pour me fixer) Dis, on attend un peu ou on l'annonce à mes parents tout de suite ?
Moi : je pense qu’on devrait le faire tout de suite, en espérant que ça apaise les
tensions.
Khalil : espérons !
Nous
retrouvons ses parents déjà attablés avec Ussama, Abdallah et Cartia dans la
salle à manger privée. Nous les saluons d’un salam collectif auquel ils répondent de façon laconique. L’atmosphère reste tendue jusqu’à ce que Khalil s’éclaircisse la voix pour attirer leur
attention. Ils interrompent leurs gestes et se tournent dans sa direction.
Khalil me coule un regard interrogateur et attend que j’acquiesce avant de commencer.
Khalil : bon, et bien je ne sais pas si le
moment est propice à une discussion. Je souhaiterais partager une grande
nouvelle avec vous.
Monsieur Ben Zayid : à condition que ça n’ait rien à voir avec ta sœur, je t’ai déjà dit de ne pas m'impliquer dans cette histoire.
Khalil : il ne s’agit pas d’elle, ça concerne Nahia et moi (au tac) on
va avoir un bébé, Nahia est enceinte.
Ses parents se tournent en même temps vers
moi comme pour avoir confirmation, je réponds par un hochement de tête.
Oumi : machallaaaahhh !!!! Au moins une
bonne nouvelle !
Monsieur Ben Zayid (l’air très surpris) : QUOI ? Déjà ?
Abdallah : vraiment, vous avez fait vite
dis donc ! En tout cas chapeau !
Ussam : lol
Cartia (en réponse) : bah ça prouve qu’ils ont bien bossé (sourire espiègle) toutes mes félicitations !!
Le patriarche lui lance un regard en biais
et nous lui répondons en même temps tous les deux.
Khalil/moi : merciiiii.
Monsieur Ben Zayid : c’est quand même curieux, vous êtes mariés ça fait quoi ? Même pas un mois
et elle est déjà enceinte !?
Oumi soupir agacée : Al-Amine cherche d’abord à savoir à combien elle en est
avant de tirer des conclusions hâtives. Ce n’est pas moi qui vais t’apprendre qu’une seule nuit est plus que suffisant pour concevoir.
Khalil par anticipation : elle n’est qu’à ses débuts (précisant) au tout début.
Nous n’en saurions rien nous même si elle n’avait pas fait un malaise hier à l’hôpital.
Monsieur Ben Zayid : comment ça ? Elle a
fait un malaise et personne n’a pensé à nous
prévenir ?
Khalil : il n'y avait pas de quoi
s'alarmer, elle a vite été prise en charge.
Monsieur Ben Zayid (s’adressant à moi) : tu te sens mieux ?
Moi : oui oui.
Monsieur Ben Zayid : tant mieux ! Dans tous
les cas, je suis ravie d’apprendre cette nouvelle même si ça me
laisse un peu perplexe. Bon, on verra bien ! Félicitations à vous.
On se lance un regard genre "encore
lui même" avant de répondre. Le petit déjeuner se termine dans une
ambiance plus conviviale et plus détendue avec des commentaires qui partent
dans tous les sens. Ussama nous laisse en prétextant le boulot et nous ne
tardons pas non plus à quitter la table suivis d’Abdallah. Il nous taquine gentiment dans les couloirs lorsque le sieur
Ben Zayid arrive pour l’interrompre.
Monsieur Ben Zayid : Nahia tu peux venir me
voir plus tard s’il te plaît ? J’aimerais m’entretenir avec toi sur un sujet.
Moi curieuse : ça ne me dérange pas qu’on le fasse maintenant.
Monsieur Ben Zayid : d’accord (à Khalil) tu veux bien nous excuser quelques minutes ?
Khalil : bien sûr (me pressant l’épaule) je suis dans ma cabine de peinture si tu me cherches.
Moi : ok.
Il continue sa progression au moment où je suis son père en direction de
son bureau. Une fois sur place, il s’assied sur le canapé avant de me désigner le bout d’un geste du doigt. Je me tiens droite comme un "i ".
Monsieur Ben Zayid : détends-toi, il n’y a rien de grave.
Moi : euh ok.
Monsieur Ben Zayid : c’est vrai que tu es en congé en ce moment, mais je voudrais qu’on parle affaires.
Moi (de plus en plus intriguée) : euh d’accord allez-y, je vous écoute.
Monsieur Ben Zayid : est-ce que tu pourrais
faire en sorte que je retrouve l’équilibre de vie comme tu as fait pour mon fils ? (j’arque un sourcil) Tu n’es pas sans ignorer
que mon nouveau travail depuis ma retraite, c’est de flâner dans cette demeure à longueur de journée et pour un homme
avec un passé professionnel comme le mien c’est la mort sociale.
Moi hochant la tête : exactement.
Monsieur Ben Zayid : j’aimerais donc que tu montes pour moi un projet de carrière pour vieux.
Moi : rhooo mais vous avez de beaux restes,
vous rivaliserez avec des jeunes adolescents.
Monsieur Ben Zayid (sur le ton de la
plaisanterie) : reste concentrer jeune fille.
Moi riant doucement : wallah !
Il me rejoint dans mon rire.
Monsieur Ben Zayid se calmant : bon est-ce
que tu penses que ça peut le faire ?
Moi : oui et j’ai peut-être une idée du genre d’activité qui vous conviendra. Enfin, vous allez juste continuer à faire
ce que vous savez faire le plus.
C’est à son tour d’arquer le sourcil.
Moi souriant discrètement : être un Cheikh.
Il
hausse les sourcils en attendant que je m’explique.
Moi : vous pouvez créer votre propre
émission radio par exemple ou un programme télé dans lequel vous continuerez à
partager vos connaissances religieuses et sociales. Vous avez le sens de l’humour, pourquoi ne pas l’exploiter pour expliquer le coran en tirant des exemples de la vie
quotidienne ou encore à donner des conseils de vies ?
Monsieur Ben Zayid : c’est une idée géniale, c’est emballé et
pesé. Je commencerais inch’Allah avec une
émission sur les apparences. Il faut dire que les gens ne sont pas toujours ce
qu'on croit et parfois, on pense connaître ceux qui nous entourent jusqu’à ce qu’on réalise qu’ils sont loin d’être ce qu’on pense.
Un peu perdue, je réalise au bout de
quelques secondes que sa réflexion est à double sens. Je réfléchis deux
secondes pour trouver la réplique adéquate.
Moi (me raclant la gorge) : j’abonde dans votre sens et j’ajouterai si je peux me le permettre qu’il ne faut pas juger sans connaître et aussi qu’il ne faut pas condamner sans entendre puisque tout le monde peut
faillir. Allahou a’lam (Dieu sait mieux)
Il reste un moment silencieux et finit par
soupirer.
Monsieur Ben Zayid extrapolant : bien nous
ferons comme tu l’as dit, je te confie toute la tâche.
Moi : ce sera un honneur et un privilège de
la réaliser votre majesté.
Monsieur Ben Zayid : appelle-moi abî (mon
père)
Moi lui souriant : d’accord abî.
Monsieur Ben Zayid sourire bref : bon ce n’est pas tout, mais il faut que je te laisse aller reposer.
Moi : Ok, je vous en remercie.
Monsieur Ben Zayid : merci à toi.
Je veux me lever lorsqu’il parle à nouveau.
Monsieur Ben Zayid : une dernière chose que
j’ai oublié de mentionner, fixe toi-même tes honoraires et travaille à un
rythme avec lequel tu te sens à l'aise. Rien ne presse. Enfin d’ici à ce que l’affaire qui prévaut se tasse un peu afin que
je puisse avoir plus de crédibilité. (je hoche la tête) Mais encore, il me
semble qu’en l’occurrence nous aurons un bébé à langer dans quelques mois.
Moi : il me semble que oui.
On s’échange un sourire. La discussion prend fin sur cette note et je quitte
son bureau pour l’appartement de Yumna. Lorsque j’arrive à l’étage qui abrite celui-ci, je croise Cartia
qui m’informe qu’elle vient de s’endormir. Je retourne dans le nôtre dans l’idée de faire de même et me retrouve cependant à penser à la nuit d’hier. Il faut le dire, ça a été une nuit haute en émotion. D’abord la fausse couche de Yumna qui m’a laissé sans voix, mais pas autant que d’apprendre que je suis enceinte. Il y a une espèce de joie qui m’anime à chaque fois que j’y repense et je connais deux personnes que cette nouvelle réjouira
encore plus : mon papounet et Nabil. Depuis le temps qu’il attend d’être grand frère (rires) ma mère par contre
est susceptible de réagir exactement comme le sieur Ben Zayid, toujours à
chercher la petite bête krkrkr...
Je pars finalement à la recherche de mon
téléphone dans l’intention de prendre leurs nouvelles en
attendant de leur annonce la grande nouvelle de connivence avec Khalil. Je le
retrouve dans l’un de mes sacs et reviens le brancher dans
la chambre. Je dois préciser que j’ai quelque peu zappé sur mon
téléphone au cours du voyage. Ce qui fait qu'il se met tout de suite à sonner
dès que je le rallume. Ce sont essentiellement des mails, des messages et
appels manqués de la famille, des amies et quelques, bon je vous passe les
détails. Une petite remarque qui m’intrigue néanmoins est que Murielle a essayé de m’appeler tous les jours depuis deux semaines et m’a laissé pendant le même laps de temps des tonnes de messages dans
lesquels elle me demandede la rappeler urgemment. Je le fais sur une ligne
directe, elle ne laisse même pas sonner.
Murielle d’entrée de jeu : la nouvelle mariée a refait son apparition enfin !
Moi riant : il y a de quoi de disparaître
ma chérie.
Murielle : n’est-ce pas ? Je devine que vous êtes déjà à la capitale.
Moi : en effet, on a dû rappliquer d’urgence.
Murielle ton inquiet : il y a un problème ?
Moi évasive : une longue histoire
(changeant de sujet) sinon tu racontes quoi de beau ? J’ai vu les messages que tu m’as laissés.
Murielle soupire profond : hmmm Nahia ce n’est pas la joie ici.
Moi prise d’inquiétude : qu’est-ce qui se passe ? Tu as fait de
nouveaux examens ?
Murielle : non non il ne s’agit pas de moi, en fait (hésitante) c’est Manaar.
Moi (sur un ton d’agacement) : quoi Manaar ? De toute façon je n’ai que faire de tout ce qui le concerne.
Murielle ton suppliant : je t’en prie, tu es notre seul recours et notre unique espoir de le sortir de
la dépression ou plutôt du désespoir, mieux le délire total. Ils ont commencé
un traitement au CHU Campus, mais ça ne donne rien de bon. Joris pense déjà à l’emmener à Zébé (centre psychiatrique).
Moi : mais amenez-le là-bas si ça peut l’aider, moi j’ai quoi à avoir avec sa santé mental ?
Murielle : c’est ton prénom qu’il chante ici à longueur de journée, il dit
que tu l’as trahit.
Moi : Très drôle ! Je ne vois pas
franchement en quoi je pourrais lui être utile.
Murielle : commence déjà par l’appeler.
Moi faisant la moue : pour lui dire quoi ?
Murielle : Nahia s’il te plaît, si tu ne veux pas le faire pour les bons moments que vous
avez passé ensemble au moins fait le à cause de Dieu.
Moi : là tu veux me prendre par les
sentiments.
Murielle : et ça a marché ?
Moi : je vais voir ce que je peux faire,
bon tu m’enverras son numéro.
Murielle avec enthousiasme : c’est comme si c’était fait !
Elle me l’envoie presque aussitôt, je prends le soin de masquer le numéro avant de
l’appeler après une grande hésitation. Il décroche au bout de plusieurs
sonneries.
Ça fait un moment que je me suis énoncée
sans aucune réponse de sa part.
Moi le relançant : ça va ?
Manaar (ton glacial) : tu m’appelles parce que tu veux quitter l’autre imbécile pour revenir avec moi ?
Moi (prenant des gants) : j’appelle pour avoir de tes nouvelles, savoir si tu vas bien et tout.
Manaar : tu penses que je pourrai aller
bien après ce que tu m’as fait ?
Moi : Manaar…
Manaar (m’interrompant avec véhémence) : non, c’est toi qui m’écoutes ! (aka !) Tu m’as laissé tomber Nahia. Tu as mis fin à notre relation alors que je
voulais donner la chance à notre couple de repartir sur de nouvelles bases. Je
sais et tu ne peux même pas nier que si tu t’es jetée dans les bras de celui que tu désignais auparavant comme ton
collabo ou ton voisin ou je ne sais quelle autre relation qui vous liait, que
si tu l’as fait c’est pour me faire du tort. (criant) Eh bien, c’est réussi ! Tu peux être fière de toi (rire sarcastique) tu m’as blessé comme jamais Nahia. Tu m’as brisé le cœur en mille morceaux.
Il s’interrompt et prend une grande inspiration avant de reprendre d’une voix morne.
Manaar : bébé, je t'aime malgré tout le mal
que tu m’as fait et je te pardonne ce fâcheux
épisode si tu reviens avec moi maintenant. Je te donne ma parole que ce sale
Arabe va t’abandonner lâchement lorsqu’il aura fini d’abuser de toi. Je suis prêt à passer l’éponge si tu reviens à la raison.
Moi (après quelques minutes de silence) :
tu as fini ?
Manaar : oui, j’attends que tu me donnes une réponse.
Moi : je suis désolée de devoir te décevoir
Haroun, mais il ne peut plus jamais rien avoir entre toi et moi.
Manaar : tu n’es pas obligée de me répondre tout de suite, je te laisse le temps de
réfléchir. J’attendrai toute la vie s’il le faut.
Moi : Manaar ferme cette page et reprend ta
vie en main, ta famille compte sur toi.
Manaar froidement : tu sais où me trouver
si tu changes d'avis.
Click !
Il me raccroche au nez et je reste un
moment à fixer le téléphone perdue. Big LOL, c’est vraiment l’hôpital qui se fout de la charité. C’est dans ce genre de moments que je remercie le bon Dieu de l’avoir écarté de ma vie et d’avoir mis Khalil sur mon chemin. Ce dernier entre dans la chambre et
pendant que je pense « quand on parle du loup » il s’avance vers le dressing où il prend des vêtements puis sans mot dire
et encore moins un regard, il s’enferme dans la salle de bain. Il en ressort tout beau tout frais et se
dirige vers le son tiroir à bijoux.
Moi me redressant : Khalibae tu sors ?
Khalil (le visage amarré) : oui, je vais travailler.
Je descends du lit et vais l’aider à choisir une montre que j’entreprends de lui mettre.
Moi voix suave : je pensais qu'on devait
danser la Lambada ? En plus je te signale que nous sommes censés être en lune
de miel encore, donc pas de travail pour toi monsieur.
Khalil : pour moi si c’est terminé, j’ai un peuple à diriger.
Je plisse les yeux surprise par son ton
agressif, il quitte devant moi et prend la direction de la porte.
Khalil : j’y vais.
Moi : ok je t’attends ici, bien sagement.
Khalil (passant l’entrebâillement de la porte) : tant mieux !!!!
Il claque la porte derrière lui, je reste
un moment à fixer celle-ci. Je pensais que l’atmosphère était un peu plus détendue, mais je viens de constater avec
amertume qu’on n’est pas sorti de l’auberge de sitôt.