L'aveu

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Les semaines défilent à une vitesse alarmante.

La cérémonie des Diwouta est déjà derrière moi. Ce premier remariage s’est magnifiquement bien déroulé. Enfin à une ou deux exceptions près.

Tout s’est passé sans encombre, selon les instructions que j’avais données.

La salle K hôtel était splendide. Sidonie avait décidé de garder l’éclairage proposé par l’hôtel, à savoir de nombreuses lanternes lumineuses et des bougies flottantes. Nous y avions rajouté quelques compositions florales, en plus des orchidées déjà présentes.

La future (re)mariée était magnifique dans sa robe. Et Bernard était très ému de la voir aussi belle que lors de la précédente cérémonie.

Une fois les formalités finies, la réception a commencé. L’un des petits-fils du couple a malheureusement fait tomber une partie de son assiette sur la robe de la mariée. Malgré mes astuces nettoyages, la tâche a refusé de partir. Heureusement, mon sens de l’organisation et mes prévisions ont fait que j’avais une robe de rechange sous la main ; ma cliente a donc pu se changer sans que la soirée ne soit gâchée. Son époux était d’ailleurs tout aussi comblé de la voir dans cette nouvelle tenue.

Je n’avais pas fait appel à Jacques pour ce repas, ses prestations étant bien trop élevées pour le budget de mon couple. J’ai fait affaire avec le K hôtel directement. Les Diwouta et leurs invités ont ainsi pu profiter d’une offre spéciale mariage. Le repas, dans son ensemble, s’est avéré délicieux ! Tous les convives étaient ravis, d’autant que Sidonie, en mère poule qu’elle est, avait prévu deux types d’entrée, de plats et de desserts, pour contenter le plus grand monde. « Si l’un ne vous plait pas, prenez l’autre tout simplement » selon madame Diwouta.

Le moment le plus émouvant a sans doute été l’ouverture de bal. Traditionnellement, après la danse des mariés, l’époux invite sa mère à danser et la femme, son père. Etant donné l’âge du couple, leurs parents respectifs sont partis depuis bien longtemps. Toutefois, leurs enfants ont pris la relève. Sidonie a donc valsé dans les bras de son fils ainé, Michel pendant que Bernard faisait de même avec leur fille, Hélène. Il convient de rappeler que le marié étant un piètre danseur et ayant marché sur la longue robe sa da fille, s’en est suivi une chute mémorable. Toutefois, tous les quatre étaient très beaux. Et tellement heureux.

Ces clients étaient parfaits. Le mariage s’est déroulé sans réel problème. Bref, je suis satisfaite de mon travail.

Il faut désormais que je m’attelle à terminer les préparatifs pour la réception d’Olivia et Pierre, mais aussi que j’organise un triangle.

En effet, il ne me reste qu’un petit mois pour trouver l’amour de ma vie puis me faire épouser.

Une discussion avec les filles s’impose donc. Je ne sais pas si j’aborderais la question de mon rencard avec Franck. Cela reste à voir car je sais qu’Astride et Coralie ne l’avaient que très peu, voire pas du tout apprécié.

Je nous ai préparé un petit apéro dinatoire. J’ai commandé quelques petites douceurs salées et sucrée auprès de mon ami, Jacques. Le traiteur de la Folle bouchée était ravi d’avoir de mes nouvelles aussi rapidement. La signature du contrat pour le mariage d’Olivia et de Pierre étant déjà actée, il m’a donc fait une petite ristourne sur ses prix habituels.

Au menu, des mini burgers garnis au bœuf tandoori, des choux à la crème de potiron, des pains suédois fourré au maquereau, des makis de légumes et des pics de crevettes pochées au citron. En sucré, je nous ai choisi un assortiment de mignardises : tartelettes au chocolat, citron meringuée ou caramel au beurre salé, cheesecakes aux fruits rouges, à la banane ou à la nougatine mais aussi des verrines de panna cotta, de mousse au chocolat et d’ile flottante. Bref, un mini-festin pour trois grandes gourmandes. En fait, il s’agit d’amadouer les filles.

La sonnette de mon appartement retentit. Une fois. Deux fois. Trois fois. Ce sont elles !

Je suis plutôt nerveuse. Je ne sais pas pourquoi mais j’appréhende cette réunion.

Après les embrassades de rigueur, nous nous dirigeons vers la cuisine. Coralie, comme toujours, est de service « bar ». Elle nous prépare des mojitos, pendant qu’Astride et moi faisons des allers-retours entre le four et la table lasse où nous posons notre repas.

     Remise de ta gueule de bois ? me demande Coralie, en riant.

     Ah, ah… Très drôle vraiment. Tu n’imagines pas à quel point j’étais mal.

     Bref, nous coupe Astride, pourquoi une réunion de crise ? J’ai l’impression que cela devient une habitude en ce moment.

     Effectivement… lâche Coralie, l’air de ne pas y toucher, tout en sirotant son cocktail.

     Je voulais vous parler du pari.

     Le pari ? s’étonne-t-elles.

     Eh bien, notre pari. Celui de se marier avant notre trentième anniversaire, m’écriai-je.

     Oh ! rit, Astride. J’avoue que je n’y avais pas tellement pensé.

     Bah bien sûr… la nargue notre folle adorée.

     Bref ! les coupai-je alors qu’elles commencent à se chamailler comme deux gamines. Il faut que nous rectifions les termes.

     C’est impossible ! s’interpose Astride. Nous avons fait un serment inviolable, je te rappelle.

     Astride, c’est pour de faux. Nous n’allons pas nous attirer les foudres de Voldemachin chose parce que nous ne le respectons pas, ni si nous le modifions, s’emporte Coralie.

     Mais… c’est important !

     Je ne doute pas de son importance, répliquai-je avant qu’une nouvelle intervention intempestive d’une certaine personne, visiblement de mauvais poil, ne vienne envenimer la situation. Mais nous pouvons légèrement le modifier non. Afin que nous soyons sûres de pouvoir le respecter et le réussir.

     Que veux-tu changer ? m’interroge Astride.

     La durée de notre pari. Je n’avais que trois mois pour trouver un homme et qu’il m’épouse. Dans quelques jours à peine, nous arrivons au terme de ce délai et je n’ai trouvé personne qui souhaite faire de moi sa femme. D’ailleurs, tu sais très bien que, contrairement à d’autre, continuai-je en lançant un regard appuyé à Coralie, je prends cette institution très au sérieux. Pour moi, il ne s’agit pas de divorcer dans quelques mois ou années. Je veux l’union d’une vie.

     Donc ?

     J’ai pensé que nous pourrions rectifier les modalités de notre pari. Nous devons nous marier avant la fin de l’année de nos trente ans.

     Ce qui te laisserait douze mois pour accomplir notre pari.

     Exact. Et vous aussi, vous gagnez chacune pas mal de temps. Qu’en pensez-vous ?

     Eh bien, semble hésiter Astride, je pense que c’est possible. Dans les livres, rien ne dit que nous ne pouvons pas modifier…

     C’est sûr qu’avec ce temps supplémentaire, nous augmentons nos chances de trouver le spécimen idéal.

     Parfait ! m’enthousiasmai-je.

     Il nous faut refaire notre serment ! Exige alors notre fan.

     C’est vraiment nécessaire ?

Je lance un regard à Astride, qui fixe Coralie d’un œil mauvais.

     Fais un effort, et arrête de bouder, lançai-je à cette dernière. Bouge tes fesses et viens refaire notre serment.

Non sans souffler, Coralie s’extirpe du fauteuil dans lequel elle a pris place et nous rejoint au centre du salon. Comme lors de la fois précédente, nous nous attrapons et entortillons étroitement nos bras droits.

     Moi, Nyeck Astride, je m’engage à aider mes amies, Kamdem Mélanie et Abada Coralie ici présentes, dans leur quête d’un homme à marier et je ferais en sorte qu’elles l’épousent avant la fin de l’année de leur trentième anniversaire.

Nous répétons chacune notre tour les paroles de la prêtresse, qui reprend ensuite :

     Je m’engage également à me marier avant la fin de ladite année, ce qui fait de moi, la benjamine de mes amies, la dernière épouse.

A notre tour, nous nous engageons à nous dégoter un époux. Astride semble satisfaite de cette seconde opération, qui me permet de gagner du temps dans cette quête.

     Levons nos verres pour sceller notre serment, propose Coralie.

Nous attrapons nos verres et les levons devant nous.

     A nos trente ans et à nos futurs maris ! s’écrie-t-elle.

Nous faisons tinter nos verres et récitons les sages paroles de notre amie, non sans glousser comme des adolescentes.

Nous parlons de tout et de rien, tout en dégustant les mini-bouchées de Jacques.

     Cet homme est une perle ! s’extasie Coralie, qui se goinfre comme jamais.

     Eh bien, la taquine Astride, tu as faim ! Dis-moi, tu ne serais pas enceinte ? rit-elle.

     Pourquoi faut-il que tu dises toujours des conneries pareilles ? s’emporte l’interpellée.

Un silence de plomb suit ses paroles. Nous observons Coralie, qui fait mine de boire une gorgée de son mojito alors même que son verre est vide.

     Astride plaisantait, objectai-je face à mon amie, totalement prise au dépourvu. Si tu es de mauvaise humeur, tu peux rentrer chez toi. Tu n’étais pas obligée de t’emporter sur elle comme tu viens de le faire, poursuivis-je.

     Elle pourrait aussi éviter de dire des âneries aussi grosses qu’elle. Ça changerait pour une fois.

     Ecoute Coralie, nous sommes amies et elle ne t’a rien dit qui mérite que tu lui parles de la sorte. Je pense que tu pourrais t’excuser, au lieu de rester camper sur tes positions alors que nous savons toutes que tu as tort.

L’intéressée marmonna de vagues excuses à notre pâtissière, avant d’attraper nos verres vides et de se réfugier dans la cuisine sous prétexte de nous ravitailler.

     Elle ne le pensait pas, rassurai-je Astride. Tu as bien vu qu’elle n’est pas d’humeur en ce moment. Elle doit avoir des petits soucis au travail. Et, tu la connais dans ces cas-là.

     Oui, je sais. Mais… Enfin, je n’ai pas compris pourquoi elle m’a agressée de cette manière. Je n’ai rien dit que je ne dirais pas habituellement.

     Laisse tomber. D’ici deux ou trois verres, elle te fera un énorme câlin, pleura sur ton épaule en te disant qu’elle est « tellement désolée, je suis vraiment trop nulle alors que toi, eh bien, toi tu es la meilleure des copines » continuai-je en imitant la voix de notre amie commune.

Nous nous marrons toujours lorsque le sujet de notre fou rire nous rejoint enfin. Elle dépose nos verres sur la table basse et retourne s’installer dans son fauteuil, toujours très hautaine.

Coralie déteste avoir tort ou reconnaitre qu’elle a dépassé les limites. Toutefois, elle finira par l’admettre et en rira, il suffit de lui laisser le temps de digérer son « échec ».

     J’ai revu André vendredi dernier, lâchai-je pour mettre un terme au malaise qui s’installe.

     Oui, tu nous en avais parlé. Le fameux rendez-vous pour se faire pardonner.

     Hum, acquiesçai-je, en attrapant mon verre.

     Et donc ? Il s’est passé quelque chose ? m’interroge Coralie, qui a le flair pour deviner lorsque quelqu’un cache quelque chose, une véritable fouine.

     Je… eh bien… balbutai-je. Nous avons passé un très bon moment.

     Ce n’est pas ce que Coralie t’a demandé, rétorque Astride.

     Nous nous sommes embrassés. Passionnément…

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