Le choix de la raison
Write by EdnaYamba
Lance Durand
Mains sur les hanches, devant les étages dans lesquels
étaient mal rangés, les dossiers des archives, je me demande comment j’ai pu m’embarquer
dans une telle affaire. Prendre des engagements m’oblige à les tenir ! Un
dossier qui date de plus d’une dizaine d’années, comment le retrouver dans tout
ce désordre où les termites et la poussière font la loi. Plus d’une quarantaine
de minutes s’était écoulé depuis mon entrée dans cette salle qui semble être
oubliée de tout le service L’état poussiéreux des lieux, les insectes qui défilent
çà et là, montrent bien que la pièce n’a pas été astiquée depuis belle lurette.
Des dossiers parcourus, aucun ne porte le nom de Marianne MOUSSAVOU.
Au 21 e siècle, il est regrettable qu’ils n’aient pas trouvé
le moyen d’informatiser tout ça. L’’amateurisme qui règne dans ce pays m’écœure.
Il suffirait d’employer un informaticien qui ferait un fichier. Mais les dépenses
sont plutôt orientées ailleurs que pour les affaires utiles.
Les budgets alloués au réaménagement des commissariats servent
à autre chose qu’à améliorer le fonctionnement de la police. Avec ça comment peut-
on espérer plus de compétence ?
Déçu, je sors de la pièce et croise Anaïs, la jeune
stagiaire qui travaille dans les locaux. Une idée me vient. Je lui fait mon
plus son plus beau sourire.
-
Anaïs, j’aurais besoin de ton aide, lui dis-je.
-
Inspecteur, Que puis-je faire pour vous ?
-
Il y a un dossier que je cherche en bas que je
ne retrouve pas, y a-t-il eu des dossiers perdus entre temps ?
-
En principe non, tous les dossiers qui se détérioraient,
on les a introduits dans un fichier électronique.
Ah
quand même….
-
Si tu ne le retrouves pas dans le fichier alors
il doit se trouver dans les affaires classées secrètes…
Des affaires classées secrètes ?
-
Dis-moi quel dossier tu cherches et je te le
retrouve ! me propose-t-elle.
-
Ne te dérange pas, passe-moi plutôt le code de votre
fichier pour que j’y accède
-
Je ne sais pas…. Hésite-t-elle, on n’a pas le
droit de partager notre code.
-
Tu n’auras pas de problèmes, la rassuré-je.
La jeune femme hésite. Je comprends que son statut de stagiaire
l’inquiète. Elle ne veut pas prendre le risque de perdre son boulot. En côtoyant
la réalité gabonaise depuis peu, j’ai acquis quelques rouages du fonctionnement
ici.
Je sais qu’il existe des hommes puissants qui par un oui ou
un non, peuvent décider du sort d’une personne. Les chefs de service sont craints
bien plus ils ne sont vénérés. Il faut être dans leurs bonnes grâces pour
espérer une promotion. Je sais aussi qu’il y a beaucoup de cadavres dans des
tiroirs qui n’attendent qu’à être découvert. Je ne risquerais pas de mettre
cette jeune fille dans l’embarras, ni être virée à cause de moi alors qu’elle est
certainement l’espoir de sa famille. Je n’insiste pas et revient sur sa
première proposition, je lui donne un nom ridicule, le temps de l’observer
introduire le code. En m’appuyant sur mes capacités de mémoire visuelle, je l’observerai
quand elle introduira. Mon instinct m’empêche de lui donner le véritable nom du
dossier que je cherche. J’ignore encore qu’elle est l’ampleur de cette affaire
mais une chose est sûre, mon instinct a toujours été digne de confiance.
Évidemment, elle ne trouve pas le dossier. Mais mon objectif
est atteint. J’ai vu le code.
-
Merci Anaïs, pour ta précieuse aide.
La jeune fille m’adresse un sourire charmeur alors que je m’éloigne.
***
Anthony Onouviet
-
Oui papa, dis-je en décrochant l’appel qui vient
du Gabon.
Il est 23H à Accra et donc 24 h au Gabon, Qu’est-ce mon
père a à dire de si important si tard la nuit.
-
Anthony, tu as, il me semble, déjà soutenu !
Que fais-tu encore là-bas ?
-
Papa, je voulais suivre cette dernière
formation que tu as refusé de me payer ! retorqué-je sur un ton de
reproche.
J’ai obtenu mon master en sciences politiques et j’espérais
pouvoir suivre une formation supplémentaire en relation internationale. Mon
père s’y oppose catégoriquement, opposant l’argument de la crise qui frappe le
pays. J’ai donc décidé de chercher le financement seul, sans succès. C’est
d’ailleurs, une des raisons des fréquentes disputes que j’ai eues avec Alice.
-
Ecoute fils, les temps sont difficiles en ce
moment. Descends, je t’ai trouvé un poste ici par un piston ! je ne suis
pas sûr que si tu restes encore là-bas, ce sera toujours disponible. Je t’ai
pris un billet pour dimanche.
-
Dimanche ? si près ?
-
Oui parce que le lundi tu as entretien ! vérifie ton mail !
-
Ok, marmonné-je avant de raccrocher.
Richard Onouviet prend toujours des décisions qui mettent
les autres sur le fait accompli. Se permettre de prendre un billet sans l’avis
du principal concerné, sans même se rassurer de mon consentement, c’est tout à
fait lui. Il est vrai que trouver le boulot en ce moment à Libreville devient
de plus en plus compliqué mais il aurait au moins pu me consulter. La seule
chose de positive à laquelle je pense est que je pourrais discuter avec Alice
sur place. Il faut essayer de sauver les meubles de notre relation qui se
détériore de plus en plus. Nous avons dû mal à communiquer. Et nous nous disputons
sans cesse, à cause de sa curiosité, elle ne prend jamais pour argent comptant
ce qu’on lui dit. Son esprit doit d’abord tout analyser, évaluer les risques et
dangers potentiels, alors que je n’ai pas besoin de ça pour l’instant ! Je cherche
une solution pratique et pas des théories. C’est pourquoi j’ai opté pour le silence.
Maintenant que le sujet de nos disputes a été tranché par son père. Il n’y a
plus de raison que la relation reste tendue, une distance s’est créée entre nous,
je le ressens bien. Je ne veux pas non plus la perdre, je l’aime. Finalement, rentrer
à Libreville n’est peut-être pas une mauvaise idée.
Je me recouche en pensant que la première chose que je
ferais au réveil ce matin sera d’informer Alice de mon arrivée.
***
Alice MOUSSAVOU
La nuit a été plutôt difficile. Faire un choix, la veille s’est avéré
difficile. Je n’ai pu me décider à prendre une option et à laisser l’autre. Les
yeux enflés, je sors de mon lit et comme à mon habitude, je prends mon
téléphone posé au chevet et vérifie mes messages.
Quand je vois le nom d’Anthony s’afficher, je me demande
s’il s’agit d’un signe.
«
Je descends sur Libreville, j’ai un entretien pour un poste. On Pourra parler
de ce qui nous arrive en ce moment ? Je t’aime Alice ! »
C’est un signe. Il faut que je nous laisse le temps de
discuter et de peut-être repartir sur de bonnes bases.
Au
revoir Dr MASSALA, murmuré-je, le cœur triste.
Peut-être que si je l’avais connu plutôt et dans d’autres conditions……..
Je chasse ses pensées. Si je commence à entrer dans le jeu
des « si » je ne m’en sortirai pas. Je dois opter pour une solution pratique
afin d’oublier cette histoire. Je parcoure les contacts de mon téléphone et
quand je tombe sur celui de Stéphane, je le supprime. Au moins, je n’aurai pas
de moyen de l’appeler ou de l’écrire. Cet épisode restera un doux souvenir.
Avec un pincement au cœur, je me dirige vers la salle de
bain.
***
Lance Durand
Hésitant, je regarde le dossier classé secret, qui s’affiche
devant l’écran de mon ordinateur.
-
Dans quoi est-ce que je me fourre ? Je
clique ou je ne clique pas ? me demandé-je alors que l’icône va et vient
sur l’écran.
Une fois, ce dossier ouvert, il n’y aurait plus de retour
en arrière possible.