Le rendez vous

Write by EdnaYamba

     


Stéphane MASSALA

 

À cette heure, le five pizza de l’aéroport regorge de monde, l’odeur des pizzas faite au feu de bois titille les narines des clients qui patientent en discutant gaiement entre eux.

Assis dans un coin de l’établissement, je ne cesse de fixer l’entrée, en me demandant si Alice viendra. Il avait commandé un jus de fruit en l’attendant, son regard parcourait la pièce, c’était un peu trop bruyant, trop quelconque. J’aurais voulu l’emmener dans un cadre plus calme, plus sophistiqué, mais elle a elle-même choisi l’endroit quand je l’ai appelé, justifiant son choix, le cadre faisait amical. Amical, j’ignore si c’est ce que je veux avec elle, mais comme je ne souhaitais pas la faire fuir, et qu’elle a précisé que la seule chose, qui l’intéresse, c’était l’amitié, je ne vais pas refuser cette main tendue. Je me comporterai en ami, l’occasion pour moi d’apprécier si à cette beauté, on pouvait y ajouter de la conversation et de l’intelligence. J’ai toujours aimé les femmes intelligentes, le reste, je les trouve ennuyeuses et je prie fortement que cela ne s’applique pas à Alice.

Bientôt, elle apparaît à l’entrée, la chemise enfilée dans un jeans slim et ses Cheveux relevés en chignon haut, avec un sac en bandoulière. Sur son passage, quelques garçons relèvent la tête discrètement manquant d’attirer l’attention des filles avec qui ils étaient venus. Je me lève pour lui tirer la chaise, elle affiche un sourire éblouissant. Aussitôt, je pense à la difficulté que ça serait de taire combien elle me plait. La serveuse qui se rend compte que celle que j’attendais, est enfin arrivée, s’approche pour prendre nos commandes.

-         Ce sera une vosgienne pour moi, dit Alice

-         Tu n’as même pas regardé la carte,

-         Oh quand je reviens au Gabon, c’est la seule Pizza que je dévore, glousset-elle,  je n’ai pas l’occasion d’en manger là-bas, tu comprends ?

-         Oui, alors ça sera une vosgienne et une reine, ainsi que 2 cocas, dis-je à l’endroit de la serveuse qui note tout dans son calepin avant de s’éclipser. Donc si je comprends bien tu ne vis pas ici ?

-         Je suis là pour les vacances, je fais mes études au Ghana…

 

****

Alice MOUSSAVOU

Contrairement à ce que j’ai redouté après l’appel de Stéphane, la discussion est plutôt fluide, il n’y a pas de blanc. Nous nous parlons comme deux amis qui semblent s’être perdus de vue. Je me sens détendue, arrivant à bien gérer le stress que je ressens à discuter avec lui, en tête à tête.

Nous abordons plusieurs sujets, passant de la vie à l’étranger à la politique, et à nos vies personnelles.

-         Tu as donc déjà soutenu ta thèse en médecine ?

-         Oui, ça fait tout juste 2 ans que je suis généraliste. Actuellement, je me spécialise en endocrinologie et toi la gestion, comment ça se passe ?

-         Plutôt pas mal, même si savoir que la reprise est pour bientôt me décourage déjà.

-         Je sens déjà que tu vas me manquer. Y a vraiment pas moyen que tu apprennes ici ?

-         Avec toutes les grèves qu’il y a ici ? non je préfère rentrer et finir là-bas !

La mine dépitée que fait Stéphane m’amuse.

-         Tu as un beau sourire, de beaux yeux. Tu es tout simplement magnifique !

-         Merci Stéphane, tu cherches à me faire perdre la tête avec tous ces compliments…

-         Je ne dis que ce que je pense ! Alice, je ne sais pas si comme moi, tu ressens cette alchimie entre nous. C’est la première fois que ça m’arrive. Tomber amoureux au premier regard.

Tomber amoureux ? Un frisson me parcourt. Je baisse les yeux de peur qu’il ne voie mon trouble.  J’ai souvent lu des histoires sur le coup de foudre, je ne pensais pas que ça me surprendrait aussi.

Tout ce qui est en train de se passer n’est pas normal. Comme si nous avions tous les deux bu un philtre d’amour. J’en arrivais même à oublier Anthony. Si je pouvais, Je me liquéfierais devant son regard intense et plein de sens qui me pénètre mais il ne faut pas que je perde la raison et cède à mon cœur. C’est la raison qui dicte la loi.

-         Je vais peut-être te choquer mais je rêve là de t’embrasser, j’en ai vraiment envie.

-         Non, ne le fais pas s’il te plait, lui dis-je tout bas

-         Pourquoi ?

-         Parce que ce ne serait pas bien….

Mais dis-lui que tu es en couple, me crie ma petite voix intérieure.

-         ….. tu ne me connais même pas, et moi non plus d’ailleurs. Ce n’est pas raisonnable, ajouté-je sans prendre en compte les reproches de ma petite voix interne.

-         Tu me plais Alice, tu me plais vraiment beaucoup et mon intuition me dit que je ne me trompe pas sur toi !

-         Non Stéphane, s’il te plait !

-         D’accord, se résigne-t-il

La tension est palpable entre nous. C’est digne d’un scénario de film romantique d’Hollywood.

Dans le silence, nous continuons de manger nos Pizza toutes chaudes. Puis Stéphane change de sujet pour détendre l’atmosphère, pour mon plus grand bonheur.

Sur le chemin qui me ramène à la maison, nous commentons l’état des routes, parlons de la politique nationale, évitant d’évoquer à nouveau cette attirance qui nous rongea.

-         Bon ben bonne nuit, lui dit-elle, merci pour la pizza !

-         Bonne nuit Alice.

Je descends de la voiture en me précipitant vers le portail de la Grande maison.  Le portillon fermé, je sonne pour que Moussa notre gardien vienne ouvrir. Quand le portillon s’ouvre et que je veux entrer, j’entends Klaxonner.

Je me retourne et c’est Stéphane qui encore stationné, me lance :

-         Je me demandais si tu allais m’accorder un dernier regard avant de rentrer, bonne nuit Alice !

Je souris et le salue d’un geste de la main, avant de rentrer rapidement, le cœur emballé. Les signaux rouges sont allumés, Stéphane me bouleverse, il me trouble vraiment beaucoup. Le moteur de sa voiture qui démarre se fait entendre à l’extérieur signalant son départ. Je rentre dans la maison, où je trouve dans le grand salon, mes parents en train de discuter. Mais dès qu’ils me voient, ils se taisent.

Fronçant les sourcils, je m’avance vers eux. Je n’aime pas quand ils se font des messes basses, signe qu’ils cachent quelque chose… mais parfois je m’inquiète pour rien. Je les embrasse.

-         Mlle Moussavou, vous êtes belle dis-donc ! me complimente mon père

-         Merci… je le dois à ….moi même ! rigolé-je.

-         C’est ça ! fille ingrate, tu ne sais pas que pour que tu sois, il a fallu le spermatozoïde de ton père et mon ovule, réplique maman

-         Cette discussion n’est pas de mon âge, dis-je en fuyant, bisous à vous !

Je file dans la chambre, me changer avant de faire un tour dans celle de marina, qui se trouve juste à côté de la sienne.

Elle est allongée, les yeux levés vers le plafond, le regard perdu. Quand ma cousine est dans cette état, c’est pour s’évader un peu. J’ai appris à la connaitre depuis le temps qu’elle était venue vivre avec nous. Les temps ont été difficile après le décès de sa mère. Elle s’était renfermée sur elle-même. Perdre un parent était déjà assez difficile, le perdre dans des conditions particulières, comment le surmonter ? J’ai été affectée par le décès de ma tante, mais je n’imagine pas la douleur que peut ressentir Marina. Il me suffit d’imaginer penser qu’il s’agisse de l’un de mes parents pour chasser aussi vite que je le peux cette horrible pensée. Elle m’est insupportable. Quand Marina a été placée chez eux, elle ne parlait presque pas. Contente d’avoir une sœur à la maison, je ne me décourageais pas devant le mur de mutisme de cette dernière. Et ma détermination a servi à ce qu’au fil du temps ma cousine a pu s’ouvrir. Il lui arrivait tout de même  des moments d’isolement, de solitude que j’ai appris à respecter.

-         Coucou, dis-je en entrant.

-         Coucou, alors ta journée ? me dit Marina se tournant vers moi avec sourire

-         Plutôt pas mal, humm je peux te confier quelque chose…

-         Quoi ?

-         Je crois que j’ai eu le coup de foudre !

Marina éclate de rire.

Elle ne peut s’en empêcher comme à chaque fois que je lui raconte mes histoires aussi farfelues les unes que les autres. Elle estime qu’elles ressemblent à des histoires, tout droit sorties, d’un de ses films à l’eau de rose encore, qu’elle aimait regarder.

C’est comme ça qu’elle appelle tous les films romantiques, des films qui sont loin de refléter la réalité. Il n’était pas étonnant que je ne lui connaisse aucune véritable histoire d’amour pourtant je la considère comme ma voix de la raison pour les bons qu’elle prodigue.

Ping SMS.

La notification d’un message m’interrompt.

«  Déjà endormie ? »

« Non encore éveillée je discute avec ma sœur et toi ? »

« Allongé, je pense à toi ! Tu as une sœur ? »

« Oui »

« Aurais-je le privilège de la rencontrer un jour ? »

« Peut-être »

« Tu fais trop de mystères Alice mais t’inquiètes je suis plutôt tenace »

Il est plutôt tenace hein ! Bon à savoir, pensé-je!

Marina me regarde sourire avec mon téléphone. Il vaut mieux que je coupe déjà la conversation.

«  Bonne nuit Docteur, je crois que vous avez besoin de repos pour vous occuper de vos patients »

« Bonne nuit jolie patiente »

Je souris à nouveau.

Celui qui a dit que ‘’le coup de foudre un comme un coup qu’on reçoit dans l’estomac ‘’ ne s’est pas du tout trompé. Il faut que mes palpitations cessent, je ne désire pas être comme Amanda Pierce dans le film FOLLES DE LUI dont les jambes tremblent chaque fois qu’elle se trouve devant Jim Winston. Si la simple messagerie suffisait à m’émoustiller, je n’imaginais ce qui se passerait quand nous nous reverrons.

-         Je suppose que c’est le coup de foudre, dit marina me sortant de mon état d’extase.

-          Il s’appelle Stéphane, confié-je, laisse-moi te raconter !

Comme une adolescente, amoureuse pour la première fois, je raconte mon aventure à une Marina peu convaincue. L’expression de son visage ne dissimulait pas son manque d’enthousiaste pour mon histoire de coup de foudre.  Je sais que la voix de la raison me dira que je commets une erreur et j’ai besoin de l’entendre pour reprendre le contrôle de mes esprits.

-         Alice, dit Marina, un coup de foudre ça peut vite passer mais une histoire d’amour que tu as pris le temps de bâtir 2 ans tu veux tout bousiller ?

-         Il n’est pas question ici de bousiller quoi que ce soit, me plains-je.

-         Mais si tu continues sur cette lancée tu vas le faire,  Anthony et toi, traversez des problèmes mais si pendant cette période, tu ouvres la porte à quelqu’un d’autre, crois-moi, tu signes la fin de votre couple !

-         Mais Stéphane et moi…..

-         La nuit porte conseil Alice, réfléchis bien ! m’interrompit-elle

 (….)

Allongée en transversale sur mon grand lit, les pieds sur le mur, je tourne et retourne mon téléphone. Il est difficile de prendre une décision. Marina a réussi me faire douter. Continuer de converser avec Stéphane ou de le voir, c’est volontairement me pousser dans ses bras.  Mais je sais aussi qu’avec Anthony, notre relation est plutôt catastrophique. Je me retrouve face à un vrai dilemme, céder à mon coup de foudre et quitter une relation de 2 ans, ou alors me battre pour cette dernière et oublier que mon cœur bat pour le beau médecin ?

La dernière option semble la plus raisonnable. Mon séjour au pays ne durera que quelques mois, Stéphane ne risque-t-il pas de n’être qu’une aventure sans lendemain ? Cela en vaut-il vraiment la peine ? 

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