
Le malade
Write by Opale
Bonne fête d'indépendance à toutes mes lectrices béninoises.
***Steeve Gbané***
Un mois plus tard.
Dimanche
J'ai l'impression que mon cerveau va exploser à force de réfléchir. Je n'ai jamais trimer autant avant d'avoir une meuf. Les autres fois, vu que je ne ressentais rien pour ces dernières, du coup s'était assez gérable.
Mais là, c'est très insupportable car je me rends compte que je tombe amoureux un peu plus chaque jour. Le fait qu'elle soit indifférente à mes sentiments me rend malade.
Le prêtre(nous regardant) : Que le seigneur soit avec vous !
Les fidèles(en chœur) : et avec votre esprit !
Le prêtre : rendons grâce au Seigneur notre Dieu !
Les fidèles(en chœur): cela est juste et bon !
Je participe à cette homélie du prêtre sans être vraiment là. C'est sur invitation de Victoire que je suis ici. D'ordinaire, depuis ma venu, je passe mes dimanches avec les Davis. Avec Bradley, j'apprends les bases du christianisme.
Bref, quand le prêtre finit, il se fait remplacer par un homme sur l'estrade.
Victoire(chuchotant à mon oreille) : c'est Jérémie !
Mon cœur fait un raté dans ma poitrine pendant qu'une sourde douleur me s'imprègne dans tout mon corps. Depuis un mois que je lui cours après et toujours rien. Même pas un signe d'affection à mon égard pourtant elle rêvasse sur un autre mec.
Victoire(souriant) : tu vois comment il est beau ?
S'en était de trop pour moi. J'en avais trop entendu pour aujourd’hui. D'un bond, je me lève et je sors. Qu'elle reste avec son mec Jérémie. Je vais directement me poser dans ma voiture en m'octroyant quelques minutes de silence car ma tête cogne fort alors que mes oreilles sifflent.
Je sens que je suis malade. D'un geste rageux j'enlève ma cravate qui commence à m'étouffer. Puis j'enlève deux boutons pour être plus à l'aise. Je démarre la voiture et je part de là.
Heureusement que je pars dans deux semaines. C'est difficile à accepter mais je dois faire avec. Aimer sans être aimer en retour. Il faut que j'accepte que toutes les filles de la terre ne tombent pas sous mon charme. Et par conséquent toutes les femmes ne sont pas faites pour me courir après. Il faut croire qu'il y a certaines qui sont faite pour aimer les princes charmant et d'autres pour aimer les crapauds. Car oui, son Jérémie, il est moche comme un crapaud. En plus elle le trouve beau…gros n'importe quoi.
C'est un échec cuisant pour moi…un très gros échec. D'habitude se sont les meufs à faire rêver tous les hommes que je mets dans mon lit et il se trouve qu'aujourd'hui c'est une fille qui n'est même pas parmi les tops qui arrive à me faire descendre de mon piédestal. Ça fait mal ! Purée que j'ai mal !
C’est vrai que je ne lui ai pas dit le fameux « je t'aime » mais je pense lui avoir assez montrer qu'elle me plait énormément. Pour moi, les ‘’je t'aime'' sont assez sacré du coup, on ne les dit qu'à des moments assez spéciaux. Du genre à un mariage, à la naissance d'un enfant… Ou bien, penses-t ‘elle que ce n'est pas suffisant tous ces efforts que je fournis ? À cause d'elle, ça fait un mois et quelques semaine que je n'ai pas touché à une autre meuf…c’est énorme pour quelqu'un qui avait l'habitude de changer les filles comme des vêtements. C'est aussi difficile de mon côté car je me suis habitué à un certain rythme.
Ces dernière semaines, je n'ai pourtant pas arrêté de lui montrer à quel point je suis amoureux d'elle mais la meuf s'en fout pas mal. Elle ne crie que par son idiot de Jérémie. Peut être que c'est le karma qui me frappe en plein visage au vu des cœurs que j'ai brisé dans ma vie.
En chemin, je m'arrête à une pharmacie pour me prendre des paracétamols ainsi que d'autres médicaments pour la fièvre car je ne me sens franchement pas bien.
Moi(à l'auxiliaire) : bonjour, je veux des médicament pour le mal de tête et la fièvre.
L'auxiliaire(voix suave) : comment un aussi bel homme comme toi peut tomber malade ou bien c'est parce qu'il n'y a personne pour te réchauffer ?
Non mais quel culot ! Elle dit tout ceci en me regardant droit dans les yeux. En plus elle chuchote presque du coup personne d'autre que moi ne pouvait l'entendre.
Moi(sec) : je veux des paracétamols.
Voyant mes traits durci, elle va faire ceux pourquoi elle est payé. Elle me sert et je passe à la caisse payer ma facture. Je sors sans rien lui dire. À d'autres, n'importe quoi. J'ai d'autres chars à fouetter moi ! De là je pars sans jamais m'arrêter jusqu’à chez moi.
Arrivé à la maison, je trouve ma cousine Ilda en train de mater un film d'action. Elle est venue me rendre visite hier.
Moi(entrant dans le séjour) : salut !
Ilda(croisant mon regard) : bonjour, c'est moi où tu m'as l'aire pâle ? T'es sure que tour va bien ?
Moi(la regardant) : c'est juste une migraine t'inquiètes. J'ai pris des médicaments à la pharmacie en venant(prenant place dans le fauteuil) apportes moi un verre d'eau stp.
Elle s'exécute. Je prends mes cachets et je monte me coucher. Je me sens mal.
Dans le lit, je me tourne et me retourne. Impossible de trouver le sommeil. Et mon esprit qui me joue des toures à me faire pleins de films dans la tête. Je prends mon téléphone pour vérifier si elle m'a laissé un message ou si elle a essayé de me joindre.
Moi(les yeux ronds) : aucun appel, aucun message. Rien.
Ne trouvant pas le sommeil, je sors carrément du lit pour aller me débarbouiller. Je me fais tout beau et je sors de la pièce.
Ilda(me regardant) : tu sors ? J'ai terminé la cuisine.
Moi : manges, je reviens.
Ilda : ok.
Je sors m'aéré l'esprit en marchant un peu car je me fait sérieusement chier. J'ai tout à coup cette impression que je suis inutile. C'est peut être exagéré mais c'est l'impression que j'ai. La voiture reste à la maison. Pas envie de cogner quelqu'un en conduisant dans cet état.
Après tente minutes de marche, je me pose quelque part pour prendre un verre. Je commande du whisky. C'est fort mais c'est ce dont j'ai besoin actuellement. Je pars m'assoir dans le fond de la salle et de siroter mon verre tranquillement.
Une fille(me regardant) : salut, je peux m'assoir avec vous ?
Moi(prenant une gorgée de mon verre) : allez y.
Elle (se ventilant avec ses mains) : olaaaaa ! Il fait chaud par ici !
Moi(la regardant) : oui c'est ainsi, c'est la côte d'ivoire.
Elle(me fixant) : Nice ou Marseille ?
Moi : Paris !
Elle : ah d'accord, moi c'est Ariane et vous ?
Moi(la fixant) : Mr. Gbané
Elle : et Mr. Gbané a un prénom ?
Moi : C'est Mr. Gbané.
Elle (grimaçant) : ok. En faite je suis venue pour les vacances et je m'ennuie à mourir.
Moi(pouffant) : vous vous ennuyez ici à Abidjan ? Sérieusement ? Avec tous les night club et lieux lucratifs qui existent ici ? Pour exemple il y a Life Star Abidjan, Las Vegas Night Club, BBR entendez par là (Boulay Beach Ressort), Majestic Ivoire et là encore je ne parle pas de Yopougon ou de Marcory…
Elle : mais je ne connais pas tous ces endroits !
Moi(buvant le fond de mon verre) : bah demandez à une personne de votre entourage de vous y accompagner. Parce qu'Abidjan, on ne peux s'ennuyer. Impossible.
Elle(caressant ma main) : enfaite…je veux bien tenter l'expérience avec vous…
Moi(me levant) : bah cherchez d'autres personnes, bref c'était moi.
Je vais au comptoir payer ma facture sans jamais tourner le regard vers elle. Après quoi je prends la porte. Si s'était trois mois en arrière, il y a longtemps que je me la serait faite. Et sans bruit. Bref, je continue mon chemin.
PAM PAM !!! PAM PAM !!!
Quand je veux décaler sur le côté, cette voiture vient en vitesse et menace presque de me cogner en m'éclaboussant au passage.
Moi(hurlant ma frustration) : tu l'as eu où ton permis ? Venir éclabousser les honnêtes citoyens de ce pays ? Fais chier !
N'importe quoi ! Et voilà que je commence à parler comme l'autre.
Un homme(derrière moi) : eh mon frère pardon, faut laisser pour toi à Dieu ! Faut pas chier pardon ! Si tu chies ici là, ça ne va pas nous arranger !
Moi(désabusé) : qu'est-ce que vous racontez ?
Le Monsieur(l'aire sérieux) : ah comme tu dis que tu envie de chier là, c’est pourquoi. Parce que souvent, moi même ça me prend d'avoir envie d'aller aux toilettes quand je suis énervé. Toi-même faut voir, ici c’est la rue. Faut attendre quand tu seras à la maison, tu vas te mettre à l'aise. Parce qu'ici c'est pour toute la population. C'est pas joli de déféquer dans la rue.
Qu'est-ce qu'il raconte lui ? Je ne lui réponds rien. Il vient de m'énerver encore plus. Penser que je vais déféquer dans la rue. Faut y croire. Je prends toute ma mauvaise humeur et mon mal de crâne pour rentrer. Je trouve Ilda toujours dans la même posture en train de mater son même film ridicule.
Ilda(me regardant) : tu as eu quoi avec tes vêtements ? Ils sont tout sales !
Moi(soupirant) : je me suis fait éclabousser par une voiture en venant. Je vais me changer, je reviens.
Ilda : tu veux que je réchauffe ton plat ?
Moi (montant les escaliers) : oui stp !
Je vais changer de vêtement puis je la rejoins au séjour en allant prendre place à table. Elle vient disposer les derniers couvercles puis je me sers une petite portion de riz blanc avec un peu de sauce.
Ilda(me regardant) : tu es sure que ça suffira ?
Moi : oui, j'ai pas très faim.
Ilda(allant s'assoir) : ok, si tu le dis !
Je fais un effort pour finir mon assiette.
Ilda(me regardant) : je vais partir tout à l'heure à 17h, il y a mon chéri qui a besoin de moi.
Cette petite m'étonne, elle connait quoi à l'amour ?
Moi(arquant un sourcil) : t’es sure qu’il t'aime ton mec ? Il te dit souvent qu'il t'aime ? Je veux dire…euh…il est sincère dans ses gestes avec toi ?
Ilda(me souriant) : oui, il me dit les je t'aime souvent. Mais il est plus expressif avec les actes du coup, cela nous réussit bien. Cette relation, ça va faire trois ans que je la vis et et tout va pour le mieux.
Moi(la regardant) : tante est au courant ?
Ilda(amusée) : bien évidemment que oui !
Moi : ok, si tu es heureuse c'est l'essentiel. Bah là, je ne pourrai pas t'accompagner (me fouillant les poches) tiens prends ça pour ton transport.
Elle prend les billets en sautillant joyeusement.
Ilda(le rire dans la voix) : eeeeh mon couz…couzo….couzo, il n'y a pas deux couz !
Moi(amusé) : tu aimes bien le fric on dirait ?
Ilda(ton enjoué) : comme toutes les femmes d'ailleurs.
Moi : rectificatifs, certaines femmes aiment l'argent et d'autres pas. Il y a en même qui s'en foutent du statut apparemment.
Ilda : s’il en existe alors je te conseille de la marier car de nos jours c'est le cash qui compte.
Moi : Si seulement s'était aussi simple…hmmm….pas toutes en tout cas ! Bref, stp fermes bien les portes avant de t'en aller. Bien de chose à tante et à ton type !
Ilda : sans faute !
Je vais prendre une douche et d’enfiler un caleçon. La climatisation à fond. Je me glisse sous les draps enfin. J'éteins tout et je m'endore ensuite.
De 17h qu'il était c'est à 22h que je me réveille. Je vérifies encore mon téléphone et toujours rien.
Moi(pestant) : ça commence à bien lady boss, ça commence sérieusement à bien faire !
Deux jours plus tard.
Depuis dimanche que je suis enfermé chez moi et toujours rien. Elle ne me cherche même pas. En tant que son ami, elle peut au moins me chercher pour savoir comment je vais. Je suis à deux doigts de l'explosion du cerveau à force de trop y penser et de trop y réfléchir. Et mon cœur qui ne cesse de me faire mal.
*** Victoire Sea***
Le dimanche
Moi(à son oreille) : tu vois comment il est beau ?
Je sais que je l'ai piqué au vif car les traits de son visage ont changé. Il reste stoïque à observer le responsable Jérémie pendant un moment sans rien dire. J'imagine qu'il se contient pour ne pas exploser.
Puis l'instant d'après, la réponse à ce stimuli arrive. D'un bond, il sort de l'église. Il me fait tellement rire. Quand je sors à mon toure pour essayer de le rattraper, monsieur sortait en trombe de l'enceinte de l'église avec son véhicule. Et le monsieur qui se croyait tombeur(rire).
Je repars m'assoir terminer la messe. Celle-ci terminée, nous prenons le chemin de la maison maman et moi.
Mama(me regardant) : où est donc passé ton ami ?
Moi(amusée) : parti, il a eu une urgence !
Maman : hmmm…ma fille ce jeune est bien !
Moi(distraite) : hmmm…
Moi(continuant) : il t'aime bien et toi aussi tu ne lui aies pas indifférent.
Moi(faisant genre) : qu'est-ce que tu raconte maman ! Tu te fais des idées !
Maman(d'un ton sérieux) : on apprend pas à un vieux singe à faire des grimaces. Je suis ta mère et je te connais. Avec tes yeux qui scintillent comme le derrière d'une luciole, tu ne pourras pas te cacher bien longtemps mon enfant(changeant de sujet) bref, saches qu'il y a ton oncle Alphonse qui m'a appelé ce matin très tôt. Il dit que maman Simone est paralysée.
Moi(choquée) : quoi ?
Maman(continuant) : je te dis mon enfant, maman Simone avec qui j'étais dernièrement au village et qui était bien portante a fait une crise et elle est paralysée. Ma fille, même moi qui suis ta mère je ne comprends pas.
Moi(perdant mes mots) : wow !
Maman : tout ce que je peux te dire c’est qu'il faut rendre gloire à Dieu et en tout temps. Car c'est lui qui nous délivre de nos ennemies. Notre Dieu est redoutable dans l'Assemblée des Saints et nul ne peut tenir devant sa puissance.
Moi(toute secouée) : amen !
C'est en restant sous le choc que nous arrivons à la maison. Apparemment cette journée est faite de surprise. Je tique quand je vois cette dame arrêtée devant notre portail. Cheveux en batail, mine attristée et fatiguée. C'est ma première fois de voir cette femme si coquette dans une apparence aussi négligée. Mais qu’est-ce qu’elle vient chercher chez nous ?
Larissa (honteuse) : bonjour Mélanie.
Maman : qu’est-ce que tu me veux ?
Larissa(la voix tremblante) : il est mal en point, il souffre.
Maman(désintéressée) : ah mais envoie le à l'hôpital ou bien tu as encore besoin de mon autorisation pour le faire.
Larissa : nous revenons de l'hôpital et c'est compliqué. Il a demandé à vous voir c'est pourquoi je suis là.
Maman (arquant un sourcil) : c'est curieux ça ! Depuis quand il demande à me voir ?
Larissa (suppliante) : pardon Mélanie, je t'en prie. Il a besoin de toi…
Maman la dépasse et rentre dans la cours
Larissa (me regardant) : pardon ma fille demande pardon à ta mère, il a besoin de vous. Il reste ton père malgré tout.
Moi(la fixant sévèrement) : plus jamais tu ne vas dire que ce monsieur est mon père. Il reste et demeure mon géniteur pas mon père.
Larissa (voix suppliante) : pardon ma fille…pardon…
Je la laisse et je rejoins ma mère à l'intérieur.
Moi : maman stp allons le voir. Juste pour écouter ce qu'il a à nous dire.
Maman(surprise) : toi aussi tu t'y mets ? Après toutes ces années ?
Moi : tu ne le fais pas pour lui ni pour elle mais pour le Dieu que tu adores.
Elle me regarde intensément pendant deux secondes.
Maman(déposant sa bible) : attends moi là, je reviens.
Elle rentre dans la chambre déposer son sac et reviens. Ensemble nous rejoignons Larissa puis nous mettons en chemin pour le domicile de mon géniteur à Yopougon. Nous empruntons un compteur au frais de Larissa bien sure.
Je dis géniteur car c'est bien ce rôle qu'il a joué dans ma vie jusqu’ici…du peu que je sache, il a marié maman à la coutume et il vivait avec elle en concubinage avec mon ainé Moïse. Maman dit que dans les débuts il découchait soit pendant deux ou trois mois. Sans rien laisser à la maison comme sous pour faire les dépenses. C'était difficile pour elle car elle avait une santé fragile en début de grossesse, ça en faisait trop. N'empêche qu'elle avait espoir qu'il changerait un jour.
C’était une illusion car au fur et à mesure que le temps passait, les choses s'empiraient. Entre l'angoisses, les disputes et les complications de grossesse qui dégradaient de plus en plus sa santé, elle ne savait pas où donner de la tête. Il était absent tout le long des neufs de la grossesse.
Elle a failli perdre la vie en couche parce qu'elle ne s'est pas faite suivre correctement par manque de moyen. Et c'est avec ses maigres économies qu'elle a payé les frais d'hôpitaux car Mr Sea était en caval dans la ville avec sa maitresse Larissa.
Cela devenait difficile à gérer parce qu'en plus d'avoir un nouveau né sous les bras, Moïse se faisait renvoyer de l'école fréquemment pour faute de scolarité impayé.
Et un soir après avoir passé près de 10 mois dehors, Mr Sea rentrait à la maison. Elle était en colère certes mais soulagée car son homme était enfin là. Elle a donc commencé à lui exposer les difficultés auxquels elle était confrontée en son absence.
Et c'est là, qu'il lui lança au visage qu'il s'en allait parce que ce sont ses enfants et elle qui lui pourrissait la vie. Il rangea donc ses vêtements à la hâte et s'en alla. La laissant ainsi avec un nouveau né et un garçon de 7 ans.
Quelques semaines plus tard, elle apprenait qu'il se mariait à la mairie de Yopougon avec Larissa. Un mariage pompeux. C'était affreux, j'ai vécu l'horreur et la honte mon enfant m'a-t-elle une fois dit.
Mais la réalité était brutale et frappante. Elle venait de se faire abandonner par son mari. Jusque là, elle avait toujours espoir qu'il reviendrait à la maison mais hélas, il fallait qu'elle se fasse une raison.
Elle était désormais le père et la mère de mon frère et moi. Il a fallu qu'elle se batte pour nous. Et c'est ce que qu'elle a fait durant ces trente dernières années. Après donc le départ de Mr Sea Theodore et avec les arriérés de loyer accumulés, elle a dût quitter la maison et le quartier pour un autre. Les conditions de vie devaient donc changer. Elle a donc rétrogradé.
Avec les petits commerces et petits boulots accumulés ça et là, elle s'est occupé de nous sans jamais que cet homme ne cherche à nous revoir. Par manque de moyen mon ainé a quitté les bancs en allant apprendre un métier. Aujourd'hui il est menuisier.
Mais toutes son énergie, c'est sur moi qu'elle l'a mise. Heureusement que j'avais une facilité d'apprendre à l'école. Elle m'a suivi de près afin que j'arrive loin dans les études. J'ai toujours eu une aisance avec les calculs. C'est donc sans ciller que j'ai choisi la filière math-info après mon bac à l'université Felix Houphouët Boigny de Cocody. Le chemin était périlleux certes mais aujourd'hui je suis fière de l'avoir honoré avec un Master 2 en informatique. Ce monsieur, il m'est complètement étranger. Je n'ai jamais eu de figure paternel et je ne veut pas en avoir. Ma mère me suffit largement. Il est professeur à l'Université en lettre moderne et pourtant.
Bref, quand on arrive dans leurs quartier, Yopougon Maroc je tique car de toute ma vie je n'ai jamais mis les pieds chez eux. Nous entrons dans une villa fermée. Quand nous y sommes, je constate que contrairement à nous, ils vivent dans de meilleures conditions et de loin. La vie est tellement bizarre.
Le voir couché dans ce amac fait remonter trop de souvenir douloureux en moi. Je constate juste que n'ai pas de père bien qu'il soit vivant.
Larissa(à ses filles) : envoyez des chaises pour les dames.
Les deux jeunes filles qui doivent avoisiner en 27 pour la plus grande et 25 pour la plus petite bondissent de leurs chaises et exécutent les ordres de leur mère. La plus grande a deux ans de moins que moi.
Theodore(se tordant de douleur) : j'ai mal oh ! Ma poitrine ! Ma poitrine !
Larissa (le calmant) : pardon ! Calme toi…stp ne fait pas de geste brusque. Mélanie est là…je suis allée la chercher comme tu me l'a demandé…Victoire aussi est présente.
Pendant qu'elle calme son mari, les deux jeunes filles nous envoient des chaises sur lesquelles nous prenons place. Elles nous saluent puis elles s'éclipsent.
Theodore (faiblement) : bonjour Mélanie…comment vas-tu ?
Maman (zen) : je vais bien mais cette question je pense que c'est à toi qu'on devrait la poser.
Theodore (voix frêle) : oui, ce n'est pas la grande forme chez moi mais ça va. Merci d'avoir répondu présente à mon appel.
Maman(direct) : si tu nous as fait venir ici, c'est bien pour nous dire quelque chose. Alors nous t'écoutons.
Il se racle la gorge puis il se lance.
Theodore(le regard lointain) : je t'ai en effet fait appelle pour te demander pardon, pardon maman…pardon Lanie….pardon. Je suis inexcusable et je n'ai pas de mots fasse à mon absence de ces trente dernières années. Je sais que ta blessure est profonde et que mes mots n'y changeront rien mais je tiens quand même à le dire. Pardon. Je ne cherche pas à me dédouaner de mes erreurs mais pardonnes moi.
Maman(le fixant) : pourquoi maintenant ? Pourquoi aujourd’hui précisément ? Pourquoi Theodore ?
Theodore : tu as raison (me regardant) Victoire, te souviens-tu de cette nuit où tu m'a appelé en pleurant à chaude larme ? Et beh, trois jours plus tard, j'ai sentis un déclic. Comme si un voile noir quittait sur mes yeux. Je me suis alors souvenu de vous au point de faire une crise car pour moi cette vie que je mène de nombreuse années, cette famille n'était pas la mienne. Ça va vous paraitre invraisemblable mais c'est vrai. Je me suis retrouvé dans une désillusion totale comme si tout ce que j'ai vécu jusqu'ici n'avaient jamais existé.
Larissa(la mine attachée) :….
Theodore (sur sa lancée) : je suis désolé encore une fois maman. Pardonnes moi (Me regardant) à toi aussi Victoire, je te demande pardon. Depuis ta naissance, je te suis étranger et c'est tout naturel que tu ne veuilles pas me voir. Aujourd’hui tu es devenue une très belle jeune femme et quand je te regarde, je me rends compte à quel point j'ai été cruel.
Moi : qu'à dis le médecin ?
Larissa : à cause de l'alcool qu'il consomme, le médecin dit que s'il ne fait pas attention, il risque de détruire ses reins(le regardant) c'est pour inventer toutes ces histoires que tu les as fait venir ?
Theodore(insistant) : je n'invente rien(toussant) je me rappelle que je suis rentré un soir et dès que je me suis assis sur la chaise, j'ai sentis véritablement un voile tomber….(toussant de plus belle) je ne sais pas comment me l'expliquer mais c'est comme si je revenais tout à coup à moi-même. Et dès cet instant j'ai regretté amèrement d'avoir abandonné ma femme et mes enfants. Chose dont je n'avais pas conscience depuis tout ce temps.
Maman (calme) : tu es parti en me laissant sans rien et avec deux enfants sous les bras pensant que j'allais pas survivre. Si aujourd’hui mes enfants et moi sommes encore en vie c'est bien parce qu'il y a un bon Dieu la haut qui a pris soin de nous et qui continue de prendre soin de nous. Mes enfants font ma fierté aujourd’hui. Et c'est tout ce que j'espérais. Je laisse pour moi à Dieu Theodore, c'est tout ce que je peux te dire (me regardant) Victoire, on s'en va.
Comme des automates, nous nous levons et sortons de cette maison. Qu’est-ce que je pense de tout ça ? Et bah, je n'ai pas de mots. Comment réagir face à un homme qui a été absent de ta vie ? Cet homme, je me rappelle l'avoir idéaliser en le mettant sur un certain piédestal à un moment de ma vie où j’avais besoin de quelqu'un qui puisse me guider et me protéger. J'en ai pas trouvé. Il m'est si étranger que même son nom Sea que je porte, je ne ressens aucune fierté à le porter.
Jusqu'ici maman n'a pas encore pipé mot. J'imagine comment elle doit se sentir. Se faire abandonner du jour au lendemain par son homme et 30 plus tard être face à ceci…en mon sens c'est presqu'illusoire.
Quand nous arrivons à la maison, c'est Moïse qui nous accueille.
Maman(souriant) : il y a longtemps que tu es là ?
Moïse (souriant) : non, je viens à peine d'arriver(à moi) ça va toi ?
Moi(souriante) : oui et chez toi ?
Moïse : tranquille ! Si non vous avez fini l’église très tard ! Et moi qui voulais manger votre riz.
Maman (entrant dans la maison) : c'est à cause de tout ça que je te demande de prendre une femme. Tu ne me comprends pas.
Moïse (levant les yeux) : maman !
Je pouffe de rire parce que je sais qu'elle ne va pas s'arrêter là. Nous rentrons à l'intérieur puis je me met aux fourneaux. Je fais quelque chose de rapide parce que l'estomac réclame ses droits. Nous passons toutes l'après midi ensemble puis il rentre après le diner du soir. On ne manque pas de lui dire ce qui s'est passé avec Mr Sea. Pour lui c'est un non lieu. De nous deux, c'est le plus radicale. Car, il a plus vécu les évènements que moi.
Maman(me regardant) : depuis que nous avons quitté chez Theodore, il y a un truc qui me taraude l'esprit.
Moi : quel truc maman ?
Maman : il a dit qu'il a eu le déclic trois jours après que tu l'es appelé…
Moi : et ?
Maman : je me souviens que c'est au troisième jours de mon hospitalisation que le prophète Davis est venu prier pour moi à l’hôpital et c'est en ce moment qu'il m'a demandé de demander pardon à maman Simone, ce que j'ai fais. Et tout à l'heure Theodore disait que c'est trois jours après que tu l'ai appelé qu'il a senti un voile tomber. Et quand je fait le rapprochement des évènements, il a un lien.
Je comprends direct la coïncidence.
Moi : Les choses de Dieu, il ne cessera jamais de nous surprendre.
Maman (allant se coucher) : jamais…
Je dors un peu tard car je traite un dossier avant de me mettre au lit. Puis le lundi et le mardi, j'ai pas eu une seule minute à moi. Car mes journées étaient longues et chargées. Je rentrais claquée et fatiguée les soirs. À cause de l'absence de Diane au bureau, le travail me pèse.
Du coup, j'ai pas pût appeler Steeve.
Mercredi.
Aujourd’hui, contrairement aux deux premiers jours, je suis descendue tôt. J’ai donc j'ai décidé de passer chez Steeve. Quand j'arrive, je tombe sur la dame de ménage.
Moi(polie) : bonsoir madame ! Je voudrais voir Mr. Gbané.
La dame : bonsoir, entrez et prenez place. C'est de la part de ?
Moi (souriante) : dites Victoire.
La dame : je vais le prévenir.
Moi(allant m'installer) : ok
Elle me reviens quelques minutes plus tard.
La dame : un instant, il arrive. En attendant, je vous sers quelque chose à boire ?
Moi(souriante) : non merci, ça va !
Pendant qu'elle prend la route de la cuisine, son patron descend les escaliers vertu d'un bermuda et un t-shirt. Il a une petite mine. N'empêche qu'il darde un regard appuyé sur moi comme à son habitude.
Steeve(prenant place dans le canapé) : bonsoir !
Moi(souriante) : salut ! Tu m'as l'aire pâle ! Ça va ?
Steeve : wep, j'ai une migraine depuis un certains temps.
Moi (arquant les sourcils) : et tu n'as pas pensé à m'appeler pour que je passe te saluer ?
Steeve(direct et haussant un peu le ton) : parce que je dois t'appeler d'abord pour que tu passes me voir ?
Moi(le regardant) : attends, non seulement tu me laisse en pleine messe alors que ma mère étais avec moi et tu te plains du faite que je ne soit pas passé te voir ? Ecoutes, c'est vrai que je suis chez toi mais baisses d'un ton et ne me cries pas la dessus stp.
Steeve (les yeux ronds) : et voilà que madame monte sur ses grands chevaux.
Moi(le fixant) : ce n'est pas une question de chevaux mais de bon sens.
Steeve (m'en gueulant) : et tu trouves normal de ne pas prendre de mes nouvelles depuis tout ce temps ? Pas d'appels, pas de messages, rien.
Moi (d'un ton innocent) : toi aussi tu aurais pût me passer ces appels non ! Bon laisses tomber (amusée) tout comptes fait, je suis venue te voir. Viens t'assoir près de moi…eeeeeh ! Regardes comment tu as maigri ! Je suis sure que c'est le palu.
Steeve( agacé) : regarde Victoire, ne me provoques surtout pas. Tu mets mes nerfs à bout.
Moi(innocemment) : mais qu’est-ce que j'ai fait ?
Steeve(se levant) : en faite tu joues avec moi. Tu sais très bien que j'ai le béguin pour toi et tu es en train de jouer avec mes nerfs.
Moi (feignant de ne rien comprendre) : béguin ? béguin c'est quoi encore ? Ah Steeve tu me fatigue avec ton gros français pardon viens t'assoir !
Steeve (sur la même lancée) : depuis un certain temps, tu sais très bien que je ressens pour toi mais tu en joues en faisant exprès.
Moi(zen) : ah mais tu as dis de ne pas me faire des idées donc je ne me fais pas d'idées. C'est vrai que je vois des trucs mais je ne m'imagine rien. Et de ce que je vois, tu ne sais pas t'y prendre pour parler de tes sentiments. En même temps avec moi, c'est les paroles et les mots qui marchent. Ce n'est pas à moi de lire ou d'imaginer ce que tu ressens. Tu m'aimes, tu t'assois et on en parle clairement. Ce n'est pas à moi de deviner quoi que ce soit. Ah là non ! non ! et non ! grand frère avec tout le respect que je te dois, je ne suis pas d'accord.
Il se rassoit enfin en étant tout nerveux. J'ai envie d'éclater de rire.
Steeve (me fixant) : bon ok, tu veux la vérité ? La voici. Tu comptes beaucoup pour moi. J'aime ta présence, ton sourire, ta simplicité. Tout de toi me plait. Ta franchise….je me sens bien avec toi Victoire. Tu es la meilleure chose qui me soit arrivée depuis très longtemps. Et j'ai franchement envie que tu me donnes une chance de te prouver à quel point je tiens à toi. Tu peux prendre ton temps pour y réfléchir, il n'y a pas de soucis. Mais je voulais être franc avec toi.
Ses mots sont tellement profonds et sincère que j'ai l'impression d'être en face d'un autre homme.
Moi(petit sourire) : d'accord, merci de m'aimer. Je vais comme tu l'as dit essayer d'y voir plus claire et je te reviendrai ensuite.
Tout de suite nous changeons de sujet.
Moi : depuis quand ça ne va pas ?
Steeve : depuis dimanche.
Moi : t'as au moins pris des cachets ?
Steeve : oui…
Moi : c'est surement la fatigue, essaies de te reposer. Je vais te laisser pour que tu reposes…
Steeve (me retenant par la main) : euh non…restes encore un peu stp !
Il fait signe à la dame de ménage pour qu'elle apporte à manger.
La dame : tout de suite monsieur.
Moi(le regardant) : c’est maintenant que tu manges ?
Steeve : j'avais pas trop l'appétit.
Moi : ok.
La dame envoie la nourriture et tout ce qu'il faut sur le guéridon du séjour.
Steeve (me regardant) : tu manges avec moi ?
Moi : oui comme tu insiste.
Steeve (amusé) : j'ai insisté où, mangeuse !
Nous éclatons de rire. En de temps qu’il le faut, il reprend des couleurs. Sa bonne humeur est revenue. Nous passons ce moment à rigoler et à se moquer de l'un et l'autre puis je rentre à la maison. Il a voulu m'accompagné mais je lui ai dit de rester se reposer à cause de sa santé.