Le rendez-vous
Write by Farida IB
Chap 83 : le rendez-vous.
Nahia…
Voix d’Amou : toc toc ici (entrant) tu pleures ? Rhoo Nahia qu’est-ce que tu nous fais là ?
Elle me rejoint et s’assoit sur le lit. Je suis dans la chambre de Nabil chez les parents où je me suis réfugiée depuis près de dix minutes. Après la déclaration de Khalil, c’est le seul réflexe que j’ai eu.
Amou : mais tu pleures pourquoi ?
Moi : je n’arrive pas à croire que c’est en train d’arriver.
Amou : lol je te comprends ma chérie, mais ce n’est pas la réaction à laquelle s’attendait ton chéri. Le pauvre est dans la confusion totale.
Moi me redressant brusquement : euh il est où ?
Amou : toujours au salon avec ses parents, c’est toi qu’on attend pour lancer les festivités.
Ma tante entre en ce moment avec Awa.
Tante Mimi : tu l’as retrouvé ? (grondant) Jeune fille, j’espère que tu ne veux pas nous faire un faux bond là ?
Je secoue vigoureusement la tête en essuyant mes larmes.
Moi : non non.
Tante Mimi : alors pourquoi tu es partie ?
Awa : ne la blâmez pas maman, j’aurais fait de même sur le coup de l’émotion.
Tante Mimi : je l’espère vraiment pour elle, qu'elle nous épargne la disgrâce surtout en présence de son beau père.
Amou : ah ça, vous ne l’avez pas raté !
Tante Mimi : ce n’était que l’échauffement, on les attend pour la dot. Ma fille n’est même pas à cent millions près !
Awa : autant que ça ?
Tante Mimi avec vigueur : oui ma fille n'est pas n'importe qui non plus ! (faisant un geste d'ensemble) Les enfants de cette famille ne sont pas n’importe qui. Son fils aura tout gagné s’il l’épouse, non seulement elle a reçu une bonne éducation, mais c’est l’eau douce de Tchamba qui a coulé dans ses entrailles à sa naissance. Qu’il demande bien au décoloré (Liam) comment il s’est retrouvé avec dix gosses bien compté. Le beau fils même a déjà confirmé le code. Voilà pourquoi depuis trois ans, il est kpin (calé) malgré la maternité.
Elle le dit en tapant sa hanche, Amou et Awa éclate de rire. Je secoue la tête outrée.
Moi : il n’a rien confirmé du tout, du moins pas encore !
Tante Mimi : tu veux dire que depuis là il n’a pas traversé la rivière ?
Moi amusée : c’est ce que j’étais en train de dire tantine.
Tante Mimi : tcchhhrrr oloshiii oloroubroukou (injure en Yorouba) et tu es même contente, tantine gninin kplinfin.
Moi : oh ?
Tante Mimi : oh de quoi ? Donc tout ce temps qu’on se plaignait pour toi là, c’était toi-même ton sorcier ? Si tu m’avais managé le type comme il le faut, il aurait décroché son père de son piédestal il y a longtemps !
J’ouvre seulement la bouche débitée.
Tante Mimi hors d’elle : non mais tous les conseils, toutes les astuces que je me tue à vous donner, c’est pour faire joli tu penses ?
Amou : ça ne marche pas comme ça chez eux.
Tante Mimi (lui lançant un regard dédaigneux) : à t’attendre toi-même, tu n’es pas convaincue de ce que tu dis.
Awa (se retenant de rire) : maman il faut qu’on y aille maintenant, ils doivent s'inquiéter.
Tante Mimi me toisant : en tout cas, je n’en ai pas fini avec toi. Il faut me revoir ce maquillage. Où est Ridath (sa fille cadette) ? Qu’on vienne lui retoucher son maquillage !
J’attends qu’elles ressortent toutes les trois pour pousser un ouf de soulagement, ma tante dans toute sa splendeur. Et puisque les chiens ne font pas des chats, elle passe le relais à ses filles.
Aïda : donc toi, on t’offre la bague de la décennie, tu te défiles ?
Ridath : ieeesshh moi la fille d’Amira quoi (se tapant les deux mains jointes) j’allais m’éterniser sur ses lèvres son Répé même allait wanda.
J’éclate de rire devant l’expression de son visage.
Moi : pardon arrête de suivre ton Camerounais là et occupe-toi de me maquiller. Il faut que j’y retourne.
Ridath : il fallait seulement rester ici.
Elle ouvre la trousse et prend de quoi elle aura besoin et s’y met ensuite.
Ridath : tu sais quand même que c’est un bel homme ? Absolument beau comme un Dieu.
Moi (faisant genre) : ouais, il n’est pas trop mal.
Aïda ton scandalisé : pas trop mal, tu déconnes ? Je mourrai pour un homme pareil.
Moi : lol tu es même sérieuse ?
Elle fait oui de la tête.
Ridath : moi, je voudrais bien être son assassin. Genre tous les matins, je le tue et je le ressuscite ensuite. Tu vois le genre ?
Moi riant doucement : je vois très bien Ridath.
Aïda : quoiqu'il en soit tu vas là-bas pour nous représenter. Tu seras non seulement le porte-flambeau de notre famille, mais également de tout un village voir toute une nation donc je te fais confiance pour porter haut et fort les couleurs de cette nation.
Moi dépassée : bah voyons Aïda...
Ridath me coupant net : promets-nous juste que tu n’iras pas faire la zozote là-bas.
Moi (levant la main droite narquoise) : je le jure.
On éclate de rire ensemble, c’est la voix de ma mère depuis le couloir qui nous oblige à rappliquer. Nous la croisons en sortant de la chambre.
Ma’a : mais qu’est-ce que vous faites encore ici ? On vous attend tous.
Ridath : on lui donnait deux ou trois conseils de grande sœur.
Ma’a (lui jetant un coup d’œil) : vous nous serez plus utiles à la cuisine.
Elles acquiescent et se dirigent toutes les deux en direction des escaliers. Nous marchons en silence jusqu’au palier lorsqu’elle m’arrête et se met face à moi.
Ma’a : c’est inédit, tu vas enfin te marier avec l’Arabe.
Moi avec réserve : en effet.
Ma’a (au bout d’un moment) : je tiens à ce que tu saches que je n’ai rien contre lui. Au fond, je sais que c’est un homme bien (posant une main sur la mienne) tout ce que je voulais, c’est ton bien. Vous n’êtes que deux et je ne voudrais pas qu’il t’arrive quoi que ce soit.
Moi : je le sais ma’a, il ne m’arrivera rien.
Ma’a : par la volonté d’Allah.
Moi : amine yarabi.
On rejoint les autres à table, ma tante qui s’est érigée en maîtresse de cérémonie me place face à Khalil qui est assis droit comme un " i " l’air ailleurs pendant que Nabil qui se trouve entre lui et son père lui raconte je ne sais quoi. C’est ma main posée sur la table qui le sort de ses pensées, quand il lève les yeux vers moi son visage s'illumine et ses traits s'adoucissent. Je lui fais mon plus beau sourire auquel il répond. Le festin se passe bien au point où ils prévoient un autre avant leur départ pour Abu-Dhabi. Je récupère ensuite mes cadeaux de fiançailles de la part de ses frères et de ses amis. Apparemment, c’est leur tradition. Il y a aussi une enveloppe Kraft de la part de Khalil qui a le plus suscité ma curiosité, mais que je décide d’ouvrir plus tard en même temps que les autres. Nous profitons ensuite d’un moment de grande causerie entre nos deux familles pour nous prendre en aparté sur la tribune du terrain derrière la maison. Avant même qu’il ne puisse parler, je prends son visage entre mes mains et l’embrasse en pleine bouche. Il est le premier à se séparer.
Khalil (sourire en coin) : je pensais qu’on n’en avait pas le droit.
Moi répondant à son sourire : c’était plus fort que moi (lui montrant mon annulaire) une bague de fiançailles ?
Khalil : c’est normal pour des fiançailles, ça te plaît ?
Moi : je l’adore ! Ça sort de l’ordinaire.
Khalil : comme toi.
Je le regarde sans trop savoir quoi dire, enfin au risque de paraître fleur bleue avec le trop plein d’émotions que je vis aujourd’hui je préfère ne pas répliquer.
Khalil meublant le silence : tu remercieras ta mère de ma part d’avoir raccourci ce supplice. Je veux juste une chose, c’est qu’on en finisse.
Moi : moi aussi, je suis impatiente.
Khalil : c’est rassurant de te l’entendre dire, en espérant que tu ne te barres pas avant.
Moi : d’accord, j’ai eu un petit moment de panique et je sens que ça va me hanter pour le restant de mes jours.
Khalil riant : compte sur moi en tout cas.
On rit ensemble.
Moi : bon désolée de devoir mettre fin à cette petite escapade, il faut qu’on y retourne avant qu’on nous cherche.
Khalil : on se voit demain ? Je veux dire en tête à tête.
Moi hochant la tête : possible, j’ai rendez-vous avec ta mère demain pour amorcer les préparatifs en vue du mariage. Je vais voir comment nous trouver un créneau.
Khalil (m’enlaçant) : tu n’as qu’à prétendre que tu vas au bureau, de toute façon, nous avons deux ou trois trucs à voir ensemble avant mon départ.
Moi rire de gorge : ah bon ? Je n’en ai pas souvenir monsieur.
Khalil ton suave : je vais te rafraîchir la mémoire madame.
On s’embrasse une dernière fois avant de se séparer au niveau du corridor qui débouche sur la maison. Une fois à l’intérieur, j’attends qu’il sorte du couloir débouchant sur le hall d’entrée pour entrer par la cuisine où je tombe nez à nez sur ma cousine qui me fait un sourire espiègle en levant une main en l’air.
Ridath : tape ici cousine !
Ce que je fais en lançant un regard en biais à sa sœur qui lève le verre d’eau qu’elle a en main dans ma direction.
Aïda : weh ma petiiiite la nation peut compter sur toi.
Moi riant sous capte : n’est-ce pas ?
Nous rions un moment sous le regard interrogateur d’Awa.
Awa (s’adressant à Aïda) : vous parlez de quoi ?
Aïda sourire narquois : du fait qu’on peut envoyer Nahia au marché.
Awa arquant un sourcil : pour faire quoi au marché ?
Ridath éclate de rire au moment où Amou rentre les petits dans ses pattes. Je m’abaisse et leur distribue des bisous.
Amou (à moi) : aka toi tu sors d’où ? Ça fait un moment que je te cherche dans la maison, la mère de Khalil veut te voir avant qu'ils lèvent le camp.
Moi : j’avais des choses à faire.
Amou : comme quoi ?
Ridath : rhoo dada (grande sœur) laisse ça comme ça.
J'avale une gorgée d'eau pour ne pas avoir à lui répondre et quitte devant elle pour le salon avant qu’elles ajoutent autre chose. Dès que j’arrive, monsieur Singh annonce leur départ et nous les escortons dehors où nous retrouvons tout le staff de sécurité. Ma tante et mon oncle nous laissent au portail. Pendant que le convoi s’apprête, je me retrouve en train de discuter avec sa mère. Elle m’énonce un peu les dispositions élaborées de son côté pour la cérémonie et les différents rites qui y sont liées. Il semble que les noces vont durer une semaine dont trois jours à Lomé. La cérémonie civile, celle du hénné et le mariage religieux comme l’a exigé ma famille auront lieu ici, une journée creuse pour le voyage à Abu-Dhabi qui va accueillir trois jours de festivités. Elle a déjà mis la logistique nécessaire en place, mais pour les tenues elle tient à ce que je les choisisse moi-même de même que Khadija. On se verra donc demain pour faire le point de tout ce dont j’aurai besoin parce qu’elle prévoit un voyage en vue de cela. Je prends le temps de tout assimiler parce qu’il faut le dire tout ce cérémonial m’épuise rien qu’à l’entendre, surtout lorsque je pense à la série de voyage qui m’attend. Ce n’est pas encore tout à fait décidé, mais mes potes veulent consacrer tout un week-end à l’enterrement de vie de jeune fille.
Pendant qu’on se choisit un tempo pour notre rendez-vous demain, elle observe au loin Nabil qui est resté collé à Khalil durant tout l’après-midi et ouvre un débat sur le fait.
Oumi : ces deux là ne se quittent jamais.
Moi : oui, en effet.
Oumi : j’espère que ça ne posera aucun problème à son père qu’ils soient si attachés l’un à l’autre.
Moi : je ne crois pas, enfin Khalil n’a jamais essayé de faire le père de substitution. Ils se sont toujours bien entendus, mais il garde un lien privilégié avec son père que Khalil respecte beaucoup. Il sait s’éclipser quand il le faut pour lui laisser sa place de père.
Oumi : je ne peux qu’être ravie de cela (sur le ton de la confidence) j’avoue que j’avais des appréhensions par rapport au fait que Khalil ne puisse pas assumer convenablement son rôle dans la vie de ton fils, mais c’était mal le connaître comme tu le dis.
Moi (rire étouffé): on dirait bien que oui.
Oumi : je suis heureuse qu’on ait enfin un dénouement heureux de cette histoire même si je t’en veux un peu de me l’avoir arraché pendant trois ans.
Moi sourire jaune : je suis désolée, par contre cette décision a émané entièrement de lui et vous savez comment il est…
Oumi (me coupant) : ce n’est pas bien grave, je dois tout de même te féliciter d’avoir fait de lui un homme meilleur.
Moi sourire jaune : je n’ai rien fait du tout.
Oumi riant : ne fais pas ta modeste, tu es la seule à part son père à pouvoir lui tenir tête sans pour autant marcher sur ses plates-bandes. Il doit s’estimer chanceux d’être tombée sur toi.
Moi : non, c’est moi.
On se sépare lorsque l’un des gardes donne le signal de départ, Khalil et moi échangeons un signe de main en guise d’au revoir pendant que Nabil me rejoint. Nous attendons que le convoi bouge pour rentrer, je passe à peine le portail que les enfants me tombent dessus. J’ai droit à des câlins et des bisous mouillés et un bref rapport de mes bonnes petites Naïla, Zeina et Laïla qui avaient la charge de mettre les autres au pas. Je retrouve le harem à la cuisine et pendant qu’on s’attèle au rangement mes sœurs et moi, ma tante et ma mère lancent le top des préparatifs de notre côté. Elles trouvent quelques arrangements en scrutant des photos et vidéos de mariages nigérians et se décident à faire appel à un wedding planner de là-bas. Ceci fait, ma tante passe la soirée à me donner des précieux conseils foyable secondée par ses filles qui me mettent au régime ananas et yaourt pour la nuit de noce en appuie avec Amou et Awa. Laissez seulement ! Lorsqu’elles me laissent enfin, c’est au tour de mes potes, Yumna et Cartia puis Khadija de m’accaparer au téléphone. On tripe sur ma bague et le fameux week-end prénuptial jusqu’à ce que Morphée me réclame.
Le lendemain, comme convenu, je vais à l’agence où je retrouve Khalil dans son bureau en train de lire un dossier. Je m’approche et lui fais un smack.
Khalil (me regardant du coin de l’œil) : c’est le genre de baiser que tu me donnes alors qu’on vient de se fiancer ?
Moi : lol il va falloir t’y contenter, comment as-tu fait pour semer tes parents ?
Khalil : je leur ai simplement dit que j’ai un dossier à terminer.
Moi amusée : c’est ce que je vois là, par contre j’ai vraiment un dossier pour toi. M. Sangel (un de nos clients) te veut sur sa campagne publicitaire.
Khalil : il parait oui, je vais y jeter un coup d’œil avant de partir. Pour l'heure j'ai des projets plus intéressants pour nous deux.
Moi souriant : je vois le genre.
Il tourne son siège et m’incite à m’asseoir sur lui avant de se mettre à me faire des bisous dans le cou, il entreprend d’ouvrir la fermeture de ma robe lorsque mon téléphone qui n’a pas arrêté de vibrer depuis mon arrivée recommence.
Khalil voix rauque : tu es beaucoup sollicitée ce matin.
Moi : mouais ça doit être ta sœur.
Khalil : umh elle te veut quoi ce beau matin ? Enfin ça ne m’intéresse de le savoir, décroche juste pour qu’elle nous laisse tranquille.
Je souris avant de me saisir de mon sac pour prendre le téléphone, il y a plusieurs de ses appels et un message que je décide de consulter.
Moi (lui mettant le téléphone sous le nez) : elle a tout un plan pour notre lune de miel.
Il lit le message et sourit puis fronce les sourcils, ce qui me fait arquer le sourcil.
Khalil : pourquoi ma sœur t’envoie un test de grossesse avec comme légende « fausse alerte » ? À qui appartenait le test ?
Moi enlevant l’écran devant lui hésitante : à Cartia.
Khalil regard intense : tu es sûre ?
Moi : mais bien sûr, qu’est-ce que tu vas penser ?
Khalil : rien, mais j’espère pour elle que ce test appartient vraiment à Cartia. Dans le cas contraire c’est à toi que je m’en prendrai directement.
Moi ouvrant les yeux : haï, pourquoi moi ?
Khalil : parce que je n’apprécierai pas du tout que tu me mentes effrontément surtout si c’est pour couvrir les bêtises de ma sœur.
Ce qu’il dit me fait paniquer, mais je prends sur moi de répondre d’une voix posée.
Moi biaisant : il n’en est rien.
Khalil : c’est ce que j’espère aussi.
Moi : bon, il faut que je passe en revue mon agenda de la journée.
Khalil (me saisissant à bras le corps) : je n’ai jamais dit que j’en avais fini avec toi ?
Il se jette sur mes lèvres ensuite, on se retrouve à se bécoter frénétiquement sur la table du bureau. C’est la voix de Annie qui nous interrompt.
Annie : monsieur, vos parents sont ici.
Khalil haletant : mes parents ?
Annie : oui, puis-je les faire entrer ?
Voix de ma mère : et ma fille ? Elle n’est pas encore arrivée ?
Annie lui répondant : si, elle est dans le bureau avec monsieur.
On a le temps de prendre place sur des chaises l’un en face de l’autre et de simuler une concentration sur le travail avant que la porte ne s’ouvre sur ses parents et les miens.
Oumi : ah vous êtes là tous les deux (s’adressant à Khalil) on s’est dit ton père et moi qu’on ne pouvait pas venir jusqu’ici sans connaître votre lieu de travail donc Shaïa qui nous a rendu visite toute à l’heure a eu la gentillesse de nous amener.
Je lance un regard à Khalil qui rit sous capte.
Yumna…
Le taxi me dépose devant le restaurant dans lequel j’ai rendez-vous avec Eddie et je lui fais signe que je suis là. Depuis deux semaines qu’on planifie cette rencontre, enfin trois semaines précisément si je dois compter avec mon retour d’Abu-Dhabi. Cependant, entre mon travail, l’internat et mes révisions, le temps me faisait défaut. Cela nous a néanmoins permis de faire table ras sur le passé avant de se décider réellement. Pourtant je ne sais pas pourquoi, mais je stresse à l’idée de le revoir. Peut-être la crainte qu’on ne retrouve pas notre amitié d’origine même si je dois reconnaître que nous avons facilement renoué le contact. On se parle tous les jours au téléphone depuis lors et j’ai pu constater qu’il est resté le même dans le fond. Il trouve toujours les mots exacts conformément à chaque situation. Je dois dire qu’il a réussi à me remonter le moral à bloc au point où je ne songe même plus à mes problèmes. Bon à mon problème, parce que j’ai eu entre temps la confirmation totale que je ne suis pas enceinte.
Je me retourne lorsque j’entends sa voix derrière et reste statique et sans voix devant son physique. Il me fait la bise un sourire franc scotché à ses lèvres.
Eddie : salut.
Moi : euh salut.
Il se jette à mon coup.
Eddie : je suis content que tu sois là.
Moi : et moi je suis contente aussi.
Eddie (lorsqu'on se détache) : suis-moi, nous avons une table réservée à l’intérieur.
Je refais son portrait de haut en bas avant de répondre.
Moi : euh d’accord.
Je le suis jusqu’à la porte qu’il ouvre et s’écarte pour me laisser entrer, je le remercie timidement et attends qu’il referme la porte pour le suivre à nouveau vers une table au fond du restaurant qui soit dit en passant respire le luxe tant par sa décoration que son aménagement élégant. On s’installe et pendant quelques minutes personne ne parle. C’est lui qui finit par briser le silence.
Eddie : comment tu vas ?
Moi : je vais bien, tu as l’air en forme.
C’est clairement un euphémisme, le gars dégage une virilité sans précédent. Je ne sais pas comment expliquer cela en fait, c'est au-delà du sexy. Ça a même un côté dérangeant.
Eddie : merci et toi aussi tu es superbe.
Je réponds par un sourire.
Eddie reprenant : alors j’ai pris la liberté de commander à ta place en espérant que tu raffoles toujours des plats français. Du foie gras, une blanquette de veau, un soufflé au fromage et bien sûr des brownies (je souris) et pour accompagner tout ça un cocktail sans alcool.
Moi : c’est parfait merci.
Eddie : je t’en prie, la commande arrive dans quelques minutes.
Il y a un flottement de quelques secondes puis on parle en même temps tous les deux.
Moi : sinon ta journée s’est bien passée ?
Eddie : alors qu’est-ce que tu racontes ?
On se sourit.
Moi : bon, toi vas-y. Mais d’abord, tu me dois des excuses.
Eddie plissant les yeux : quelles excuses encore ?
Moi : pour ton comportement il y a trois ans.
Eddie : mais je me suis déjà excusé.
Moi : c’était au téléphone, pas de vive voix.
Eddie : lol ok ! Je te demande pardon de t’avoir blessé, je ne veux pas ressasser ce qui s’est passé. Je veux juste pouvoir réparer un peu ce que j’ai brisé.
Moi : je te présente aussi mes excuses pour tout.
Eddie : excuses acceptés.
Il sourit et veut ajouter autre chose et fut interrompu par l’arrivée du serveur. J’attends que ce dernier parte pour entamer une conversation.
Moi : tu sais que je n’arrive toujours pas à me faire à l'idée que tu t’es marié et en plus avec Riana ?
Eddie : je le sais, ça fait des semaines que tu radotes là-dessus. Tu sais comment je suis, je réfléchis toujours avant d’agir et je sais qu’Ana est la bonne.
Moi : certes, mais ça prête à réflexion. Il y a des années, tu ne voulais même pas entendre parler d’elle. Comment tu disais déjà ? Une harceleuse, une bombasse au faux bronzage, faux cul, faux seins.
Eddie riant : maintenant que ce cul et ses seins m’appartiennent, je peux confirmer qu’elle est à 200 % naturelle.
Moi : lol ça ne te ressemble pas d’utiliser ce langage en parlant d’une femme qui plus est celle avec qui tu partages désormais ta vie.
Eddie haussant l’épaule : les effets néfastes de fréquenter Ian et son petit frère Armel.
Moi amusée : je vois.
Eddie : plus sérieusement, je peux dire qu’en plus d’avoir été là pour moi au moment où j’étais au fond du gouffre, j’ai découvert que c’est une femme comme les autres. Elle aime les comédies romantiques, les magazines de modes. Elle est intelligente, magnifique et surtout capable de m’aimer moi.
Moi touchée : Eddie…
Eddie : non non je ne t’accuse en rien. Je répondais juste à ta préoccupation.
Moi sourire contrit : je suis heureuse pour toi, je ne peux que vous souhaiter plein de bonheur. Pourvu qu'elle demeure l’Adriana que je connais.
Eddie : en mieux.
Moi : c'est rassurant.
Eddie : bon donne-moi les nouvelles des futurs mariés.
Moi enthousiaste : ça va, les préparatifs avancent de bon train, on s'implique tous comme on peut.
Eddie : c'est chouette ça, le 5 pour Nahia et le 18 du mois suivant pour Ussama n'est ce pas ? (je fais oui de la tête) je vais voir comment me libérer, je ne dois pas rater ça.
Moi : ça fera plaisir à Ussama.
Eddie : et à Nahia aussi, avec l'enthousiasme de ma belle-sœur autour de l'évènement c'est à ne pas rater sous aucun prétexte.
Moi : krkrkr Tina, n’est-ce pas ?
Eddie : wep
Moi : elle est trop kiffante cette fille, quoi qu’un peu fofolle. Elle nous a été d'une grande aide pour coordonner les différentes idées par rapport à la fête prénuptiale.
Eddie amusé : c’est tout elle (me prenant de court) sinon tu comptes régler quand ton problème avec ton chéri ?
Je le regarde et soupire bruyamment.
Moi : on s’était entendu de ne plus en parler.
Il prend le temps d’essuyer sa bouche avant de répondre.
Eddie : oui, j’ai arrêté d’insister au téléphone pour te contenter. Toutefois je reste convaincu que tu ne peux pas laisser les choses en l’état.
Moi : Eddie, il n’y a pas vraiment d’alternatives pour nous…
Eddie : même s’il se convertit ?
Moi (me passant la main sur le visage) : c’est envisageable et ça peut atténuer le problème, mais ne va pas le résoudre. Ça donnera l’impression qu’il s’est converti à l’islam afin de pouvoir m’épouser et tout ce que retiendra mon père, c’est qu'il est un Américain.
Eddie : tes frères ont réussi à lui imposer leur choix pourquoi ne pas tenter ta chance ?
Je soupire et me passe la main sur le visage encore une fois.
Moi (pendant qu’il fixe un point vers l’entrée) : Elias doit se convertir en fonction de ses propres convictions, je trouve ça injuste qu’il le fasse par amour pour moi ou pour se faire accepter par ma famille. Je ne veux pas lui imposer cela.
Eddie : est-ce que tu en as discuté avec lui pour connaître son opinion sur le sujet ?
Moi soupir : pas vraiment.
Eddie : ça tombe bien, tu auras la chance de le faire ce soir même.
Moi (le fixant en plissant les yeux) : comment ça ce soir ?
Eddie : tu verras bien.
Au même moment.
Voix d’Elias : bonsoir, merci de m’avoir attendu.
Eddie se lève et ils se saluent pendant que je le regarde troublée, le voir comme ça remet les pendules à l’heure d’un coup.
Eddie : bon je dois vous laisser. Ma femme doit être en train d’espérer mon appel, c’est notre heure.
Moi (lui lançant un regard perçant) : comme par hasard.
Eddie ne relevant pas : je dois y aller, j’ai aimé ces retrouvailles. On remet ça bientôt ?
Je lui lance un autre regard.
Eddie : je prends ça comme un oui (se levant) ne vous en faites pas pour l’addition, c’est moi qui invite. (tendant la main vers Elias) Gars à la prochaine.
Elias (lui serrant la main) : d’accord merci encore, bonne soirée.
Eddie : bonne soirée.
Il s’en va sans prêter attention aux gros yeux que je lui fais. Je regarde dans sa direction jusqu’à ce qu’il s’éloigne lorsque je me tourne, c’est pour tomber sur le sourcil levé d’Elias qui s’est complètement tourné vers moi puis me fixe droit dans les yeux.
Elias : salam !