Laurent Assa

12 septembre 1975

Abidjan

Mon cher amour,

Ce matin, pour la première fois, j'ai rêvé de toi. Tu étais tellement belle, debout dans ta robe blanche, me souriant de ton magnifique sourire, tes teux brillants d'une lueur espiègle. 

A la façon dont mon coeur a raté un battement, à la façon dont je n'ai pas pu m'empêcher de te retourner ton sourire, j'ai su. 

J'ai su que tu deviendrais la femme la plus importante pour moi, plus importante même que maman. J'ai su que te rendre heureuse serait le but ultime de mon existence. J'ai su que tu serais à la fois ma force et ma faiblesse, ma plus grande source de motivation et mon talon d'Achille.

Quand je me suis réveillé, j'ai couru en parler avec maman. 

Elle s'est un peu fâchée, parce qu'elle a senti que bientôt, elle ne serait plus le seul amour de ma vie. Mais elle est bonne joueuse, alors elle m'a donné ce carnet et m'a dit d'y raconter mes rêves de toi, ainsi que toutes les choses que je voudrait te dire.

J'ai eu beau lui expliquer qu'à 13 ans, je m'estimais trop vieux pour tenir un journal intime, elle n'en a pas démordu. Elle a dit que si j'etais assez jeune pour continuer à manger de la bouillie de Cerelac, je pouvais me faire violence et faire un truc de "bébé".

Donc voilà, je t'ecris cette première lettre, pour que tu saches que je t'ai vue aujourd'hui, et que je suis déjà profondément et irrémédiablement amoureux de toi. Certes, je n'ai que 13 ans, mais maman dit souvent que je suis très mature et très intelligent, alors, soit certaine que je sais ce que je dis, et que je sais à quoi cela m'engage. En plus, la vérité sort de la bouche des petits et de ceux qui sont à la mamelle. Pas que je sois encore a la mamelle, je suis quand même presque un adolescent. Bref, tu auras compris.

J'ai hâte de te rencontrer. 

Je t'embrasse, 

Laurent Assa.