L’ÉVEIL DE KAMA – LES ÉLUS . Chapitre 1 : Ciel noir

Write by Le Kpetoulogue

L’ÉVEIL DE KAMA – LES ÉLUS

Chapitre 1 : Ciel noir

Les vagues violentes d’une mer se fracassent sur une plage d’un sable fin qui s’étend à perte de vue. Assis face à cette mer, deux personnes. Un jeune homme couvert de bandage comme s’il sortait d’un rude duel et une fille. Ils ont tous les deux le regard rivé vers la mer

Le jeune homme : << Notre plan reste inchangé. Toi et moi, comme convenu … nous détruirons l’Afrique >>

Bien des années auparavant sous un ciel obscurcit par les fumées provenant de ce qui semblerait être auparavant un campement de réfugiés, le sol est jonché d’un désordre accablant, accompagnée d’une odeur nauséabonde, un mélange de terre cuite, de cadavre et de sang. Le sol est couvert de nombreux objets, des foyers de feu encore allumés un peu partout, des cadavres tapissent le sol. Il ne s’agit sûrement pas d’un champ de bataille, il s’agit de cadavres de civils, des vieillards, des hommes et des femmes, même des enfants. Certains corps sont criblés de balles, d’autres transpercés par des lames, tailladés, décapités, démembrés. Aucun tableau d’épouvante ne saurait décrire cette scène d’horreur. Et de tout ce chaos, à travers les débris, une ombre se distingue. Elle avance lentement, tremblante, en sanglots, elle appelle à l’aide. Elle semble perdue, à la recherche de quelque chose ou de quelqu’un. Les yeux rivés vers le ciel, d’une voix à peine audible, l’on pouvait entendre provenant de cette ombre : « ne suis-je donc que malheur ? Suis-je autant impuissante ? ».

Après ces mots l’ombre s’estompe dans la fumée comme si elle n’avait jamais été présente.

Un peu plus loin de cette scène, filant à toute vitesse un groupe d’hommes armés, à bord de jeep, de camions cargos, tirent en l’air. Ils rigolent, cris de joie, comme satisfait d’avoir gagné une guerre. Il s’agit très certainement des responsables du massacre au campement.

À quelques dizaines de kilomètres de là, au creux des montagnes, se cache un autre campement, plus à l’abri des regards que le précédent, mais facile d’accès. Un jeune homme de 18 ans environ semble être à la recherche de son jeune frère, de nature espiègle et qui aurait échappé à sa surveillance. Il avance de tente en tente, questionne les habitants du campement pour savoir si quelqu’un l’aurait aperçu. Une jeune femme, assise au sol, allaitant son nouveau-né, lui indique finalement un endroit vers lequel se dirige le jeune homme. Il suit les indications et fini par trouver son frère, couché sur le dos, le regard perdu dans le vide.

Rachid : << qu’est-ce que tu fais la Rahim ? Tu ne devais pas aider les femmes ?? >>

Rahim: << je suis fatigué >>

Rachid : << tu n’as encore rien fait et tu es fatigué, tu sais très bien que chacun doit donner du sien pour notre survie >>

Rahim: << … >>

Rachid : << qu’y a-t-il ?? >>

Rahim: << jusqu’à quand va-t-on devoir vivre cacher ?? >>

Rachid : << je n’ai pas la réponse à cette question , tu sais bien qu’une grande partie de l’Afrique est en guerre, et cela, depuis des décennies , je ne sais pas quand tout cela s’arrêtera , mais l’important est qu’on soit toujours en vie , beaucoup sont morts , donc remercie Dieu de nous garder en vie >>

Rahim: << Dieu ?? Ce type s’il existe, a abandonné l’Afrique depuis bien longtemps, pour quelle raison devrais-je le remercier ? Il n’a rien fait pour nous venir en aide >>

Rachid : << haha, tu parles beaucoup trop pour un gamin de 13 ans, en plus tu portes un des noms de ce Dieu, d’ailleurs évite de blasphémer sinon il te punira >>

Tout à coup un bruit strident déchire la quiétude du campement. Rahim se lève rapidement et se rapproche de son frère aîné avant de lui demander ce qui se passe. Rachid ne sachant quoi répondre, demande à Rahim de le suivre de près. Ce dernier s’exécute immédiatement et au fur et à mesure qu’ils se rapprochent du camp, des hurlements se font entendre. Des cris à glacer le sang, les balles semblent voltiger de partout telle une nuée d’hirondelles. Rachid et son frère se cachent dans les hautes herbes. L’image qui s’offre à eux était terrifiante. De nombreux habitants du campement baignent dans leur sang, morts, criblés de balles. Les survivants, eux sont divisés en deux groupes, les hommes et les femmes d’un côté et les enfants de l’autre. À genoux les uns après les autres.

Debout, se réjouissent au milieu de cette pagaille, les hommes armés qui avaient mis à feu et à sang le campement voisin. Un homme plus âgé se démarque d’eux. Ça doit être le chef. Descendant d’un pick-up, il semble avoir la cinquantaine malgré son physique athlétique. Il se dirige vers les enfants captifs et se mis à en choisir certains et par la suite. Il va vers un de ses hommes, lui prend sa mitraillette et s’avance vers les captifs.

Ces derniers comprennent très vite le sort que leur réserve le chef de cette milice. Ses pas se rapprochant d’eux sont semblables aux minutes restantes de leurs vies, s’égrenant malicieusement. Les pleurs et les supplications deviennent de plus en plus insistants. Certains proposent tous leurs vivres, d’autres leurs biens en échange de la miséricorde de cet homme qui semble sourd à leurs supplications sous le regard amusé de sa troupe. Rachid assiste, impuissant, à la scène. Que peut-il faire seul, avec un AK47 face à une vingtaine d’hommes lourdement armés ?

Sa logique le pousse à plutôt protéger son jeune frère. Ils peuvent encore trouver une échappatoire, les miliciens ne les ayant encore remarqués. Il ordonne alors à Rahim de le suivre sans faire le moindre bruit. Ce dernier reste figé devant la scène qui se déroule devant ses yeux. Leur mère en sanglots est à quelques mètres d’eux. La gorge nouée, Rahim veut crier, appeler à l’aider, mais son corps semble ne plus lui répondre. Ses yeux s’emplissent de larmes à l’idée de perdre sa mère, alors qu’il est incapable de faire quoi que ce soit. Ces quelques secondes durent comme une éternité pour Rachid et Rahim avant que le chef de la milice n’ouvre le feu sur le groupe. Les autres miliciens suivent l’exemple de leur chef. Les balles transpercent les corps comme de vulgaires morceaux de papiers. Personne ne fut épargné sauf les enfants que le chef de la milice avait choisis.

Rahim en voyant le corps de sa mère tomber devant lui se rue sans s’en rendre compte vers elle, vers son cadavre en criant son nom

Rahim : << OU ..OU … OUNAAAAAANNN >>

Ounan, c’est ainsi que Rachid et Rahim appelaient affectueusement leur mère, celle qui les avait porté au dos et dans les bras durant des jours de marche, il y ‘a quelque années quand leur ville fut attaquée, leur père n’avait pas pu échapper à l’attaque, depuis elle avait fait tout son possible pour qu’il ne manque de rien, chaque jour sa seule prière était que Dieu préserve la vie de ses enfants.

Comprenant le danger auquel s’expose son jeune frère, Rachid doit sortir de sa cachette pour s’élancer à sa poursuite, pour le rattraper avant qu’il ne soit trop tard.

Rachid : << RAHIIIMMM REVIENS ICI, REVIIIIEEENNS >>

Rahim est sourd à ses propos, son corps agit seul, son corps court vers sa mère, vers celle qui lui avait donné la vie, celle qui a tant fait pour lui. Il court vers elle, en espérant que malgré la multitude de balles qui avaient traversé son corps qu’elle soit encore en vie, il espère … espère entendre sa voix… espère sentir sa chaleur… espère voir encore une fois ses yeux pleins d’amour qu’elle lui portait. Il ne fait pas attention au danger vers lequel il court. Un milicien voyant courir vers eux deux personnes charge son arme pour tirer sur eux, mais il se fait arrêter par son chef, qui recharge encore son arme.

Rachid lui sait vers quel danger court son frère, son cœur est aussi serré par le meurtre de leur mère ,par le massacre des siens , ce sont les corps de ses amis , de ses frères d’armes qui tapissent le sol, mais il ne peut se permettre de les pleurer la maintenant , il y a une vie auquel il tient, une vie qu’il doit protéger, mais cette vie inconsciente court vers la mort. Il court de toutes ses forces pour la rattraper et juste au moment où il pose la main sur Rahim il se sent tombé …

Que se passe-t-il ?? Pourquoi ne tient-il plus sur ses pieds ?? Pourquoi se retrouve-t-il a terre ? Son souffle ? … Que lui arrive-t-il ? Pourquoi as t’il autant mal quand il respire ?

Avant qu’il ne pose la main sur son frère, un coup de feu avait été tiré sur lui par le chef de la milice. La balle lui a perforé le poumon. Il a du mal à respirer, mais quand même il continue d’appeler son frère

Rachid agonisant : << Ra..Rahim … re … revient ici >>

Le coup de feu réveille Rahim qui courait inconsciemment vers le cadavre de sa mère, à peine est-il revenu à lui-même, qu’en se retournant il voit son frère tombé au sol tel une enclume dans un puits. Rahim se fige de nouveau, les yeux perdus dans le vide, devant lui gît son frère agonisant de douleur, derrière lui le corps inerte de sa mère, il se demande ce qui se passe, qu’est-il arrivé ?

Mille et une questions s’entrechoquent dans sa petite tète. Dieu le punis-t-il ? Est-ce à cause de ce qu’il avait dit tout à l’heure ? Dieu le punit-il d’avoir perdu foi en lui ? Les larmes se mettent à couler telles des cascades de ses yeux. Entendant la voix saccadée de son grand frère, il marche vers lui

Rahim : << Rachid … Rachid … meurs pas s’il te plait, par pitié, ne m’abandonne pas, ne meurt pas … j’arrive, ça va aller hein ? .. Tu vas t’en sortir, n’est-ce pas ? … Tu ne peux pas mourir Rachid … tu n’en a pas le droit, je te l’interdis >>

Alors qu’il essaie d’atteindre Rachid, le chef tout proche de ce dernier sort une arme et la pointe sur lui

Le chef : << alors les batards vous vous cachiez ? Vous allez rejoindre vos amis sous peu ne vous en faites pas >>

Rahim tremble de peur, apeuré de ce qui va suivre, il ne le veut pas, il ne veut pas perdre son frère, il hurle

Rahim : << NE TIREZ PLUS MON FRÈRE >>

Le chef : << oh ? Il est courageux ce petit batard, est-ce sur moi que tu hurles ? Tu me donne des ordres ? >>

Rahim consterné tombe à genoux, se prosterne devant lui et le supplie tout en pleurant

Rahim : << pitié monsieur, pitié, je vous en supplie, ne tirez plus sur lui, par pitié >>

Le chef en ricanant : << haha haha, regarde ici petit, ne t’inquiète pas, je ne vais pas tirer sur ton frère, si tu acceptes d’être bien sage et nous suivre gentiment >>

Rahim : << d’accord, oui d’accord, je vous suivrais, je ferais tout ce que vous voulez, je vous en supplie ne tirez plus sur lui >>

Rahim ne cesse de pleurer. Le chef esquisse un sourire narquois et range son arme. Au moment où il aperçoit un sentiment de soulagement sur le visage de Rahim, il s’abaisse, relève Rachid qui agonise, sort un couteau et devant les yeux de Rahim qui s’était un bref instant empli d’espoir, de soulagement, il égorge Rachid, si brutalement que le sang gicle sur le visage de Rahim.

Rahim regarde la scène sans pouvoir dire un mot, muet, horrifié, choqué, traumatisé par ce qui vient tout juste de se produire devant ses yeux. Il n’arrive même plus à hurler, à crier sa peine, sa rage, sa douleur. Ses yeux ne dégagent plus aucune émotion, qu’un vide sidéral, il ne se rend même pas compte quand il se fait solidement attaché et jeter dans une voiture. Par la suite le chef ordonne à ses hommes d’absolument tout brûler. Une fois cela fait, ils se mettent en route vers leur camp.

Dans ce chaos marche encore cette ombre mystérieuse, toujours en train de sangloter, apparaissant et disparaissant d’un corps à l’autre. Elle semble leur parler, que dit-elle ? L’entendent-t-elle ? Qui est-elle ??

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