PAPA N'EST PLUS

Write by Marc Aurèle

La voiture tangua, je fus violemment secoué vers l’avant et projeté à nouveau contre mon siège. Je reçus des bris de verre provenant du pare-brise qui volait en éclats alors que mon père passa au travers et se laissa choir ensuite sur le macadam. Le coup de frein était si violent, qu’il propulsa la voiture en l’air. Elle décolla et s’envola en des embardées sans fin. Nous fûmes projetés dans le ravin et la voiture culbuta encore sur une centaine de mètres. Je n’eus qu’un seul réflexe, protéger ma tête et m’éviter le maximum de chocs. Je voyais le jeune chauffeur tournoyer à mes côtés, car il avait négligé de mettre sa ceinture de sécurité.

‘’La panique n’est pas un bon compagnon, prends sur toi de te calmer ; un esprit calme fait toujours mieux qu’un esprit excité ‘’.

Cette phrase que me répétait sans cesse mon père me revint en un éclair. Je m’armai de tout mon courage et quand le véhicule s’arrêta enfin, je détachai la ceinture de sécurité et d’un coup de pied, je dégageai le reste de pare-brise déjà entamé par mon père. Je sortis de la voiture puis essayais de dégager Janvier qui était inconscient. J’y parvins enfin. Je m’efforçai de le ranimer en vain. Je réalisais que le chauffeur n’avait plus de pouls. Je commençais à ressentir de violents maux de tête et une douleur atroce au tibia gauche.

D’un ultime effort presque surhumain, je parvins en trainant du pied jusqu’au bord de l’autoroute. Il n’y avait point âme qui vive et le calme qui s’y était établi n’avait rien à envier à celui d’un désert. Mais ce silence fut troublé par le bruit d’un moteur au ralenti. La BMW était au milieu de la route et son moteur tournait encore. J’aperçus mon père gisant dans son sang. Son cœur battait encore et son corps secoué par quelques spasmes. Je trouvai de la force dans les sages conseils de cet homme et, sans panique, je portai ses quatre-vingt kilos jusque sur la banquette arrière de la BMW. Sans aucune précaution, je le laissai choir sur le siège avant de sauter au volant et de partir à toute vitesse.

Je roulai aussi vite que je pus et dix minutes plus tard, je me trouvai à l’hôpital de zone des Collines. Je ne pouvais passer inaperçu car tout attirait les regards sur moi. La voiture dont je tenais le volant n’avait plus de toit. Le sang dégoulinait sur mon visage et le passager que je transportais n’était pas moins maquillé que moi. Je vis juste des hommes m’indiquer le service des urgences avec de grands gestes ; d’autres courir derrière la voiture pendant que certains se précipitaient pour m’aider à descendre. La sollicitude et la forte mobilisation s’ajouta à la bonne organisation du service. Mon père fut très vite pris en charge.

Le long de ses un mètre quatre-vingt-un, Cynthe s’étalait sur le brancard que poussait un jeune en bleu. Un médecin dans sa blouse blanche essayait en vain de retenir la pochette de liquide qu’on venait de lui poser en perfusion. Mon repère s’en allait ainsi, laissant le point que je suis sans coordonnées.

Je voyais mon géniteur, l’homme par qui je suis venu au monde allongé et entubé. Cette vue me fit valser. Je sentis mon estomac se retourner et tout mon être s’en allait se vider par ma bouche quand aussitôt tout devint sombre.

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