Papa s'en mêle !

Write by Farida IB


Nahia…


Le lendemain, je me retrouve à Croquembouche avec les filles. C’est notre rituel depuis que nous n’avons pratiquement plus le temps de nous voir. Elles vont bien. Murielle s’est posée avec Joris un chic type qui la met bien. Il lui a ouvert un magasin de sacs à main et chaussures de marque, elle ne fait plus dans le jonglage (rire). Notre Zaïdia internationale s’est mariée à Solivan, un italo-cambodgien qui est apparu comme un éclair pour nous l’arracher. Ils vivent à Dublin (Irlande) et ont accueilli le petit Guillian l’année dernière. Tina passe une quarantaine de minutes à se plaindre de ses garçons (trois) c’est eux qui mettent du piquant dans sa vie en ce moment parce qu'elle a un désaccord avec leur père. Enfin en dehors de ses boutiques qui foisonne un peu partout dans la sous-région. Je l’écoute d’une oreille distraite pendant que je réponds aux messages de Khalil. C’est maintenant qu’il s’exprime sur la convocation de mon père.


Khalil : « Tu veux que je vienne lui parler ? »


Moi : « Ça ne servira à rien et rien ne prouve qu'il m'appelle pour ça ».


Khalil : « Bien évidemment, il t’aurait convoqué pour quoi ? »


Moi : « Pour me voir, ça fait longtemps qu’il m’a vu ».


Khalil : « Si tu le dis. Ne va surtout pas déclarer une petite guerre civile là-bas. Je ne veux pas que tu te fâches avec ta famille à cause de nous, enfin à cause de moi ».


Moi : « Oui monsieur ».


Je pose le téléphone sur la table et lève mes yeux pour croiser le regard insistant de Murielle sur le mien.


Murielle : qu’est-ce que tu as encore ?


Moi : problème de foyer.


Tina : lol, où en êtes-vous exactement.


Moi soupirant : au point mort et ma famille qui se sent visiblement plus concernée par la situation que par moi-même.


Murielle : et avec raison.


Moi faisant la moue : en partie.


Tina : il se passe quoi encore ?


Je leur explique ma dernière altercation avec ma mère jusqu’à l’échange avec Amou hier.


Moi concluant : et moi, je reste assise au milieu de tout ça, à voir ma mère et ma sœur me vilipender et être malheureuse. Tout ça, parce que j’ai fait le choix d’être heureuse. À croire que je n'ai pas le droit d'être heureuse dans ma vie. Ça me révolte, ça me fait mal.


Tina : je comprends, ce n’est pas facile à vivre comme situation. Mais tiens bon, moi je crois à un dénouement heureux avec la promesse d'un bonheur.


Moi : hmmm j'y crois plus trop moi.


Tina : après la pluie le beau temps ma puce. Le bonheur de certains ne s'obtient pas sans de cruelles épreuves.


Murielle : je t’ai déjà trouvé la solution si tu m’avais écouté on serait déjà passé à autre chose !


Moi : rhoo Muri je ne veux pas faire un autre enfant hors mariage, ça va creuser un méchant trou. Son père se donnera raison.


Murielle : en tout cas une grossesse surprise vous guette !


Moi : ça ne risque pas d’arriver puisse qu’on ne fait rien.


Elle repose le verre de jus qu’elle portait à sa bouche et me lance regarde sceptique, je hoche la tête pour confirmer mes dires.


Murielle : big lol ne distrais pas le peuple s’il te plaît.


Moi : tu peux décider me croire ou non ça n’engage que toi.


Tina : même moi, j’ai du mal à l’assimiler.


Moi : rhoo vous oubliez que l’abstinence me connaît.


Murielle : le doute ne se pose pas à ton niveau, tu es sûr que…


Moi la coupant : ne va même pas sur ce terrain.


Tina : c’est que vous vous donnez du plaisir autrement, kieee moi Amah dormir à côté de la bonne viande saillante pendant trois ans. Le totem de mes ancêtres Kabyè !!!


Moi : krkrkr ce n’est pas pour rien qu’on se tue à faire du yoga. Nous avons cultivé l’art de la maîtrise de soi.


Murielle : en tout cas, je préfère mon yoga vertical.


Tina haussant le sourcil : c’est quoi ça encore ?


Murielle : le body karaté.


Elle finit de parler et affiche une sérénité digne d’un chauffeur de corbillard pendant qu’on se tord de rire. C’est dans cette même atmosphère qu’on se sépare plus tard sur l’espace aménagé pour le parking. C’est Tina qui m’amène chez le garagiste. Pendant un moment du trajet, elle a des appels qu’elle rejette aussitôt que ça sonne. 


Moi curieuse : c’est qui ?


Tina me jetant un coup d’œil : monsieur mon mari.


Je lui lance un regard surpris.


Moi : Tina ne me dis pas que tu le boudes encore ?


Tina : il le faut bien. 


Moi : donc tu préfères croire cette bitch avec toutes les preuves que Bradley t’a fournies ? Tu connais les drosophiles à yeux rouges de Lomé, c’est de la provoc’. Elle cherche à déstabiliser ton couple, ne lui laisse pas la chance d’y arriver. 


Au fait, l'ex  assistante de Bradley qu’il a  congédié pour harcèlement cherche à la narguer. Elle lui envoie tout le temps des messages qui sous-entendent qu’ils ont couché ensemble.  Brady a tout déballé pour prouver son innocence et tout porte à croire qu'il l'est et même qu'elle en consciente. Cependant, elle fait  des siennes.


Tina : lol comme si elle pouvait même égratigner mon couple. Même si souvent, on se trompe  pour prendre l’écumoire pour servir la sauce, on reconnaît que la louche est meilleure.


Moi amusée : traduction please.


Tina : Bradley peut loucher sur une autre femme parce que c’est un homme après tout, mais parce qu’il est conscient de ce qu’il a à la maison l’idée ne risque même pas de lui traverser l’esprit. Et cette fille n’est absolument pas cap de déstabiliser mon couple, il y en a eu plus dodues qu’elle par le passé qui ont échoué avant la tentative.


 Moi dépassée : donc tout le bruit que tu lui fais là sert à quoi ?


Tina : une fuite en avance, il sait à quoi s’attendre s’il a le malheur de me tromper.


Moi débitée : t’es grave Tina !


Tina : quoi qu’il en soit félicite-moi pour ma nouvelle maison.


Moi : Tina escroc !


Elle rit et nous passons sur d’autres sujets jusqu’au garage. Pour info, Vanessa s'est entre temps excusée pour son comportement vis-à-vis de Khalil. Dorine m’a soufflé que ça faisait partie des conditions que lui a posé Dodji pour la reprendre chez lui. Il y a aussi Sadi qui cherche à se rallier depuis un certain temps, on dirait que je ne constitue plus une menace pour son couple. Quand Tina me laisse devant le portail du garage, je fonce à la réception où je  remplis quelques formalités. Le temps de le sortir la voiture du hangar, je règle la facture et vais récupérer les clés chez l’assistant mécano. Je démarre et sors de l’atelier pour tomber sur Manaar qui garé sur le bas côté de la route. Je dois vous dire qu’il est devenu l’homme de mes cauchemars et mon ombre. Je me cherche un endroit où je gare avant de descendre furieuse.


Moi : bon sang qu’est-ce que tu me veux ?


Manaar avec toute la zénitude possible : te parler.


Moi : on n’a plus rien à se dire depuis des années.


Manaar : Nahia, je veux que tu reviennes dans ma vie.


Moi : lol Haroun va te faire soigner.


Je déverrouille la voiture et m’apprête à monter lorsque le type qui a défoncé le par choc sort de la sienne. J'avance vers lui intriguée.


Moi : toi ? (me tournant vers Manaar qui nous rejoint) Qu’est-ce que cela signifie ? Vous vous connaissez tous les deux ?


Le type s’adressant à Manaar : man, je te laisse régler ça tout seul.


Il se retourne pour partir et je le bloque en attrapant un bout de tissus de sa chemise.


Moi : tu n’iras nulle part, c’est lui qui t’a envoyé ? (le regardant) C’est toi qui as monté ce coup ? 


Manaar essayant de me toucher : pourquoi es-tu si agressive ?


Moi serrant mes dents : tu ne me touches pas !!!


Le type se défile de mes doigts.


Manaar : oh laa calme-toi s’il te plaît, je cherchais simplement une occasion pour te parler. Tu m’évitais, tu refusais de décrocher mes appels. 


Moi abasourdie : c'est pour ça que tu crées un accident ? Simplement pour avoir l'occasion de me parler ? 


Il me fixe avec une expression bizarre dans le regard.


Moi me passant la main sur le visage : Manaar qu’est-ce que tu as ? Tu deviens fou ?


Manaar s’approchant : écoute-moi s’il te plaît, je t’aime et je sais que toi aussi tu m’aimes toujours. La preuve, tu n’as pas refait ta vie...


Moi : tchuipp renseigne-toi bien mon pauvre, ce n’est pas…


Manaar : tu ne t’es pas mariée à ce que je sache. 


Moi : je ne suis pas un cœur à prendre non plus, j’ai un homme dans ma vie.


Manaar geste évasif de la main : il ne compte pas, moi, je suis prêt à t’offrir la bague tout de suite si tu veux.


Moi secouant la tête dépitée : tu dois être malade, tu dois vraiment avoir un boulon qui saute.


Manaar : Nahia, je regrette notre séparation, ça m’a pris des années pour réaliser que tu es la femme qu’il me faut.


Je le regarde juste éberluée avant de me décider à partir, celui-là n’est plus normal. Je veux passer devant lui lorsqu’il me saisit le bras.


Moi vénère : Haroun tu me lâche !!


Il s’exécute.


Moi menaçante : la prochaine fois que tu m’appelles ou que je te revois derrière moi, je te dénonce pour harcèlement.


Il ouvre les yeux.


Moi : oui oui et tu gagnerais à aller te faire soigner. (quittant devant lui) Un malade comme ça tchhrrrr.


Je rumine tout ça jusqu’à ma voiture et dès que je monte, je constate un appel entrant de Khalil. Je m’éclaircis la voix avant de décrocher.


Moi : allô.


Khalil : qu’est-ce qui se passe ? Tu as une drôle de voix.


Moi m’éclaircissant la voix une fois de plus : tout va bien, je suis au garage.


Khalil : ok, j’appelles justement pour savoir si je dois venir te chercher pour t’y amener.


Moi : non non, Tina m’a déposé.


Khalil : je vois, là tu vas chez les parents.


Moi : affirmatif.


Khalil : ça ira ?


Moi : Samime, je vais chez mes parents.


Khalil : hmm quoi qu’il arrive, je t’attendrai à la maison pour te faire un gros câlin.


Moi : lol j’en aurai besoin, c’est sûr.


Khalil : top ! À toute mon cœur, soit prudente.


Moi : je tâcherai.


Khalil : bisou.


Moi : bisou.


Click !


Il raccroche et je range le téléphone dans mon sac avant de démarrer sans prêter plus attention à l’autre idiot. Je gare une demi-heure plus tard devant la concession des parents et dès l'entrée tout un  vacarme m'accueille. Apparemment ils sont dans le jardin.


Bahija (l’une des triplés) qui crie comme si on l’égorgeait : maman !!!!


Amou ton paniquée : quoi ?


Bahija toujours en criant : Naïla m’a giflé.


Naïla : elle ment.


Yusef plaintif : maman, Nabil m’a dit que je suis petit.


Nabil : même pas vrai !


Naïla : maman, Cathi (la seule fille parmi les quadruplés) me regarde.


Amou soupire exaspérée : perce ses yeux !!!


Je m'avance vers eux amusée, ils sont effectivement dans le jardin (tous les enfants) et Amou leur répond depuis le salon. Après les salutations et accolades, je reste quelques minutes à écouter leurs histoires avant de rejoindre Amou.


Moi entrant : salam.


Amou concentrée sur son feuilleton : wasalam, bonsoir madame Ben Zayid.


Moi ne relevant pas : les parents sont où ?


Amou : pa’a dans leur chambre et ma’a à un mariage.


Moi : ok, je monte le voir.


Amou : d’accord madame Ben Zayid.


Je roule des yeux. 

En haut, je croise pa’a qui sort de la chambre qu’occupent les petits.


Moi : salam alleikoum, bonsoir pa’a.


Pa’a chuchotant : wa alleikoum salam warahama, Nahia tu es arrivée ?


Moi : oui.


Pa’a : suis-moi, je viens de coucher le prince (le plus grincheux des quadruplés) il ne faut pas le déranger.


Je hoche la tête en souriant, je le suis dans la suite parental et prends place sur le divan pendant qu’il range les coussins pour s’asseoir sur le lit.


Pa’a me souriant : comment tu vas ? Tu as l’air en forme.


Je me racle d’abord la gorge, en fait je suis assez surpris du ton avec lequel il s’adresse à moi. 


Moi : ça va pa’a je me maintiens.


Pa’a : c’est bon à attendre, je pensais que tu ne voulais plus jamais arriver par ici. Ta mère m’a dit que tu la fuis.


Moi : rhoo je ne la fuis pas, j'étais overbookée. Tu sais, la fin d’année et tout le tralala.


Pa’a me fixant incrédule : tu es pourtant régulière chez ton oncle.


Moi : ils sont justes à quelques mètres de l’entreprise.


Pa’a : hmm et comment ça se passe avec ton homme, la collaboration se passe bien ?


Moi : plus que bien.


Pa’a : bien, il dit quoi concernant le mariage ? J’attends toujours les nouvelles de sa famille.


Moi : ça ne saurait tarder.


Ma’a entrant dans la chambre : quand concrètement, c’est ça nous voulons savoir.


Ekpan !!


Ma’a poursuivant : ça fait trois ans que ça dure, trois ans qu’il te bloque. Tu serais dans un autre  foyer à l'heure actuelle.


Pa’a : Shaï…


Ma’a : aladji il n’y a pas de Shaï qui tienne, j’avais prévenu ta fille. J’avais bien dit à Nahia de ne pas se mettre avec lui. 


Pa’a : mais est-ce que quelqu’un d’autre s’est présenté pour l’épouser depuis lors ?


Ma’a : parce qu’elle s’entête à rester avec l’Arabe.


Moi : qui reste un bon parti jusque là.


Ma’a haussant le ton : en quoi est-ce que c’est un bon parti ? Ces gens là tu te mets avec eux, tu peux dire adieu à ta liberté de parole et de pensée, ils vont t’enfermer, faire de toi une chose et te priver de tout ce que tu aimes. Dieu te montre les signes que tu cours droit à ta perte, mais tu t’obstines.


Pa’a : je ne suis pas d’accord, ce garçon nous a tous prouvé à quel point il est sérieux et j’adule la relation paisible que notre fille vit avec lui. (se tournant vers moi) Nahia, c’est quoi le problème avec sa famille ? Qu’est-ce qui les empêche de venir nous voir ?


C’est vrai qu’il ne maîtrise pas bien le fin fond de l’histoire. 


Moi : euh, son père me rejette.


Il me regarde stupéfait.


Pa’a : ah bon ? Et il vous a donné ses raisons ?


Moi soupirant : parce que j’ai déjà un enfant.


Il fronce les sourcils.


Ma’a : c’est pour ça qu’on te dit de le quitter, tu trouveras quelqu’un d’autre dont la famille acceptera ta condition. Nous autre en Afrique, ne nous attardons pas trop sur ce genre de détails.


Moi : Ma’a, je ne veux pas quelqu’un d’autre. Je vais m’accrocher parce que je considère être la seule apte à juger de la viabilité ou non de mon couple.


Elle me toise.


Pa’a : dis-moi, quelle est la décision de Khalil face à celle de son père ?


Moi : il met tout en œuvre pour lui faire changer d’avis.


Ma’a faisant la moue : depuis trois ans ?


Moi : oui, on attend. 


Ma’a méprisante : c’est quand que vous allez où ? Pendant ce temps, tu évolues doucement, mais sûrement vers la ménopause.


Pa’a lui lance un regard réprobateur avant de revenir à moi.


Pa’a : ta mère a raison, tu ne peux pas l’attendre indéfiniment. Si son père ne t’accepte pas, il vaudra mieux pour toi passer à autre chose.


Moi dépitée : mais pa’a…


Pa’a me coupant : ma chérie, on n’a pas toujours ce qu’on veut dans la vie. Dieu mettra quelqu’un sur ton chemin malgré ton âge.


Moi soupirant : il va réessayer la prochaine fois qu’il ira les voir.


Pa’a : quand ?


Moi : dans trois mois.


Pa’a : ok, à l’allure où vont les choses si dans trois mois son père ne change toujours pas d’avis, je suis désolé ma chérie, mais tu vas devoir mettre un terme à cette relation.


Ma’a : tchôôôôô !!


J’arrive chez moi et fonce à l’appartement de Khalil. En refermant la porte, j'entends sa voix depuis le couloir. Je pense qu’il est en conversation avec quelqu’un. Il émerge dans le vestibule et me lance un regard désolé. 


Khalil dans le combiné : je te rappelle Jemal.


Il ouvre grandement ses bras et je cours me jeter là-dedans.


Moi relevant ma tête : embrasse-moi.


On s’embrasse un moment ensuite, je le serre fort contre moi.


Khalil : ça ira, ce qui compte c’est nous deux.


Moi acquiesçant : sers-moi plus fort.


Il resserre l’étreinte et moi, j’enfouis ma tête dans son cou.


Khalil : je vais à Abu-Dhabi dans deux semaines pour le mariage de Jemal et j'ai pris une certaine décision par rapport à tout ça.


Je le regarde fixement.


Khalil : je te demande juste de me faire confiance.


Moi dans un soupir : ok !


On va encore faire comment ??






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