Partie 1 : envoyer une relation au calandre grecque

Write by labigsaphir


- Ophélie, viens manger mon bébé. Entendis-je en ouvrant les yeux.

- tata. Fait-elle en prenant ma main.

J’ouvre à peine les yeux en m’étirant et me tourne vers le côté, regarde le mur durant quelques secondes puis me retourne. Je regarde le visage de ma fille, lui souris et presse sa main durant quelques secondes.

- Ophélie, mon bébé, vas-y, va manger avec tata.

- Mama…mama…répète-t-elle en souriant.

- Depuis que tu as les dents, tu crois avoir grandi.

- Elle est belle comme sa maman, fait Faith en s’asseyant sur le lit, à quelques centimètres de moi.

- Merci, ma chérie.

- Tu sais qu’Ophélie ne quittera pas le lit si tu ne lui en donnes pas l’exemple ?

- Faith, je n’ai pas envie de faire cet effort.

- Je sais, Blessing, je sais mais l’envie et le force, me font défaut.

- Blessing,

Je prends Ophélie dans mes bras et la serre contre moi. Je soupire en sentant sa tête se poser sur mon cœur. Je la serre et sens ses petites mains se poser sur les miennes et sa bouche, chercher par reflexe, le chemin de mes seins.

- Tu as été sevrée depuis, mon bébé.

- Mama…Mama…mama.

- Non, Ophélie, non.

- Mama.

Nous jouons durant quelques minutes et sans que je ne m’y attende, elles montent et menacent de traverser la barrière de mes paupières. J’ai des sanglots qui montent, Faith se retourne et constate que je suis sur le point de craquer. Sans un mot, elle me prend Ophélie des mains, se lève, lui fait faire quelques cabrioles et ne s’arrête qu’en entendant ma fille rire.

- Maintenant, tu vas aller avec Sandrine, féfé.

- Serais-tu sérieuse, féfé ?

- Aka jalouse, c’est entre féfé et moi.

- Oh ! Excuse-moi, laissez-moi en dehors.

- Voilà, tu as tout compris. Sandrine !

- Oui, maman. Répond-elle dans l’autre pièce.

Deux minutes plus tard, Sandrine rentre dans la pièce en se frottant les mains.

- Bonjour tata.

- Bonjour Sandrine. Ça va ?

- Oui, tata. Prends soin de féfé.

- Oui, tata.

- Tu lui donnes le bain, puis à manger.

- Oui, maman.

Féfé se met à babiller et s’agiter dans les bras de Faith avant qu’elle ne la passe à Sandrine. Elles quittent la pièce et moins d’une minute plus tard, Faith se rassied sur le lit.

- Blessing, je sais combien il est difficile pour toi de te relever de cette situation mais il le faut.

- Faith, je sais que tu veux m’aider mais je vais bien.

- Cela fait une semaine que tu n’es pas sortie de cette maison, une semaine que tu n’as pas quitté ton lit.

- …

- Blessing, nous avons tous à un moment donné ou à un autre, eu à faire face à une déception amoureuse. Je comprends que ce soit difficile parce que Jack était le premier, celui que l’on idéalise toujours.

- …

- Il va falloir que tu trouves la force de te relever soit en priant, soit en discutant mais dans les moments et les pires, regarde les yeux de ton enfant, regarde dans tes yeux et tu trouveras la force de te relever.

- Faith, non. J’ai souvent entendu dire qu’en amour, l’on souffre à cause du karma. Faith, qu’ai-je fait ?

- Tu sais, avec les hommes, il n’est pas souvent nécessaire de faire quelque chose. Les hommes, pour la plupart, réfléchissent avec leur phallus.

- Leur quoi ?

- Phallus, Blessing.

- Je sais que tu as eu un Bac C mais tu oublies que certains n’ont pas eu la chance de pousser loin, les études.

- Excuse-moi, je voulais juste dire que certains hommes ne réfléchissent qu’avec leur sexe. 

- Oh ! Je comprends mieux.

- Ecoute, Blessing, je comprends que tu n’ais que 21 ans mais il est temps pour toi, de grandir. Tu n’es plus seulement une grande-sœur mais aussi une mère et une mère, devrait faire toujours faire passer son bonheur et son bien être, après celui de sa progéniture.

- Huhum.

- Tu souffres, je n’en doute mais crois-tu qu’il soit juste que féfé en paie le prix ?

- …

- Blessing, je suis de loin ton ainée. Je suis en couple depuis bien des années avec mon compagnon, c’est dire que j’en ai vu de toutes les couleurs. Te dire que je ne ressens rien qu’il ne m’arrive pas de détester mon compagnon, serait mentir.

- …

- Ses infidélités sont un secret de polichinelle. Sais-tu pourquoi je n’ai pas d’amie, à part toi ?

- Non et c’est vrai que j’ai trouvé cela bizarre. J’ai souvent voulu te poser la question mais me suis retenue.

- Antoine, moins d’un an après que nous nous soyons installés, s’est mis à courtiser et coucher toutes mes amies, les unes après les autres.

- Oh !

- Le pire est que le connaissant et l’aimant d’un amour pur et sincère, à chaque fois qu’il commencait une relation, je le savais. Il n’y a jamais eu de trace formelle mais tout dans son attitude me faisait comprendre qu’il avait une nouvelle maitresse.

- …

- Le changement d’humeur, ses rentrées tardives, l’ardeur qu’il mettait à me faire l’amour une fois toutes les six semaines ou encore, l’attention qu’il portait à son aspect physique. Le pire, j’ai appris avec le temps qu’un homme s’apprêtant à tromper sa femme, fait taire sa conscience ou se donne bonne conscience en couvrant sa compagne d’attentions ou de cadeaux.

- …

- Blessing, tu es encore jeune et comprendras certaines choses avec le temps. Antoine, lngénieur, a exigé que j’arrête mes études alors que je venais à peine d’avoir le BAC C, mettant ainsi fin à mon avenir.

- Attends, il a le même Bac que toi mais s’est battu pour trouver le travail. Pourquoi a-t-il refusé que toi, tu continues les études à la fac ?

- Je ne sais pas mais il est l’homme et je suis sa femme.

- Blessing, ce n’est pas possible.

- Il m’a dotée, il m’a dotée. Aux yeux de mes parents, j’appartiens à Antoine et à sa famille.

- Lui as-tu parlé de tes envies de recommencer à aller à l’école ?

- Il a dit que le devoir d’une femme est de prendre soin de son foyer et surtout, d’être soumise.

- …

- Blessing, je reconnais et pense qu’il serait prématuré de te parler d’avenir mais à l’inverse de moi, tu as le choix.

- Quel choix ?

- Celui de te relever et battre pour votre avenir, féfé et toi. Tu peux te relever, recommencer à travailler et gravir les échelons de la société, les unes après les autres.

- …

- Tu n’as pas fréquenté, c’est un fait mais ce n’est en rien, tare. Si nous étions tous des Einstein, que serait le monde ? Nous ne sommes pas tous appelés à réussir par les études. Tu sais, Blessing, à bien d’égards, j’envie ta position.

- Faith, tu es presque mariée.

- Et j’aspire à prendre ma liberté, faire ce que je veux mais ne peux pas. Humm, je suis mère de quatre enfants, aujourd’hui et suis dans la trentaine.

- Je comprends.

- Blessing, tu es une mère célibataire et forte. Tu es plus forte que tu ne le crois, je t’assure. 

- Faith, je ne crois pas.

- Si ! Maintenant, lève-toi, va prendre une douche et tu recommences à aller travailler.

- …

- Je sais que les ragots vont aller bon train mais c’est mieux que d’être morte. Tu aurais pu avoir une maladie ou je ne sais quoi d’autres mais il faut que tu te relèves pour féfé.

- C’est vrai.

- Et n’oublie pas d’appeler ta mère, elle doit être inquiète.

- Mais pourquoi ?

- Depuis presqu’une semaine, à chaque fois qu’elle appelle, je trouve une raison farfelue pour excuser le fait que tu ne puisses répondre.

- Ok.

- Blessing, tu ne t’appartiens plus.

Elle se lève, j’en fais de même et une demi-heure plus tard, en mangeant, je vais installer mon matériel à côté de la route.

- Blessing, tu es revenue. Crie Marimar en venant m’embrasser.

- Oui, je suis revenue. Je n’allais pas mourir pour un homme. Aucun homme ne mérite les larmes d’une femme.

- Oooo ma co’o, pour ce que tu viens de dire, tu mérites un plat de mami Chan.

- Merci mais non.

- Aka, je reviens.

Elle se retourne, traverse la route et se dirige vers l’allée où Mami Chan a ses quartiers ; j’en profite pour m’occuper de deux à trois clients. Elle revient un quart d’heure plus tard, me tend un plat que je prends. Je mange et recrache les premières bouchées car en une semaine, je ne me nourrissais qu’avec la bière, refusant de m’alimenter ; mon estomac s’est contracté. Je recommence et mange avec lenteur et surtout, par petites bouchées et ce, heure après heure.

- Bonjour Blessing.

- Euh…Bonjour. Nous connaissons-nous ?

- Non, mais cela ne dépend que de toi.

- Je suis là pour travailler et non, pour coucher avec un homme.

- Tu es directe, c’est bien.

- Je ne sais pas comment tu connais mon nom mais je ne suis pas là pour trouver un mari.

- Blessing, je sais que l’imbécile avec qui tu vivais, viens de te quitter (il se tourne du côté de Marimar) ; celle-là, je vais lui régler son compte.

- Je ne suis pas intéressée et ma vie ne regarde que moi.

- Excuse-moi, je ne voulais pas te blesser. J’ai besoin d’une carte de quinze milles francs.

- Ok.

Je prends l’argent qu’il me tend, détache la quarte de quinze milles, la lui tend mais me rends à ce moment compte que je n’ai pas la monnaie ; en fait, je n’ai plus rien. Il a fallu que donne l’argent à Faith pour acheter tout ce qu’il faut à Ophélie.

- Je n’ai pas de monnaie. Attendez-moi là, je vais en chercher.

- Non, non, gardez la monnaie.

- Non, je ne veux rien de vous.

- De toi, c’est toujours mieux.

- Non, je vais chercher la monnaie.

Je me lève, pose les mobiles et m’apprête à poser le pagne que j’avais sur les jambes, lorsqu’il me saisit par le poignet.

- Blessing, je n’attends rien de toi. Je ne veux rien de toi. Je suis un bon croyant et au lieu de donner mes sous à l’autorité religieuse, je préfère la donner à tous ceux qui en ont besoin.

- Je ne suis pas une pauvre fille et je n’ai besoin de la pitié de personne.

- Je ne te demande rien en retour. Ce n’est juste qu’une occasion pour moi, de faire l’aumône.

- Euh…

- Malik, je m’appelle Malik. Ce n’est pas de la pitié mais un geste d’encouragement. Peu de femmes auraient le courage de se relever et d’aller de l’avant, comme tu le fais.

- Malik,

- Tu es courageuse, Blessing. Prends ça pour un encouragement et rien qu’un encouragement. Tu as une fille de moins de deux ans, cela pourra t’aider surtout que cela fait une semaine que tu n’es pas venue travailler.

- Tu me surveilles maintenant ?

- Non, et excuse-moi de t’en avoir donné l’impression.

- Bonne journée.

Il s’éloigne et récupère sa voiture, garée à quelques mètres. Marimar qui n’a rien raté de notre entrevue, se précipite vers moi.

- Massa, la go, es-tu folle ? S’écrie-t-elle en me tenant par l’épaule et me secouant de toutes ses forces.

- Pardon ? Marimar, arrête de me secouer, je ne suis pas un sac de patates !

- Blessing, je sais que ton gars vient de te quitter mais tu dois continuer à vivre. La preuve, tu es là et ta fille doit manger.

- Cela fait une semaine, juste une semaine et j’aime encore Jack.

- On parle des vraies choses et personnes, et toi tu me parles de Jack ?

- Jack, est le père de mon enfant et mon…

- Ton, quoi ?

- Mon…

- Ton quoi, Blessing ?

- …

- Ouvre les yeux, ma chérie, ouvre les yeux.

- …

- Il est parti ! Il est parti et a préféré la femme à la voiture.

- …

- Blessing, il a préféré l’autre ! Tu n’es qu’une call-boxeuse !

Mes yeux s’emplissent de larmes, Marimar a touché où ça fait vraiment mal. Les larmes coulent, je les essuie avec rage et m’assieds sur le tabouret.

- Excuse-moi, je ne voulais pas te faire mal mais parfois, il faut arracher la bande d’un coup sec.

- …

- Je ne te demande pas de te vendre à un homme pour son argent mais Blessing, tu es belle et jeune.

- …

- Tu es belle et jeune. Tu peux envoyer ton enfant à ta mère et recommencer à vivre.

- Je peux forger mon avenir, toute seule.

- Oui, mais pourquoi refuser un coup de pouce ? Combien d’hommes ayant un peu, s’intéresseraient à une call-boxeuse ?

- Justement, avec toutes les belles femmes dans leur milieu ?

- As-tu vu Pretty Woman ?

- Oui mais la vie n’est pas un jeu.

- Le bonheur peut frapper à n’importe quelle porte.

- Non, je ne veux pas.

Une cliente arrive, demande à appeler en France, elle reste au téléphone cinq minutes avec son mbinguiste. A cinq cents la minutes, j’empoche deux-mille-cinq-cents francs. La journée se passe mieux que je ne pensais. J’avoue l’envier, si je pouvais m’en aller et disparaitre afin de refaire ma vie.

- Chaque jour, il passait dans l’espoir de te voir et discuter avec toi.

- Je ne comprends pas. De quoi parles-tu ?

- Je parle de l’homme qui était là tout à l’heure.

- Je n’ai plus envie d’en parler.

- Blessing, si tu étais ma petite-sœur, j’allais te gifler !

- Ne te gêne surtout pas.

- Il était là tous les jours, matin et soir, à demander où tu es et si tu vas bien.

- Je vois. Et comment sait-il que mon gars m’a quittée ?

- Je le lui ai dit, avoue-t-elle en se frottant les mains et baissant la tête.

- Mais pour qui va-t-il me prendre ?

- J’ai aussi dû lui dire que c’est un salaud qui ne s’occupait de toi et votre enfant. Rassure-toi, il ne vient pas vers toi par pitié.

- Qu’en sais-tu ?

- Ça se sent.

- Non, Marimar, non ! Je ne veux plus entendre parler de lui.

- Cet homme est bien placé, il a tout ce qu’une femme souhaite mais il ne veut que toi.

- Non. Et si tu es intéressée, tu peux y aller.

- Tu es têtue, mon Dieu.

- Je me respecte.

- Tu te respectes et où est-ce que cela t’a menée ?

Je décide de me fermer aux autres et rentres dans ma bulle. Je travaille durant la journée et rentre avec trente mille francs à la maison, c’est une bonne journée. Je me rends à la garderie du quartier, afin de récupérer Ophélie.

- Elle n’est pas là, Blessing.

- Mais comment ça ?

- Faith est venue la chercher.

- Ah, ok.

- Quoi, n’étais-tu pas au courant ?

- Non mais ce n’est pas grave. Faith est ma voisine.

- Je sais, c’est pourquoi je lui ai donné la petite.

- Merci.

- Et au sujet du paiement ?

- Je ne comprends pas.

- Nous avons appris que son papa est parti.

- En quoi êtes-vous concernés ?

- Tu ne gagnes pas beaucoup avec le call-box et c’est son père qui payait tous les mois. Il a fait un dernier versement, il y a de cela trois mois, le versement trimestriel.

BLESSING, petit femm...