Partie 2 : à point nommé

Write by labigsaphir

Je serre ma fille brûlante de fièvre contre moi en priant tous les saints et sursaute en entendant les portes se bloquer.

- Pardon papa, je n’ai que ma fille, il faut nous laisser partir.

- A ton jeune âge, tu as déjà une fille ?

- Il nous a abandonnées, sou sou sou sou( pardon) papa ; des larmes coulent sur mon visage.

- En une nuit, je gagne une femme et un enfant. Au moins tu connais déjà l’homme.

KOUM…KOUM…KOUM…

Les larmes coulent sur mon visage, je regarde le rétroviseur et vois ses yeux. Non, non, je ne vais pas être violée, Seigneur. Je pose la main sur la portière, essaie d’ouvrir la portière mais elle fait un bruit bizarre, comme si elle se débloque puis se bloque à nouveau.

- N’essaie pas de t’enfuir, n’y pense plus puisque je contrôle l’ouverture et la fermeture des portières.

- Je m’occupe en plus de mon bébé, de mes petits-frères…Pardon, papa…Sniff…Pardon et mon bébé est malade…Bébé féfé peut mourir, pardon.

Le taxi file à une vitesse folle, l’air qui s’infiltre par l’espace, l’interstice laissée par la vitre et la portière est très violent. Je me mets à taper sur la vitre, désespérée mais les rues sont vides.

- Frappe mama, frappe si tu casses la vitre, c’est ta fille qui en paiera le prix, m’annonce le chauffeur.

- A l’aideeeeeeee…Aidez-moiiiiiiiiii…Seigneur, pardon, ne me laisse pas…Pardon…Jack est parti et ma fille est malade…pardon, pardon…snifff…pardon…prends moi mais laisse ma fille…Pardon.

J’ai l’impression de perdre la tête, ma vue est obstruée par mes larmes. Tenant ma fille dans une main, je me déplace sur le siège-arrière en tambourinant sur chacune des vitres, ce qui fait rire le chauffeur. Nous amorçons maintenant la route menant au Carrefour Warda. Ceux qui connaissent savent qu’à droite, il y a de hautes herbes, une grande étendue d’herbes. C’est le repère des bandits et des charmeurs de serpents.

Il s’arrête sur le bord de la route, débloque la portière, j’essaie avec la mienne ; elle bloque. Un homme surgi de je ne sais où, rentre et s’assied à côté du chauffeur.

- C’est comment ? Demande-t-il en se tournant vers moi ; je n’aime déjà pas, son sourire.

- C’est elle que tu as trouvé ?

- Oui, comme tu vois et elle a un enfant.

- Dis donc, tu as du flair.

- Pardon, pardon, fais-je en me rapprochant du nouvel arrivé. Je n’ai que ma fille et nous n’avons pas d’argent.

- Et où allais-tu sans argent ? Gronde le chauffeur, visiblement énervé.

- J’emmène mon enfant à l’hôpital.

- Dis donc, Type, fous-moi la fille-là, hors de mon taxi.

L’autre descend du taxi et viens ouvrir la portière arrière, se penche et m’agrippe par le bras. Je sursaute en voyant son visage. Je ne sais pas, il me semble familier.

- Fuller, attends ! Comme je t’ai dit, elle va devoir payer.

- Pardon, pardon… Sou sou sou sou…mon enfant est malade.

Il rentre, s’assied près de moi, referme la portière. Mon cœur bat la chamade et mes yeux se mettent à picoter.

- Aidez-moi ! Aidez-moi ! A l’aiiiiiiiiiiiiiide !

- Tais-toi ! Personne ne pourra t’aider ici.

Il m’attire à lui, plaque la main sur ma bouche, je ne peux plus bouger. J’essaie de m’échapper, mais rien. Il avance l’aventure de quelques mètres, traverser la route et s’avance vers les hautes herbes, les voitures ne passent presque pas. Il serre bien, puis celui qui me tient, ouvre la portière et me tire avec force, m’arrache mon bébé en me jetant sur le sol avec force. La portière claque, je vois l’autre contourner. J’ai envie de m’enfuir mais mon bébé m’en empêche.

- Pardon…pardon…Rendez-moi mon bébé…Pardon, je n’ai rien…Je n’ai rien…Pardon, laissez-moi partir.

- Te laisser partir, pourquoi ? Intervient l’autre en détachant sa ceinture.

- Pardon, pardon. Fais-je en me levant.

Je me précipite vers l’autre pour lui rependre mon bébé mais il me donne un coup de pied au bas-ventre. Je tombe à la renverse mais me relève malgré la douleur en pensant à mon enfant.

- Pardon, pardon, fais-je en rampant aux pieds de celui qui tient mon enfant.

Une main se pose sur mon pied et je suis tirée par l’arrière avec brutalité. Mes genoux sont certainement écorchés et saignent. La douleur, je choisis d’en faire abstraction. Je suis retournée comme une crêpe. Le pantalon de l’autre est descendue et son phallus, bien dressé.

- Il est temps de jouer, ma jolie ; son regard est lubrique.

- Pardon…pardon…pardon, ne faites pas ça.

- Montre-moi la marchandise, fait-il en tirant sur la robe que je porte.

Il soulève ma robe, tire sur ma culotte d’un geste sec ; c’est à peine si je l’entends craquer.

- Pardon, pardon, pardon, fais-je en me débattant…Nooooon….non.

Il se baisse, rapprochant dangereusement son phallus de mon intimité. Je me débats comme je peux mais sais en voyant son mastodonte, que je vais souffrir.

- Ah ça ! Surtout que ces seins sont comme je les aime.

A cet instant, féfé se met à pleurer et celui qui la porte pousse un cri strident.

- Type, pardon, il faut quitter derrière la malchance. Laisse-la partir avec son enfant.

- Pourquoi ?

- Regarde son enfant, pardon.

Il se rapproche, je me relève et constate que mon enfant est en train de trembler et une bave coule de sa bouche. Elle ouvre ses yeux tout doucement, j’ai l’impression qu’ils sont blancs.

- Type, pardon, il faut quitter derrière le ndoutou (malchance, argot camerounais).

Il dépose l’enfant près de moi, je me relève et la prends, pendant que l’autre se rhabille de mauvaise grâce.

- Seigneur, après que Jack m’ait quittée pour une autre, une riche, il faut aussi que je perde mon bébé.

Le dénommé Fuller se rapproche de moi, braque une petit torche sur mon visage.

- Full, monte et allons-nous-en !

- Non, il faut emmener la petite-là à l’hôpital.

- Pourquoi ?

- C’est une petite de mon quartier, type.

- Quoi ?

- C’est une petite du quartier. Je connais le gars qui restait avec elle, un méchant.

- Tu vas payer. L’argent, c’est le nkap argent argot camerounais).

- Voici kolo (mille francs, argot camerounais).

Fuller me tend la main, je l’esquive, me relève tenant mon bébé. Féfé est dans mes bras et tremble. Il ouvre la portière et recule, je fonce ; c’est la vie de ma fille qui est en jeu. Elle convulse dans mes bras, mes larmes coulent en silence, pendant que je prie tous les sains, espérant être entendu.

Quelques minutes plus tard, le taxi gare devant l’hôpital central, Fuller au lieu de s’en aller, descend et me suit. A peine ai-je présenté la petite aux infirmières qu’elle est prise en charge. J’extirpe les trente mille francs de mon soutien, vais payer à la caisse et viens rester avec la petite. Le médecin fait un diagnostic, un accès palustre. Elle est rapidement perfusée et les médicaments donnés par ce moyen à la petite. Je fléchis les genoux et prie, prie en pleurant ; je n’aurais jamais pensé aimer une personne comme j’aime mon bébé.

- Seigneur, ne m’enlever pas mon enfant…je vous en prie…Pardon, Seigneur.

QUELQUES HEURES PLUS TARD…

J’ouvre les yeux, j’ai dû m’endormir puisque la lumière, les rayons du soleil frappent mes yeux de plein fouet. Je ferme les yeux en posant la main sur celle de féfé. Je baisse la tête et constate qu’elle a les yeux fermés, je me lève, pose la main sur sa joue : elle n’a plus de fièvre. Une infirmière rentre au même moment, je me tourne vers elle.

- J’ai dû m’endormir puisqu’il fait jour. Ma fille,

- Son état est plus stable. Elle ne convulse plus et dort maintenant.

- Quand passera-t-il ?

- Qui ?

- Le médecin.

- Il reviendra dans une heure pour la ronde du matin.

- Ok.

Je vais retrouver ma place initiale, envoie un message ma mère, me rassieds et pose ma tête sur le lit en pensant à Jack. J’essaie de le joindre, « Il n’y a plus d’abonné à ce numéro », telle est la réponse. J’ai un pincement au cœur mais me maitrise et envoie un message à Marimar.

QUELQUES HEURES PLUS TARD…

…MARIMAR…

- Mama, voilà le type-là qui revient. Dit Eric en me mettant un coup de coude dans les côtes.

- Aïe !

- Excuse-moi, la go. Voilà le type-là qui revient pour Blessing.

- Ok.

Il gare non-loin de nous, descend, se dirige vers l’endroit réservé à Blessing, s’arrête devant puis se tourne vers nous.

- Bonjour. Excusez-moi de vous déranger, auriez-vous vu Blessing ?

- Bonjour tara.

- Blessing, avez-vous Blessing ?

- Non. Elle ne viendra pas aujourd’hui, non plus.

- Pourquoi ?

- Sa fille est malade et hospitalisée à l’hôpital…

- Marimar !

- Quoi, Eric ?

- Sais-tu qui c’est ?

- Non, mais.

- Mais quoi, Eric ?

- Monsieur, elle n’est pas là, sa fille est malade.

- Puis-je avoir son numéro de téléphone ?

- Non !

- S’il vous plait.

- Non, monsieur, répond-il en fouillant sa veste.

Il tend à chacun de nous, un billet de dix mille francs. Eric et moi, nous regardons, surpris et ne sachant vraiment comment réagir.

- Ecoutez, mes petits-frères, parce que vous avez l’âge de mes petits-frères. Vous savez que ce ne sont pas seulement les cartes qui me font venir ici.

- Tout le monde l’a compris ici, tara. La façon dont vous regardez notre Blessing, humm.

Bebela, c’est comme si c’est vous qui avez inventé l’amour.

Ekeuuuuu Eric, depuis quand ?

- Pardon, tu veux manger l’argent-là, seule ? Minal (mensonge) !

- Papa, elle m’a fait un message disant qu’elle est bloquée avec l’enfant à l’hôpital parce qu’elle n’a pas assez.

- C’est vrai, confirme Eric en rentrant dans le jeu.

- L’enfant est malade, poursuivis-je en le regardant dans les yeux.

- Qu’a-t-il ?

J’ai le papier qui a aidé à emballer le maïs et la prune, je le déplie en réfléchissant au nom de la maladie à donner. Vous ouvrez déjà les yeux mais plus la maladie de l’enfant sera grave, plus la somme que je pourrais demander, sera grosse. Je déplie et un mot frappe mon iris, pneumonie.

- L’enfant souffre d’une pneumonie, dis-je simplement.

- A son jeune âge ? S’indigne-t-il en posant la main sur ma table.

- Malheureusement, oui. Son père fume et boit comme une cheminée. A chaque fois que je rentrais dans leur maison, il y avait toujours le brouillard là-bas. Je ne sais pas comment l’enfant a fait pour survivre.

- Je te dis, renchérit Eric.

- Mais la petite peut mourir.

- Oui, tara, dis-je en piétinant le pied d’Eric.

- Combien lui faudrait-il ?

- Elle m’a parlé de cent-dix-mille francs.

- Quoi ?

- Oui, et là c’est même parce qu’elle avait déjà trente mille francs sur elle.

Il met la main de la poche, en sort des liasses de billets, qu’il pose sur la table. Eric et moi, échangeons un regard ; il a du mal à cacher son sourire en coin.

- Attendez, dit-il en mettant la main gauche dans la poche de son pantalon.

Il en sort d’autres billets qu’il pose sur la table. Eric et moi, nous regardons une fois de plus. Il prend tous les billets dans une main et se met à compter. Au lieu de cent-dix-mille francs comme demandé, il en donne cent-cinquante milles. Il tend un billet de dix milles à chacun de nous, nous nous empressons de les prendre et les mettre dans nos poches.

- Donnez-lui cet argent et qu’elle m’appelle aussi, voici ma carte de visite.

- Ok, fais-je en tendant la main.

Au lieu de me tendre la main, il la retire, l’air de réfléchir.

- Non, dites-moi où elle est, dans quel hôpital et j’en prendrais soin.

- Non, Marimar. Personne ne le connait, imagine qu’il veuille faire du mal à la mère et l’enfant.

- C’est vrai, renchéris-je.

- Non, je ne tiens pas leur faire du mal mais plutôt à les sauver.

- Tara, nous ne pouvons pas.

- Dans ce cas, donnez-lui cet argent.

- Merci, tara.

Je prends l’argent des deux mains, le remercie avant de le mettre dans mon soutien-gorge pendant qu’il s’en va.

- Dis donc, Blessing à cocher le bon numéro.

- Je te dis, Eric. Certaines sont bien nées hein. Pendant que je trime comme ça depuis des années, humm.

- Tu n’as pas d’enfants et elle en un, mais il est derrière elle.

- Je te dis.

- Qu’est-ce qui t’empêches de la corater (argot camerounais) ?

- Mais c’est notre personne, répliquai-je.

- Tu as suivi la dernière fois, Marimar, tu as suivi.

- Suivre quoi ?

- Elle a dit la dernière fois qu’elle ne voulait pas d’homme dans sa vie.

- Eric, comment peux-tu me demander de faire çà à Blessing ?

- Dis-moi, Marimar, crois-tu qu’elle soit vraiment prête à aimer de nouveau ?

- Il lui faudra un peu de temps pour guérir, mais ça ira.

- Eric, tu es un homme.

- Et alors ? Blessing est trop jeune pour l’homme-là et elle est encore amoureuse de Jack.

- Mais c’est elle qu’il veut.

- Marimar, Blessing est un enfant. Lance-toi, ma chérie.

- Je ne peux pas réussir, il aime Blessing.

- Et toi, tu es une femme.

- Dis-moi que tout l’argent-là n’a pas fait briller tes yeux.

- Si.

- Regarde, pour un renseignement, il a donné dix-mille francs à chacun de nous.

- Je sais, Eric.

- Bon, moi je vais acheter un plat de haricots que je vais faire saucer et manger avec le plantain mur.

- Bon appétit. Garde mon comptoir, je vais à l’hôpital.

UNE HEURE PLUS TARD…

… BLESSING…

Féfé a enfin ouvert les yeux, elle est encore faible mais va mieux. La fièvre est déjà tombée, elle ne sourit pas mais serre faiblement un de mes doigts. Un bruit je tourne la tête et vois une infirmière rentrer, tenant une ordonnance.

- Voici l’ordonnance laissée par le médecin. Il faut aller payer les médicaments à la pharmacie et l’on pourra perfuser la petite.

- Ok, fais-je en soupirant.

Elle s’avance vers le lit, touche le front de la petite, prend le bloc-notes accroché au lit de la petite, y note certaines choses et la repose avant de passer au lit suivant. Ah oui, je ne vous l’ai pas dit, nous avons été transférées dans une chambre commune, faute d’argent.

- Mama, tu attends quoi pour aller chercher les médicaments ? Je ne vais pas prendre racine ici.

- Qui va rester avec la petite ? Je ne veux pas qu’on vole mon enfant comme avec Vanessa.

- Pardon, vas-y, je vais garder ta fille.

- Ok.

Je prends mon mobile sur le lit et sors en courant, il faut que j’appelle ma mère.

- Allo, maman.

- Mama, c’est comment ?

- Féfé est malade et pour la sauver, il faut que j’achète des médicaments.

- Haaaaan.

- Maman, je n’ai plus cinq francs. Je fais comment ? Je laisse mourir, féfé ?

- Non, non. Là où je suis, même hab (cinq francs, argot camerounais), je n’ai pas. Laisse-moi demander autour de moi.

- Ok.

- Mama, garde la foi, tu comprends ?

- Oui, maman.

- Garde la foi, Dieu n’abandonne jamais ses enfants.

- Ok.

Je rentre à l’intérieur, l’infirmière porte ma fille et la berce.

- Elle pleurait, ma fille. J’ai aussi des enfants, je la berçais.

- Merci.

- Où sont les médicaments ?

- En fait, je n’ai plus d’argent. Ma mère me fera un mandat, tout à l’heure.

- Il faut payer, si tu veux qu’elle continue à être soignée.

- J’ai compris ; je me pince les lèvres.

Je prends ma fille

BLESSING, petit femm...