Partie 11

Write by PaulBernardAMGL

« I know it hurts sometimes but you'll get over it. You'll find another life to live. »


Lil Uzi Vert - The Way Life Goes



   Assise sur la table d'examen, j'attendais patiemment l'arrivée du gynécologue qu'Alex m'avait trouvée. Celui chez qui j'allais d'habitude était quasiment de la famille. Il aurait appelé mon père tout de suite après ma visite. Ou même devant moi.

    Le docteur entra dans la pièce quelques minutes plus tard.

- Bonjour, fit-il en accrochant son calepin au mur. Désolé pour l'attente.

- Bonjour docteur, répondis-je timidement.

   Il réajusta sa blouse qui était mal boutonnée.

- Comment allez-vous ? me demanda-t-il en me souriant chaleureusement.

   Il reprit son calepin et s'assit sur une chaise en face de moi.

- Bien, répondis-je sans conviction.

- Je suis le docteur Auguste Amela. Vous, vous êtes ?

- Tatiana.

   Il griffonna quelque chose sur son calepin.

- Tatiana quoi ? s'enquit-il en levant un sourcil.

   J'étais tellement nerveuse que je n'arrêtais pas de me tordre la main.

- C'est votre première fois ?

   Je hochai la tête.

- Détendez-vous, me conseilla-t-il. Tout se passera bien. Je vais juste vous poser quelques questions et ensuite on fera ce qu'il faut d'accord ?

    J’acquiesçai d'un signe de tête.

- Êtes-vous vierge ?

- Non.

    Il nota ma réponse. Il me posa d'autres questions auxquelles je répondis. Puis vint la question que je redoutais.

- Qu'est-ce qui vous amène ?

    La question à cent mille euro, me dis-je en déglutissant.

   Comme s'il savait ce que je ressentais, il fut patient. Il ne me posa pas la question une deuxième fois. Au lieu de ça, il posa son calepin.

- Quoi que vous ayez, sachez d'abord que ça ne sortira pas de cette pièce. Je suis tout d'abord un grand défenseur de la vie privée de mes patients. Ensuite je suis soumis au secret médical. Et enfin, qu'est-ce qui peut vous arriver de pire ? Être soulagée ? Guérir ?

    Son petit exposé avait fait mouche. Au point où j'en étais, qu'est-ce que je risquais encore ? Qu'est-ce que j'avais encore à perdre ? Qu'un docteur soit au courant qu'on a abusé de moi ?

    Mais mes lèvres n'étaient pas de cet avis. Aucun son ne sortit quand j'ouvris la bouche pour lui expliquer.

- Vous voulez le mettre par écrit ? me proposa le docteur.

    J'acceptai sa proposition d'un signe de tête. Il plongea sa main dans une des poches de sa blouse et en sortit un bloc note. Il y ajouta son stylo et me le tendit. Je les lui pris des mains. Après un court moment d'hésitation, je me décidai enfin.


     « Je me suis faite violer », griffonnai-je sur le bloc note. Je lui rendis son bloc note et le stylo.

- Je suis vraiment désolé, souffla-t-il.

     Il baissa la tête pendant un moment comme s'il partageait directement ma peine. Quand il releva la tête, quelque chose dans son regard avait changé. On l'aurait cru en proie à un profond chagrin.

- Ce que je m'apprête à faire n'est peut-être pas professionnelle mais je vais le faire au risque de devoir quitter mon métier.

    Je redressai, ne sachant que comprendre par sa phrase. Il se redressa à son tour et s'éclaircit la gorge.


- Je suis vraiment désolé, commença-t-il d'une voix profonde. Désolé que quelqu'un ne vous ait pas trouvé assez classe pour vous inviter au restaurant. Désolé qu'il ne vous ait pas jugé assez propre pour essayer de vous prendre la main dans une salle de cinéma sombre. Désolé qu'il ne vous ait pas fait rire en vous racontant des petites blagues. Désolé qu'il ne vous ait pas traitée comme la reine que vous êtes. Désolé qu'il n'ait pas eu assez de culot pour vous séduire comme un vrai homme l'aurait fait. Désolé qu'un sous-homme se soit jugé trop puissant ou trop important pour vous demander la permission avant de chercher le chemin de vos dessous. Désolé qu'il soit entré dans votre vie, et en vous, et ait tenté de tout vous voler, votre dignité y compris. Désolé qu'il n'ait pas su voir ce que moi j'ai vu quand j'ai franchi le seuil de cette porte quelques minutes plus tôt : une magnifique jeune femme qui mérite toute l'attention et tout le soin du monde. J'aurais aimé que vous puissiez vous voir à travers mes yeux, que vous puissiez ressentir ce que vous admirer me procure comme sensation. Je sais que je l'ai déjà dit, mais vous êtes vraiment magnifique Tatiana. Loin de moi l'idée de vous draguer, mais il fallait que vous le sachiez.


    Une larme solitaire naquit au coin de mon œil gauche, elle roula doucement sur ma joue et s'écrasa sur le dos de ma main. Son discours m'avait profondément émue. Les médecins sont des humains certes, mais ils doivent garder une certaine distance entre eux et leurs patients pour ne pas être affecté dans leur travail. Aussi fus-je surprise de le voir me réconforter.


    Il se leva et prit son calepin.


- Revenez demain à 9h pour votre consultation, me dit-il. Demandez le docteur Amela.

    Il sortit de la pièce sans un mot de plus. Il semblait encore plus secoué que moi. Peut-être que ça lui rappelait quelque chose, me dis-je en sortant de la pièce à mon tour.

    Je rejoignis Alex qui m'attendait dans la salle d'attente.

- Tu peux me conduire à mon rendez-vous avec Dwight ? lui demandai-je.

- Bien sûr.


    Il me ramena à la voiture en silence.


- Alors ? me demanda-t-il alors qu'il engageait la voiture de sa mère sur l'une des principales artères de la ville.

- Il m'a dit de revenir demain matin à 9h, répondis-je.

    J'évitais son regard en espérant qu'il ne remarque pas. Je regardais défiler les immeubles sans vraiment les regarder. Je repensais aux choses que venaient de me dire le Dr. Amela. Heureusement qu'il existait encore des personnes dans son genre, pensai-je.

   La voiture s’immobilisa soudain.

- Pourq...

   Je m'interrompis au milieu de ma question quand je compris qu'on était déjà devant chez moi.

   Je descendis de la voiture. Le vigile courut à ma rencontre dès qu'il me vit.

- Bonne arrivée mademoiselle, fit-il poliment.

- Bonjour chef, lui répondis-je, lui souriant malgré moi.

   Il semblait hésitant comme s'il avait quelque chose à me dire mais n'osait pas.

- Quelque chose ne va pas ? m'enquis-je.

- Au fait, répondit-il en se grattant la tête. Il y a une dame sur la terrasse qui prétend être votre mère.

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