PARTIE 11 : Les fugitifs de l’estuaire

Write by Fleur de l'ogouée

Grégory

06h30

Alors que je m’apprêtais paresseusement à aller prendre ma douche, quelqu’un cogne à la porte, tante Alphonsine devant ma porte à cette heure de la journée, je ne comprends rien, elle rentre rapidement

-Bonjour tata Fifi qu’est-ce qui t’emmène ici tôt comme ça

-Bonjour Greg, Tania est dans la chambre je suppose

-Oui, elle dort encore. Qu’est-ce qu’il y a tata ?

-Il faut que tu gardes ton calme mais la police sait qu’elle est ici. Sa mère l’a su d’une source sûre, un neveu policier de son mari qu’ils ont hébergé il y’a quelques années. Il lui a dit ça hier et elle est venue à la maison hier soir pour m’en informer, elle veut que vous vous mettiez en sécurité ailleurs. J’ai pensé à la maison de ton oncle Albert en Ntoum mais je ne sais pas trop si c’est une bonne idée, plus loin le risque c’est les contrôles de police.

Je réfléchis à toute allure, je suis paniqué mais j’essaye de pas le montrer à ma tante, je suis certainement recherché moi aussi et j’avoue que ça me fait peur, j’ai toujours tout fait pour éviter les problèmes avec la police. Tania sort de la chambre un peu instinctivement, elle fait un câlin à tata Fifi qui lui fait le topo sur la situation, elle n’arrive pas à dire un mot, tellement le choc est brutal

-Heureusement que Junior a dit ça à maman, Seigneur cette histoire va trop loin

-Je pense que j’ai une idée, maman a un petit terrain dans un petit village après Ntoum, on faisait les plantations là-bas à l’époque, il n’y a qu’un petit abri et une cuisine extérieure mais on n’a pas vraiment le choix.

-C’est parfait mais allez-y maintenant, parce qu’ils peuvent faire une descente à tout moment

-Tata il va falloir que tu sois prudente en repartant, nous on va laisser nos cartes sims ici pour qu’on ne puisse pas nous localiser, il va falloir que vous nous fassiez confiance, et que vous soyez patiente, en partant je vais acheter une Sim au marché chez les revendeurs, on essayera de vous faire signe dans la semaine.

-D’accord les enfants, que le Dieu miséricordieux veille sur vous, soyez prudents et tiens ça, ta maman a envoyé cela au cas où vous en auriez besoin

Elle lui tend une enveloppe et Tania de son côté lui remets un carnet contenant tous les indices qu’elle a pu tirer des dossiers de son père qui seront exploitables par l’avocat, ainsi que les affaires qui pourrait me relier à elle et que nous n’allons pas emporter.          On veut donner l’impression qu’elle n’est jamais passé ici, même si on sait que les services de sécurités ont certainement traqué tous nos mouvements de ces derniers jours. Ensuite tata s’en va en portant son foulard comme un voile, dissimulant ainsi une bonne partie de son visage, je pense qu’on fera de même pour Tania, il faut qu’on parte tout de suite, on ne sait pas quand ont-ils prévu de venir nous cueillir. Elle prend le reste de ses affaires, moi je prends quelques vêtements choisis au hasard, juste le temps pour moi d’envoyer un message à mon patron pour m’excuser de mon absence pour la semaine à venir, j’ai prétexté le décès brutal de mon père à Port-gentil et mon départ pour les préparatifs et la cérémonie, il m’a répondu presqu’instantanément en me rassurant et en me demandant de bien m’occuper de ma famille…

Tania

J’ai souvent regardé des films policiers avec du suspens insupportable et je trouvais toujours absurdes les scènes de cavale, aujourd’hui je me retrouve actrice et ce n’est pas pour un film. Nous avons d’abord pris le taxi bus, direction Rio un quartier populaire de la ville, ensuite nous avant pris un bus qui nous a laissé à Ntoum une ville de la province de l’estuaire que je ne connaissais que de nom, puis un clando qui est une petite voiture défectueuse qui sert de relais entre deux points précis à l’instar des taxis, il nous a laissé à un carrefour dont je n’ai pas retenu le nom ensuite nous nous sommes lancés pendant près d’une heure trente de marche pour enfin arrivé à destination, j’étais épuisée. Quand Grégory parlait d’abri il ne s’est pas trompé dans la description, une pièce fait un bois du sol au mur surmonté par un toit fait de tôle en aluminium, une pièce dans laquelle se trouve deux matelas d’une place et des nattes, avec une fenêtre et la porte qui se ferme à l’aide d’un cadenas, cadenas que l’on a dû casser vu que nous n’avions pas les clés mais Grégory avait prévu le coup donc on en acheter un autre au marché de Ntoum. Une fois nos affaires déposées dans un coin de la grande pièce nous avons ouvert la fenêtre par aérer un peu.

-Allons je vais te montrer le reste. En fait c’est le terrain de ma mère et quand nous étions enfants nous venions ici pour passer certains weekend ou juste une journée, on avait toute une plantation de fruits et légumes mais avec le temps et les problèmes de la vie, on a plus eu l’occasion de venir ici

Nous sortons de la pièce, pas très loin il y en a une autre qui fait office de cuisine avec un foyer, au-dessus on pose la marmite et en dessous le bois

-Tu avais déjà vu ce genre de chose ?

-Non jamais mais c’est le même principe qu’un barbecue donc on va dire que j’ai vu quelque chose qui s’y apparente

On continue avec la douche, ce n’est en fait que quatre tôles en aluminium dont la quatrième est amovible et sert de porte, il n’y a évidemment pas d’eau courante mais des contenants assez grands vides se trouvent devant

-Et pour l’eau

-Il y a une rivière en bas, on ira tout à l’heure et je vais prendre de l’eau pour prendre nos douches ce soir

Il est déjà 13h, la journée est passée à toute vitesse et mon ventre crie famine. Près de la douche se trouve les toilettes indigènes, c’est une espèce de trou assez profond, surmonter d’une assise en bois, de tous ce qu’on vient de voir c’est la chose qui me fait le plus peur. Assise les fesses à l’air, un trou servant de cuvette ? GHETTO. Je me remets un peu de mes émotions, puis nous prenons des seaux, des bidons de 5litres et nous marchons en direction de la rivière, une bonne quinzaine de minutes plus tard se trouve la belle source d’eau, je regrette de ne pas avoir de maillot de bain pour y plonger, je me trompe les pieds pendant que Grégory rempli les contenants.

-Si tu veux te baigner tu pourras venir avec un pagne pour te laver, il y a certainement les pagnes de maman dans la maison, elle se baignait toujours ainsi quand nous venions

Je prends les deux bidons et lui les deux seaux, puis nous rebroussons chemin, il se dirige directement vers le contenant de la douche qu’il rince et remplit, celui-ci est à moitié plein donc nous faisons un autre tour.

L’eau pour la douche c’est ok, le power-bank qui se recharge à l’énergie solaire est dehors, les bougies pour pallier à la pénombre une fois la nuit tombée sont déjà posé à vue d’œil, allumette, briquet, allume gaz tout pour le feu est présent, il ne manque que de quoi manger.

 

Gregory

La journée a été fatigante, il est déjà 16h et nous n’avons encore rien manger, il faut que je prépare avant que le soleil se couche. Nous n’avons pour vivre que 5kilos de riz, des boites de sardines, haricots et 1litre d’huile, je ne pouvais pas prendre plus, entre les sacs qu’il fallait que je porte, les courses et les kilomètres de marche qui nous attendaient, j’ai préféré jouer la sécurité, je ne suis pas Rambo. De toute façon nous sommes dans une partie pas encore très peuplé, la chasse, la cueillette et la pêche nous nourrirons. J’ai aperçu du manioc en allant à la rivière, il y a quelques poules qui traînes, bref pour la nourriture on va se débrouiller et elle devra s’adapter.

Je m’affaire en cuisine sous l’œil admiratif de Tania elle m’a avoué ne pas savoir cuisiner grand-chose, lorsqu’il s’agit de plat dont la durée de préparation excède trente minutes mademoiselle trouve cela trop long et fastidieux, elle est la reine des commandes de nourriture en ligne. Mais j’espère lui donner envie d’apprendre, pour moi préparé ça devrait être un acquis pour tout le monde, homme comme femme, on a tous besoin de manger pour survivre, donc tout le monde devrait pouvoir cuisiner au moins pour sa propre survie. Tania je ne la blâme pas pour cela, sa famille avait plusieurs employés prêts à cuisiner les plats qu’elle souhaitait à tous moments, hormis tata Fifi qui s’occupe du ménage, ils ont un cuisinier, une nounou, un majordome et deux gardiens. C’est maintenant qu’elle commence à voir ce qu’on appelle la vie.

-Demain je peux t’apprendre à faire le riz jaune si tu veux

-D’accord professeur, dit-elle en souriant

Ce sourire ravageur, je ne sais pas si elle a conscience de la beauté de son sourire, ou de la douceur de sa voix, ou bien encore de la délicatesse de chacun de ses mouvements, belle, délicate et gracieuse.

Nous sommes seuls au milieu de nulle part, les voisins les plus proches sont à 30 minutes de marche, elle m’a dit qu’elle avait peur mais se sentait rassuré par ma présence et pour le gaillard que je suis, ce compliment était l’un des plus beau qu’elle pouvait me faire. Ici on ne nous retrouvera pas c’est sûr mais je sais qu’avec le temps nos habitudes citadines vont nous manquer, on ne peut pas se cacher ici indéfiniment, j’espère que l’avocat trouvé par son oncle fera sortir son père et que tout ce bourbier prendra enfin fin.  

-Tu peux déjà aller te doucher, c’est presque près, ensuite je vais y passer et on pourra manger après, la nuit ici il y a des moustiques kamikazes donc il faut que l’on fasse vite.

Elle s’en va en traînant un peu les pieds, elle ne veut pas rester seule mais il faut bien que chacun de nous se douche et aille au petit coin sans déranger l’autre. Quelques minutes après, c’est à mon tour d’y aller, je la laisse dans la maison et fait aussi vite que je peux, de peur de la retrouver paralyser de frayeur. Une fois le repas avalé, nous entreprenons de nous coucher, il fait nuit noire, sous l’éclairage de la torche nous dressons les lits et après avoir verrouiller la porte nous mettons au lit, nous dormons chacun sur son matelas mais nous les avons rapprochés, pour qu’elle se sente plus en sécurité. Les minutes passent mais le sommeil ne daigne toujours pas pointer le bout de son nez, je la regarde elle est déjà endormie, si mignonne dans cette robe, elle respire la paix. Revenir ici a fait remonter beaucoup de souvenirs que j’ai mis du temps à enfuir, une époque lointaine où je pouvais être le fils aîné sans pour autant prendre la place d’un père, j’ai passé les 10 dernières années à m’occuper des autres, qui a pris soin de moi ? Qui m’a rassuré ? Aimé à en mourir ? Je n’aime pas me lamenter, me plaindre, j’ai toujours tout pris sur moi, toujours fait le dur à cuire, sans cesse été dans la confrontation. Aujourd’hui j’aspire à mieux, j’aspire à la paix et à la stabilité, peut-être un mariage et des enfants apporteraient cela à ma vie, ce sont potentiellement les pièces manquantes au puzzle de mon existence.

 

Tania

Je me réveille en sursaut toute transpirante, Dieu merci il dort, parce que comment j’aurais plus lui expliquer que je venais de faire un rêve érotique avec lui comme acteur principal. Ce rêve avait l’air si réelle, ses grands bras musclés autour de ma taille, ses lèvres contre les miennes, nos corps nus l’un contre l’autre, il me faut bien quelques minutes pour me rendre compte que rien de ceci ne s’est produit. Il est là tout serein, endormi comme un bébé, je suis tellement frustrée ne peut pas pouvoir le réveiller en apposant délicatement des baisers sur son torse, puis une fois réveiller déboutonner son pantalon et profiter de sa proéminence masculine. J’essaie de me rendormir tant mieux que mal et de chasser ses idées saugrenues qui me passent par la tête, j’ai des problèmes plus grave, qu’une partie de jambe en l’air ne résoudra pas, quoi qu’elle pourrait me faire oublier le temps d’un instant l’état merdique de ma vie en ce moment. Le pauvre garçon s’est retrouvé propulsé dans une affaire avec laquelle il n’est même pas impliqué, c’est vraiment une bonne personne. Il est indéniable qu’il me plaît et pas que physiquement, c’est un homme avec beaucoup de valeurs, la tête sur les épaules, bosseur, gentil et avec tout ça il est sexy, quelle femme pourrait rester de marbre devant lui, quand nous dormions dans deux espaces différents ma santé sexuelle se portait mieux, une seule nuit en sa compagnie a suffi pour réveiller la bête qui somnolait en moi.

Ce matin je me sens fébrile, je n’ai pas envie de me lever, je n’ai surtout pas envie de le croiser, je pourrais agir bêtement. Essayant tant bien que mal de chasser mes pensées perverses, je suis rejoint par celui qui me met dans cet état là

-Bonjour, comment était ta première nuit au village ?

-Au final c’était pas mal, je pensais que j’aurais été hanté par la peur mais j’ai dormi comme un bébé

-De toute façon j’étais là pour te protéger

Ce sourire qui me nargue, cette voix encore plus rauque le matin, cette barbe négligée, ce regard délicieux, je n’ai pas fait vœu de chasteté, je ne vais pas tenir longtemps avec lui dans ce village. Je me lève d’un bond

-J’ai bien envie d’aller à la rivière

-Tu peux y aller seule ?

-Je ne sais pas

-Attend que je retrouve un pagne et je t’y accompagnerai

-Merci Grégory et pas que pour le pagne, vraiment merci pour tout ce que tu fais pour moi depuis des semaines, sans toi je ne sais pas où je serais. Merci de me supporter, de me protéger et d’agir en parfait gentleman

-Mais de rien

 Gregory

J’ai senti mon cœur sauter de joie lorsqu’elle m’a remercié non pas que j’attendais ça mais la sincérité que j’ai lu dans ses yeux, la douceur avec laquelle elle a prononcé ces mots et la proximité de nos deux corps.    

Après avoir déniché un pagne qui n’a certainement pas servi depuis plus de 10ans, nous nous sommes rendus à la rivière, je me suis assis à quelques mètres, une distance raisonnable pour qu’elle ait son intimité et aussi pour l’écouter si jamais elle appelait à l’aide.

Assis sur une roche, le dos tourné je l’écoute chanter et chahuter, elle a l’air de bien s’amuser, j’aurais aimé être dans cette eau aussi.. 

La belle et la bête