Partie 18
Write by Ornelia de SOUZA
Hier, mon époux était rentré totalement soûl au milieu de la nuit et s'était effondré dans le canapé du salon. Il n'avait même pas pris la peine de me parler ou de me voir allongée dans son lit. J'avais fourni toute sortes d'efforts pour le réveiller mais en vain. Finalement je m'étais endormie. Ce matin, à mon réveil j'avais préparé le petit déjeuner et une infusion pour la possible migraine de mon époux. Je m'étais battue et je l'avais gagné donc je ferais tout pour le garder. Je dressai la table et laissai l'odeur réveiller Carin. Ce qui ne tarda pas. Dès qu'il se réveilla, il me jeta juste un regard avant de se diriger vers la douche où il passa une bonne demi-heure. À sa sortie, il me rejoignit à table à ma grande joie.
-Bonjour Carin; dis-je.
Je n'eus aucune réponse mais je me hâtai de lui servir son petit déjeuner et de lui proposer la tisane.
-Merci; dit-il d'une voix enroué.
Il ne m'adressa plus la parole de tout le repas. Il finit, se leva et sortit de la maison. Il était en colère et je le comprenais parfaitement. Si on m'avait obligé à épouser une personne que je n'aimais pas, je serais tout aussi remontée que lui. Mais moi je voulais être heureuse. Maintenant que j'avais l'argent, je voulais aussi l'amour et c'était pour cela que j'avais choisi Carin car il était le seul homme à m'avoir attiré dans ma vie. Le seul! J'étais prête à tout pour qu'il m'aime ne serait-ce que du quart de l'amour qu'il portait à cette Inès. D'ailleurs, je devais m'assurer qu'il ne la voyait plus car je ne voulais pas être surprise.
Un peu plus tard, Ashley et ma belle-mère vinrent me rendre visite. Toutes les trois, nous papotions pendant un moment avant d'en venir au sujet sérieux.
-Alors? questionna ma belle-mère. Mon fils t'a t-il honoré ?
-Non; murmurai-je un peu triste... Mais ce matin, il a déjeuner avec moi. C'est déjà un bon début.
-Oh, et ne t'inquiète pas; me rassura Ashley. Tu es une femme extrêmement belle. Il ne résistera pas longtemps.
J'espérais que ce soit le cas. J'espérais que le temps adoucisse le cœur de Carin. Nous passions la matinée à débattre de divers sujets avant de sortir faire les courses. J'avais hâte. Ce moment, je l'attendais depuis que j'avais su que Carin était un riche héritier. Dépenser de l'argent sans m'inquiéter était le privilège pour lequel je m'étais battue. Des robes plus belles les unes que les autres entrèrent en ma possession. À l'essayage d'une robe droite particulièrement près du corps, ma belle-mère me fit la remarque que bientôt je ne pourrai plus porter ce genre de vêtements. Je pris peur car j'avais même oublié cette grossesse fictive. Plus tard, elles me déposèrent devant mon nouveau lieu d'habitation avec une réelle préoccupation. Comment simuler une fausse couche?
Alors que j'ouvrais le portail, une main m'agrippa la taille me faisant sursauter.
-Roland, ne fais plus jamais ça !
-Relax! Le quartier est inhabité! affirma le gros porc. Je viens prendre mes bénéfices.
Ma respiration s'accéléra d'un coup. Le quartier était effectivement inhabité. Si Roland était aussi violent que certains hommes, je passerai à la casserole contre mon gré.
-Je ne te permets pas ! dis-je en le repoussant
-Ah tu veux jouer à la plus fine avec moi?
-Ce n'est pas ça... Mon époux ne va pas tarder.
Il souffla et me lâcha. J'introduisis immédiatement la clé dans le portail et j'entrai dans la maison Roland à mes trousses. Avant que je ne puisse aller plus loin, il m'attrapa par le bras et me retourna.
-Ne t'amuses pas avec moi ma jolie; dit-il. Le deal était clair. Tu épouses Carin et tu te donnes à moi alors sers moi maintenant.
-Mais tu es malade?! hurlai-je. C'est la maison de mon époux. Je ne suis pas une traînée de ce genre.
Ses lèvres se fendirent en un sourire avant de se transformer en un de ses rires bien gras et rauques dont lui seule avait le secret.
-C'est à Roland que tu t'adresses ma chère. On se connait donc trêve de faux-semblants. Donne moi ce qui me revient de droit.
Il m'attira à lui et au moment même où il voulut poser ses lèvres sur les miennes, une voix résonna derrière nous. Il me lâcha et je me détachai immédiatement de lui. C'était Carin. Il était présent dans la maison et je ne le savais pas. Avait-il suivi cette scène et notre discussion?
-Qui est là ? dit-il en apparaissant sur la véranda les yeux mi-clos.
-C'est moi chéri ; dis-je la voix brisée et le cœur battant.
Carin demeura silencieux puis il se frotta les yeux. Roland et moi étions là attendant patiemment d'autres mots de la part de Carin.
-Roland? lança t-il. Que fais-tu ici?
-Je suis venu rendre visite au nouveau couple ; se hâta de répondre Roland... Et j'ai croisé ton épouse au dehors...
-Ah je vois... Excuse moi mais je ne suis pas en état de te recevoir.
-Je le comprends parfaitement et d'ailleurs j'ai une urgence alors je reviendrai plus tard.
Roland s'en alla sans demander son reste me laissant seule avec mes questionnements. À quoi jouait Carin? Nous avait-il surpris? Je l'observais les mains moites avant qu'il ne me lance d'un air insolent.
-Quoi? Tu veux ma photo? Tu comptes rester là toute la soirée ?
Je me décidai enfin à bouger et à le suivre dans la maison. Il puait l'alcool et il ne le cachait pas. Il n'était pas totalement lucide. Il se dirigea vers le bar et porta la bouteille de whisky à sa bouche. Il buvait le contenu comme s'il buvait de l'eau. J'étais quand même choquée de le voir dans cet état. Nous étions quand même loin du médecin bien propre sur lui qui m'avait fait chaviré.
-Combien tu veux? me demanda t-il soudainement
-Pardon? dis-je pas très sûr d'avoir compris la question
-Combien tu veux pour disparaître de ma vie Mélaine ? cria t-il en jetant la bouteille contre le mur me faisant sursauter.
-Ne me parle pas comme ça... Je t'aime et...
-Oh ferme là ! m'interrompit-il. Tu n'es là que pour l'argent. Tu gâches nos deux vies pour l'argent espèce de trainée. Donne moi ton prix maintenant pour qu'on arrête cette mascarade.
-Tu as trop bu; dis-je
-Donne moi ton prix ! ordonna t-il en avançant d'un pas menaçant vers moi.
Je reculai heurtant la table basse dans mon mouvement. Je tombai à plat ventre et un cri m'échappa. L'idée traversa alors mon esprit comme un éclair. C'était le moment ou jamais alors j'hurlai encore un bon coup.
-Pourquoi tu cries? questionna Carin avec un geste d'agacement
-Mon ventre... Mon bébé... déglutis-je
-Quel bébé ? demanda t-il avant de partir dans un fou-rire et de se retirer dans sa chambre.
Je me levai immédiatement et je me rendis à l'hôpital où je patientai en attendant l'autre porc. L'infirmière que j'avais payé m'avait laissé entrer dans son bureau sans y poser d'objection. Au bout d'une heure, il fit son apparition tout en sueur. Il s'étonna de me découvrir dans son bureau mais renfrogna la mine une fois l'effet de surprise passer.
-Que me vaut donc la présence de la dame?
-J'ai besoin de ton aide; m'hâtai-je de dire
-C'est tout de même rapide ma chère ; ironisa t-il. Tu refuses de respecter notre marché et maintenant tu me demandes mon aide? Suis-je aussi idiot?
-Je n'ai en aucun cas refuser de respecter notre marché ; repris-je en me levant de mon siège. Quoi?! Tu voulais qu'on couche ensemble sur la pelouse de mon mari sous ses yeux?
-Pas de ça avec moi! fit-il d'un ton sec. Tout comme moi, tu ne savais pas qu'il était là et tu as refusé de te donner à moi. Tu veux jouer à la plus maline...
-Non; protestai-je en lui attrapant le bras. Le timing était juste mauvais crois moi. Je ne pourrai jamais te faire ça. Et j'ai aussi hâte d'honorer ma promesse.
-Ah oui? dit-il intéressé par mon mensonge.
-Mais qu'est-ce que tu crois Roland ? continuai-je. Je suis une femme et Carin ne me touche pas. J'ai besoin des bras d'un homme et je sens que cet homme, c'est toi.
La mine si dure qu'il m'avait servi à son arrivée venait de se transformer par enchantement en un large sourire bien vicieux. Le pauvre con! Quelques mots bien placés suffisaient à lui retourner le cerveau.
-Je vais te satisfaire alors tout de suite; dit-il en se dirigeant vers moi les bras ouverts.
-Non! lançai-je d'un ton ferme en me retournant.
-Et pourquoi? grogna t-il.
-J'ai un problème Roland et nous avons perdu assez de temps alors il faut qu'on le règle avant de nous donner du plaisir.
-Quel problème ? demanda t-il dubitatif
-Je veux tuer l'enfant que je porte! murmurai-je. Plus tôt, j'ai eu une altercation avec Carin et je veux en profiter parce que cette occasion ne se représentera plus. Je veux perdre ce bébé et l'en accuser.
-Sacré scénariste! me complimenta Roland les dents bien en évidence.
-Alors comptes-tu m'aider? demandai-je impatiente.
-Bien-sûr mais après il faudra que tu respectes notre marché... Sinon je ne répondrai plus de moi.
Roland venait de me menacer. J'etais consciente de pousser le bouchon loin en ce qui le concernait mais c'était la dernière fois où j'aurais besoin de lui. Ensuite je l'effacerai de ma vie qu'il le veuille ou non.
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(Carin)
Des hurlements lointains venaient de me réveiller d'un sommeil lourd. Quelqu'un hurlait mon prénom. J'étais encore totalement sonné et je ne percevais les sons que faiblement. Je me traînai difficilement hors du lit pour finalement me rendre compte que quelqu'un cognait furieusement à la porte en hurlant mon nom. Je reconnus la voix de ma mère et je me dépêchai d'ouvrir le portail. Une gifle me remit l'esprit en place avant que je ne puisse même émettre un son. Ashley et ma mère me poussèrent et entrèrent dans la maison. Ma mère me saisit par le col et hurla à pleins poumons.
-Mon fils, qu'est-ce que tu deviens? Qu'est-ce que tu as? Pourquoi? Pourquoi?
-Maman calme toi! cria Ashley. Calme toi! Tu ne vas pas te tuer pour lui. Regarde le maman. Il pue l'alcool. Il n'en vaut pas la peine.
Elles étaient complètement incontrôlables. Leurs cris et ma migraine étaient totalement incompatibles.
-Qu'y a t-il? questionnai-je avec peine
-Comment as-tu pu tuer ta propre progéniture ? hurla ma mère en larmes
-Quoi ?!
-Tu as violenté ton épouse Carin et tu l'as laissé se débrouiller seule pour se rendre à l'hôpital. Quel genre d'homme es-tu ? Est-ce l'alcool ? Es-tu devenu si inhumain mon fils?
-Non, je n'ai rien fait; tentai-je de me défendre.
-Il ne s'en souvient même pas maman ; intervint Ashley. L'alcool le rend malade. Il est malade.
-De quoi vous m'accusez? parvins-je à demander
-Tu as poussé Mélaine et par ta faute, elle a perdu votre fils; lâcha ma mère à bout de souffle.
-Quoi? fis-je totalement dans le flou
-Suis moi! ordonna ma mère en pénétrant mon salon.
La pièce était dans un état pitoyable entre les débris de verres et les vêtements que j'avais balancé un peu partout. Ma mère mit ses deux mains sur la tête pendant qu'Ashley bouchait ses narines pour se protéger d'une odeur fictive.
-Non non! fit ma mère. Je ne vais pas laisser mon fils se perdre. Je ne vais pas le permettre.
-Dire qu'on était ici plus tôt dans la journée ; commenta Ashley.
-Tu vas prendre une douche tout de suite et changer de tenue; ordonna ma mère. Nous allons à l'hôpital.
-Espèce d'assassin! m'insulta Ashley.
Cette insulte eut pour effet de me faire me rendre compte de la gravité des faits. Si Mélaine avait perdu son bébé, c'est qu'elle avait été effectivement enceinte. Mon Dieu, qu'avais-je fait? Je me rappelle qu'elle était tombé et qu'elle s'était plainte de douleur mais que je ne l'avais pas prise au sérieux. Je n'étais pas ce genre de monstre. Il était vrai que je ne voulais pas de Mélaine mais jamais je n'aurais tué l'enfant qu'elle portait comme semblait le croire Ashley et ma mère.
Je pris rapidement une douche puis je me laissai conduire à l'hôpital par ma sœur et ma mère. Nous nous rendrions directement dans la chambre de Mélaine. Elle était endormie et semblait dans un mauvais état. Ma mère lui effleura le bras,elle remua et se réveilla. Dès que son regard croisa le mien, ses yeux s'embuèrent et elle enfouie son visage dans le creux de l'épaule de ma mère. Non, je ne pouvais pas revivre ça. Une femme n'allait pas m'accuser une fois de plus d'avoir tué son enfant. Non! Je sortis de la pièce à reculons pour me retrouver totalement déboussolée dans le couloir. Une tape sur l'épaule me fit me retourner instantanément. Roland se dressait devant moi avec son éternel air désapprobateur.
-Qu'as-tu fait mon ami? Ton épouse a débarqué ici totalement en sang. Elle a perdu votre bébé...
-Je sais... Je sais... dis-je pour le faire taire.
-Il faut que tu te reprennes Carin; me moralisa Roland. Il faut que tu reprennes les rênes de ta vie. Ton foyer et ton boulot. Carin!
Mon prénom résonna dans ma tête comme une sonnette d'alarme. Il avait raison. J'avais assez déconné. Je devais reprendre ma vie en main. Il était vrai que ma mère m'avait obligé à épouser Mélaine mais était-ce peut-être parce qu'elle voyait en cette fille quelque chose que je ne voyais pas? J'avais déçu assez de monde, fait assez de mal. Tout ça devait s'arrêter maintenant.
-Tu es sûr que c'est de ma faute?
-Oui; me répondit Roland sans hésiter. Elle m'a même dit qu'elle t'avait appelé à l'aide mais que tu n'en avais cure.
Ma gorge se noua. Cette fois-ci j'était bel et bien responsable de la mort du bébé. Je respirai un coup puis j'entrai dans la pièce. Ashley et ma mère réconfortaient Mélaine. Toutes les trois tournèrent la tête dans ma direction. J'eus droit à deux regards accusateurs et à un regard confus.
-Maman... Ashley... Je vous prie de sortir de la pièce! dis-je le plus calmement possible
-Quoi?! Non! refusa Ashley. Tu penses...
-Ashley, je te prie de me laisser discuter avec mon épouse. Est-ce trop te demander?
-Non mais tu vas lui faire du mal et je ne peux pas te permettre ça.
-Maman, je t'en supplie! dis-je.
Ma mère hocha la tête puis poussa Ashley hors de la pièce me laissant seule face au terrible regard de Mélaine. Celle ci demeura silencieuse même si j'aurais aimé qu'elle dise quelque chose pour m'alléger de ma culpabilité.
-Je suis désolé ; me decidai-je finalement à lui dire. Je suis vraiment désolé d'avoir causer ça et de ne pas t'avoir porter assistance.
-J'aurais pu mourir uniquement parce que j'ai eu le malheur de porter ton enfant.
-Je m'en veux; me rattrapai-je. Je m'en veux vraiment et je suis prêt à tout pour me rattraper... On ne peut rien changer à ce qui est déjà arrivé. Nous sommes mariés et j'aimerais que nous fassions des efforts pour...
-Tu ne m'aimes pas! m'interrompit-elle. C'est pour ça que tu as voulu nous tuer, mon fils et moi.
-Non, j'avais bu; confessai-je. Je n'etais pas en état. Mais je désire qu'on reparte sur de bonnes bases. Je vais faire des efforts pour qu'on construise notre foyer dans le respect et l'amour. En échange, j'aimerais que tu me pardonnes et que tu fasses aussi des efforts.
Je n'eus pour unique réponse qu'un sourire mais je fus satisfait. Ce sourire voulait dire qu'à défaut d'oublier cet épisode, elle ferait l'effort de me pardonner. De mon côté, j'étais décidé à me ressaisir. Une erreur pareille n'allait plus se reproduire. Je n'allais plus être responsable de la perte d'une vie.