Partie 18 : Troublant

Write by labigsaphir

Partie 18 : troublant

[ MALICK ]

- Pourquoi fais-tu cette tête ?

- Tu le sais parfaitement, Lubna.

- Elle va revenir. Donne-lui aussi le temps de digérer.

- Humm.

- Quant au père de sa fille, tu ne devrais pas t’en préoccuper.

- Pardon ?

- En arrivant chez elle la dernière fois, j’ai cru qu’elle allait lui balancer la foudre.

- …

- Elle l’a envoyé au champ, une façon de dire qu’il n’y a rien entre eux.

- Huhum.

- Je sais que c’est difficile à croire mais il n’y a rien entre eux.

- …

- En passant, j’ai essayé de la faire venir à la maison mais elle a refusé. Il a fallu couper la poire en deux et c’est le bois St-Anastasie qui a été choisi pour un pique-nique.

- C’est bien.

- Elle n’est pas si méchante que ça et pour dire vrai, elle ne l’est pas du tout.

- …

- Avec elle, c’est certain que tu auras toujours du répondant.

- C’est vrai mais il faut qu’elle revienne et me donne une autre chance.

- Malick, tu devrais te calmer, sérieux.

- …

- Tu n’as rien d’un vrai Bantu.

- Eukieeee, sister.

- Sérieux, un vrai Bantu sent le bouc et est un homme frivole alors que toi, tu es incapable de tromper ta femme.

- Quand les hommes trompent, vous vous plaignez et maintenant qu’un homme est fidèle, vous le taxez de mou-mou.

- Si tu savais tromper les femmes, tu aurais su comment gérer Blessing.

- Blessing n’est pas n’importe qui, c’est là le souci.

- C’est vrai.

- Et pour l’autre ?

QUELQUES HEURES PLUS TARD…

[ SALIMA ]

- Salima, tu devrais aller mollo-mollo avec Malick.

- Si je vais mollo-mollo avec lui, il va m’oublier.

- Crois-tu que t’afficher négativement puisse aider ta cause ?

- Je ne m’affiche pas négativement, j’existe, c’est tout.

- Huhum.

- Oui, Jade, j’existe.

- Il faudrait que tu ailles donner les papiers à Malick.

- Pourquoi crois-tu que j’ai accepté le faire ?

- Pardon ?

- C’était une formidable occasion de le voir.

- Humm.

- Je vais mettre la longue robe rayée fendue sur les côtés et les chaussures plates.

- Mais la robe-là est moulante.

- Je sais, Jade.

- Ne me dis pas que tu vas encore chercher à l’allumer.

- Si si si si si c’est mon mari.

- Salima !

- Aka, je suis sa femme, je l’aime et compte regagner mon foyer.

- Humm.

Elle se retourne et me regarde en secouant la tête. Je suis venue passer quelques jours chez elle, histoire de me faire oublier visuellement de Malick. Je vais me doucher, me passe la mixture donnée par un papa du village sur le corps avant de sortir et m’assure que les deux fioles sont dans mon sac à main. Je vais manger avec Jade avant de m’en aller.

UN QUART D’HEURE PLUS TARD…

BOM…BOM…BOM…

- Qui va là ?

- Christian, c’est moi.

- Qui, Moi ?

- Salima.

- Madame, je suis désolé. Fait-il en ouvrant le petit portail.

- Pourquoi es-tu désolé ?

- Le patron a demandé que je ne vous fasse plus rentrer dans sa maison.

- Mais Christian, c’est aussi ma maison.

- Non, madame. Il m’a fait comprendre que c’est sa maison avec petite madame.

- Qui est petite madame ?

- Celle que vous avez tapée l’autre jour.

- Oh ! Pardon, je veux boire l’eau parce que je suis fatiguée.

- Attendez, je vais vous chercher ça.

- Il faut que je rentre, Christian. J’ai vraiment mal aux pieds et j’ai des vertiges.

- Vous pouvez partir chez vous.

- Christian, C’est à madame Badjeck que tu t’adresses ainsi ?

- Pardonnez madame mais je ne peux pas.

- Ok, humm.

- Je vais vous chercher l’eau et un tabouret.

- Merci, Christian.

Il referme le portail pendant que je m’installe par terre devant le portail, simulant un évanouissement. Quelques minutes plus tard, il revient et pousse un cri en me voyant par terre.

- Yemaleeeeeeeeeeh, la femme d’autrui est venue mourir dans mes mains…Opalooooo, tu restes, toi tranquille, ta part vient te trouver.

J’entends un bruit bizarre puis des pas approchent de moi, il me soulève et me tire doucement. Je sais être lourde à cause du bébé, mais pas à ce point.

- Wèèèèèèh madame, Wèèèèè. Continue-t-il en me portant avec peine.

J’entends le portail couiner et fais l’effort de garder les yeux fermés jusqu’à sentir la froideur du ciment de la guérite. Il me couche sur le sol et s’en va refermer le portail, j’ouvre les yeux et regarde de gauche à droite.

- Madame, j’ai eu peur. Fait-il en me voyant bouger.

- Je crois que c’est la chaleur de Yaoundé.

- Mais il ne fait pas chaud, madame.

- Je suis enceinte, Christian.

- C’est vrai, hein, madame.

- Aide-moi à me redresser.

Il s’exécute, je m’assieds et étends mes pieds à même le sol.

- Apporte-moi l’eau, Christian.

- Oui, madame.

La va chercher la bouteille d’eau et me tend un verre plein, je prends et bois en grimaçant.

- Je peux vous raccompagner chez vous ou appeler le médecin.

- Non, laisse-tomber. Il faut que je vois Malick, j’ai des documents à lui remettre.

- Donnez, je vais le faire.

- Non, aide-moi, je vais aller l’attendre dans la maison.

- Non, je ne peux pas.

- Christian, l’enfant que je porte est le sien. Sinon, pourquoi m’aurait-il fait bénéficier de son assurance-maladie ?

- …

- Je ne suis pas là pour chercher les problèmes, pardon. Il faudrait juste que je rentre dans la maison.

- Je vais demander à monsieur.

- Pourquoi ?

- Mais madame.

- Tchiiiiip !

Je pose la main sur mon ventre et me mets à grimacer en geignant. Christian pose le téléphone et vient m’aider à me relever.

- Je vais vous raccompagner chez vous.

- Ma maison est infestée de cafards, Christian.

- Il faudra le lui dire après.

- Christian !

Je pose la main sur le ventre en grimaçant. Le kougnafié dégaine son portable et compose le numéro de son patron, je crois. Il essaie n fois, toujours rien et finit par laisser un message. Je peste en silence et continue mon cinéma.

- Je n’arrive pas à l’avoir, me dit-il ; j’ai envie de le gifler et me lève avec difficulté pour descendre de sa véranda et me trainer jusqu’à la maison.

- Madame, il faut partir chez vous.

Constatant que je suis sérieuse été me traine sur les genoux, il est obligé de venir m’aider. Nous longeons l’allée dans un silence troublé de temps à autres par mes gémissements ; c’est tout de même ubuesque. Arrivée devant la grande porte, il me fait comprendre qu’il n’a pas la clé.

- Ce n’est pas grave, je vais m’installer sur la terrasse et l’attendre.

- Vous avez mal au dos, madame.

- Je vais me débrouiller, Christian. Merci.

- Si vous avez besoin de quelque chose, faites-moi signe.

- Ok.

Il s’en va, je vais m’asseoir pour souffler durant quelques minutes en posant mon sac à main sur la table.

- Phase I, réussie !

PENDANT CE TEMPS…

[ MALICK ]

- En es-tu certain ? Me demande Abdul.

- Oui, tonton, je le suis.

- Malick, il y a toujours moyen de s’arranger. Intervient Auguste.

- Non, tonton, c’est la fin. Fais-je simplement.

- Je sais qu’elle est têtue mais c’est une femme, continue-t-il calmement.

- Tonton Augustin, je ne veux plus de Salima comme épouse.

- Malick, où sont tes témoins ? Demande l’imam en égrenant le Tasbih.

- Ils sont là, ce sont mes frères Moktar, Omar et Brahim.

- Soit ! Fait tout simplement l’imam. Malick, que souhaites-tu ?

- Je souhaite libérer Salima.

- En es-tu certain ?

- Oui.

- Tu sais comment cela se passe, mon fils. Tu dois la répudier trois fois devant témoins, poursuit l’imam.

- Oui.

Je ferme les yeux, repense aux bons moments avec elle mais ne trouve pas la force de pardonner. L’image de Blessing s’impose dans mon esprit, j’ouvre les yeux et me tourne vers eux, décidé.

- Moi, Malick…

PENDANT CE TEMPS…

[ SALIMA ]

- Il n’a pas changé la serrure, Malick, toujours aussi prévisible. Dis-je en tournant la clé dans la serrure.

Avant de partir de la maison, la dernière fois, j’ai utilisé le savon pour faire une empreinte de la clé. Je rentre dans le séjour et suis surprise par la nouvelle décoration, elle est plus chic, simple et raffinée. Je préfère ne pas m’attarder sur le ou la responsable, là n’est pas mon souci. En me levant ce matin, je me suis dite que ce jour représenterait un tournant majeur de ma vie, je suis à l’aune de ma nouvelle vie.

Je me dirige vers la chambre de Malick, il est plus ordonné, humm. J’ouvre grand les penderies et la porte de la salle de bain. Je sors les fioles de mon sac à main, en verse une partie dans le WC et une autre dans les quatre coins de la chambre.

Je prends le tapi dans un coin de la chambre, puis le Coran posé sur la table de chevet de Malick, l’ouvre à certaines pages et me mets à réciter certaines sourates à haute voix en appelant le nom de Malick, plusieurs fois. Je sais que ce n’est pas très correct mais tout chemin mène à Rome.

J’allume un encens trouvé dans la chambre et recommence plusieurs fois la cérémonie en priant sur le coran. Je commence à étouffer et me lève pour aller ouvrir la fenêtre. En me retournant, je sursaute en constatant que le satané chat de Malick, je ne sais plus le quantième, est assis devant le coran et me regarde droit dans les yeux.

- Dégage !

Je fais un signe de la main pour le chasser mais il ne bouge pas d’un iota. Je suis obligée de prendre une samara de Malick et la lui balancer pour qu’il daigne bouger. Il s’en va en miaulant ou pleurant comme un bébé et revient quelques minutes plus tard mais reste à bonne distance.

Je prends la deuxième fiole, m’asperge de quelques gouttes et me mets à prier à nouveau. J’allume l’encens et répète l’opération. Lorsque j’ai terminé, le chat est revenu à sa position initiale, à quelques centimètres de moi.

Je frémis durant quelques secondes et décide de l’ignorer. Je verse une partie de la deuxième fiole dans la chambre et les WC, avant de donner un coup de pied au chat qui hurle s’en fendre l’âme et s’en va.

Je vais verser le contenu des deux fioles dans toute la maison en proclamant des sourates et halète lorsque c’est terminé. Quoi, pourquoi me regardez-vous ainsi ? Ne savez-vous pas que même les chrétiens le font ? Ne savez-vous pas que les grands de ce monde se servent des écrits sacrés pour tirer une force et perpétrer certains méfaits ou crimes ?

Ceux qui lisent la bible et le Coran, se sont surement rendus compte qu’à un moment donné, en lisant des sourates, l’on a l’impression de lire des versets bibliques, ceux de l’ancien testament ; je fais ici allusion aux Psaumes de David. Ceux que je fais est la base du charme et je le fais proprement, si Allah ne veut pas, cela ne marchera pas.

Je suis si essoufflé que je vais m’étendre au salon et m’endors.

QUELQUES HEURES PLUS TARD…

[ BLESSING ]

Je suis en train de discuter sur Whats’App avec ma mère lorsque j’entends toquer. Un coup d’œil à l’horloge murale, il est 22h30.

- Qui est-ce ? Dis-je en bougeant dans le canapé.

- Malick !

- Pardon ?

- Chérie, viens ouvrir, c’est moi.

- J’arrive !

Je me lève et vais ouvrir en trainant les pieds. Malick a les traits tirés, semble fatigué et avoir maigri.

- Bonsoir, bébé.

- Bonsoir Malick.

- Comment vas-tu ?

- Bien, merci et toi ?

- Pas du tout. J’espère ne pas te déranger.

- Je discutais avec maman.

- Oh ! Je peux y aller, si tu le souhaites.

- Non, reste.

- Merci.

Je tourne les talons, récupère le mobile sur la table et le porte à mon oreille.

- Maman, je vais devoir te laisser. Bonne soirée…Ok…Embrasse-la-moi.

- Désolé de t’avoir coupée avec ta mère, dit Malick en posant ses clés de voiture sur la table.

- Ce n’est pas grave. Que veux-tu ?

- Oh !

- Navrée d’être aussi directe. Assieds-toi, veux-tu ?

- Merci.

Il enlève sa veste et la poste sur une des chaises non-loin de là, avant de venir me rejoindre sur le canapé.

- Ta journée ?

- Fatigante. Et la tienne ?

- Aussi mais pleine de rebondissements.

- …

- Je ne pensais pas que tu ouvrirais.

- …

- Blessing,

- …

- J’avais envie de te voir. Voilà des semaines que tu m’évites royalement.

- …

- Je suis contente que tout ait été aplani entre Lubna et toi.

- …

- J’avais besoin de me reposer après une journée comme celle-ci.

- Tu aurais pu le faire chez toi ; je me mords les lèvres en me rendant compte de ce que je viens de lâcher.

- Dois-je comprendre que je te répugne ?

- Malick, je doute et n’arrive pas encore à te faire confiance.

- Je comprends, chérie. Mais comment voudrais-tu que nous avancions si déjà, tu as érigé des barrières dans ton esprit ?

- Je n’ai pas érigé de barrière dans mon esprit, dis-je en me levant.

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