Partie 21 : Rio Dos Camaroès
Write by labigsaphir
- Je suis éreintée mais heureuse d'être enfin arrivée, dis-je en prenant la main de Rustine Minsem. Merci Madame Minsem, c'est un plaisir de vous revoir.
- Non, Rustine suffira.
- Ok, Rustine.
- Comment a été le voyage ?
- Bien mais par contre, il fait très chaud, fais-je remarquer en m'éventant.
- C'est normal, nous sommes à Douala.
- C'est bizarre, dis-je en regardant autour de moi.
- Il est clair que c'est différent de la France ou l'Angleterre, j'avais aussi eu cette impression la première fois que j'avais foulé ce sol du pied.
- Ah bon ?
- C'est un dépaysement total, tout est différent de ce que tu as connu jusqu'ici.
- La chaleur est étouffante voire suffocante.
- C'est vrai. Est-ce la première fois que tu foules le sol africain ?
- Oui, avouai-je pendant que le chauffeur mettait mon trolley dans la malle-arrière. Vous savez, Rustine, commençai-je.
- Tu sais, Rustine, me coupe-t-elle en ouvrant la portière.
- Merci, dis-je en prenant place sur la banquette arrière.
- Je t'écoute.
- Je disais que je pouvais bien aller rester à l'hôtel. Je ne souhaite vraiment pas m'imposer.
- J'ai sympathisé avec ton oncle Dick, qui est l'un des amis de Monsieur Bradshow qui travaille pour les McDermott depuis toujours.
- Je vois,
- En discutant avec lui, il m'a appris que sa nièce allait arriver au Cameroun. Je me suis dite, pourquoi pas ?
- J'espère ne pas te déranger, tu dois vraiment être occupée.
- J'ai pris quelques jours de congés.
- Pas à cause de moi, j'espère ?
- Non, c'était décidé depuis, cela a juste coïncidé.
- Ok, fais-je soulagée.
- Tu n'as pas être gênée, Jeneya.
- Jen, je préfère.
- Allons-y pour Jen ; elle sourit et est encore plus belle.
- Merci.
- Au lieu d'aller rester à l'hôtel, endroit impersonnel, j'ai préféré que tu viennes séjourner à la maison. Je ne sais pas pourquoi, mais je t'aime bien.
- Merci, Rustine.
- De rien.
- Raymond, peux-tu mettre la clim, s'il te plait ?
- Oui, madame.
- Merci. Ici, nous sommes dans une ville côtière. Quand tu auras le temps, nous irons manger du poisson à Youpwé. Les pécheurs les ramènent, les nettoient devant les clients, assaisonnent avant de les braiser.
- Miam, cela doit être délicieux. Contrairement à mes frères et sœurs, je raffole du poisson et de la nourriture épicée.
- Ah oui ?
- C'est étonnant, mais cela a toujours été ainsi.
- J'avais prévu un menu spécial pour toi, tu sais.
- Oh non ! Je tiens à redécouvrir la gastronomie camerounaise. J'ai une amie camerounaise et une autre, gabonaise, elles m'ont fait découvrir les spécialités de leur pays. Je te surprendrais en te disant que je sais cuisiner quelques plats.
- Eh ben, tu es une vraie africaine à l'intérieur, ma parole !
- Mais oui !
- Dans ce cas, tu n'auras donc aucun problème d'adaptation.
- Oh non.
- C'est bien, tu as l'air d'être facile à vivre.
- Oui, oui.
Je tourne la tête vers la vitrine et du coin de l'œil, constate qu'elle m'observe puis essuie ses yeux du revers de la main. Je me retourne à cet instant e mon regard croise le sien : il est si triste.
- Ça va ? M'enquis-je en me tournant vers elle.
- Bien sûr, bien sûr, les lunettes que je porte, explique-t-elle.
- Cela peut arriver.
Nous parlons de la pluie et du beau temps jusqu'à notre entrée dans une concession dont la barrière est en fer forgée de couleur noire. Elle fait signe de la tête au gardien pendant que nous traversons le portail. La maison parait immense de l'extérieur, style ancien.
- Oui, une maison colonnade, dit-elle répondant à ma question muette.
- Cela détonne dans le milieu.
- Oui, mais bon, à Bonapriso, nous pouvons encore tout nous permettre.
- Pourquoi ce style ?
- Je l'ai voulue ainsi, la maison. J'en rêvais depuis toute petite.
- Elle est magnifique.
- Merci.
- L'architecte a fait du bon travail.
- Merci, il avait intérêt ; je la regarde car son ton est sibyllin.
- Ok. La tête que tu fais en vaut le détour. L'architecte n'est autre que mon époux.
- Ah oui, oui.
- Tiens, ils sont tous là.
La voiture gare sur le perron, je descends de la voiture et ne peux m'empêcher de regarder la façade couverte de lierres. Le lierre sur du blanc, en plus des fleurs de toutes les couleurs, le rendu est magnifique.
- Tu viens ou souhaites-tu aller te reposer ?
- Non, je viens, Rustine.
Je la suis, nous traversons un parterre de fleurs et rallions le jardin où des enfants courent et à droite, à côté du barbecue, une dame aux fourneaux et plus à gauche, un homme est attablé. Il se retourne en nous entendant arriver, se lave rapidement les mains et vient vers nous.
- Bonjour Mademoiselle Croft et bienvenue chez nous, dit-il en me tendant la main ; je la prends, il est d'emblée sympathique.
- Jeneya ou Jen, corrigeai-je automatiquement.
- Jen, voici mon époux, Auguste Minsem, Auguste, Jen Croft.
- Enchantée et merci pour l'accueil, dis-je en lui faisant un grand sourire.
- J'espère que le climat sera clément.
- Oh, je m'y habituerai de toutes les façons. Sont-ce vos enfants ?
- Oui, répond Rustine en souriant.
- Venez pas là, dit Auguste en faisant de grands gestes.
Les enfants accourent et me regardent avec curiosité, ils sont tous mignons et ressemblent à leurs parents. Je suis surtout impressionnée par le nombre. Le téléphone d'Auguste se met à sonner, il s'excuse et s'en va répondre plus loin.
- Les enfants, je vous présente Jen, elle restera quelques jours avec nous.
- Bonjour Jen, font-ils en chœur.
- Là, ce sont les jumeaux Karl-Andress et Jules-Andress, ils ont 11 ans ; je leur fais des bisous, il pose la main sur leur joue et me font un sourire franc.
- Ils sont beaux.
- Merci. Ici, c'est Samuel alias Samy, 10 ans et Ytu, qui a 9 ans. Ce sont tous les enfants qu'Auguste a eu avant moi, mais ce sont tous nos enfants ; je leur fait aussi la bise. Effectivement, il y a un trait de ressemblance.
- Ils sont tous beaux.
- Merci. Là, ce sont les plus jeunes, les enfants que nous avons eux, Auguste et moi.
- Ok, je vois.
- Inaya, 8 ans, notre aînée. Imany, 5 ans, et les jumeaux de 3 ans, Lorenzo et Enzo.
- Venez me faire un câlin, s'il vous plait ; je les embrasse tous, puis nous allons prendre place autour de la table.
- Je n'aurais pu deviner que les trois premiers n'étaient pas de toi.
- Ce sont tous mes enfants.
- Vous formez une famille assez harmonieuse.
- Merci.
Nous avons mangé du folong, l'équivalent des épinards en Europe, sautés avec de la viande de bœuf, des plantains murs cuits à la vapeur et en dessert des papayes et entrée, des avocats crevettes. C'est délicieux, je me suis régalée comme jamais surtout que tout est bio.
- C'est délicieux, dis-je avant d'avaler une bouchée.
- Merci. Tu devrais faire attention aux quantités, sinon tu grossiras rapidement.
- Merci du conseil.
- De rien. Oh, attends, c'est mon portable, je crois que ce sont tes parents.
- Ah oui, passe les moi, merci.
- Attends-moi, ne bouge pas, s'il te plait.
Elle s'en va et revient avec un téléphone et une puce de téléphone.
- Il est déjà chargé et j'ai chargé le téléphone, m'explique-t-elle.
- Combien te dois-je ?
- Rien. Tu chargeras toi-même les prochaines fois.
- Merci, Rustine.
- De rien.
- Dans ce cas, je vais directement appeler mes parents avec le mien.
- Ok, fais donc.
Je vais dans un coin du jardin, m'assieds sur une chaise en rotin et appelle mes parents, ils sont rassurés et en profitent pour enregistrer le numéro. J'en fais de même avec les filles, puis termine par Allan. Je raccroche enfin et vais rejoindre les autres, soulagée. Nous passons une très bonne soirée et le lendemain, j'en profite pour faire la grasse matinée et me réveiller vers midi. Je descends alors qu'ils s'apprêtent à passer à table, Augustin n'est pas là et Rustine en parfaite femme de maison, déploie des trésors de patience afin de mettre tout le monde à l'aise.
Deux heures après que nous ayons terminé, Florian et Fanny viennent récupérer les jumeaux et peu après, c'est au tour d'Ytu qui saute littéralement dans les bras de sa mère Perpétue, très belle femme. Nous patientons encore une heure avant que Marika, la mère de Samy n'arrive, celle-là, on dirait une vraie névrosée. Je me demande comment elle fait pour marcher avec ce bling-bling, à croire qu'elle est en représentation ; antipathique au premier regard.
Lorsqu'ils sont tous partis, nous nous mettons en route pour l'aéroport où nous devons prendre CAMAIR-CO, compagnie nationale, direction Yaoundé pour une durée de 45 minutes. En chemin, je reçois un message.
« Bonsoir. Ça va ? Comment as-tu voyagé ? »
« Bien, merci. A qui ai-je honneur, je vous prie ? »
« C'est Elric. J'ai eu le numéro par les filles. J'espère que cela ne te dérange pas. »
« Euh...ça peut aller. »
« Bienvenue au Cameroun. J'aurais aimé être celui qui t'y emmène mais ce n'est pas grave. »
« ... »
« Auras-tu le temps de faire une commission pour moi ? »
« Je ne sais pas. »
« Puis-je donner ton numéro de téléphone à mon frère, afin qu'il puisse t'appeler et remettre un colis ? »
« Pourquoi pas ? »
« Merci et encore, navré de te mettre au pied du mur. »
« Ce n'est pas grave. »
« Ma petite-sœur, Clara-Marie, va t'appeler pour te sortir. »
« Je n'aurai peut-etre pas le temps, tu sais. »
« Quand tu seras libre, vous vous arrangerez. »
« Merci pour toutes ces attentions. »
« Bon séjour au Cameroun. »
« Merci, Elric. »
Ses messages sont assez surprenants mais j'avoue que le fait de savoir qu'il s'inquiète pour mon bien-être me fait un bien fou. Nous embarquons rapidement et une heure plus tard, nous décollons enfin. J'ai à peine le temps de me relaxer que déjà, il faut débarquer et aller à l'hôtel Ibis. Nos sacs déposés, nous redescendons manger et visiter Yaoundé By Night, c'est fabuleux et le climat est plus doux que celui de Douala. Les odeurs, la foule bigarrée, l'ambiance, la musique et tout le reste, je ne sais s'il y a plus vivant. Nous faisons un saut à la briqueterie, au marché du Soya et à la rue de la joie et terminons enfin chez la sœur d'Augustin, avant de rentrer nous reposer.
LE LENDEMAIN...
Nous prenons l'avions pour Ngaoundéré où je dois rencontrer un jeune chef d'entreprise dont la spécialité résiderait au niveau de la tannerie et de la teinture. J'envisage un partenariat avec lui, car produire des pièces de luxe nous assure un certain profit mais ratisser large, intéresser toutes les couches de la société, est aussi un vrai challenge. Nous nous rendons directement à l'hôtel où nous avons pris nos quartiers, puis nous rendons à son atelier que nous visitons. Je tiens particulièrement à m'assurer que des mineurs ne sont pas employés et que les droits de l'Homme sont respectés. Il nous laisse librement échanger avec ses employés, puis nous explique partiellement ses méthodes de travail ; nous ne nous en offusquons guère, secret de travail.
A midi, il nous offre le repas chez lui, des produits locaux, un pur régal. Je me permets de gouter au bili-bili et grimace, ce qui déclenche un fou-rire dans l'assistance. Après le repas, nous digérons et procédons enfin à la discussion des termes des contrats. Je ne m'attendais pas à ce que soit si âpre, il rigole en voyant la mine que je fais.
- Vous croyiez que tout serait vite plié, n'est-ce pas ?
- Je ne comprends pas, fais-je surprise.
- J'ai un doctorat en économie et fait tout mon cursus en Europe avant de rentrer au pays.
- Oh !
- Après avoir cherché du travail dans les grandes villes, j'ai décidé de me lancer dans l'entreprenariat.
- Ce qui est une bonne idée, puisque l'entreprise est florissante.
- Oui, c'est vrai.
- Maintenant que les termes sont discutés, vos recevrez les contrats par mail et nous les enverrez par poste.
- OK.
- Connaissez-vous un artisan, spécialisé dans tout ce qui est ethnique ?
- Bijoux, sandales et autres ?
- Oui.
- Pouvez-vous me le recommandez, je vous prie ?
- Bien sûr et je ferai mieux, je vais vous y emmener.
- Merci, fait Rustine.
Une heure plus tard, nous arrivons à l'atelier de son cousin, Ibrahim. Son travail est de précision et donc la qualité, très bonne. Je lui parle de ce que je veux, lui dis ce que je veux et dans quelle quantité. Il semble satisfait et sourit encore, lorsque nous lui demandons non seulement l'exclusivité mais aussi, la confidentialité du travail. Le bénéfice qu'il ferait est énorme, il nous assure son entière coopération et nous invite à partager le thé en attendant la signature du contrat.
Je suis contente de la journée passé, nous rentrons à l'hôtel satisfaits mais heureux. Je passe de bons moments avec Rustine qui me raconte des anecdotes relatifs à la région mais aussi à l'Afrique du Sud. Tout est si fluide entre nous que par moment, j'ai l'impression de discuter avec ma grande-sœur. Je me sens si à l'aise avec elle, que nous décidons d'établir le programme de la journée de demain.
Le lendemain matin...
Nous sommes dans un marché, je tiens à me faire coudre des ensembles, des robes de soirée, acheter des bijoux et en acheter aussi à mes amies et parents. Les mesures prises, nous faisons un tour au marché de l'artisanat où j'achète des masques et statuettes pour la maison. Salma, la femme de Brahim, notre premier partenaire, propose de nous faire de nous mettre du vernis au henné aux mains, pieds et terminer par des petits dessins sur les épaules. Nous acceptons après qu'elle nos ait assuré que cela disparaitrait d'ici une dizaine de jours.
Le lendemain, nous nous rendons à Maroua puis au Parc de Waza malgré la menace permanente de BOKO HARAM. Je suis heureuse en rentrant à l'hôtel en fin de journée et surtout, après avoir pris congés de nos hôtes, récupéré nos vêtements en plus des tissus et les présents dont des tambourins et petites guitares.
A Yaoundé, Rustine et moi, nous séparons pour la journée. J'en profite pour rappeler Clara-Marie qui m'a appelée la veille, nous prenons rendez-vous pour une heure plus tard. Elle vient me chercher à la maison, direction le domicile de Jared où sa femme et Dior, celle qui suit Jared, y sont.
- C'est donc toi, Jeneya ? Demande Dior, toute sourire ; grande taille, svelte, claire de peau, un corps bien proportionné, un sourire ravageur et des formes à damner un saint malgré ses maternités. La ressemblance entre Elric et elle, est très frappante.
- Et moi, c'est Jared, le grand-frère d'Elric.
- Enchantée, Jared.
- A beng minga, n'de Elric a kar bakeu nong aveu'u (Où est-ce qu'il les rencontre souvent) ? Vous êtes jolie, Elric a toujours eu du gout.
- Euh...Merci Jared ; que leur a raconté Elric ?
- Clara-Marie nous a fait comprendre que vous étiez là depuis quelques jours, poursuit-il en faisant signe à sa femme qui apporte la boisson et fait le service.
- Merci. Je suis là dans le cadre de mon diplôme, j'avais besoin de sortir des sentiers battus.
- Alors que faites-vous comme études, si ce n'est indiscret ? Demande Dior.
- Nous pouvons nous tutoyer, ce serait plus chaleureux, je trouve.
- Ok, fait Clara-Marie en se tournant vers ses frères.
- Je prépare un MBA en Banking of Finances.
- Ou yem sikolo, Elric a kiya non mbo'o sikolo, mbeu dzam..mon bulu a ding binga ( une tête bien pleine, Elric est partie chercher une qui aime l'école ; Quand un Bulu aime une femme, c'est grave). Elric a toujours préféré la compagnie des personnes intelligentes comme vous.
- C'est la première fois qu'Elric envoie une personne ici, explique finalement Clara-Marie.
- Ok, je comprends.
Nous disputons à bâtons rompus durant des heures et des heures, je découvre une spécialité culinaire : le poisson d'eau douce préparé dans des feuilles de bananiers avec du plantain cuit à la vapeur puis pilé. Je fais l'impasse sur les entrées et sorties, Jared est obligé de nous quitter, me laissant seule Dior et Clara-Marie en plus de la femme de Jared, qui déploient des trésors d'attention pour que je sois à l'aise. Nous faisons des courtes vidéos que nous envoyons par Whats'App à Elric qui est content.
Le soir venu, un colis en plus des bouteilles de caramel, croquettes de farines et arachides grillées me sont remises ; j'en suis presque gênée puisque je ne leur ai rien donné. Je rejoins Rustine à l'hôtel, lui conte ma journée, elle rigole à chaque fois que je lui fais part de mon étonnement.
- Les camerounais sont très chaleureux.
- C'est vrai ; elle a un sourire énigmatique.
- As-tu vraiment été à l'aise avec eux ?
- Oui, Rustine. J'ai apprécié la faconde de Jared, un personnage impressionnant, très observateur.
- C'est normal, vu son rang et ses responsabilités.
- Huhum.
- Dis-moi,
- Mmmm.