Partie 3 : pas de chance
Write by labigsaphir
[ BLESSING ]
- Pourquoi trop réfléchir ?
- Marimar, je ne l’aime pas vraiment.
- Qui te demande de l’aimer ?
- Je ne suis pas une escroque
- Regarde, il t’a acheté une poussette et t’a laissé l’argent pour la petite.
- Et alors ? Je n’ai pourtant rien demandé.
- Je sais que tu n’as rien demandé mais il est là comme la main de Dieu.
- Humm.
J’entends féfé babiller dans la chambre, je vais la chercher, la change et viens m’asseoir sur le canapé avec elle.
- Dis donc, elle a complètement récupéré.
- Oui, c’est vrai.
- Passe-la-moi, pardon.
Je lui donne féfé qui lui saute dans les bras, joue avec elle et rit aux éclats. Je les observe durant quelques secondes et deviens nostalgique. Cela fait longtemps que je n’ai vu ma mère et mes frères, ils me manquent tellement. A un moment donné, le téléphone ne suffit pas.
- Tiens, voici une enveloppe envoyée par Malick.
- …
- Je sais que ça ne te dit pas grand-chose mais il faut prendre.
- …
- Il y a 25 000fcfa dedans.
- …
- Humm, Blessing. J’ai assez parlé.
- …
- Bon, j’ai rendez-vous avec un de mes dragueurs, je vais te laisser.
- Merci d’être passée.
Je fais le ménage, la lessive et mets la marmite au feu en surveillant féfé d’un œil. C’est difficile de tout faire avec un enfant en bas âge. Je suis en train de faire la lessive lorsque mon mobile se met à sonner.
- Allo,
- Bonjour maman.
- C’est comment ?
- Ça va mieux et vous ?
- Tout le monde va bien ici. Comment va mon homo ?
- Elle va bien, maman.
- Dieu merci. Tu as recommencé à travailler ?
- Oui, maman.
- Blessing, je sais que tu as des problèmes mais tu connais avec tes frères.
- Oui, je pense déjà à leur rentrée scolaire.
- Huhumm. Ton frère a eu le BEPC et l’autre, le BAC.
- Rayaaaaaaaaaaaaa. Merci Seigneur.
- Je te dis. Je t’appelais pour savoir ce que tu en penses.
- Mais de quoi ?
- Ta tante de Douala voudrait prendre ton frère, celle qui habite Bilongue. Il pourrait aller à l’université de Douala.
- C’est une bonne idée, maman.
- L’autre reste avec moi et partira seulement avec le BAC.
- C’est une bonne idée.
- Huhum. Le père de féfé donne souvent de ses nouvelles ?
- Non. Nous n’existons plus pour lui. Tu ignores quoi ?
- Il faut remettre dans les mains de Dieu et avancer.
- Huhum. Je vais envoyer l’argent du mois dans quelques jours.
- Ça tombe même bien parce qu’ici, c’est devenu dur.
- Je sais.
- La petite et toi, restez bien.
- Merci maman.
Je raccroche en soupirant, c’est aussi cela, être l’ainée. Je fais manger féfé et vais prendre place en route. Il faut me battre pour la rentrée.
QUELQUES HEURES PLUS TARD…
Il est 12h lorsque je donne féfé à Marimar et fais un tour au marché de Tsinga, pour ceux qui connaissent. En passant devant un établissement, un jeune homme tient un flyer. Je prends et lis, la formation coute environs 500 000 fcfa pour la bureautique, secrétaire de direction. Je ne vais pas être call-boxeuse toute ma vie. Même si je n’ai pas l’argent maintenant, je verrai après, au moins je sais déjà combien ça coute.
Je fais un tour au marché, j’achète l’huile rouge en plastique, la tomate, le plantain, d’autres aliments et des vêtements pour féfé. Le reste d’argent, je préfère garder pour la rentrée scolaire de mes frères. Au lieu de rentrer à la maison, je m’arrête d’abord au call-box, dépose mes effets et prends ma fille dans mes bras.
A peine suis-je assise que la voiture de Malick gare, je fais comme si je ne l’ai pas vue et continue à jouer avec féfé.
- Bonjour Blessing.
- Bonjour Malick
- Comment vas-tu ?
- Bien, merci. Et tois ?
- Bien, merci. Inutile de demander comment va féfé ?
- Ah oui, elle a recommencé à sauter partout.
- J’étais inquiet, Blessing.
- Je sais. Merci pour tout. J’avoue que sans ton argent, je n’aurai pu m’en sortir.
- Ce n’est rien. Vous étiez à l’hôpital, j’aurai pu venir là-bas mais tes amis ont refusé de me donner ton numéro.
- Huhum.
- Voici le mien. En cas de souci, n’hésite pas.
- Merci mais je ne t’appellerai pas parce que tout va bien.
- Ce n’est pas grave.
Il me tend une carte de visite que je prends et enfuis prestement dans la poche de mon caba.
- Merci pour tout l’argent. Je te rembourserai, promis.
- Ce n’est rien, Blessing. Je suis content de voir que tu te sers quand même de la poussette ; je détourne le regard.
- Elle est confortable, répond Marimar non-loin de moi ; celle-là avec ses antennes paraboliques à la place des oreilles.
Une cliente arrive, elle porte une mini-jupe, des talons et un T-shirt très moulant. Son tissage lui tombe dans le dos et elle est brune comme le soleil, c’est sûr que c’est une fille Dschang.
- Bonjour. Puis-je appeler ?
- Bonjour, fais-je en lui tendant le téléphone. Bien sûr que vous pouvez appeler, tenez.
- Merci.
Elle prend le téléphone en lorgnant du côté de Malick qui je crois, est conscient de tout son manège mais n’a aucune réaction. Elle compose le numéro et fait tomber le téléphone que Malick attrape en plein vol.
- Excusez-moi, je suis maladroite depuis ce matin.
- Ce n’est pas grave, dis-je dubitative ; celle-là, je la vois venir àn des milliers de kilomètres.
- Tenez, mademoiselle ; Malick lui tend le téléphone.
- Merci, monsieur. Heureusement que vous étiez là. Comment faire pour vous remercier ?
- Vous n’avez rien à faire, rassurez-vous.
- J’insiste, un diner ou un resto ?
- Non, merci. J’ai déjà une copine, fait-il en me regardant.
Elle ouvre grand les yeux en se tournant vers moi et grimace. Je ne suis manifestement pas une fille à la hauteur de Malik.
- Ok, c’est dommage ; son ton est sec.
Elle compose le numéro et s’éloigne de quelques mètres, elle revient quelques minutes plus tard et au même moment, j’aperçois mon bailleur.
- Marimar, peux-tu prendre féfé ?
- Wééééé, j’ai les mains prises, ma chérie.
- Je peux la prendre, propose Malick.
- Non, merci.
- Mais pourquoi ? Insiste-t-il.
- L’on ne donne pas son enfant à n’importe qui.
- C’est juste pour t’aider et puis, me connaitre ne dépend que de toi.
- Donne-la-moi, ici. Dit Eric en se levant.
Je la lui donne et rattrape mon bailleur en courant.
- Papa Michel ! Papa Michel !
- Oui, ma fille. C’est comment ?
- Ah, nous sommes là et toi ?
- Ça peut aller. Je viens de chez toi.
- Huhum. Je devais passer te voir mais féfé est tombé malade.
- On m’a dit et j’ai aussi appris pour Jack et toi.
- Ah papa, il faut laisser, c’est la vie.
- Tu es jeune et tu trouveras un bon mari. Un enfant, ce n’est rien.
- Que Dieu t’entende, mon père.
- Comment fait-on pour le loyer ?
- Papa Michel, je serai obligée de déménager.
- C’est aussi ce que je pensais.
- Je vais encore te payer deux mois et je vais partir.
- Ok.
- Et pour ce mois ?
- Comme la petite est convalescente, je ne peux pas la bouger n’importe comment.
- Je vais repasser vers 21h.
- Merci papa Michel.
- Bon, je vais partir et à tout-à-l’heure.
- Huhum.
Je vais rejoindre les autres et trouve que Malick s’est assis sur mon tabouret et a féfé dans les bras. Elle rigole à chaque fois qu’il grimace et lui fais des bisous ou des guili-guilis.
- C’est Eric qui me l’a donné, s’explique-t-il face à mon regard interrogateur. Il a été urgemment appelé et Marimar n’était pas là.
- Ce n’est pas grave. Je comprends ; au fond de moi, je ne suis pas contente.
- Tu peux me la laisser, Blessing. Je vais me lever pour que tu puisses t’asseoir.
- Merci.
- Tu me parais bizarre, toi.
- Pourquoi ?
- Tu es pale et porte un gros pull alors qu’il fait froid ?
- Je me sens bizarre depuis hier soir.
- Et tu as quand meme tenu à venir travailler ?
- Oui. Tu sais, il faut que féfé et mes frères mangent.
- Je comprends.
- Il y a aussi la rentrée qui arrive.
- C’est vrai. En m’asseyant tout à l’heure, j’ai fait tomber ton sace de marché.
- Huhum.
- Quand étais-tu au marché ?
- Juste avant que tu n’arrives.
- Pourquoi n’as-tu pas acheté chez le boutiquier ?
- C’est plus cher qu’au marché.
- J’ai fait tomber et remis tout ce qui était sur le sol.
- Merci.
Je me tourne, tire le sac à moi. Je suis gênée par le portefeuille dans la poche de mon caba et décide vider la poche de mon caba. Je procède à un petit rangement autour de moi et lorsque j’ai terminé, je constate que Malick est concentré sur le flyer.
- La bureautique t’intéresse-t-elle ?
- Oui, mais je pense que ce ne sera pas pour maintenant.
- Pourquoi ?
- C’est cher et j’ai besoin d’argent pour mes frères et nous.
- Je vois.
- Huhum.
- Blessing,
- Oui, Malick.
- Regarde-moi, s’il te plait.
Je me tourne franchement vers lui et le regarde droit dans les yeux.
- Je sais que tu viens de te séparer du père de ton enfant, et comprends ta douleur.
- Malick, je ne tiens pas à en parler et cela ne regarde que moi.
- Excuse-moi, je ne voulais pas m’ingérer dans ta vie privée.
- …
- Je voulais juste te dire que cela fait des mois et des mois que je t’ai aperçue. Tu m’as plue mais comme tu étais en couple, je ne pouvais pas t’approcher. Une fois que j’ai entendu que vous vous étiez séparé, je me suis dit qu’il faudrait que je tente ma chance.
- Je n’ai pas besoin d’homme dans ma vie pour l’instant.
- J’attendrais le temps qu’il faut, Blessing. Des femmes comme toi, ne courent pas les rues.
- Que sais-tu des femmes comme moi ?
- Ce n’est pas parce qu’il est parti que tu es une mauvaise femme. Est-ce vraiment de ta faute ?
- …
- Arrête de te déprécier, Blessing. Je comprends ton attitude, c’est récent et la blessure n’est pas cicatrisée. Comme je t’ai dit, j’attendais le temps qu’il faut.
- Humm. Malick, tu as dit tout à l’heure à la cliente que je suis ta copine.
- C’était pour la chasser, c’est tout.
- Ok.
Je tends les mains à Féfé qui vient en riant, cet enfant n’a peur de personne, je vous assure. C’est ce type d’enfant que l’on peut facilement kidnapper.
- Je vois que tu veux faire des études de secrétariat.
- Oui, je veux être secrétaire de direction. Le call-box, je n’en ferai pas toute ma vie.
- Voilà pourquoi tu me fascines, tu es une femme ambitieuse.
- …
- Certaines choisiraient de rester là toute leur vie mais toi, malgré la déception, tu as choisi de te relever et aller de l’avant.
- …
- La meilleure façon de prouver à une personne qui t’a méprisé et fait du mal, est de réussir. Blessing, tu le comprendras avec le temps. Il faut accepter partir de zéro et gravir les échelons de la société en gardant les mains propres.
- C’est vrai ; je suis surprise par ma réponse.
- C’est bien que tu ais recommencé à positiver, je suis content.
- …
- J’ai un marché à te proposer.
- Je ne comprends pas.
- Tu me laisses continuer à venir te voir et moi, je paie le temps que je perds.
- Eukieee Malick ! Avec tout ce que tu as déjà fait pour moi ?
- Blessing, je ne te demande rien à part m’accorder un peu de temps.
- Je ne sais pas.
- Comme ta formation coute 500 000 francs, je paie 450 000fcfa et toi, le reste.
- Mais c’est comme si tu payais tout.
- Je sais. Je vais chercher une école où l’on fait les cours mi-temps ou alors, les cours du soir.
- C’est mieux, les cours du soir. Je pourrai travailler dans la journée et aller au cours, le soir.
- Honnêtement, je préfèrerai que tu ailles au cours le matin et reviennes travailler dans l’après-midi et le soir, tu te reposes.
- Mais je ne peux pas, mes frères.
- Demande à ta mère de faire le devis pour tes frères, je paierai tout.
- Non, Malick, je ne peux pas accepter.
- Pourquoi ?
- Je serai redevable envers toi.
- Si tu parles de sexe, je n’en veux pas. Tu es encore fragile à cause de la déception, je ne tiens pas à profiter de tes faiblesses. Si tu viens vers moi, je préfère que ce soit de ton plein gré.
- …
- Je n’ai pas envie de profiter de toi, Blessing.