Partie 31

Write by Ornelia de SOUZA

La nuit fut rude sur la mousse d'une place posée à même le sol qui servait de couche à Yves. Hier soir j'avais été reconnaissante qu'il me cède son lit pour se coucher sur une simple natte mais je commençais à me demander si je n'aurais pas préféré la natte. Un petit bruit m'avait réveillé. Je me levai avec des courbatures terribles pour retrouver Désirée et Yves au salon attablés autour d’une table et tenant des tasses en main. Désirée se leva aussitôt à ma vue et s’approcha.

-On t’a réveillé ? 

-Quel heure est-il? m’enquis-je

-7h! me répondît froidement Yves. 

-J’aurais voulu que tu te reposes un peu plus; dit Désirée avec une douceur qui pansait toutes les blessures de mon cœur. J’espère au moins que tu as passée une bonne nuit.

-Oui, merci ! répondis-je timidement.

-Assieds-toi ! Tu vas manger quelque chose.

Je ne me fis pas prier deux fois. La veille au soir je n’avais rien mangé et j’avais une faim de loup.

-Je vais te faire des omelettes et un café ; me lança Désirée avant de s’éloigner vers la cuisine.

Cette femme était en or. Hormis son apparence chétive, rien ne laissait transparaître en elle une quelconque maladie. Elle était si vivante et si bienveillante qu’on aurait juré qu’elle n’était aussi mince qu’à cause de la pauvreté.

Elle m’avait laissé seule à cette table avec un Yves bien grognon.

-Il n’est pas trop tôt pour que vous soyez de mauvaise humeur? lui lançai-je espérant détendre l’atmosphère

-Et vous donc? me repondit-Il méchamment. Il n’est pas trop tôt pour que vous soyez chez moi?

- Vous savez parfaitement que je n’ai pas le choix. Vu comme vous me traitez, si j’avais eu le choix, je serai ailleurs.

-C’est ça mais en attendant vous êtes ici.

-Dites le si je vous dérange; dis-je plus que vexée 

-Mais je le dis! Vous me dérangez alors...

-C’est à cause des dépenses supplémentaires ? Vous avez pourtant gagner beaucoup d’argent en travaillant pour mon mari. Vous auriez pu améliorer votre situation.

-Ah parce que vous le considérez toujours comme votre mari. Excusez moi mais l’argent que votre cher mari me payait pour mon travail était destinés à autre chose qu’à mener une vie de luxe.

-Une vie descente n’est pas une vie de luxe; argumentai-je. Là ça frise la négligence! dis-je en balayant la pièce du regard.

-Vous n’êtes qu’une ignorante et je vous prierai de partir d’ici dès que vous le pourriez... Et cet argent ne suffisait même pas pour le quart du traitement de ma sœur alors pensiez-vous que nous avons la tête à vivre « une vie descente »?

Il lâcha un son dédaigneux avant de tourner la tête dans une autre direction. Je le comprenais. Je devais être un fardeau pour lui et il avait raison. Je ne voyais que l’aspect matériel de toute chose et pourtant que je le reconnaisse ou pas, l’unique chose qui rendait malheureux Yves était la maladie de sa sœur. Et il se contentait de ce qu’il possédait tant le plus important pour lui était que sa sœur reste en vie. 

Désirée revint dans la pièce avec un plateau chargée alors que je me laissais emporter par mes pensées. Elle avançait un plateau contenant mon petit-déjeuner en main mais soudainement elle ralentit. Je m’élançai immédiatement pour lui prendre le plateau des mains et la maintenir debout avant qu’elle ne s’écroule à terre. Elle était en train d’avoir un malaise. 

-Qu’est-ce que tu as? cria Yves en tenant sa sœur alors que je posais le plateau sur la table 

L’état de Désirée m’inquiéta aussi. Elle était livide et semblait totalement faible. Yves inquiet l’installa sur l’une des chaises autour de la table. Je lui pris la main alors que Yves courait vers la cuisine pour chercher je ne sais quoi.

-Désirée! murmurai-je le cœur meurtri de voir une femme si vivante dans un tel état.

Elle était donc réellement malade. Pas que j’en doutais mais c’était bien impressionnant de la voir dans cet état.

-Je vais bien; me répondit-elle en me serrant la main alors que Yves revenait avec un verre d’eau

-Bois ça je t’en prie ! lui dit-il

-Je n’ai pas soif!

-Fais un effort! la supplia t-il. Il faut que tu retournes voir ce blanc, ce médecin. 

-Non! répondit Désirée en reposant le verre d’eau. On a pas l’argent pour ça et tu le sais bien.

-Je vais me débrouiller! assura Yves. Tu ne peux pas rester dans cet état. Je ne peux pas accepter ça.

-Calme toi Yves! lança Désirée qui semblait récupérer des couleurs. Où comptes-tu trouver tout cet argent? Je me sens déjà mieux.

-Mais pour combien de temps?! hurla Yves en donnant un gros coup de pied dans un tabouret qui traînait là.

Je sursautai plus surprise qu’effrayée. Je ne connaissais pas ce Yves que l’impuissance faisait ressortir.

-Calme toi! ordonna Désirée. Tu ne vois pas que tu lui fais peur? Mange maintenant ma petite.

Quelle femme! Elle venait d’avoir un malaise de cette ampleur mais elle s’inquiétait encore du simple fait que je me nourrisse. 

-Allez-y! m’encouragea t-elle. Mange!

Je prie alors la fourchette en lui adressant un sourire et alors que je penchai la tête vers mon omelette, une odeur se souleva et je sentis mes tripes se retourner. Une forte nausée m’envahit. Je posai la main sur la bouche désemparée. J’allais vomir. Je courus immédiatement vers la cour suivie par les questions d’une Désirée inquiète. Là je me laissai allé sur le sable qui recouvrait toute la cour. Je vomis comme plus jamais je n’avais vomis de ma vie. Yves m’apporta de l’eau pour me nettoyer alors que Désirée me caressait le dos.

-Ne me dites pas que vous êtes malade! me lança Yves

-Elle est enceinte! lui répondit Désirée. Je l’ai su dès que je l’ai vu.

-Quoi?! dis-je en cœur avec Yves.

Non! Tout défila dans ma tête. Les séances de tortures et de viols de Carin. Deux mois que je n’avais pas eu mes règles mais je n’y avais pas fait attention tant j’étais obnubilé par tout ce qui se passait dans ma vie. Non, ce n’était pas possible. Je ne voulais pas de cet enfant, pensai-je en posant une main sur mon ventre.

-Ce n’est pas possible; murmurai-je m’adressant plus à moi même qu’à la sœur et à son frère. 

-Si, il reste à le confirmer mais tu portes un enfant et c’est une des principales raisons pour laquelle je voulais que tu restes ici.

Je levai la tête vers Yves. Il avait le regard dans le vide. Était-il déçu ? Était-il en colère? Je n’arrivais pas à lire ce qu’il ressentait. Ni sur son visage, ni dans ses yeux. 

Il fit deux pas en arrière puis il se retourna pour s’en aller. 

-Je ne veux pas de cet enfant ! affirmai-je en secouant vivement la tête 

-Tu ne vas pas faire ça pour Yves. Il est sous le choc. Crois moi qu’il va s’y habituer.

-Non, ce n’est pas pour lui. Je ne veux pas de cet enfant! Je n’en veux pas.

*******

(Carin)

Trois mois maintenant que j’étais à la recherche de ces deux traîtres. Mes tours à la police ne donnaient rien. Le commissaire m’avait finalement interdit de mettre pied dans le poste de police. « Nous n’avons aucun élément contre eux ». « Vous perdez votre temps ».

Non, je ne perdais pas mon temps. Je ne perdais pas mon temps. J’agrippai nerveusement le volant de la voiture. Je garai et j’en descendis. Comme à son habitude depuis ces derniers mois, Amélie m’attendait devant mon portail. Elle s’était mise en tête de me convaincre d’arrêter ma poursuite et moi j’avais pris la décision de ne plus la voir car même Dieu ne pouvait me faire arrêter cette chasse. 

-Bonjour Carin. 

- Qu’est-ce que tu fais encore ici? lui criai-je

-Je suis venu te parler Carin. Il faut que tu arrêtes maintenant...

-Tais toi et va t-en s’il te plaît. Si tu ne veux pas que je te fasse du mal, vas t-en maintenant.

-Non je ne m’en irai pas. Tu dois comprendre que tu cours vers ta fin en poursuivant Mélaine. Laisse Dieu lui faire payer ce qu’elle t’a fait Carin. Comprends...

-Tais toi maintenant! dis-je en la poussant le plus violemment possible. Et que je ne te vois plus ici parce que sinon tu le regretteras.

J’entrai chez moi et je refermai le portail derrière moi. Je voulais la dégoûter assez pour qu’elle ne revienne plus par ici. Elle faisait dorénavant partie de mon passée. De ce passée dans lequel je pensais à cause d’elle que je pouvais être une meilleure personne. Maintenant je sais que ce n’est plus possible. Tout ce que je désire c’est régler leur compte à ces deux imbeciles. J’eus à peine le temps de me servir un verre de whisky et de m’asseoir dans mon canapé que la sonnerie retentit à nouveau. Je grognai de colère. Bon sang! Que cette foutue bonne femme me lâche. Cette fois-ci je n’irai pas de main morte avec elle. S’il faut que je la battes pour qu’elle ne revienne plus, je le ferai. Je me levai décidé avant de me retrouver nez à nez avec ma sœur aînée.

-Ashley! m’exclamai-je 

-Maman demande d’après toi; lâcha t-elle

-Pitié ! dis-je alors qu’elle rentrait dans la maison. Je ne veux pas la voir. Retourne d’où tu viens et donne lui ce message.

-Ah oui? Tu me chasses? 

-Oui! dis-je sans hésitation.

-Alors tu ne veux même pas connaître la bonne nouvelle? Je sais où se trouve Mélaine.

-Oui, ta piste on la connaît. Tu m’as conduit la fois passée jusque sur un carrefour qui menait à plusieurs voies. Non merci!

Je crains aussitôt d’avoir trop vite parlé. Elle savait peut-être maintenant où ils étaient. Mais ma crainte fut de courte durée. Ashley haïssait Mélaine presqu’autant que moi et elle était prête à tout pour la détruire. Quitte à me supplier pour que je l’écoute. Ce qu’elle fit.

-Écoute nous avons enquêté à partir de l’endroit où nous l’avions perdu et nous...

-Vous ? dis-je exprès 

-Non, je voulais dire que j’avais enquêté....

La réponse d’Ashley ne me satisfit pas. Je savais qu’elle était sur cette enquête avec ce gros porc de Roland. Elle en savait beaucoup trop et ce depuis le début. Il était impossible qu’elle ait appris ces choses toutes seules et Roland était celui qui aidait cette vipère de Mélaine dans tout ses faux coups. Il était aussi celui qui squattait le lit de ma sœur alors lui-seul pouvait relier ces deux femmes. Je ne savais pas pourquoi il en voulait aussi à Mélaine et pourquoi il s’évertuait tant à la retrouver et à me faire parvenir des informations par le canal de ma sœur mais peu m’importait. Si ces informations me permettaient de mettre la main sur ces deux traîtres, j’étais preneur.

-J’ai beaucoup enquêté mon frère et tu sais dans ces quartiers pauvres, les gens sont solidaires. Personne ne veut parler, personne ne veut révéler une quelconque information et j’ai dû sortir de gros billets pour faire délier des langues...

Elle s’arrêta un instant et me regarda lourdement alors que j’étais accroché à ses lèvres et aux mots qui allaient en sortir.

-Visiblement ; répondit-elle à mon regard interrogateur; cette utilisation que je fais de notre fortune familial ne semble pas te déranger.

-Est-ce que toi, une femme sans défense et de bonne famille, tu te rends seule dans ses quartiers pauvres pour rechercher ces deux traîtres en négociant avec des délinquants drogués? l’interrogeai-je pour la déstabiliser à mon tour.

Elle ne voulait pas que je dise tout haut ce que je savais pertinemment alors elle n’eut d’autres choix que de se taire et de continuer ses révélations.

-Là bas, je suis tombée sur un jeune homme qui lui avait besoin d’argent. Il m’a dit ce que je voulais savoir. 

-Il t’a donné l’adresse d’Yves ou de ce jeune homme qui l’a conduit à moi ? demandai-je impatient 

-Non mais il m’a dit qu’il semblait le connaître mais qu’il ne pouvait me donner son adresse exacte. Néanmoins il m’a donné le nom de la zone dans laquelle j’étais sûr de le retrouver ; me répondit-elle 

-Ce n’est pas suffisant ! m’emportai-je

-J’en ai plus fait que toi et la police Carin alors tu n’as pas d’autres choix que de te contenter de cette information et d’aller à leur recherche. Grâce à moi, tu es plus que proche de ton but alors remercie moi au lieu de t’en prendre à moi.

Elle avait raison. Avec l’information qu’elle venait de me donner, il était beaucoup plus facile de retrouver Yves et Mélaine. Il ne tenait plus qu’à moi de faire des enquêtes et des tours dans ses quartiers et j’allais commencer tout de suite. 

-Merci pour ces informations ; dis-je. Maintenant laisse moi faire le reste du boulot.

-J’espère que tu t’occuperas bien de cette traînée ; commenta t-elle.

-Et de ce traitre! ajoutai-je

-Oui, bien-sur! fit Ashley gênée avant de se saisir de son sac et de s’en aller sans plus.

Sa mission était accomplie et c’était maintenant à moi d’accomplir ma part. Je saisis la clé de ma voiture et je pris le volant direction les quartiers pauvres que ce jeune homme avait indiqué à Ashley. Je comptais faire un tour en voiture et observer. Payer des gens s’il le fallait et poser assez de questions jusqu’à mettre la main sur mes cibles. 

La pauvreté avait donc une odeur, pensai-je en roulant lentement sous les regards ahuris de ces pauvres gens. Je m’arrêtai auprès d’un groupe de jeunes hommes assis sur deux bancs. Ils se passaient un joint de mains en mains. J’hésitai un instant puis je baissai ma vitre. Ils m’observèrent d’un regard suspicieux mais aucun n’approcha.

-Bonsoir; leur lançai-je d’une voix peu sûre de moi. 

-Bonsoir; répondit immédiatement le plus imposant du groupe. Vous ne devriez pas ramener cette grosse voiture dans ce quartier. Elle pourrait intéresser plus d’un. Nous y compris.

La menace était clair mais je décidai tout de même de tenter ma chance.

-Je recherche quelqu’un...

-Nous ne le connaissons pas! répondit un autre qui avait l’air particulièrement agressif.

-Mais vous ne m’avez pas laissé dire son nom...

-Eeeeh! cria un troisième me faisant sursauter à l’intérieur de ma voiture. Rien de bon ne vient des gens comme vous. Qu’est-ce qu’un riche viendrait foutre dans notre quartier si ce n’est pour créer des problèmes à l’un d’entre nous? Monsieur, démarrez votre voiture et disparaissez avant que je ne prononce une autre phrase sinon croyez moi que votre famille risque de ne plus revoir.

Je ne fis pas prier et je démarrai la voiture sans demander mon reste. Ces hommes m’avaient effrayé. C’en était assez pour aujourd’hui. Je ne savais pas si je devais revenir plus tard ou embaucher quelqu’un pour faire cette fouille mais ma vie était en danger en ce moment précis. L’endroit où je me trouvais était un peu trop encombré alors je décidai d’avancer un peu dans le quartier soi pour retourner ma voiture, soi pour m’en aller par l’autre extrémité. Je n’avançai que de quelques mètres quand je crus que ma vision me jouait des tours. Devant moi se tenait Yves qui discutait avec un autre jeune homme. Le jeune homme lui tendit quelques billets et Yves sembla le remercier. Je ne pus contenir ma colère. Je poussai un hurlement que je crois même les vitres de ma voiture ne purent retenir. Yves et le jeune homme tournèrent la tête dans ma direction. Sa réaction ne se fit pas prier. Il détala alors que j’appuyai à fond sur l’accélérateur. Je le tenais. 

Il bifurqua dans une ruelle alors que je n’étais plus loin de lui. Je dus ralentir brusquement. La ruelle était trop étroite et la voiture ne pouvait pas s’y aventurer. J’ouvris ma portière et je sautai hors du véhicule mais alors que je voulais m’engager dans la ruelle, le jeune homme qui se tenait debout avec Yves quelques secondes plus tôt fit barrière. Il se tenait devant moi et ne voulait absolument pas me laisser passer.

-Poussez-vous ! hurlai-je

-Vous n’êtes pas d’ici alors c’est à vous de vous retourner.

-J’ai vu quelqu’un que je connais! criai-je de plus belle. 

-Retournez-vous maintenant ! ordonna le jeune homme en haussant le ton

Je balayai l’endroit du regard. Une petite foule composé exclusivement d’hommes se formait. Si j’insistais plus, je risquais d’y laisser ma peau. Je levai mes deux mains et je reculai avant de monter à bord de ma voiture.

-Et qu’on ne vous revoie plus traîner par ici! me lança une voix juste avant que je ne ferme ma portière. 

-Oh vous allez me revoir ici ! me dis-je à moi-même en agrippant furieusement le volant. Je reviendrai.

Je les tenais alors je reviendrai.


I.G: nelie_nova

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