Partie 35 : déblayer

Write by labigsaphir

- Maître Carlai, cela fait un quart d'heure que nous attendons votre témoin, s'impatiente le juge.

- J'essaie de le joindre mais n'y arrive pas, s'explique maladroitement mon avocat.

- Nous passerons donc à...

- Attendez votre honneur, le coupe-t-il mollement en voyant entrer un de ses hommes.

L'homme en question, se penche et souffle à l'oreille de Maître Carlai durant quelques secondes, se redresse puis s'en va.

- Votre honneur, je demande une suspension de séance, annonce Maître Carlai.

- Pourquoi ?

- Mon témoin a été agressé chez lui. Il a été trouvé gisant dans une mare de sang et conduit à l'hôpital. Il ne peut donc malheureusement venir témoigner et sachant que son témoignage est capital, la suspension de la séance serait judicieuse.

- Accordé ! Nous reviendrons dans une semaine et d'ici là, j'espère que tous vos témoins seront bien portants.

- Merci votre honneur.

Nous attendons que le juge prenne congé avant de sortir de la salle. Meme si Allan a comploté avec Klaus Stern, il s'est rétracté au dernier moment et m'a tout de même aidée. Nous nous rendons rapidement à son chevet.

[ CARLAI ]

- Bonjour docteur,

- Bonjour. Qui êtes-vous ?

- Je suis un ami de Monsieur Graham. Comment va-t-il ? Pouvons-nous le voir ?

- Malheureusement, non. Seule sa famille est autorisée à le voir et vous, vous n'en faites pas partie.

- Ok. Comment va-t-il ?

- Je ne peux malheureusement vous donner cette information.

- Excusez-moi, docteur, je suis sa petite-amie. Pourrais-je au moins savoir comment il va ?

Son regard passe de Jen à moi, durant quelques secondes ; je le sens hésitant et c'est normal.

- Je suis Maître Carlai, avocat. Monsieur Graham et moi, travaillions en étroite collaboration au sujet d'une affaire concernant sa petite-amie que voici ; je n'avais pas le choix, il fallait improviser.

- Nous l'attentions au tribunal où il devait venir témoigner. C'est l'un des hommes de Maître Carlai qui l'a trouvé chez lui et l'a emmené ici, rebondit magistralement Jen.

- Ok, je vois.

- Alors, comment va-t-il ? Insiste Jen que je trouve lourde mais parfaite dans le rôle de la petite-amie inquiète.

- Il a subi de nombreux traumatismes parmi lesquels, un traumatisme crânien. Nous avons dû le mettre sous coma artificiel car ne supportant pas la douleur. C'est un miracle qu'il ait survécu.

- Oh Mon Dieu ! S'écrie Jen, la main devant la bouche.

- Excusez-moi, j'ai du travail. Je vous ai donnés cette information parce que vous êtes proches mais ne pourrez malheureusement le voir, le règlement est clair.

- Merci docteur, fais-je sobrement.

- S'il a été agressé, réfléchit Jen, si le coupable découvre qu'il a survécu, peut-être pourrait-il venir terminer le travail.

- C'est vrai, renchéris-je. Je vais demander à un de mes hommes de rester en faction de la porte de sa chambre.

- C'est une bonne idée, approuve Jen mais il va falloir avertir la police.

- Je vais appeler Le Commissaire Fergusson et voir s'il serait possible qu'un de ses hommes vienne surveiller la chambre de Monsieur Graham.

Nous sortons du Royal Brompton Hospital et nous dirigeons vers le parking à la hâte. Je n'arrive pas à joindre mon ami, ce n'est pas grave, nous nous y rendons. Trois quart d'heure plus tard, à cause des embouteillages, je gare enfin dans un parking près des locaux Scotland Yard. Les parents de Jen sont au courant des dernières informations ainsi que ceux d'Allan, par Jen ; cette jeune fille a vraiment la tête sur les épaules.

Le commissaire Fergusson nous reçoit de suite, les nouvelles ne sont pas bonnes malgré le fait que l'enquête n'en soit qu'à son début. J'apprends que le pauvre garçon a survécu parce qu'il a été laissé pour mort. Son appartement a été fouillé de fond en comble, rien n'est récupérable. Cela faisait près d'une heure qu'il avait été agressé lorsqu'il a été découvert par un de mes hommes : c'est un miracle qu'il ait survécu.

- Trois de mes hommes sont sur place à collecter des indices mais déjà, nous avons les premières photos.

- Puis-je les voir ? Demandai-je par instinct.

- Carlai, tu sais bien que je ne peux pas.

- S'il te plait, Fergusson, suppliai-je littéralement.

- Ok, mais cela doit rester entre nous ; il se tourne vers Jen qui acquiesce.

- Bien sûr, il en va de mon intérêt.

- Vous êtes très intelligente, jeune fille. Allez fermer la porte, je vous prie.

Jen va fermer la porte, Fergusson tire une enveloppe kaki de l'un de ses tiroirs, en sort des photos qu'il dispose devant moi.

- C'est effrayant, mon Dieu, tout ce sang. Fiat remarquer Jen, une main sur la bouche.

- En effet, jeune fille mais il a survécu à ce qu'il parait.

- Oui, oui, nous étions à l'hôpital confirmai-je.

Je fais appel à ma mémoire et essaie d'enregistrer chaque détail. Lorsque j'ai terminé, je me tourne vers Fergusson qui nous observe en silence.

- Qu'en penses-tu ?

- A première vue, ce serait un cambriolage qui aurait mal tourné mais je n'y crois pas du tout.

- Pourquoi ?

- Monsieur Allan Graham, bien qu'ayant été soulagé de sa Rolex, sa gourmette, sa bague et sa chaine, avait encore des boutons de manchette en or sur les manches de sa chemise. En fouillant l'appartement, en faisant le moins d'effort possible, nous avons trouvé 10 000 euros en petites coupures.

- C'est insensé, les cambrioleurs auraient soigneusement fouillé l'appartement et tout pris, intervient Jen.

- Exactement ! Renchérit Fergusson, une main sur le menton. En fait, le désordre que vous voyez est savamment ordonné. Je sais que vous n'y comprenez rien mais le ou les suspects, se sont vraiment donnés du mal pour la scène du crime.

- Oh ! Fais-je, à demi-surpris par ce qu'il venait de dire.

- Était-ce un règlement de compte ? Demande Jen, tremblante.

- J'avoue avoir y pensé, répond Fergusson.

TOC...TOC...TOC...

- Entrez ! Fait-il en rassemblant les photos, l'air de rien.

- Excusez-moi de vous déranger, fait un jeune homme boutonneux.

- Roby, entre, je t'en prie l'invite Fergusson en souriant.

- Bonjour madame et monsieur.

- Bonjour Roby, faisons-nous en chœur.

- Qu'y a-t-il ? Lui demande enfin, Fergusson.

- Les premières conclusions du labo.

- Merci, Roby.

- De rien et bonne journée à vous.

Roby sort, alors que Fergusson prend connaissance des conclusions en émettant de temps à autres, des borborygmes.

- Alors, fais-je alors qu'il déposait les feuillets sur la table.

- Attends, mon ami, attends.

Il reprend l'enveloppe contenant les photos et les éparpille sur la table, l'air de réfléchir. Jen et moi, nous regardons, ne comprenant rien à la situation.

- Selon les premières conclusions, commence-t-il une à deux minutes plus tard, il y avait non pas un agresseur mais deux.

- Ah bon ? S'exclame Jen en regardant les photos de plus près.

- Le sang sur le sol n'est pas seulement celui de la victime car selon le laboratoire médico-légal, le sang d'une deuxième personne a été trouvé. Des examens ont été faits à l'hôpital afin de confirmer ce fait.

- Mais encore,

- Le sang d'une personne souffrant de la « maladie royale » a été isolé. Sachant que monsieur Graham n'en souffre pas, il ne pouvait donc qu'appartenir à un des agresseurs.

- N'avez-vous pas une base d'ADN ? Demande Jen, intéressée.

- Si, mais la personne n'est pas fichée.

- Et la deuxième personne ?

- Nous avons trouvé un jeu d'empreintes. La personne à qui elles appartiennent n'est pas répertorié dans notre base. Cependant, je vais faire un billet à Interpol voire au FBI afin d'en avoir le cœur net.

- Très bonne idée, approuvai-je.

- Par contre, des traces d'ADN d'une plante rare ont été trouvées. Il s'agit de la « Tacca Chantrieri » encore appelée, plante chauve-souris ou plante du diable, des traces infimes de « La Rafflesia arnoldii » encore connue sous le nom de fleur-cadavre ou la plus grosse fleur du monde.

- Où poussent-elles ? Demande Jen, ne perdant aucunement le nord.

- Selon le rapport, ...

QUELQUES HEURES PLUS TARD...

- Vous semblez pale, mademoiselle Croft, remarquai-je.

- Je le suis, Maître, je crois avoir des vertiges.

- Mais pourquoi ne l'avoir pas dit ?

- Je ne souhaitais pas déranger surtout qu'il s'agit de mon affaire.

- Avez-vous mangé depuis le matin ?

- Non.

- Oh ! Mais quelle idée ?

- J'avais un nœud dans le ventre, tellement j'étais stressé.

- Venez, je vous invite.

J'avise un bistrot au coin de la rue et quelques minutes plus tard, nous prenons place autour de l'une de ses tables. La salle a un charme, c'est indéniable : les nappes à carreaux rouges, les théières de l'époque et les plats en céramique de la vieille époque. Tout est fait afin que le client soit plongé dans le passé. Nous passons rapidement les commandes et mangeons en silence, chacun ruminant les récentes informations.

Je trouve la jeune femme étrangement calme, l'observe et sens une certaine gêne s'installer entre nous.

- Et si vous me disiez ce qui ne va pas ?

- En fait, je réfléchissais.

- Je vous écoute.

- A chaque fois que nous avons des indices, elles tendent toutes à converger vers l'Inde. C'est comme s'il y avait déjà un coupable désigné.

- C'est vrai.

- Vous n'y croyez pas, n'est-ce pas ?

- Pour tout vous dire, oui, je n'y crois pas. Les récentes informations tendent à prouver cette assertion.

- Que savez-vous, que nous ne sachions pas ?

- Excusez-moi, je reviens.

Dans ce métier, j'ai appris à faire confiance à mon instinct. Ma femme a l'habitude de dire que j'ai été détective privé ou flic dans une autre vie ; ce qui est fort possible.

- Allo, Fergusson...Excuse-moi de te déranger...Ah bon ? ...Ok, c'est noté...Dis-moi, j'ai ne idée...Huhum...Je pourrais le demander à un de mes hommes mais ce serait long...Ok...Merci vieux frère...Pourrais-tu avoir une copie du visa de ...Ok, merci.

Je raccroche, secoue la tête et rentre rejoindre la jeune fille qui semble s'impatienter. Nous essayons d'explorer toutes les pistes qui s'offrent à nous, sauf deux que je préfère garder. Durant le retour, elle est absorbée par ses sms. Ah, les jeunes d'aujourd'hui, la génération tête baissée. Elle me rappelle mes enfants, jamais sans leur téléphone portable. Le téléphone censé réunir les personnes à distance, sépare plutôt ceux qui vivent les uns près des autres. Quel paradoxe !

- Sommes-nous d'accord, mademoiselle Croft ? Tins-je à lui rappeler.

- Oui, Maître Carlai. Nous n'avons jamais été au commissariat, n'avons jamais discuté avec le commissaire Fergusson et Allan n'est pas prêt de s'en sortir.

- Voilà !

- Bonne soirée Maitre et merci pour votre disponibilité.

- Merci et à vous autant.

Elle a encore la main sur le poignet, prête à ouvrir la porte lorsqu'elle reçoit un sms. Elle le lit, ouvre grand les yeux et manque défaillir.

- Qu' y a-t-il ? Demandai-je vue sa pâleur.

- Ça ira, ça ira répond-elle en évitant mon regard. J'ai reçu des nouvelles guère réjouissantes de la fac, à Limoges.

- Nous nous arrangerons à vous faire un document, justifiant cette longue absence.

- Merci Maître.

- Ça ira ou faut-il que je vous raccompagne jusqu'à la chambre ?

- Ça ira, merci.

Elle descend et se dirige vers l'entrée de l'hôtel, le téléphone à la main et l'air ailleurs. Je démarre et m'apprête à rentrer chez moi, lorsque mon téléphone se met à sonner. Je mets le kit mains-libres, c'est encore Fergusson.

- Décidément, tu ne veux pas le lâcher, toi.

- Arrête de raconter des bêtises, Carlai. Seule une paire de nénés et un corps de naïade, pourraient avoir cet effet sur moi.

- Pauvre de moi.

- Ha ha ha ha ha ha Carlai, toujours aussi fou.

- Alors, je t'écoute, roublard.

- En plus des résultats des analyses du matin, je viens d'en recevoir une autre et celle-là je crois qu'elle serait capitale et orienterait la suite de l'enquête.

- Je t'écoute, mon cher ami.

- Selon le labo en plus de la fleur du diable et de la fleur cadavre, il semblerait qu'il y ait aussi des traces de « L'Hydnora ...

- C'est vrai que le nom porterait confusion.

- Tiens-toi bien, m'interrompt-il.

- Je t'écoute.

- Elle ne pousse qu...


Jeneya CROFT, l'Impé...