Partie 36 : heureux hasard

Write by labigsaphir

- Chérie, voudrais-tu arrêter ? S'il te plait, rajoute-t-il en me tendant la main.

- Excuse-moi, bébé, je suis tellement tendue que je n'arrive plus à réfléchir correctement.

- Au lieu de te mettre martel en tête, pourquoi ne pas aller à la source et poser la question ?

- J'ai peur que cela n'en réveille d'autres, tout simplement ; il semble perplexe.

- Ecoute, va te doucher et je vais t'accompagner.

- Ok.

J'y vais d'un pas incertain et au lieu d'une dizaine de minutes, j'en fais une trentaine. En sortant de la salle de bain, Elric tient la télécommande et la tête est sur le côté. Je m'approche en faisant du bruit, mais il n'a aucune réaction. Mon cœur bat la chamade et je prends peur, j'avance en serrant les dents.

- Mon Dieu...Mon Dieu...Mon Dieu.

Je le touche, son corps est chaud, il lâche la télécommande et se couche de tout son long. Je suis soulagée, j'ai eu peur en repensant à Allan. J'ai eu peur qu'il ne lui soit aussi arrivé malheur. J'ai envie de le réveiller mais me ravise, je le ferai une fois prête. Je mets un slim blanc destroy, des tennis de la marque Victoria et une chemise à carreau, style bûcheron que j'accessoire avec une casquette. Un léger maquillage et quelques gouttes de parfum, je suis prête. Je réveille mon homme qui met du temps à émerger et un quart d'heure plus tard, nous quittons la maison.

Au lieu de prendre un taxi, ce qui est relativement cher à Londres, nous préférons marcher jusqu'au centre commercial le plus proche. Non-loin de là, des bistrots et cabines téléphoniques ; c'est parfait.

- Pourquoi as-tu insisté que l'on vienne ici ? J'aurais pu passer ce coup de fil dans notre chambre ou à l'hôtel.

- C'est quoi, le problème ? Demande-t-il a lieu de me répondre.

- Il fait frisquet, bébé ; je mets les mains dans les poches.

- Si je me fie à ce que tu m'as raconté, il est fort possible que tu ais tapé dans le mille. Si c'est vraiment le cas, nous sommes tous en danger.

- Ah bon ?

- Oui. Tu ne te rends peut-être pas compte de gravité de la situation, chérie. Allan, bien que je ne l'apprécie guère, aurait pu y laisser la vie.

- Humm.

- Avec tous ces bistrots autour et cette foule, il serait difficile d'entendre ta conversation. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles, je me suis opposé au fait que tu le fasses par sms.

- Ok.

- Souhaites-tu que je vienne avec toi ?

- Oui, je me sentirai plus en sécurité.

- Vraiment, les femmes !

- Ha ha ha ha ha, laisse-tomber chéri.

- Allons-y, madame Biyo'o.

- Tu n'as pas encore doté donc c'est mademoiselle Croft.

- On dote aussi les blanches ?

- Ga ga ga ga celle-là est bonne, je ne l'ai pas vue arriver.

- Maintenant tu sais, mon bébé.

- Ha ha ha ha ha arrête de me chatouiller.

- Aka si je veux te faire des câlins, qui pourra m'arrêter ?

Il s'adosse sur un parapet pendant que je rentre dans la cabine et compose le numéro, le cœur battant. Après des minutes à se chercher, nous finissons par aborder le sujet qui fâche ; je me tourne vers mon homme qui m'insuffle du courage. J'emmène tout doucement le sujet l'air de rien et pose la question.

Je sors de la cabine et suis obligée de m'agripper au muret pour ne pas tomber. Elric qui m'observe depuis le début, vient à ma rescousse et me prend dans ses bras. Je pleure en silence durant quelques minutes, puis me redresse.

- Viens, allons dans ce bistrot.

- Non, je veux rentrer à l'hôtel.

- Chérie,

- Humm.

- Ton rimmel a coulé, tu n'es pas présentable.

- Ok, allons-y.

Je m'agrippe à la main d'Elric comme si je craignais que l'on ne me fasse du mal, dans la minute qui suit. Il me chuchote des mots doux à l'oreille et réussit à m'apaiser. Il commande deux cafés, pendant que moi, je vais me refaire une beauté. Dix minutes plus tard, je vais mieux et le rejoins en souriant.

- Ça va ? Me demande-t-il aussitôt que je suis assise.

- Mieux, merci.

- A ta réaction, je suppose que c'est bien ce à quoi nous pensions.

- Oui, fais-je du bout de lèvres.

- Jen,

- Oui, Elric, c'est bien cela. La maladie royale ou hémophilie est une maladie héréditaire dont seules les femmes sont porteuses. Une femme qui a des manifestations de la maladie est porteuse des deux gênes.

- Ok. Calme-toi, mon bébé.

Il me tire à lui et me prend dans ses bras, indifférent aux regards des autres tables.

- Maintenant que nous avons terminé, nous pouvons rentrer, annonce-t-il en posant un billet de 10 euros sur la table.

- J'ai une autre idée, dis-je peu sure de moi.

- Laquelle ?

- Et si nous faisions un tour au cabinet de Maitre Carlai ?

- Pourquoi pas ?

- Il va falloir louer une voiture parce qu'à ce rythme, mon compte sera vide.

- Je vais payer, c'est aussi mon rôle.

- Merci d'être là pour moi, fais-je émue.

Il m'embrasse devant tout ce monde. J'entends glousser mais nous nous en foutons, la vie est vraiment belle à deux.

Une demi-heure plus tard, le taxi nous dépose devant le cabinet de Maître Carlai. Nous saluons le gardien, il me reconnait et nous laisse passer. Personne à l'accueil, c'est étonnant. La porte du bureau de Maître Carlai est ouverte mais j'entends distinctement des voix. Je m'approche et guette, je crois reconnaître une silhouette malgré qu'elle soit de dos.

- Alors, qu'en pensez-vous ? Demande-t-il la dame.

- J'ai du mal à y croire, répond-elle.

- Quand avez-vous été agressée ?

- Alors, c'était...

- Très intéressant parce qu'en recoupant, cela correspond bien à cette période.

Elle se penche et regarde attentivement le feuillet, puis se redresse.

- En fait, tout était fait pour que je sois la coupable.

- Oui, mademoiselle Tudor, la coupable parfaite.

Tudor, il a bien dit, TUDOR ? Sans réfléchir, je toque et pousse la porte. Ils se retournent tous les deux, surpris de ma voir là.

- Lavigna TUDOR ?

- Oui, Jeneya Croft, répond-elle en se levant et venant vers moi.

- Que fait-elle ici ?

- Elle m'aide depuis quelques temps, déjà.

- Ah bon ? Depuis quand est-elle là ?

- Quelques temps, répond-elle en me prenant dans ses bars ; je me raidis à son contact.

- Tu n'as pas à avoir peur de moi, je ne te ferai jamais de mal.

- Qu'est-ce qui me le fait dire ?

- J'ai pris des risques et suis venue à Londres, t'aider.

- Humm.

- Ça va ?

- Comme une future prisonnière, répondis-je en la fixant.

- Be strong, reste positive, fait-elle en souriant.

- Ah oui, dis-je en me souvenant de la présence d'Elric.

Je me tourne vers lui et de la main, lui demande de nous rejoindre.

- Je te présente Elric, mon chéri. Lavigna, Elric et Elric, Lavigna. Maitre Carlai,

- Nous nous connaissons, termine-t-il.

- Si j'avais 25 à 30 ans de moins, lâche Lavigna en fixant Elric.

- Tu es vraiment impossible. Maman a eu la même réaction, le jour où j'ai fait les présentations.

- Sacrée Carla, elle ne changera donc jamais, rebondit Lavigna. Enchanté, jeune homme.

- Enchanté, Madame, répond Elric.

- Lavigna, appelez-moi Lavigna et je préfère que nous nous tutoyions. De grâce, le madame n'est pas indispensable, je n'aimerai vraiment pas vieillir.

- Exactement comme Carla, réplique Elric sans réfléchir.

- Décidément, vous avez de nombreux points en commun, maman et toi ; elle détourne le regard et s'assied en faisant mine d'enlever une poussière imaginaire sur sa toilette.

- Lavigna, ça va ? S'enquiert Maître Carlai.

- Bien, merci, répond-elle d'une voix morne.

Elric et moi, nous regardons. Je ne pensais pas la croiser et surtout dans ce bureau, pourquoi ne ferais-je pas d'une pierre deux coups ?

- Mais asseyez-vous, ne restez pas debout.

- Merci, répondons-nous en chœur en prenant place et encadrant Lavigna.

- Que me vaut l'honneur de votre visite ? Je croyais que nous avion rendez-vous, demain.

- C'est vrai, Maître. Seulement, je n'ai pu m'empêcher de venir.

- Qu'y avait-il de si urgent ?

- J'ai une information à vous transmettre mais en attendant, j'ai une question à poser à Lavigna TUDOR.

- Qui es-tu ? Pourquoi TUDOR ? Pourquoi ton prénom provoque-t-il toujours de la gêne ?

- Mademoiselle Croft ! Fait Maître Carlai, outré par mon aplomb.

- Non, laissez Maître, elle en a le droit. Cela fait bien des années que je suis un secret de polichinelle, un fantôme parmi les vivants. Il est temps pour moi, je crois, de revenir à la vie.

- Je t'écoute Lavigna...

- Pour mieux me comprendre, nous ferons un bond dans le passé.

PENDANT CE TEMPS...

[ RUSTINE ]

- Inaya, Imany, Lorenzo et Enzo, vous devez attendre maman. Il est hors de question que je vous perde dans cette foule.

- Rus, laisse-les respirer, les pauvres.

- Maman, si tu laisses la liberté à Inaya, elle n'en fera qu'à sa tête. Je n'ai aucune envie qu'Augustin me crucifie parce qu'un des enfants aurait disparu.

- Il faudrait donc la responsabiliser au lieu de lui crier dessus tout le temps.

- C'est ce que je fais et à chaque fois, c'est un échec cuisant.

- Eh ben, recommence encore et encore, ça ira.

- Maman, je n'ai ni le temps ni la patience, sachant qu'Inamy et les jumeaux enchaînent les bêtises, les unes après les autres.

- J'ai bien fait de t'accompagner.

- Oui, c'est vrai, reconnus-je en lui souriant.

- Tu travailles trop, Rus, pense aussi à te reposer.

- C'est ce que je fais, répliquai-je harassée.

- Tu n'as pas 40 ans plein et sembles porter toute la misère du monde sur tes épaules. Tu es fatiguée et défranchie.

- Merci maman, répondis-je piquée au vif.

- Pense donc à te reposer et c'est tout.

- C'est ce que je fais depuis que nous sommes là.

- Ce n'est pas vrai. Depuis que nous avons quitté Douala, tu as juste déplacé le problème. J'ai vraiment eu l'impression qu'arriver à Pretoria, t'a mis les nerfs à fleur de peau.

- Tu te trompes, maman.

- Pardon, il faut que j'appelle mon homme.

- Owouooooo mieux de celles qui ont des hommes.

- Pardon, couve pour toi et dans quelques années, tu pourras jouir de ton mari en paix.

- Ikiiiiii

- Oui, oui, tu nous as emmerdés durant des années avec tes caprices. Je peux maintenant me la couler douce avec l'homme de ma vie.

- Rayaaaaaaaaa Madame McDermott, qui te peut ?

- Je sais même ?

- Nous allons dans cette allée, ne traîne pas, maman.

- Ok.

Je soupire ferme les yeux durant quelques secondes et en les rouvrant, quatre paires d'yeux me fixent.

- Allons-y !

Je me félicite et oublie l'inquiétude que j'avais en arrivant. Je prends plaisir à flâner entre les rayons de ce jardin botanique, si spéciale. Ici, un riche entrepreneur et amoureux de la nature, a entrepris de rassembler les plantes les plus rares et les exposer, exactement comme font les promoteurs pour un safari. C'est avec ravissant que je découvre certaines espèces. Les enfants sont émerveillés et ne cessent de poser des questions, auxquels je m'efforce d'y répondre.

- Là, qu'est-ce ? Me demande Inaya, plus curieuse que jamais.

- Attends que je lise, s'il te plait.

Je me penche et lis en grimaçant,

- Maman, on attend, s'impatiente Imany ; je souris en l'entendant, elle a l'accent de son père.

- Nepenthes Attenboroughii, c'est une plante carnivore pouvant atteindre 1,20 m de hauteur. Elle peut capturer des rongeurs et émets des odeurs de viande en putréfaction.

- Ah bon ? Fait Inaya, les yeux gros.

- Oui, ma chérie.

- Noooon, Lorenzo !

- Qu'y a-t-il ? Demandai-je en entendant le cri strident.

- Lorenzo a jeté du pain dans la cage.

- Ah non, Lorenzo !

Il éclate en sanglots, je le tire à moi et le sermonne. Lorsque j'en ai terminé et me relève, je suis obligée de faire face à des agents de sécurité, accompagnés d'une dame ayant fière allure.

- Madame... ?

- Madame Minsem, répondis-je en souriant jaune.

- Il est écrit comme vous le voyez, que rien ne devrait être jeté dans les vases clos pour notre sécurité à tous.

- Je suis désolée, fais-je confuse.

- Navrée mais je dois vous demander de quitter ce rayon.

- Ok, dis-je en jetant un regard noir à Lorenzo qui essuie les larmes sur ses joues.

Nous sommes escortés loin desdits rayons, attirant l'attention des uns des autres, tout ce que je déteste dans un endroit public. Au moment de nous séparer, un jeune homme s'approche rapidement de la dame en question ; je suppose qu'elle est la gérante ou la propriétaire de ce jardin botanique.

- Maman, maman, fait-il en lui tendant un téléphone.

- Pas maintenant, Démi.

- C'est papa, il dit que c'est urgent, insiste le petit.

- C'est bon, passe-le-moi.

Elle prend le téléphone, échange durant une minute, puis raccroche. Elle remet le téléphone à son fils que je ne peux m'empêcher de dévisager. La dame le remarque et se tourne vers moi.

- Vous le connaissez ?

- Je suis désolée si je vous ai mise mal à l'aise en regardant votre fils. En fait, il ressemble trait pour trait à une de mes connaissances.

- Comment s'appelle-t-elle, si ce n'est indiscret ?

- Dick, Dick Stern.

- C'est mon époux et son père.

- Ah oui ?

- Oui et d'où le connaissez-vous ?

- Nous sommes des partenaires et faisons des affaires ensemble.

- Ah ok. Vous avez un accent assez spécial, ainsi que vos enfants.

- Ma mère est camerounaise et mon père, sud-africain.

- Ceci explique bien cela. Mais attendez, Dick m'avait parlé d'une amie devant accueillir une de ses nièces au Cameroun. Où résidez-vous si ce n'est indiscret ?

- Au Cameroun, justement.

- Voyez comme le monde est si petit, s'exclame-t-elle.

- Pour l'incident de tout-à-l'heure, c'est oublié. Vous pouvez y aller, dit-elle à l'attention des agents de sécurité.

- Navrée, navrée, les enfants.

- Nous sommes tous passés par-là.

- Mais cela fait déjà un quart d'heure que je vous cherche, fait une voix derrière moi.

- Je vous présente ma mère, madame Mc Dermott. Et maman, madame Stern.

- Mais je vous connais, dit madame Stern. McDermott comme ambassadeur ?

- Exactement ! Répond maman en souriant de ses 32 dents.

- Ecoutez, je vous invite tous chez moi.

- Non, non, nous ne souhaitons pas déranger, dis-je.

- Ah non ! C'est refuser qui me dérangerait.

Elle prend la main des jumeaux et se présente, en se mettant à leur niveau. Maman et moi, nous regardons. Elle secoue les épaules, je vais finalement accepter. Cela ne nous ferait pas de mal. 


Qu'en pensez-vous ?

Jeneya CROFT, l'Impé...