Partie 4
Write by Ornelia de SOUZA
J'avais passé toute la nuit dans cette spacieuse suite avec Kayodé. La maison était très belle et j'étais plus que ravie d'avoir réussi mon coup. À vrai dire je ne pensais pas du tout que cela serait aussi facile mais je m'étais armée. Aucune bataille n'est remportée sans arme. Je jetai un coup d'oeil vers la porte pour confirmer qu'elle était bien fermée et je fouillai dans mon soutien-gorge à la recherche d'un petit sachet. À l'intérieur se trouvait une poudre spéciale que j'avais fait faire par un marabout il y avait de cela des mois pour pouvoir contrôler Kayodé. Au début de notre relation, je savais qu'il respectait trop sa femme et ses filles pour m'offrir tout ce que moi je désirais. Une amie m'avait alors indiqué ce marabout, secret de toutes les jeunes femmes riches du Bénin. Il m'avait concocté cette poudre qui pouvait une fois dans ma bouche obliger Kayodé à accomplir mes quatres volontés. Jusqu'ici cette préparation ne m'avait jamais déçu et hier j'avais vraiment confirmé la puissance de ma fameuse poudre magique. Kayodé pensait véritablement que c'était uniquement l'amour qu'il avait pour moi qui le poussais à agir ainsi mais moi je savais que ma poudre l'abrutissait.
Jusqu'ici j'avais réussi une partie de ma mission. J'avais pris possession des lieux mais maintenant je voulais que Kayodé jette sa femme et ses filles hors d'ici et grâce à ma poudre, je savais que j'allais y parvenir.
L'horloge murale indiquait dix heures. J'étais sûre maintenant de sortir sans croiser Anta ou l'une de ses filles. Kayodé avait dû sortie pour gérer ses affaires mais je n'étais pas assez bête pour m'exposer à la fureur de Anta ou à l'une de ses filles. Comme on le dit ici, "les chiens ne font pas des chats" et je pouvais mettre ma main au feu que ses filles étaient aussi redoutables qu'elle. J'avais donc prévu d'attendre qu'elles sortent pour leurs cours avant de me montrer. La faim ne me faisait pas non plus de cadeau alors j'étais impatiente de pouvoir me faire servir par les cuisinières de MA maison. Cette pensée m'arracha un sourire. Ce coup était le plus fort que j'avais jamais frappé et j'en étais fière.
Je rangeai rapidement ma poudre dans sa cachette secrète et je sortis de ma chambre en quête d'un petit-déjeuner salvateur. Je trouvai rapidement le chemin de la cuisine. La maison n'était pas si grande pour que je me perde. La cuisine était vaste et comportait une salle à manger. Deux cuisinières en grande discussion y étaient attablées. Visiblement prise par leurs commérages, elles ne se rendirent pas compte de mon arrivée.
-Je te dis que cette femme est dans la chambre principale en ce moment même ; affirmait l'une.
-Je n'y crois pas! contesta l'autre. Monsieur ne peut pas faire ça à Madame et aux filles.
-Tu ferais bien mieux d'y croire ma chère. Cette femme est à peine plus âgée que demoiselle Madjidath. Comme moi je te dis, on ne finit jamais de connaître les hommes. Ils sont méchants et Monsieur n'est pas une exception.
-Effectivement ! dis-je faisant sursauter les deux femmes. Aucun homme n'est digne de confiance et aucune femme d'ailleurs. Apprenez à craindre les gens et moi, surtout. Levez-vous !
L'ordre était clair. Les deux employés se levèrent effrayées par ma présence. On lisait clairement sur leurs yeux qu'elles avaient peur qu'on ait surpris leur conversation. Je m'approchai et je tournai autour de l'une d'entre elle pour m'intimider. Je tenais à tout prix à m'imposer dès le début pour qu'elles me respectent par la suite.
-Tu connais si bien mon mari que tu sais qu'il ne peut pas quitter cette vieille mégère pour moi? questionnai-je
-Non madame; voulut répondre la ménagère
-Tais-toi! crai-je dans le but d'asseoir ma dominance. Ne me réponds plus jamais quand je te parle. Vous allez apprendre à me respecter que vous le vouliez ou non. Dorénavant je n'admettrai plus qu'une domestique vienne s'installer autour de ma table à manger.
-Une larve qui veut diriger des moustiques; lança une nouvelle voix dans le décor.
Il s'agissait de Madjidath. Je me retournai surprise pour découvrir Anta et sa fille. Mon cœur fit un bond en avant. J'étais pourtant presque sûre qu'elle n'était plus dans la maison. J'aurais dû obliger Kayodé à rester à la maison pour assurer ma sécurité mais j'en avais marre de l'avoir dans les pattes et entre les jambes. Marre de jouer à l'amoureuse. Mais les conséquences n'allaient visiblement pas tarder à me tomber sur la gueule. J'inspirai un bon coup. Il fallait que je tienne tête à ces femmes. Cela ne devait pas être bien compliqué. Même si ma poudre ne pouvait fonctionner sur les femmes, je pouvais encore compter sur mes propres petites ruses.
-Tu sais ce qui est drôle dans tout ça Mélaine? me demanda Anta
-...
-Ce qui est drôle, c'est que tu ne connais pas Kayodé. Tu ne nous connais pas non plus. Tu ne sais pas à quel point cette famille malgré tout est soudée sinon tu ne tenterais pas de la briser.
J'étais coi devant Anta et sa fille. Telle une proie face à un dangereux prédateur, je n'osais pas faire des mouvements brusques pour éviter d'être attaquer. J'aurais pu répondre de manière acerbe comme je savais si bien le faire mais il n'y avait nul besoin d'être une lumière pour comprendre que je n'étais pas en position de force. Pour éviter les histoires, je me retournai sans un mot pour sortir de la cuisine par la porte de derrière mais je me retrouvai face à face de la silhouette longiligne de la seconde fille de Kayodé. Je tiquai surprise. Elle avança et je fis deux pas en arrière heurtant une des chaises qui bordaient la table à manger. À cet instant précis je maudis mes réflexions. Comment avais-je pu penser qu'elles vaqueraient simplement à leurs occupations comme si rien ne s'était passé la veille. J'étais sotte. Il s'agissait clairement d'une embuscade. Elles m'attendaient et elles allaient mes faire payer mon intrusion dans leurs vies.
-Où vas-tu? demanda Anta. Tu en as déjà marre de nous voir?
-Sortez d'ici! ordonna Madjidath aux domestiques qui ne se firent pas prier
Elles ne voulaient pas de témoins. J'étais clairement en mauvaise posture. Anta m'avait raté une fois et je savais que cette fois-ci elle ne ferait pas cette erreur. Je réfléchissais à toute vitesse à la manière dont j'allais me sortir de cette situation. Je tirai une chaise et je m'assis autour de la table à manger sur les regards ahuris des trois femmes de la vie de Kayodé. Elles s'attendaient sûrement à ce que je les attaque mais qui ferait ça à ma place? Je n'étais pas du tout idiote. Samirath la plus jeune des filles de Kayodé s'avança, tira un siège et s'installa près de moi.
-Mélaine, nous aimerons te parler comme des personnes civilisées.
-Je n'ai rien à vous dire; lancai-je.
-Mais nous voulons te parler alors tu ne peux rien autre que de nous écouter ; m'ordonna Anta
-...
-Tu vas nous dire tout de suite ce que tu as fait à Kayodé car c'est un homme bon et jamais il ne se serait entiché d'une fille comme toi; continua Anta.
Je n'allais certainement pas lui répondre. Lui dire que Kayodé m'aimait était de la pure provocation et lui parler de ma mystérieuse poudre était de la folie. Jusqu'ici elle n'avait pas encore levé la main sur moi. J'avais peut-être une chance de m'en sortir indemne si Anta pensait vraiment que je portais un enfant.
Je pris tout mon courage pour me lever et pour me diriger vers la porte de derrière. La réaction de Anta et de sa fille Madjidath ne se firent pas entendre. Elles contournèrent la table, m'interceptèrent en me saisissant chacune par le bras. Je criai en me tortillant pour me défaire de leurs bras mais rien n'y fit. Elles me maintenait fermement. Samirath se leva et je me rendis compte à cet instant précis qu'elle avait une gourde d'eau dans sa main. Elle l'ouvrit lentement et se dirigea vers moi. Elle le pencha vers ma bouche pour me le faire boire sans sommation. Ne sachant pas de quoi il s'agissait et ma tête n'étant pas tenu comme mes bras, je la déviai. L'eau qui était sensé atterrir dans ma bouche se déversa sur ma poitrine malgré le fait que Samirath redressa rapidement la gourde. Un cri de douleur s'echarppa de ma gorge. L'endroit où se trouvait le sachet contenant ma poudre venait de me brûler un peu comme si on marquait au fer rouge. Je paniquai. Cette eau là n'était pas une eau simple.
-Qu'y a t-il? Pourquoi as-tu crié ? me questionna Samirath
-Pour rien! lançai-je
-L'eau que contient cette gourde n'est pas n'importe quel eau; m'expliqua t-elle. Elle ne peut faire crier que les démons alors es-tu un démon?
-Non! répondis-je fermement puisque je n'étais pas un démon.
-Très bien! fit calmement Samirath. Alors tu ne trouveras aucun soucis ou inconvénient à la boire n'est-ce pas ?
Je pris peur. Si cette eau rien qu'en touchant l'endroit où était planqué ma poudre pouvait me faire ça. Qu'allait-il arriver à ma bouche si je la buvais? Il était hors de question qu'elles me forcent à l'avaler. Je me débattis une fois de plus en criant.
-Non, lâchez moi maintenant ! Vous êtes malades ou quoi? N'oubliez pas que je suis enceinte. Votre jeu ne m'intéresse plus.
-Verse lui encore l'eau dessus! ordonna Madjidath à sa sœur ignorant mes mots
Samirath s'exécutant immédiatement m'arrachant cette fois-ci un terrible hurlement. J'avais envie de me déshabiller et d'ôter cette maudite poudre de mon soutien-gorge. J'étais sûrement fortement brûlée vu l'intensité de la douleur que j'avais ressentie. Et mes cris n'avaient pas échappé à ces trois femmes.
-Pourquoi cries-tu? me questionna à nouveau Samirath
-Parce que j'ai été surprise! Êtes-vous malades pour verser de l'eau sur quelqu'un ainsi? Lâcher moi maintenant et je ne me plaindrai pas à Kayodé.
-Tu nous menaces? me demanda Anta faisant pivoter sa tête dans un mouvement fort théâtrale. Si elle ne veut pas nous dire pourquoi elle crie, Samirath verse lui encore l'eau dessus.
-Non! criai-je stoppant net le geste de Samirath qui avait déjà levé la gourde. Je vais vous dire. J'ai un sachet dans mon soutien-gorge. Sortez le je vous en prie!
J'avais surestimé mon rapport à la douleur. Je ne pouvais supporter cette brûlure une fois de plus. Samirath posa la gourde et plongea sa main dans mon décolleté. La fouille ne dura guère étant donné que j'avais une petite poitrine. Très vite, elle mit la main sur le sachet qu'elle sortit délicatement et le déposa sur la table à manger sous les regards ahuries de sa mère et de sa sœur qui me lâchèrent aussitôt. Immédiatement j'attrapai ma poitrine et je soulevai légèrement mon haut et mon soutien-gorge mm pour vérifier l'étendue des dégâts mais à ma grande surprise, je ne constatai aucune blessure. Cette douleur n'était que mirage. Un seul centimètre de ma peau n'était pas brûlé. Je regrettai amèrement d'avoir parlé de la poudre mais il était trop tard. Samirath venait de défaire le sachet révélant la poudre. Elles étaient toutes les trois penchées sue la chose mystique et m'avaient totalement délaissé. J'observai les sorties. C'était là l'unique occasion pour moi de prendre mes jambes à mon cou mais je lancai un regard à la poudre posée sur la table. En plus de m'avoir coûtée une petite fortune, elle m'était vitale. Je n'étais pas sûre d'avoir de nouveau Kayodé sous mon emprise sans cette poudre. Peut-être se rendrait-il compte de tout mes mensonges y compris celui de ma grossesse. Non! Il me fallait récupérer cette poudre.
Je tendis timidement la main pour saisir la poudre mais Anta me gratifia d'un coup sec sur la main. Elle se retourna vers moi au même moment où je retirais ma main. À son regard je compris immédiatement que j'avais réveillé la bête. Anta se contenait depuis qu'elle avait mit pied dans cette cuisine et maintenant je venais clairement de lui accorder la légitimité pour me battre. Elle fit un pas en avant et j'en fis deux en arrière. Elle m'attrapa le poignet et me gifla.
-Maman, calme toi! lui demanda Samirath. Elle est enceinte.
-Ça m'étonnerait! affirma Anta en ricanant. Aujourd'hui c'est ta fin.
Elle suivit ses mots d'une autre gifle. Je devais oublier la poudre et partir tout de suite si je tenais à la vie. J'en ferai faire une autre et jamais Kayodé n'abandonnerait une femme qui porte son enfant. J'arrachai mon poignet de la main d'Anta et je me dirigeai à pas de course vers la porte mais avant que je ne l'atteigne, une forte douleur en bas du dos me fit plier genou. Pour m'empêcher de m'enfuir, Anta avait saisi une des chaises de la table à manger et elle l'avait lancé dans ma direction. Je n'avais jamais ressenti une telle douleur de toute ma vie. Je criai un bon coup avant de m'evanouir sur le carrelage de la salle à manger.
*******
Une horrible odeur me chatouilla les narines. Un mélange de sérum et de medicaments. Je n'eus même pas à ouvrir les yeux avant de comprendre que j'étais dans un hôpital. Une ombre se pencha sur moi m'obligeant à lever les paupières. Un magnifique jeune homme métissé se tenait au dessus de moi. Pendant un instant, je crus rêvé. Il était grand et sa blouse de médecin ne dissimulait pas un seul instant ses magnifiques muscles. Il portait des cheveux extrêmement courts et sa barbe de trois jours lui donnait un air négligé terriblement sexy. Je ne pouvais me réveiller sur une meilleure vision que celle-ci.
-Vous êtes éveillé ? demanda t-il d'une voix forte me sortant de mes rêveries.
-Oui! Où suis-je? demandai-je même si je connaissais déjà la réponse.
-À l'hôpital ! me répondit-il. Vous vous êtes évanouie et un homme vous a conduit ici. Il était paniqué et inquiet pour vous.
Un homme?! Il s'agissait sûrement de Kayodé. Sa femme et ses filles l'avaient sûrement déjà informé de tout ce qui s'était produit. Il était sûrement déjà au courant pour la poudre. Mon esprit s'illumina d'un coup. J'étais à l'hôpital et Kayodé avait sûrement déjà informé les médecins que j'étais enceinte. Il ne fallait pas qu'il soit mit au courant de mon mensonge sinon je perdrai tout. Je me redressai rapidement dans mon lit.
-Docteur! dis-je
-Appelez moi Carin! me murmura le bel homme
-J'ai un service à vous demander...
-Quel service? me coupa une voix dur à l'autre bout de la pièce.
Je tournai la tête pour me rendre compte que Kayodé était présent à l'entrée de la chambre les bras croisés. La colère sur son visage était à peine masqué. Je craignis le pire.
-Quel service? répéta t-il. Si c'est pour lui demander de me cacher ton mensonge, c'est tard Mélaine. Je sais que tu n'es pas enceinte.
Je tressaillis.
-Tu n'es qu'une prostituée! cracha t-il s'approchant de moi
-Monsieur! intervint le médecin.
-Vous, ne vous mêlez surtout pas de ce que vous ne savez pas... Mélaine, pour qui tu t'es prise pour t'imiscer dans ma vie ainsi? Me mentir sur quelque chose de si important et user de sorcellerie sur ma personne.
J'ecarquillai les yeux.
-Oui, ta poudre de sorcellerie ! affirma t-il. Je suis au courant de tout mais ce qui m'a le plus blessé, c'est que tu mentes sur ton état de grossesse. Tu es maudite jeune fille ! Maudite pour m'avoir donné de faux-espoirs.
-Kayodé! tentai-je
-Notre voyage s'arrête ici! trancha t-il. Ne t'approche plus jamais de moi, ni de ma famille sorcière.
Il se retourna sur ces mots me laissant tremblante et au bord des larmes sur ce lit. Mon orgueil avait prit le dessus. Je n'admettais pas que Kayodé me parle et m'humilie de la sorte.
-Espèce de pleutre ! lui balancai-je avant qu'il ne sorte de la pièce. Retourne donc vers ta mégère de femme. Vous êtes assortis!
Il ne m'accorda même pas un seul regard. Je tremblais et je pleurais de colère. Je me tournai vers le magnifique Carin dont le regard en disait long sur ce qu'il pensait de moi. Je ne voulais pas lui laisser une mauvaise impression et mon état de nervosité me facilita la tâche.
-Docteur; dis-je entre deux sanglots. Cet homme est le mari de ma patronne. Il abuse de moi depuis des années maintenant. Ma patronne ne m'aurait jamais cru si je le lui avait dit. Alors je lui ai menti que j'étais enceinte pour qu'il en parle lui-même à sa femme pour que je puisse être libérer. Et voyez-vous le résultat? C'est elle qui m'a envoyé à l'hôpital. Ces gens sont des monstres. Aidez moi, je vous en prie.
-Je suis désolée, murmura le médecin. Il y a présentement une sœur dans l'hôpital. Elle s'occupe des femmes désespérées et maltraitées comme vous. Je vais la faire venir.
Il hâta le pas pour sortir de la pièce et je pus enfin respirer. Ça marchait à tout les coups. Je savais réveillé la pitié chez les gens.