¨Partie 56 : la logique

Write by labigsaphir

- Personne ne bouge ! Dit Raviere en s'adressant à moi.

- Mais, essayai-je...

- J'ai dit, personne ne bouge !

- Oulaaaaaa, fait Rose en se tordant les mains. Quand il prend cet air, cela n'augure rien de bon.

- C'est vrai, confirme Rael.

- Maman, que se passe-t-il ? Demande Moisha en s'asseyant sur les jambes de sa mère.

- Viens, ma chérie, viens, dit Rose en se levant et tirant à elle, sa fille.

- Pourquoi papa est fâché ? Insiste Moisha.

- Il n'est pas fâché, il a juste pensé un peu fort.

- Je reviens, annonce Rose en sortant avec Moisha.

- Ok, fais-je simplement.

- Je suis vraiment désolé, Jen, dit Rael en se tournant vers moi. J'admets que ma réaction était disproportionnée et que tu avais parfaitement raison de ne pas donner les raisons de ton silence. Je me sens vraiment bête, je t'assure.

- Oui, tu devrais ! Fais-je en le regardant droit dans les yeux.

- Jen, comment te le dire, commence-t-il, depuis le jour où je t'ai vue, je ne peux m'empêcher de penser à toi.

- Et je t'ai toujours dit que je ne penserai jamais à toi, d'une certaine façon.

- Je pourrai te faire changer d'avis, me coupe-t-il avec douceur.

- Ne perd pas ton temps, il y a un home d'avis.

- L'un n'empêche pas l'autre, Jen ; toi et moi, le savons.

- Elric, laisse-tomber ; il fronce le visage et se lève pour se rapprocher de moi.

- Je ne suis pas Elric, Jen ! Moi, c'est Rael !

- Peu importe, tu n'es pas mon style d'homme de toutes les façons.

- Redis-le en me regardant droit dans les yeux.

- Tu n'es pas mon style d'homme, fais-je en m'exécutant.

- Ce n'est que partie remise, dit-il un sourire en coin.

Un bruit de pas, puis une porte qui s'ouvre et Raviere apparaît. Il s'arrête au seuil et son regard va de Rael à moi, plusieurs fois de suite. Il fronce le visage, puis descend les escaliers avec lenteur ; l'on dirait qu'il prend plaisir à compter ses pas.

- Je ne tiens plus à voir ce regard entre vous ! Dit-il froidement.

- Mais pourquoi ? Demande Rael, estomaqué.

- Parce que c'est ainsi, Rael. Pour une fois, écoute sans discuter.

- Papa, tu sais qu'elle...

- Je sais ! Le coupe simplement Rael en se tournant vers lui, le regard dur.

- Tu devras dès maintenant, ne plus avoir certaines pensées en regardant Jen.

- Pourquoi ?

- Rael, t'ai-je déjà fait du mal un jour ?

- Non, papa.

- Alors, fais-moi confiance, comme tu l'as fait jusqu'ici.

Rael baisse la tête et la lève au bout d'une minute pour me regarder droit dans les yeux.

- Mon collier, fais-je en me détournant de Rael et tendant la main à Raviere.

- Ton collier est en lieu sûr, je te le rendrais dans quelques jours.

- Sauf qu'il y a un problème, le coupai-je avec douceur.

- Lequel ? Demande-t-il en bougeant sur son siège.

- Ce collier, je le porte toujours, me lave avec et fais tout, avec.

- Je sais, répond-il simplement en se passant la main sur la figure.

- J'aimerais récupérer mon collier, insistai-je sentant monter la moutarde monter.

- Pas besoin de t'énerver, je connais cette expression, balance-t-il en buvant son verre de jus d'orange.

- ...

- Oh que oui, vous êtes vraiment pareilles, les mêmes expressions faciales et certains tics.

- De quoi parles-tu ?

- Rael, laisse-nous !

- Euh...

- Laisse-nous, Rael !

Il s'en va en grimaçant, Raviere se redresse rapidement, me regarde dans les yeux avant de secouer la tête.

- Puis-je savoir ce qui se passe ?

- Jen, c'est assez compliqué, vous savez. Si je vous disais que je connais le fin mot de l'histoire, je mentirais.

- A bon ?

- Oui, oui. En fait,

Il se lève, se passe la main sur la figure et arpente la pièce durant quelques secondes en effectuant environs toutes les cinq minutes, une pause devant moi. Je ne sais pas pourquoi, je me mets à stresser et à me ronger les ongles ; ce que je n'ai pas l'habitude de faire, rassurez-vous.

- Ce collier, celui que tu avais, j'ai découvert qu'il est celui que j'avais offert à une personne qui m'est chère.

- Pardon ? Fais-je perdue.

- Oui, ce collier, je l'avais offert à une personne qui compte pour moi, il y a de cela quelques années, continue-t-il comme si je ne l'avais pas interrompue.

- Mais...

- Les initiales que tu as vues, en dehors de « LAYA », eh ben, c'est moi les ai faites graver.

- Quoi ?

- Eh oui, Jen. Oui, oui, la vie est bizarre mais comme je le dis si souvent à Rose, il n'y a pas de hasard dans la vie.

- ...

- S nous nous sommes rencontrés, cela voudrait tout simplement dire que nous devions nous rencontrer.

- Huhumm.

- Ecoutez, Raviere, commençais-je, m'impatientant.

- Jen, je sais que tu es perdue, ne comprends rien à ce qui se passe.

- C'est peu de le dire.

- Certaines personnes rentrent dans nos vies, telles des étoiles filantes, les changent et nous poussent à faire une introspection, ce qui a parfois des effets positifs.

- Huhumm.

- D'autres à peine rentrés, ne nous apportent que la malchance, si tu veux, la poisse.

- Comme disent si bien, les camerounais.

- Ha ha ha ha ha ha maman, elle est terrible, humm. Oui, certaines ne nous apportent que la poisse. Et pour le reste, le fait d'être là, ne serait en rien différent du contraire.

- Je confirme.

- Jen, je te connais depuis peu et le peu de temps que je t'ai côtoyée, a été disons...salvateur.

- Merci, je prendrais cela pour un compliment.

- Je sais que tu es une personne bien, une personne en qui je peux avoir confiance.

- Merci, c'est flatteur.

- Je serai capable de te laisser seule avec Moisha, de même que Rose.

- Oh !

- Oui, oui, Rose et moi, avons confiance en toi.

- Merci ; je ne sais vraiment où il veut en venir.

- Et toi ?

- Euh...bah oui, oui. Mais à quoi tout cela rime ; je ne sais pas si ma question est bete mais c'est l'impression que j'ai.

- Jen,

- Oui, monsieur McDermott.

- Raviere, Raviere tout simplement. Je ne m'en fais pas, tu t'habitueras à la nouvelle façon de m'appeler.

- Laquelle ? Pourquoi ai-je l'impression que vous vous adressez à moi, en parabole ?

- Excuse-moi, ma petite, tu as entièrement raison ; il se lève et va se servir une larme de scotch.

- ...

- Jen, si j'ai retrouvé le propriétaire de ce collier, cela voudrait tout simplement dire que j'ai retrouvé ta mère.

- Oh !

- Oui, oui, j'ai retrouvé ta mère, martèle-t-il une fois de plus.

- Vous avez retrouvé ma mère, vous avez retrouvé ma mère, vous avez retrouvé ma mère, répétai-je avec frénésie.

- Jen, Jen.

- Vous avez retrouvé ma mère, vous avez retrouvé ma mère.

Je me lève et répète inlassablement cette petite phrase. Je m'étais imaginée tant de scénarii mais pas celui-ci, non, pas celui-ci. Je m'étais dite que nous nous retrouverions devant une foule avec tous les cotillons, les youyous et surtout, les larmes. Là, là, je passe par diverses émotions, je ne sais quoi penser, ni quoi faire. Je croyais que cela me ferait un bien fou mais non, cela emmène des questions auxquelles je n'avais jamais pensées.

- Vous avez retrouvé ma mère, Raviere. Comment est-ce possible ?

- Le collier, répond-il en posant le verre sur la table dans un bruit mat.

- Ah oui, oui, le collier.

- Je connais ta mère, ta grand-mère, tes oncles et tes neveux.

- Oh, mon Dieu ! Qui sont-ils ?

- Souhaites-tu les rencontrer ?

- Oui !

- Je te demanderais donc de me faire confiance.

- Ok.

- J'ai pris la liberté de les appeler et leur expliquer la situation.

- Et alors ?

- La famille, votre famille sera là au, complet, dans quelques jours.

- OK, dis-je en posant la main sur la bouche.

- Je sais que tu es troublée, Jen. Je le comprends parfaitement, je le comprends.

- ...

- Fais-moi confiance et au lieu de partir, attends paisiblement la suite des événements.

- Je ne sais pas trop, hésitai-je en posant la main sur la bouche.

- Au lieu de t'en aller reste avec nous, reste et attends les tiens.

- Ok.

- Merci pour cette marque de confiance.

- Ok. Merci Raviere, merci. Je crois que je vais rentrer me coucher, trop d'émotions.

- Je comprends, Jen, je comprends, dit-il en posant la main sur mon épaule en guise réconfort.

- Merci Raviere.

Je remonte dans ma chambre en marchant avec lenteur. J'ai l'impression que chaque marche gravi, est une étape de ma vie. Je revois ma vie défiler devant mes yeux, mon enfance. Sans vraiment y faire attention, certains moments, certaines réactions des membres de ma famille maternelle, certains faits que je croyais n'avoir pas remarqués, font surface et s'étalent devant mes yeux, tels un puzzle.

Je pose le carton rose sur la table de chevet et me couche sur le lit, les yeux rivés au plafond. Je pense sans vraiment savoir à la fresque au plafond, de la chambre de ma mère, secoue la tête et cligne des yeux durant quelques secondes. Je secoue la tête et toutes les pièces du puzzle de tout-à-l'heure, reviennent, je lève la main et les range dans le bon ordre.

Certains détails insignifiants, correction faite, que je croyais insignifiants, me reviennent en mémoire. Je me tourne et récupère mon téléphone mobile, regarde les photos dans l'onglet « Galerie ». Pour la première fois de ma vie, je remarque tout ce que j'ai toujours refusé de voir, me contentant de prendre la vie telle qu'elle arrivait. Oui, pour la première fois de ma vie, je constate que je ne suis pas aussi blanche que les membres de la famille Croft et pire, celle de la famille STERN. Pour la première fois de ma vie, je prends conscience de ma différence.

Je me rends compte que maman a toujours fait attention à ce que les autres ne me posent pas certaines questions. Et si tel était le cas, elle avait la fâcheuse tendance d'y répondre, me soulageant. Maman m'a toujours couvée et plus qu'il n'en faut, croyez-moi. A l'époque, je me disais que c'était normal. Je comprends aujourd'hui que je vivais dans un cocon.

Aujourd'hui que je sais pouvoir mettre un visage sur les initiales R.M, je ne sais plus quoi penser ou quoi faire. D'un côté, j'ai grand besoin de savoir à quoi elle ressemble et surtout, savoir pourquoi elle m'a abandonnée. Apparemment, elle venait d'une famille ayant des noms à queue. Dans ce cas, pourquoi m'avoir abandonnée, alors qu'elle pouvait me laisser à la grand-mère car oui, j'en ai une ? N'étais-je pas assez bien pour elle ? Avait-elle honte de moi ? Il m'arrive souvent de penser, je l'avoue, qu'elle aurait pu me faire passer par les lunettes des toilettes sans que personne ne remarque mon absence. Oui, oui, elle aurait pu me jeter dans un caniveau, une rigole ou me donner à une société spécialisée dans les expériences scientifiques.

TOC...TOC...TOC...

- Entrez ! Fais-je en me redressant.

Je me tourne vers la porte, Raviere rentre dans la pièce. Pour la première fois, je le sens gêné.

- Que se passe-t-il ? Demandai-je en me tournant vers lui.

- Je tenais à ...J'ai oublié de relever un aspect, dit-il en détournant l regard dans un premier temps, puis tirant une chaise, il s'assied franchement et se tourne vers moi.

- Je t'écoute.

- J'aimerais que ce petit jeu cesse.

- Quel petit jeu ? Fais-je ne comprenant rien à rien.

- J'aimerai que Rael et toi, arrêtiez ce petit jeu malsain.

- Pourrais-tu être plus explicite ?

- Je ne sais pas si c'est un jeu de séduction ou parade amoureuse, mais que cela cesse !

- Je n'ai aucune vue sur votre fils, dis-je piquée au vif.

- Tant mieux !

- Est-ce tout ?

- Oui.

- Bien ! J'aimerai vraiment me reposer et ne vous inquiétez pas, je ne penserai pas à Rael ; je sais être désagréable mais je suis vraiment énervée, trop c'est trop.

- Jen, je suis vraiment navré. Je suis conscient d'avoir été brut mais pour le bien de tous, je préfère me montrer dur.

- ...

- Je suis encore navré pour le désagrément mais je serai inflexible sur ce point.

- Ok.

Il se lève et sort, je fulmine mais m'exhorte au calme en pensant à l'impératif, celui qui aura lieu dans quelques jours.

LE LENDEMAIN...

[ LOUHANN ]

- Ma co, tu doutes de moi ?

- Ha ha ha Elric n'a pas dit qu'il est un homme ?

- Ah ça ! Il va assumer ses responsabilités.

- Aïe ! Tu es quand même méchante, ma chérie.

- Ma chérie, je suis une lionne et il n'y a qu'une lionne pour maîtriser un lion. Son affaire de blanche, métis ou nguenguerou qui s'appelle, Jen, me sentira passer.

- Il ne faut même pas prononcer son nom, ma chérie. Multiplie-la par zéro et agis à distance.

- Tu as tout compris.

- Nous allons donc voir comment elle réagira. Vraiment les petites filles de maintenant n'ont plus honte de rien.

- Je te dis !

- Qui ne sait pas que les hommes réfléchissent généralement avec ce qu'ils ont dans le pantalon ?

- Je te dis !

- Quand ils voient une paire de fesse passer, même si ce sont les fesses d'une dame de soixante ans, ils se mettent à saliver. Les camerounais sont terribles, ma chérie. Il n'y a pas pire qu'eux en Afrique.

- La règle des trois « T ».

- Ah oui, oui, pour les camerounais et le vrai camerounais, Tout Trou est Trou.

- Ha ha ha ha ha, ne pus-je m'empêcher d'éclater de rire.

- Pourquoi ris-tu ? Tu connais nos hommes, non ? Même s'il y a des rides dessus, ils vont toujours y aller.

- Ga ga ga ga ga, ma sœur, qui t'a énervée ?

- Non, ton affaire d'Elric m'énerve. Tu saigné pour ce gars, et c'est une petite pisseuse, celle qui ne sait même pas faire sa toilette qui vient profiter ?

- Je t'assure.

- As-tu fait le certificat médical ?

- Tu doutes ?

- As-tu utilisé les médocs que je t'ai envoyés ?

- Yes !

- Tu as fait comme je t'avis dit ?

- J'ai exactement fait comme ton pote médecin a dit, tranquillise-toi.

- Es-tu parti à l'hôpital ?

- Et comment ! Je suis allée, ils ont constaté que j'ai perdu un enfant.

- Là n'est même pas le problème, ma co'o. Ont-ils fait le lien entre Elric et la perte de ton enfant ?

- Tu doutes ?

- Avant d'aller voir le médecin, j'ai pris la lame et me suis tailladée les mains et les pieds. La version officielle, je t'en donne la primeur : il m'a rouée de coups.

- Oh yes oooo !

- Huhumm, selon les médecins, la violence avec laquelle j'ai été rouée, a entraîné la perte de mon enfant.

- Et que dit Cotrell ?

- Il sait juste que j'ai fait une fausse couche et qu'elle était extra-utérine.

- Propre !! Tu es un cerveau, ma co'o.

Jeneya CROFT, l'Impé...