Partie XIII

Write by Ornelia de SOUZA

-Mon Dieu quelle horreur !


Le visage de la femme mûre semblait figé. Elle ne pouvait détacher son regard d'Inès. L'effroi s'empara de la jeune femme. Elle lisait clairement le dégoût dans les yeux de la mère de Carin. Irina s'approcha de sa mère, lui prit le bras et lui murmura quelque chose à l'oreille. La dame se retourna et suivit sa fille hors de la pièce. Carin s'abaissa pour ramasser les débris de verres cassés dans le plateau. Inès était tétanisé. Elle pensa à l'aider mais elle ne pouvait pas. Que venait-il de se passer? La mère de Carin avait-elle crié d'effroi et de dégoût en voyant son visage? Encore une fois, l'avenir s'assombrissait. Des gouttes de larmes perlaient sur ses joues. Elle voulait croiser le regard de Carin. Elle voulait que d'un seul regard il la rassure mais non, il n'en fit rien. Il fuyait son regard. Pourquoi fuyait-il son regard? Elle ne s'expliquait pas son comportement. Il devait la rassurer et lui il se contentait juste de ramasser des débris de verres. Elle se mit à trembloter de tout son corps. La colère et la déception montaient peu à peu en elle. Elle voulait partir une fois de plus. Mais elle ne s'y résolvait pas. Allait-elle toujours fuir dès lors qu'une bourrasque s'annonçait ? Non, cette fois ci elle resterait là. Elle ne voulait pas donner satisfaction à une personne qui voulait l'humilier une fois de plus. Cette femme n'allait pas s'en tirer ainsi. Pas comme tout le reste. Pas comme Dègla, pas comme son oncle, pas comme Mélaine. Non, elle n'allait pas l'accepter cette fois ci.


Carin finit de ramasser les verres dans le plateau et sans adresser un regard à Inès, disparut derrière sa mère et Irina. Inès resta stupéfaite mais elle était décidée. Elle n'allait pas se laisser faire alors elle allait rester là jusqu'à ce qu'il ait le courage de revenir la chercher. D'une main tremblante, elle essuya les larmes sur son visage. Trente secondes plus tard, c'est Irina suivie d'une autre femme presque identique qui apparut. Celle-ci semblait cependant plus vieille qu'Irina. Plus mince aussi et sûrement plus aigrie et moins gentille. À la vue d'Inès, la nouvelle arrivée éclata de rire. Irina parut tout de suite gênée. Elle décocha un regard plein de reproche à la femme qui devait être sa sœur aînée mais ceci ne l'arrêta pas pour autant. Elle riait de plus belle.


-Là il a fait fort; lança-t-elle entre deux éclats de rire. Mais c'est quoi son problème ? Il va finir par tuer la vieille. C'est quand même fort là.

-Ashley stop! Je t'en supplie!


Ashley, c'était son prénom. Que pouvait-elle bien entendre par "il a fait fort"? Elle parlait de Carin. Inès l'avait compris et elle parlait d'elle comme si elle n'était pas là. Inès se sentit humiliée, rabaissée, triste, esseulée mais elle ne le fit pas paraître. Contre toute attente, elle avança et tendit la main à Ashley.


-Bonjour ! Moi, c'est Inès !


Ashley cessa de rire et répondit à la poignée de main d'Inès. Elle lui sourit et en profita pour la jauger du regard. Elle observa sa robe, ses jambes et finit son parcours sur son visage. Elle ne pût s'en empêcher et pouffa à nouveau de rire, retirant sa main de celle d'Inès.


-Bon ben viens ma petite Inès ; finit par lâcher Ashley. Tu es là et tu ne vas pas rester dans le hall. Allez entre!


Inès suivit les deux jeunes femmes et entra dans une pièce qu'elle pouvait qualifier de salle de séjour. Là sur un canapé, la mère de Carin était blottie dans les bras de son fils. Il semblait la réconforter. La réconforter ! ! ! De quoi? D'elle? La situation était si ambiguë que si Inès ne s'était pas retrouvé à sa place, elle en rirait. Elle n'arrivait pas à croire que c'était son pauvre visage qui avait pu mettre cette femme dans cet état.


La dame leva les yeux et aperçut Inès. Elle se leva d'un coup et sans un seul mot sortit de la salle. Elle était en colère. Inès le voyait bien mais contre qui? Contre elle?


-Maman ! murmura Carin avant de se lever et de la suivre.


Ashley continuait de rire. On ne pouvait pas l'arrêter. Irina observait Inès avec pitié. Le rêve se transformait en cauchemar.


-Inès assied toi ; murmura Irina.

-Merci; fit Inès en s'exécutant.


Irina et Ashley s'installèrent face à elle. Ashley sourit ironiquement mais c'était plus le visage empli de pitié d'Irina qui gênait Inès.


-Je suis désolée ; finit par lâcher Inès dans ce silence ci pesant.

-Oh non!

-Ne le soit pas voyons; dit Ashley. Je suis désolée moi de me moquer parce que ce n'est pas de ta faute si tu es comme tu es. En réalité, ce n'est pas toi mais la situation qui me fait rire.

-Quelle situation ? interrogea Inès

-Ash je t'en prie; intervint Irina

-Non Irina ; continua Ashley. Il faut qu'elle sache.

-Que je sache quoi?

-Notre frère Carin est l'unique garçon de la famille. Et cette famille traverse une crise. Nos parents vont bientôt divorcer...

-Ash! l'interrompit Irina.

-Quoi? C'est évident non? Un homme qui ne vit plus avec sa famille et qui ne les a pas contacté depuis des mois. Je sais qu'un jour viendra où il réapparaîtra et ce sera pour apporter les papiers du divorce. Notre mère va en mourir mais on ne peut pas se leurrer. C'est ce qui va se passer Irina et tu le sais aussi bien que moi.

-Mais quel est le rapport avec moi? demanda Inès qui ne comprenait rien et qui trépignait d'impatience.

-Après que notre père ait disparu dans la nature en brisant le cœur de notre mère, elle a reposé tous ces espoirs sur ces enfants. Moi sa fille aînée, je suis mariée et j'ai deux enfants. Sa benjamine Irina ici est une vraie débauchée et donc ne va jamais se marier.


Irina frappa sa sœur qui éclata de rire suite à cette petite pique.


-Et son fils Carin est malade! lâcha finalement Ashley

-Malade? firent en écho Inès et Irina

-Oui malade; répondit Ashley. Sinon comment on appelle ça? Toi unique fils de tes parents, beau, grand, fort, riche avec un excellent métier qui est censé perpétué le nom de cette famille ne t'entiche que de phénomènes.


Phénomène ! Le mot sonna comme un coup de gong aux oreilles d'Inès. Phénomène ! Elle? Inès, un phénomène ? C'en était trop. Elle n'avait plus rien à faire ici.


-Ce n'est pas pour toi ma chère; continua Ashley. Je crois même que si tu étais la première à être venu ici, notre mère t'aurait accepté mais là c'en est trop pour elle et je la comprends. À chaque fois, il nous dit qu'il va ramener son épouse et il nous ramène tout et n'importe quoi. Jamais il n'a ramené une jeune fille normale comme si on lui avait jeté un sort.


-Qu'est-ce que tu entends par une jeune fille normale? dit Inès

-Une jeune femme qui n'est pas estropié, qui n'est pas handicapé, qui n'est pas manchote, albinos, aveugle, muette, sourde, attardé... Une jeune femme normale.


-Ashley! cria Irina pour que sa soeur s'arrête

-Je crois que Carin est littéralement excité par toute la misère du monde; lança Ashley en ignorant sa petite soeur. Mais le pire c'est que dès qu'il a ce qu'il veut, dès qu'il couche avec ces filles, il ne veut plus les épouser. Il remplace une miséreuse par une autre miséreuse. Avant toi, c'était une albinos. Une patiente à lui comme toutes ces filles, comme toi je suppose. Elle était plutôt acceptable celle-là. Notre mère l'a accepté jusqu'à ce qu'il couche avec elle bien entendue. Hier il a appelé pour dire qu'il allait enfin nous présenter sa femme. Celle pour qui il s'était finalement décidé. Une belle jeune femme, a-t-il dis. Alors tu comprends la colère de notre mère ?


Inès se sentait mal. Tout ce discours venait de l'éclairer sur cette situation. Elle aurait préféré ne rien savoir. Les paroles d'Ashley résonnaient en écho dans l'esprit d'Inès. Carin était malade. Il n'était attiré que par la misère du monde. Mon Dieu! Elle n'était qu'une miséreuse parmi tant d'autre. Elle ne pouvait plus contenir sa colère et sa peur.


-Vous êtes malade! hurla Inès en s'adressant à Ashley. Vous êtes malade et mal élevée. Tout ce que vous venez de dire est preuve de votre manque d'humanité. Albinos, handicapée ou aveugle ne change pas le fait que nous soyons des êtres humains et pas des phénomènes comme vous dites. Et vous? Espèce de...


À ce moment précis, Carin entra dans la pièce et fut accueillis directement par une gifle mémorable.


-Pauvre homme ! Tu n'es qu'un imbécile ! Ramène moi chez moi tout de suite!

Cris de femmes