Partie XX

Write by Ornelia de SOUZA

Quelques semaines après cet incident, la santé de Safi se dégrada. Sa mère restait à son chevet car malgré les fautes d'un enfant, une mère reste une mère. Mais une crainte qui ne disait pas son nom hantaient les pensées d'Inès. Les nausées et les vertiges de Safi ne trompaient personne mais Inès persistait à ne pas l'emmener voir un médecin. Le verdict l'effrayait et mère et fille restèrent calmement main dans la main en priant pour que cet mauvais palu passe. Finalement lorsque Safi se refusa à manger, sa mère se résolut à la conduire chez un médecin. Une petite heure plus tard la nouvelle était tombée. Safi attendait un enfant. Tout au long du trajet retour, les deux femmes ne murmurèrent un seul mot. Elle marchèrent en silence côte à côte. Un silence pesant. Mais au fond d'elle Safi désirait que ce trajet s'éternise car elle savait qu'une fois qu'elle aurait franchi le seuil de leur maison, elle serait morte et enterrée et elle ne se trompait pas. Une fois rentrée, Inès s'abattit sur sa file.


-Comment as-tu pu? Ne t'ai-je toujours pas dit de rester loin des hommes? Ne t'ai-je pas conté tout le mal que les hommes m'ont fait? Ne t'ai-je pas prévenu ?


Safi ne réagissait même pas. Elle était immobile comme paralysée. Elle ne pleurait pas et elle n'essayait pas de se défendre. Elle pensait à cette fameuse nuit. Cette nuit où elle avait commise cette erreur. Cette nuit où elle s'était laissé souillée. Dine était le père de cet enfant mais depuis cette fameuse nuit, elle l'avait évité. Elle ne voulait plus le voir après avoir été contrarié par le jugement de sa mère. Elle ne voulait plus avoir affaire à lui. Sa mère lui avait toujours demandé d'éviter les gens aisés. Elle lui disait "Les gens aisés ont le pouvoir. Les gens aisés peuvent faire ce qu'ils veulent de ta vie. Ils se croient tout permis. Ils peuvent transformé ta vie en un enfer alors reste à ta place."


-Alors dis moi qui est le père ? demanda Inès tirant Safi de ces pensées

-Dine...

-Qui est Dine? Ne me dis pas que tu ne connais que son prénom? Qui sont ses parents ?

-Je t'en prie mama! Tu crois que c'est le moment? s'emporta Safi. Je suis enceinte. Tu t'en rends compte? Mes études... Tout est fini! Et maintenant je dois encore supporté tes histoires? Non mama. Laisse moi me reposer. Ensuite nous irons chez Dine pour lui annoncer la nouvelle.


Après ces quelques mots, elle ne s'attarda point devant sa mère. Elle alla s'étendre et elle s'endormit car ces émotions l'avaient épuisées.


******

Il était à peine huit heure et Inès sonnait déjà au portail de chez Dine. Safi était derrière emmitouflé dans un énorme pull-over. Ses lèvres étaient desséchés et couvertes de lésions et ses yeux étaient boursouflés. Elle avait sûrement dû pleurer toute la nuit et cela se voyait.


Très vite, un gardien ouvrit le portail. Il fit une moue en découvrant Safi et sa mère. Inès se dit que c'était sûrement leur accoutrement qui le choquait car il ne devait sûrement pas avoir l'habitude d'ouvrir ce portail à des gens de leur classe sociale. Elle même n'arrivait pas à croire qu'elle se trouvait devant cette magnifique demeure. Elle se demandait comment sa fille avait pu se débrouiller pour rencontrer un fils d'une famille aussi riche.


-Je veux voir vos patrons! murmura Inès

-Désolé mais elle ne peut pas rentrer! lâcha le gardien


Inès mit un petit moment à comprendre mais en voyant les yeux grands écarquillés de Safi, elle comprit que c'était elle qui ne pouvait pas rentrer.


-Et pourquoi donc? demanda Inès dont le sang ne fit qu'un tour

-Madame a refusé... Elle m'a dit que si je permettais encore à cette fille sale de rentrer ici, elle me renverrait.

-Hé! hurla Inès. Qui est la fille sale?


Safi retint sa mère avant qu'elle ne crie a nouveau.

-Je t'en prie, ne fais pas de scandale. Je ne peux pas rentrer mais toi si alors vas y et demande à parler à Dine. Explique lui la situation et reste surtout très calme lorsque tu seras face à sa mère.


Inès ne disait plus mot. Elle observait ses petites gouttes de larmes au fond des yeux de sa fille et elle se rappela d'elle des années plus tôt lorsqu'elle n'était qu'une enfant. Elle était si douce. La promesse qu'elle s'était faite lui revint à l'esprit. Elle s'était juré que jamais aucun homme n'humilierait sa fille, ne la rabaisserais ou ne lui ferais sentir qu'elle n'était rien, qu'elle ne valait rien. Elle avait échoué. Elle n'avait pas tenu sa promesse et ses larmes dans les yeux de sa fille en témoignaient.

Mais non, il n'était pas trop tard. Sa petite Safi pouvait encore s'en sortir. Elle ne pouvait pas avoir un destin aussi misérable que le sien ou que celui de sa mère. La malédiction devait s'arrêter et maintenant alors elle saisit le poignet de sa fille et poussa le gardien pour entrer dans la maison. Elle se dirigea directement vers la salle de séjour en tirant Safi. La porte était ouverte mais un sublime rideau protégeait l'intimité des habitants. D'un bras, Inès écarta le rideau et fit intrusion dans la salle de séjour. La petite famille était réunis là autour de leurs tasses de café et devant leur télévision. Ils suivaient la presse matinale. L'entrée fracassante d'Inès et de Safi les avaient tous fait sursauté. La mère de famille avait même laissé tomber sa tasse qui s'était brisé sur le sol répandant tout son contenu sur un carrelage si propre qu'on pouvait y apercevoir son reflet.


-Mais qui êtes-vous? demanda la femme vêtue d'un bazin de grande qualité en ajustant son voile.

-On m'appelle Inès et je suis la mère de cette jeune fille, Safi.


Inès poussa sa fille en avant. L'expression du visage de la mère de Dine changea aussitôt. Elle quitta la colère pour un dégoût et une lassitude plus que évidente.


-Que fait cette chose ici? 

-Maman! cria une voix masculine.


Il s'agissait de Dine. Il se leva et se dirigea droit sur Safi. Il l'observa pendant cinq petites secondes puis il la prit dans ses bras. La femme de sa vie se trouvait à nouveau en face de lui. Après ce matin et toutes ses tentatives pour la revoir, il était presque sûr qu'il ne verrait plus jamais cette superbe peau d'ébène mais là voilà devant lui. Amaigrie et affublé d'une mine triste certes mais elle était là.


-Mon amour qu'y a t-il? interrogea t-il en lâchant Safi

-Ah c'est donc toi le Dine en question! s'exclama Inès à l'arrière plan. Et bien heureuse que tu t'exprimes ainsi devant ma fille...

-Mais quelles sont ces manières ? interrompit la mère de Dine. Vous rentrez chez les gens comme ça et vous vous permettez de foutre votre pauvre fille dans les bras de mon fils. Si vous cherchez un bon parti pour cette femme frivole, ce ne sera pas dans ma maison.

-Maman... tenta de l'arrêter Dine.

-Non, tu te tais et tu me laisses parler. J'ai déjà trouvé la femme parfaite pour toi et même si ce n'était pas le cas tu crois que cette femme conviendrait à ton rang? À ton éducation? Dine sors les de chez moi maintenant.

-Qu'elle lui convienne ou pas; intervint Inès; il n'a plus tellement le choix à mon avis. Safi est enceinte.


Dine et ses parents ouvrirent grand la bouche devant cette nouvelle. L'étonnement de Dine se transforma en une immense joie. Celui de son père demeura un étonnement mais celui de sa mère se transforma en colère.


-Et si elle est enceinte? En quoi ça nous regarde?

-Ma pauvre dame; lança Inès. Ne faites pas semblant de ne pas comprendre ce que je dis. Votre fils Dine est le père du bébé que porte ma fille.

-Mais voyons, comme si vous pouviez dire le contraire. Comme si cela vous arrangeais qu'un des moins que rien que fréquente votre fille soit le père de ce bâtard.

-Maman! rugit Dine. Ne traite plus jamais mon enfant de bâtard. Cet enfant qu'elle porte, c'est mon enfant et je n'en doute pas le moins du monde. Maintenant si ça ne te convient pas, si tu crains tant que ta réputation ou ton statut soit entaché, je m'en irai de ta maison.


La mère de Dine était snob certes mais pas au point de perdre son unique fils. Elle l'aimait par-dessus tout et jamais elle ne risquerait de le perdre pour quelques raisons que ce soit. Alors elle soupira exaspérée et elle se résolut à accepter la situation.


-D'accord ! Supposons que cet enfant soit bien celui de mon fils, qu'est-ce que vous voulez de nous? se résolut t-elle à demander.

-Rien! Je peux m'occuper de ma fille et de mon petit fils. Ne vous y tromper pas. Ma toilette et mon visage défiguré ne sont pas preuve d'une mendicité. Non, bien au contraire. Tout ce que je veux c'est que votre fils reconnaisse le bébé que porte ma fille.

-Oui, d'ailleurs Safi doit s'installer ici! ordonna Dine. Aujourd'hui même... Ma femme ne restera pas loin de moi un seul instant.


Inès sourit. Ce jeune homme était vraiment quelqu'un de bien. Sa fille n'aurait pas pu trouver mieux.


Cris de femmes