Pas cette fois

Write by Kossilate

Chapitre cinq : Pas cette fois.


Pour réussir dans l'édition, il faut pouvoir juger le contenu d’un livre à partir de ces cinq premières et de ces cinq dernières pages. Peu importe comment le livre évolue si le début n'est pas accrocheur ou que la fin est bâclée et laisse un goût d'inachevé, vous pouvez être sûr, que ce livre ne fera pas long feu. Les cinq premières minutes passées seule avec Sylvain, m'ont immédiatement convaincue que c'était un mauvais livre ou du moins une personne pas très claire. Le premier indice fut son jeune âge. Je pense  ne pas trop m'avancer en affirmant qu'il ne devait pas avoir plus de trente ans tandis qu’Aladja en avait cinquante. Certains me diront que l'amour n'a pas d'âge et que ce n'est écrit nulle part que l'homme doit être plus âgé que la femme. Et bien libre à vous de penser ainsi. Mais pour ma part, les yeux de fouine de Sylvain allié à son sourire sadique me confirmaient que ce n'était pas l'amour mais plutôt l'argent qui n'avait  pas d'âge.


Aladja était une femme élancée, de teint clair avec un postérieur aussi volumineux que son compte en banque. Malgré son âge, elle était assez bien conservée et dotée d'une beauté non niable. Elle avait un caractère aimable et conciliant. Je ne l'avais jamais vu s'énerver et elle faisait plein de choses pour me faciliter le travail avec ma grossesse. Comme je le disais plutôt c'était une commerçante de tissus importés, par ses propres soins, de Dubaï et de Chine. Ce secteur est très florissant mais il n'était pas l'unique source de revenue de ma patronne. J'ai appris plus tard par le gardien Kazim, qu'elle avait hérité d'une énorme fortune à la mort de son premier mari. Sylvain pour sa part, était un jeune homme pourvu d'une carrure assez imposante et je dois l'avouer assez attirante. Il avait les traits marqués des nagos et une voix forte. Malheureusement autant il était beau et sculpté à l'extérieur, autant il était fourbe et mauvais à l'intérieur.


Une semaine après son arrivée, mon cher patron se mit à me faire une cour assidue et insistante chaque fois que sa femme était à plus de dix mètres de nous. Il faisait tout pour se retrouver dans les mêmes pièces que moi et m'appelait pour un rien. Au départ, je voulus en parler à Aladja mais on ne sait jamais comment une femme peut réagir face à des révélations sur l'infidélité de son mari. En effet, la femme est comme un enfant tant qu'elle ne se brûle pas, elle doutera toujours que le feu brûle. Il ne sert donc à rien de la prévenir car elle ne croira que sa propre expérience et vous vous en tirerez avec quelques insultes bien senties. De plus, je me disais qu'il ne pouvait pas me toucher car j'étais enceinte. Laissez-moi vous dire que la vie se chargea de me prouver que tout le monde ne respectait pas cet état.


- Phoebe, appela Sylvain en rentrant dans ma chambre.


- Bonsoir papa, répondis-je en me levant du lit.


- Ne t'ai-je pas dit de ne plus m'appeler papa ?


- ……..


- Tu fais quoi coucher là ??? 


- Rien 


- Tu as déjà préparé à manger.


- Oui monsieur, dis-je en me rappelant qu'il m'avait interdit de l'appeler papa.




- Eh bien viens me servir.


- ……..


- Qu'attends-tu, ajouta-t-il en remarquant que je ne bougeais pas

.

- J'attends que vous sortiez pour vous suivre, répondis-je en essayant de calmer le tremblement qui montait dans ma voix.


Il fallait être con pour ne pas deviner ce que Sylvain préparait, et il était hors de  question qu'il m'utilise comme jouer pour détendre ses mains. Je me sentais déjà assez souillée après le passage de celles de Rodrigue.


- Quelle est cette façon de parler ? Demanda-t-il surpris.


- …….



- Ne me réponds plus ainsi.


- ……


- Eh bien je t'attends, continua-t-il en tapant du pied.


Comme une mère qui pressent que son enfant va se cogner lorsque ce dernier court droit dans un mur, je savais que Sylvain allait essayer de me toucher quand je passerais devant lui. Prenant  une inspiration, je me dirigeai vers l'embrasure de la porte près de laquelle il se tenait. Dès que je fus à portée de main, il m'attrapa le poing et se colla à moi. Emprisonnée entre son corps et le mur, je ne pouvais que supporter son  haleine mentholée qui m’agressait l'odorat et menaçait de m'asphyxier. La grossesse avait rendu mes sens très sensibles et cet afflux d'odeur hautement concentrée était plus que je ne pouvais en supporter. Entre temps, sa jambe essayait de forcer le mur formé par les miennes tandis que sa main droite descendait en direction de ma poitrine et que sa main gauche  m’enserrait le poignet. Je sentais des larmes perlées sur mon visage et je priais intérieurement pour me calmer et pour que n'importe qui intervienne. Oh ! Ce n'est pas l'envie d'envoyer mon poing dans la figure de cette vermine qui me manquait.  Je ne pouvais juste  pas me permettre de perdre ce job car j'avais besoin d'argent pour entretenir mon enfant. Et le licenciement aurait été une conséquence d'une réaction violente de ma part. 


- Monsieur laissez-moi s’il vous  plait. Vous me faites mal,  murmurai-je à travers mes larmes.


- Tu sens tellement bon.


- Monsieur…….


- Même enceinte tu es plus bandante que ce vieux croûton qui me sert de femme, affirma Sylvain en écrasant ma poitrine.


Ce geste m’arracha un cri car mes seins avaient doublés de volume à cause de ma grossesse et ils étaient devenus hyper sensible. J'espérais que Kazim m'avait entendue et je m'apprêtais à récidiver lorsque Sylvain se hâta de me bâillonner la bouche avec sa main tandis qu'il me léchait l’oreille. Cela, plus que tous les autres actes, me projeta dans mes souvenirs du viol. Je me rappelais de la voix de Rodrigue lorsqu'il me parla du loup et de l'agneau et de son désir de faire de moi sa proie. Je me rappelais de son souffle dans mon cou et de ses mains qui me malmenaient. Je pense que c'est à ce moment que je me suis rendue compte que contrairement à ce soir où Kira était venue à mon secours, personne ne pourra miraculeusement venir me sauver de Sylvain. Je ne pouvais compter que sur moi-même.


De mes mains laissées libres, je me mis à griffer le crâne de Sylvain. Profitant de son étonnement, je lui mordus la main tandis que les miennes allaient serrer ses bijoux de famille.


- Aïe, hurla t-il.


- Que ce soit la dernière fois que vous me touchiez ainsi. Que ce soit la dernière fois que parliez ainsi et même que vous me regardiez ainsi. 


- Grrrr, grogna Sylvain que la douleur empêchait de parler.


- Je ne sais pas si je pourrais vous lâcher si cela se reproduit, dis-je en desserrant l'étau de mes mains et en libérant ses parties intimes.


- Sale……..pute, se mit-il à glapir.


- ……


- Je te ferai sortir d'ici, ajouta-t-il avec hargne avant de sortir précipitamment de ma chambre.


Cette menace me passa au-dessus de la tête  car le doute n'existait plus dans mon esprit quand à mon sort dans cette maison. Je me dépêchai de prendre mon argent que cachai dans mon pagne par mesure de précautions, et je pris le petit sac de vêtements que j'avais apporté de Lagos. Je sorti de ma chambre et me dirigeai vers le portail avant que Sylvain qui était allé soulager sa vessie ne revienne me surprendre.



Les problèmes aimant se déplacer en meute, je fis à peine deux pas que je sentis une crampe au ventre. Au départ, je n’y portai pas attention car malgré la douleur, mon objectif premier était de quitter le nid de cette vipère de Sylvain. J’accélérai donc le pas en me disant que je ne devrais pas oublier de passer à l'hôpital. J'arrivai au portail lorsque la deuxième crampe me surprit. Plus violente que la première, elle me fit me plier en deux et je poussais un cri que même aujourd'hui je continue à trouver inhumain. Je me mis à avoir des sueurs froides en pensant à tout ce que cela pouvait  impliquer. Prenant de grandes inspirations, je pus me redresser et sortir de la maison au moment où la voiture d’Aladja se garait. 


- Phoebe que se passe-t-il ? Demanda la patronne en me regardant avec mon sac.


- Maman……bonsoir….murmurai je avant de me tordre une fois de plus sous la vague de douleur apportée par cette nouvelles crampes.



- Qu'est-ce que tu as, hurla Aladja alarmée par mes cris et mon état.


Je dus mettre une éternité à répondre tellement mes sens étaient brouillés par la douleur. Je voyais flou et les voix me semblaient si lointaines.


- Mon……bébé, dis-je entre  deux cris. 


- Kazim, cria Aladja.



- Oui madame, répondais le gardien qui avait réapparu. 


Je me demandai où il était lorsque je criais tout à l'heure mais je ne pus m’appesantir sur la question car j'avais l'impression d'être aspirée dans un gouffre.


- Aidez-moi à la mettre dans la voiture, dit Aladja qui me soutenait depuis le début de ma dernière crampe.


- ……..


- Aller ranger son sac dans la chambre, ajouta ma patronne une fois que je fus installée dans son véhicule.


- Noon, protestai-je faiblement en regardant Kazim prendre mon sac.


- Calme-toi Phoebe. Alim, amène-nous à l'hôpital, lança Aladja à l'adresse de son chauffeur.


Je ne saurai vous dire  à quel moment je me suis évanouie, mais lorsque j'ouvris les yeux la lumière blanche de la chambre dans laquelle je me trouvais agressa mes yeux. Je les refermais aussitôt pour me calmer les battements qu'avait entamés mon cerveau et pour remettre un peu d'ordre dans mes souvenirs.  Dès que je me rappelai des crampes, je plaçai ma main sur mon ventre en espérant pourvoir sentir un signe de mon enfant me prouvant qu'il va bien. Ce fut ce moment que l'infirmière choisi pour entrer dans la pièce. Dès qu'elle vit mes yeux ouverts, elle ressortit avant que je n'eus  la possibilité de lui poser une question. Lorsqu'elle revint quelques minutes plus tard avec une femme, elles me trouvèrent en train de sangloter.


- Que vous arrive-t-il jeune fille, demanda en français la femme qui s'avéra être le docteur.


- Mi o gbo french (je ne comprends pas français)


- Ok. Pourquoi pleurez-vous reprit elle en yoruba.


- Mon bébé……


- Votre bébé à quoi ??



- Je ne sais pas, dis-je en sanglotant de plus belle.



- Arrêtez de pleurer  vous vous faites du mal au bébé et à vous.


- …….


- Comment vous appelez vous ?



- Phoebe AMARACHI.


- OK Phoebe. Moi je suis le docteur Grâce.


- ………


- Vous rappelez vous  ce que vous avez eu.



- Non…..si….je ne sais pas.


- ………



- J'ai ressenti comme des crampes de menstrues mais avec une douleur amplifiée.



- Pouvez-vous me dire dans quelles conditions vous avez eu ces crampes ?? Demanda le docteur en me faisant un sourire encourageant.



- Je me suis…….disputée avec mon patron…… et je voulais quitter…….. la maison lorsque les crampes ont commencées.



- Phoebe, je pense que votre dispute avec votre patron, a induit une situation de stress qui a fait augmenter votre taux de cortisol et cela a failli mettre en danger votre bébé et votre organisme. Ce dernier vous  a d'ailleurs  signalé cette menace par les crampes que vous avez ressenties.


- Hein, dis-je.


- Pour faire plus simple, votre stress a failli mettre votre bébé en danger. Mais ne vous en faites pas il ne l'est plus maintenant. Nous avons pris toutes les précautions pour vous surveiller et vous assister jusqu'à ce que votre taux de cortisol redescende à la normal.


- Oui, me contentai-je de murmurer. La seule chose au j'avais retenu, et je pense d'ailleurs que c'était la seule bosse à retenir de tout ce charabia médicale, c'était que mon bébé se portait bien. 



Le lendemain matin je fus tirée de mon sommeil par les cris d’ Aladja. Apres s'être assurée de mon état elle était rentrée chez elle où  j'imagine, Sylvain lui a servi une version refaite, de ce qui s'est passé avant son arrivée. Me rappelant de ce que le docteur Grâce a dit par rapport à mon stress, je m'isolai dans un coin de ma tête pour ne pas avoir à écouter toutes les insanités que mon héros d'hier lançait sur moi. Malheureusement, je ne pus échapper à une certaine dose de stress lorsque l'une des infirmières vint me dire que je devais payer les frais d'hospitalisation car Aladja refusait de le faire. Quoi de plus normal lorsqu'on pense que celle  qu'on essayait d'aider, avait malgré sa grossesse, écarter les cuisses pour séduire votre mari. L'argent que j'avais en ma possession, n’aurait pas  suffi à payer les frais d'hospitalisation et à prendre soin de mon bébé en attendant de trouver un autre travail. Je ne tardai donc pas à comprendre qu'il me faudrait m'enfuir de l'hôpital. J'étais dans le centre hospitalier départemental de l’Ouémé et je ne fus jamais autant heureuse que nos pays africains ne soient pas assez développés pour garantir la surveillance des malades à tout instant.


Le soir de l'esclandre de Aladja à l'hôpital, je préparais minutieusement mes affaires et attendit patiemment qu'il y ait le moins de bruits possible dans le couloir pour sortir. Je rencontrai quelques infirmiers mais vu qu'ils ne s'occupaient pas de moi et que j'étais habillée en civil, ils me prirent sûrement pour un parent qui errait dans les couloirs attendant des nouvelles. Je ne rencontrai personne qui aurait pu m'identifier comme un patient. Une fois près de l'accueil, je me mêlai à un groupe de personne qui sortaient de l'hôpital afin de ne pas me faire reconnaître par l'une des personnes de l'accueil qui m'a probablement vu à l'arrivée.



- Mlle AMARACHI ! Que faites-vous hors de votre chambre ? M’interpella le docteur Grâce lorsque j’atteignis le portail.


Cher destin