Prélude

Write by Nuw'r

Mon histoire a banalement commencé comme celle de beaucoup de personnes malheureuses de ce monde. Je suis fille unique de ma mère, elle est morte en couche, elle n'avait que 18 ans. La seule chose qui me reste d'elle c'est mon prénom Jade et un collier qu'elle m'avait acheté lorsqu'elle était enceinte. Mon père, nul n'a jamais su qui c'était. Je me dis souvent que ma vie aurait peut-être été différente si je l'avais connu. 

Ma défunte mère a une grande sœur, Ma Rosalie. Elle est la première femme d'un homme très riche. Elle est femme au foyer. Après le décès de ma mère elle n'a pas voulu de moi. Sa raison: ce n’était  pas à elle de récolter et assumer les bêtises de ma mère. J'ai donc grandi avec ma grand mère. Je ne voyais ma tante qu'occasionnellement quand elle venait faire sa diva pendant les cérémonies. Elle n'emmenait jamais sa fille. Pourquoi? "Laurie n'est pas éduquée pour fréquenter ce genre d'endroit." Je ne connaissais donc ma cousine que de nom, son visage je ne l'ai connu qu'au travers les quelques photos que Ma Rosalie envoie souvent. Tonton Max (le mari de ma tante) lui, se contente d'appeler souvent pour prendre de nos nouvelles ou d'envoyer de l'argent avec des connaissances. 

J'ai tout appris de Mémé: comment tenir une maison, cuisiner, garder le linge propre... Elle disait toujours que la femme c'est la tête et les bras. La tête c'est utiliser son intelligence afin d'avoir une activité ou un travail décent pour aider son homme (s'il y'en a un) et être indépendante. Les bras c'est savoir garder son lieu de vie propre pour qu'il soit habitable. Elle m'a inculqué plein de chose mais aussi son amour pour la couture. Il est vrai que je poursuivais mes études mais un de mes rêves était d'avoir mon propre atelier de couture. 

Pour être plus près de son travail, nous avons dû emménager dans un nouveau quartier. Un mois après notre arrivée, je suis tombée amoureuse d'un garçon du voisinage. J'avais 14 ans et lui 16. Nous nous voyions en cachette parce que nous ne voulions pas être séparés. C'était le garçon le plus beau de tout le quartier. Il était musulman et fiancé à une fille qu'il n'avait jamais vu dans son pays. 

Une nuit il m'a demandé de venir le retrouver à l'endroit habituel. Il voulait m'annoncer que son frère allait l'emmener au pays pour une affaire familiale. Alors que nous revenions, Mémé nous a surpris. Pour la première fois elle leva la main sur moi.  Après m'avoir bien frappée elle a exigé que je revoie plus ce garçon. Alors que je ruminais dans mon coin, elle m'a appelée. 

Mémé: Eden (le petit nom qu'elle m'a donné), ma fille, dis moi avant aujourd'hui t'avais je déjà frappée un jour? 

Moi (la tête baissée): non 

Mémé: sais tu pourquoi je l'ai fait? 

Moi: parce que tu étais fâchée

Mémé: maman tu as quel âge? 

Moi: 14 ans

Mémé: 14 ans, tu n'as que 14 ans maman. Tu penses que c'est un âge pour chercher les hommes. Ta défunte mère n'avait que 18 ans, quand elle t'a eue, si elle n’était pas décédée elle aurait été obligée d'arrêter ses études pour s'occuper de toi parce que monsieur ton père on ne sait pas qui il est. Tu es jeune maman, trop jeune pour penser à ce genre de chose. Tu vois la fille de Tagbo vous avez le même âge mais elle a déjà deux enfants, deux oh...est ce que tu la vois encore aller à l'école?  (Je fais non de la tête) Tu penses que le chemin que tu veux suivre là va te mener où si ce n'est au même résultat.. 

Moi (en larme): je suis désolée Mémé, je te jure que je ne le referais plus. 

Mémé: hum Eden tu es une fille. Soit intelligente oh. Quand tu veux faire un pas, réfléchis bien sur les conséquences qui vont découler. J'en ai fini tu peux aller te coucher. 

Après cette nuit j'ai décidé de me concentrer sur mes études. Les parents du garçon ont été indignés de son comportement, ils l'ont donc renvoyé au pays. Je ne l'ai jamais revu. 

Mémé s'est occupée de moi jusqu'à ce que j'ai l'entrée en classe de 2nde. Là, beaucoup trop faible pour continuer à travailler, elle a convoqué ma tante et son mari pour les convaincre de me prendre avec eux. 

Tonton Max: maman, nous n'avons aucun problème à prendre Jade. C'est notre fille. En plus sa cousine est bien souvent seule à la maison ça lui fera du bien d'avoir quelqu'un. 

J'écoutais à travers la porte et j'étais contente d'entendre ça. J'allais aller apprendre à la capitale. Pas que la province me déplaît mais j'ai toujours voulu voir à quoi ressemblait Libreville dont mes amies parlaient à chaque fois qu'elle revenaient de vacances. La veille de mon départ, Mémé m'a demandé de dormir avec elle. 

Mémé: Eden, Eden, Eden.. Je t'ai appelée combien de fois? 

Moi: trois fois 

Mémé: Eden depuis ta naissance jusqu'à ce jour c'est moi qui ai pris soin de toi. Je t'ai veillée quand tu étais malade, je t'ai dorlotée quand tu en avais besoin et je t'ai punie quand il le fallait. Je ne te considère pas comme ma petite fille mais comme ma fille et je t'aurais gardée ici si je le pouvais. Mais comme tu vois ma santé ne me permet plus de travailler comme je le faisais. 

Moi: je sais Mémé. 

Mémé: ce que je vais je dire là, garde ça bien oh

Jade: je ferais tout ce que tu me diras

Mémé: ma fille, la vie que tu vois là n'est pas un jeu. Il faut semer aujourd'hui pour récolter demain ce qu'on va manger. Donc là où tu vas maman souviens toi que tes études doivent suivre. Les garçons là tu as tout le temps pour les avoir mais ton éducation n'attendra pas oh. Choisis bien  tes amis, n'oublie pas que les gens sont méchants. 

Jade: je comprends Mémé

Mémé: tu vois comment je suis aujourd'hui c'est parce que n'ai pas pu faire de longues études. J'ai poussé mes filles à aimer l'école mais l'une a préféré la facilité du mariage et l'autre est décédée. Je compte sur toi pour poursuivre mon rêve de te voir diplômée, indépendante et heureuse. 

Jade: je te le promets Mémé

Mémé: ma bénédiction est avec toi partout où tu vas. Aussi vrai que ma sueur a coulé pour que tu ne ma'ques de rien, partout où tu iras quelles que soient les difficultés tu triompheras. 

Elle m'a fait un gros câlins et nous avons prié avant de dormir. Le lendemain j'étais en route pour Libreville avec mon oncle et ma tante. 

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