PREMIÈRE PARTIE---CHAPITRE IV
Write by Fatima
Dès le lendemain, Sagar, pointilleuse comme un trait d'union, commença son travail chez Claudette. Elle ne rentrait chez son oncle que par quinze jours, et passait ainsi le plus clair de son temps chez sa nouvelle patronne. La jeune fille s'habitua très vite à son emploi. Claudette, lorsqu'elle était présente, l'aidait dans ses travaux, préparait le repas ou passait l'aspirateur malgré les remontrances de la jeune villageoise. « Clau, voyons ! Tu n'es pas obligée de tout faire à ma place! ». L'autre, tout en époussetant les meubles rétorquait par un « tu veux rire ? Et puis, de toute façon, c'est du sport que je fais, pas du ménage. Na! » Elles éclataient de rire et Claudette profitait toujours de ces moments pour détourner la conversation. Sagar consciente de cette diversion, se pliait au jeu, moins par envie que par respect.
Le week-end, elle l'emmenait chez quelques unes de ses amies pour l'introduire « à la bonne société » ou pour du shopping. Elle poussait parfois le bouchon loin en lui achetant des dessous affriolants, des déshabillés, quelques nuisettes...Devant le regard horrifié de la jeune femme pudique, elle arborait un sourire sournois :« Qui sait ? Peut-être que tu rencontreras bientôt ton prince charmant. Ces...choses te seront utiles! », et elle ponctuait sa phrase d'un clin d'œil. La présence de sa patronne et sa gentillesse, compensait un peu le vide de Sagar. Depuis son arrivée à Dakar, elle et Rose n'avaient pas pu se parler au téléphone, encore moins se voir. Son amie lui manquait cruellement. Sagar regrettait parfois de ne pas avoir été un peu plus curieuse quant à la localisation de la maison de l'oncle de Rose. Seule cette dernière savait où la joindre. Et elle n'avait pas fait signe de vie depuis longtemps. Cette situation affolait son amie qui essayait de ne pas penser en se jetant avidement sur son travail. Rose était peut-être malade...On lui cachait une mauvaise nouvelle ou...elle ne savait pas et préférait ne pas y penser.
Elle n'était pas d'accord avec « Point de nouvelles, bonnes nouvelles. ». Son oncle lui communiquait fréquemment les dernières informations relatives au village : sa famille se portait à merveille, les habitants de Ndiayène tenaient le coup avec les réserves issues de leurs greniers. » Seule Rose manquait au tableau.Une semaine s'écoula, puis deux. Sagar, effectuait son travail convenablement. Le reste de son temps, elle le passait devant la télé ou plongée dans ses livres. Un jour qu'elle suivait une émission importante, la sonnerie clinqua. Elle ouvrit et eut en face d'elle le mari de Claudette. La jeune femme lui avait tant montré ses photos que Sagar avait fini par retenir les traits du visage. Élancé, les yeux couleur lac d'hiver, les cheveux auburn, il était séduisant. Plus que sur les photos. Il sourit, révélant ainsi une fossette sur la joue gauche. Sagar le trouva vraiment charmant et ne put s'empêcher de l'apprécier en silence.
-Bonjour ! Vous êtes... ?
L'autre lui répondit d'une voix claire :
-La nouvelle employée de madame Claudette. Et vous ?
J'imagine que vous êtes son époux.
C'était plus une affirmation qu'une question.Le sourire redoubla d'intensité :
-Comment le savez-vous ?
-Votre femme m'a souvent montré vos photos. J'avoue que la ressemblance est frappante.
-Ah oui ? Vous me trouvez comment ? Suis-je assez
photogénique à votre goût, ou l'image est mieux que le sujet lui-même ?
La jeune fille prit conscience qu'elle était allée loin dans la discussion. Elle se composa un visage froid et releva le menton :
-Il ne m'appartient pas de vous juger. Je ne suis
pas là pour ça !
Elle l'invita de la main à entrer ;
-Bienvenu chez vous.
Il entra et déposa sa valise sur le parquet,
accrocha son chapeau sur le porte-manteau et lui tendit la main :
-Jean-Luc Corentin. Et Vous ?
Elle hésita à prendre sa main, puis se résigna à le faire. Elle était douce.
-Aminata.
Elle retira sa main comme brûlée avant de s'enquérir le regard fuyant :
-Désirez-vous prendre quelque chose avant le diner ?
Il enleva ses chaussures et s'empara de la télécommande.
-J'ai déjà mangé dans l'avion. Merci, mais un thé
glacé me ferait énormément plaisir ?
Sagar se rendit à la cuisine et revint avec un plateau. Elle le servit et émit le mouvement de s'éclipser.
-Où allez-vous comme ça ? Tenez-moi compagnie...
Elle secoua la tête énergiquement :
-J'ai des choses à faire...
Levant la main, il contra :
-Bah, rien ne vous empêche de vous reposer un peu.
Il avait le regard suppliant. Elle fut touchée et pour ne pas être impolie, s'assit sur le sofa et riva ses yeux sur l'écran. Elle sentait toutefois le regard de Jean-Luc sur elle.
-Vous ai-je dis que vous vous exprimez très bien ?
Elle ne prit pas la peine de détourner la tête, se contentant juste de répondre poliment, d'un ton dénué d'émotion.
-Non merci !
-De rien ! De plus, vous êtes très gentille !
Même réaction.
-Très ouverte !
Un petit « mm »fut la réponse :
-Et belle par dessus le marché ! Votre corps...
Sagar tiqua. La jeune fille se rebiffa comme un coq.
Elle se leva, raide comme la justice et déclara d'un ton glacial, se surprenant
elle-même.
-Ecoutez-moi monsieur. Je ne sais pas quel est le but de cette discussion, mais elle est insipide à mon goût. Etre l'époux de ma patronne ne vous concède pas certains droits. Donc, je ne vous permets pas de parler de moi en ces termes.
Il lui sourit, plus « niak diom » que jamais !
-Ce sont des menaces ?
La jeune femme releva le menton d'un air de défi :
-Prenez cela comme vous voulez ! L'essentiel, c'est que je n'ai pas à établir des limites entre nous ! Restons au stade d'employée et de patron !
Elle se retourna et commença à partir quand Jean-Luc
la rattrapa, et posa sa main sur son épaule. La jeune femme sursauta sous la
chaleur de ce contact :
-Vous avez raison ! J'ai poussé le bouchon trop loin. Ne n'en veuillez pas. Et si nous devenions des amis ?
-Non ! Je préfère que l'on entretienne des relations
platoniques. Avec votre permission...
Elle monta les escaliers deux par deux et claqua la porte de sa chambre. Couchée, elle se demanda si elle n'avait pas été un peu grossière et rude envers Jean-Luc. Une petite voix lui souffla qu'elle avait bien fait. Sagar était frustrée. A peine rentrée à la maison, il se permettait des remarques désobligeantes sans même la connaître assez. Elle ne savait pas si c'était fait exprès ou non, mais elle n'avait pas aimé la tournure de la discussion. Quel culot ! Etre beau ne lui donnait pas certains droits ! Cette pensée l'avait échappée. Horrifiée, la jeune fille mit la main sur la bouche. Choquée, elle secoua la tête. Qu'est-ce qui lui arrivait ?
Les jours passèrent et Sagar devint plus froide à
l'égard de Jean-Luc. Il restait le plus clair de son temps à la maison. Son
entreprise lui avait donné ses congés. Claudette, quant à elle, se faisait plus
rare. Pour sa part, son mari essayait tant bien que mal d'arracher un sourire à
la jeune Sagar. Ses tentatives se soldaient par des échecs cuisants. Sagar
savait qu'il était vraiment intéressant, mais elle ne voulait pas que le
débordement du premier jour refasse surface. Elle prenait donc ses distances
avec Jean-Luc qui avait toutes les peines du monde à cacher la passion qu'il
nourrissait à son égard. Il la désirait ardemment.
La nuit, allongé auprès de sa femme, il fantasmait sur Sagar, l'imaginait dans ses bras, ses mains se promenant sur ses courbes féminines, son ventre plat, ses seins fermes et généreux, et sa chute des reins. Cette cambrure qui pouvait damner un saint ! En outre, elle était très belle, séduisante. Un charme fou se dégageait de sa personne. Il se rendit à l'évidence. Soit, il était amoureux de la bonne de sa femme, ou alors il la désirait plus que tout. Et le plus douloureux était qu'elle ne semblait pas s'en apercevoir. Le matin, elle vaquait à ses occupations, la nuit, après avoir dressé la table et desservi, elle s'enfermait à double tour, creusant chaque jour un peu plus le fossé qui les séparait.
Comble d'ironie, même s'il ne la voyait pas souvent
dans la maison, il sentait sa présence à travers les murs.
Debout, son fantôme le poursuivait. Couché, il rêvait d'elle. C'était en à
devenir complètement fou. Jean-Luc ressentait également envers Sagar une
admiration sans bornes. Sa force de caractère, son ambition pour réussir
forçaient son respect. Toujours aussi gentille, polie mais bien décidée à
remettre à sa place quiconque oserait lui manquer de respect. Son statut de
technicienne de surface ne lui faisait pas avaler la servitude. Mais toujours
est-il qu'il la désirait d'une manière insoupçonnée. Son envie le taraudait. Il
lui fallait la satisfaire. Il fallait qu'elle lui appartienne. Elle refusait
ses compliments, ses cadeaux.
Tiens, tiens...Il n'avait jamais songé à lui offrir de l'argent. Si elle acceptait d'être sienne, il subviendrait à toutes ses envies. Avec de l'argent...oui ! Il pourrait peut-être tempérer ce caractère...De l'argent...Ne disait-t-on pas qu'il ouvrait presque toutes les portes... ?