Prologue
Write by MoïchaJones
16 Octobre 2006,
Nairobi. Kenya.
Les rayons du soleil qui filtrent à travers les rideaux, viennent illuminer
la chambre avant de finir leur course sur ma peau. Je ressens la douce brulure
de leur chaleur, et je ne m’en sens que plus heureuse. Depuis que j’ai ouvert
les yeux, je n’arrête pas de revivre chacune de ses caresses. L’effleurement de
son souffle sur mes poils hérissés. Sa voix rendue rauque par l’excitation, qui
me murmure des tendresses au creux de l’oreille. Je ferme les yeux pour garder ces
instants aussi vrais qu’ils l’étaient hier ; Une déflagration de
sensations.
J’ai cru mourir d’un arrêt cardiaque, tellement mon cœur battait
fort. Mon sang brulant comme de la larve en fusion, m’a consumé de l’intérieur
sans pour autant me réduire en cendre. Je ne me suis jamais sentie aussi
sensible de toute ma vie. J’étais comme un volcan au bord de l’explosion. Une
véritable boule de feu. Sentir les lèvres d’Uhu se balader sur mon corps, humecter
chaque centimètre de peau, m’a fait vibrer aussi sec que les cordes accordées d’un
stradivarius. Il a su jouer de moi, comme à son habitude c’est vrai, mais avec une hargne que je ne lui
connaissais pas jusque-là. Il m’a marqué comme un éleveur marque son bétail.
Je pousse un soupir ivre en remontant lentement le drap sur ma
poitrine. Après seulement 6 mois de relation on s’est dit oui. Ça fait 2 mois
et j’ai peur de me réveiller et de me rendre compte que tout ça n’est en fait
qu’un rêve. Le genre qui découle d’une mauvaise blague qui au départ, se voulait
être une gentille attention d’une gentille fée.
Tout s’est passé tellement vite, depuis la première fois où je
l’ai vu. C’était à Douala, lors d’une virée nocturne avec des amis. Je souris
encore, en me rappelant ma surprise quand je l’ai aperçu dansant gauchement sur
la piste du « Georges 5 ». J’ai été électrisée par l’assurance
excessive qui se dégageait de lui. Il se démenait comme un beau diable, sans se
soucier de ce qui l’entourait. Ses coups de hanche étaient désordonnés, ainsi
que les mouvements de sa tête. En fait tout son corps se mouvait dans un
déchainement saccadé, sans aucun rythme. On aurait pu parier qu’un casque
invisible lui diffusait une musique entrainante, du même style que le coupé
décalé qui passait. Seulement ces gestes n’allaient pas avec la musique qui
nous faisait tous bouger.
Je l’ai regardé pendant tout le temps qu’a duré sa prestation ;
et il a fallu que Freedom, ma meilleure amie, me demande pourquoi je souris
aussi bêtement, pour me rendre compte que j’avais les mandibules douloureuses. Il
émanait de lui une fraicheur captivante malgré qu’il était en sueur. C’était
d’une singularité… Je me suis sentie irrémédiablement attirée par lui, et
depuis il a été la magnétite qui a chamboulé mes habitudes.
Je finis par me lever et sors de la chambre après un brin de toilette. Je vais dans la cuisine me faire un plateau que j’emporte sur la terrasse. Elle est située sur le toit et surplombe le quartier qui s’étend à perte de vue. Le melting pot d’habitations de tout style que j’ai sous les yeux, me fait reprendre pied avec la réalité ; je ne suis pas chez moi. Il manque cette moiteur propre à ma ville natale, qui serait déjà étouffante bien que le soleil ne soit pas encore au zénith. Deux mois seulement et pourtant mon passé me semble si lointain et avec lui ma jeune carrière d’avocate. J’ai tout lâché pour suivre l’amour. Ça fait cliché, mais c’est la vérité.
- - Madame ?
- Je me tourne vers cette voix qui a pris ses habitudes dans mon quotidien. C’est une magnifique jeune femme à la peau cendre. Elle me regarde avec un regard tendre et un sourire dont elle ne se départit jamais
- - Oui ?
Je pose d'un geste calculé, la tasse de thé que j’ai dans la main.
- Monsieur a demandé à ce que vous l’appeliez à votre réveil.
-
Merci Raïla, je finis mon
petit déjeuner et je le fais.
-
Bien madame.
Elle me fait une révérence avant de s’en aller aussi
silencieusement qu’elle était arrivée. Je reporte mon attention sur le quartier
qui est déjà bien éveillée. Le bruit des moteurs au loin, résonne comme un chant
d’oiseaux mal arrimés.
Je me dépêche de finir mon omelette qui est déjà complètement refroidit
dans le plateau, je vide mon thé et descends mes couverts dans la cuisine. A
mon entrée, Raïla se précipite pour me débarrasser et je la laisse faire. Si ça
ne tenait qu’à elle, mes journées à la maison ne me serviraient qu’à paresser.
Bien sûr de temps en temps je me laisse aller, mais je veille quand même à ne
pas oublier d’où je viens. Ce serait tellement facile d’oublier, avec elle aux
petits soins comme ça, mais pas du tout bénéfique pour moi ; car je suis
de ceux qui carburent à l’action.
Je remonte dans ma chambre, elle respire la fraicheur. Le lit a
été fait, les draps changés, les rideaux tirés et surement la serpillère a été
passée elle aussi. Je ne m’attarde pas longtemps sur ces détails, je prends mon
portable sur mon chevet et lance l’appel.
-
Allo ?
Sa voix résonne à l’autre bout du fils. A l’entendre, je sais
qu’il a encore du décrocher sans vérifier l’identité de l’appelant.
-
Bonjour chéri ! Tu es parti
bien tôt ce matin, je ne t’ai pas entendu. J’aurai cru qu’après la nuit que
nous avons eu, tu aurais attendu que je me lève avant de m’abandonner.
Il rigole et je l’imagine aisément s’adosser à son siège de
bureau, tout en desserrant le nœud de sa cravate. Il adore faire ça.
-
J’aurai bien aimé te
réveiller moi-même, mais il fallait impérativement que je vienne au bureau plus
tôt. Un dossier urgent à régler.
-
D’accord, dis-je mollement… Mais
tu me manques déjà.
Je n’ai aucun mal à imaginer son sourire s’agrandir et j’en
profite pour ronronner comme une chatte en chaleur. Je me félicite quand
j’entends sa voix devenue rauque, qu’il tente de masquer en murmurant.
-
J’expédie vite tout ça et je
suis tout à toi… Je te réserve une surprise ! Soit prête à 15 heures,
James viendra te chercher.
-
Qu’est-ce que c’est ?
Il se racle la gorge et rigole
avant de dire.
-
Si je te le dis, ce ne sera
plus une surprise wapenzi.
-
Allez… S’il te plait… Donne-moi
juste un indice, que je sache au moins comment m’habiller.
-
N’importe quelle tenue sera
parfaite.
Je sais qu’il ne lâchera aucune information, alors je
soupire ; Frustrée.
-
Très bien ! Dis-je
résignée. Mais sache que par ta faute, je serai torturée toute la journée.
-
Ça en vaut la peine mon
amour.
-
OK c’est bon… Tu as gagné.
Je te laisse travailler.
Je sais que ça ne sert à rien d’insister, Uhu peut se montrer
aussi entêté qu’une mule. Quand il a un secret à garder, rien ne peut le
détourner de son objectif.
-
Ne t’avise surtout pas de
faire la tête.
Je capte la réprimande dans sa voix, et je ne peux m’empêcher de
sourire bêtement. Il me connait tellement bien que je m’en étonne tous les
jours.
-
Oh mais je n’ai rien fait.
Je me fais mutine et faussement boudeuse. Je sais qu’il sait que
c’est juste pour m’amuser, ça ne donne que plus de poids à mes minauderies.
J’aurai trouvé ce genre de comportement ridicule à une époque, mais ça c’était
avant.
-
Ouais c’est ça… Je dois te
laisser bébé. N’oublie pas, 15 heures !
-
Je serai prête.
-
A tout à l’heure… Je t’aime.
-
Bisous… Je t’aime.
Il raccroche sans plus attendre et moi je plonge sur le lit. Je
souris en m’étirant avec volupté. Depuis que je connais Uhu, c’est un geste que
je fais de plus en plus. J’ai tendance à oublier tous les problèmes et à voir
la vie en rose.
Des coups à la porte me tirent de ma rêverie.
-
Entre Raïla !
-
Madame, votre professeur est
là.
-
Merde ! Dis-je en me
levant précipitamment.
Je l’ai oublié celui-là.
Depuis notre installation ici, Uhu me paye des leçons privées de
Swahili. Deux heures, trois fois par semaine. Ça me semble peu parfois, mais je
mets un point d’honneur à m’appliquer pour en connaitre les rudiments. Dans ma
belle-famille, pour peu que j’ai été en contact avec elle, j’ai compris que si
je veux m’intégrer et ne pas être larguée pendant les conversations, c’est la
moindre des choses que je puisse faire.
-
Dit lui d’attendre dans le
petit salon, le temps que je m’apprête. Dis-je en allant vers la penderie.
-
Bien madame. Madame a besoin
d’aide ?
-
Non Raïla, c’est gentil mais
je sais encore m’habiller toute seule.
Je lui souris en ouvrant le premier battant de l’armoire. J’y sors
une tenue légère que je m’empresse de revêtir, avant de me chausser d’une
petite paire de ballerine noire. Un coup de brosse dans ma greffe et une touche
de parfum sur les poignets et derrière les oreilles. Me voilà fin prête. Je
descends pour ma leçon.
Deux heures plus tard, je sors du salon avec le cerveau en
surchauffe. J’avance à petit pas dans mon apprentissage, mais les
encouragements de Monsieur Kenyatta me font croire que je suis bien plus douée
que mon esprit me laisse penser.
Je cours dans la salle de bain, il ne me reste pas beaucoup de
temps si je veux être prête à temps. J’ouvre le robinet dans la baignoire puis
je retourne dans la chambre choisir une tenue chic. Ce soir je sors le jeu de
l’élégance, c’est sexy, class et sans bavure.
Quarante-cinq minutes plus tard, je descends vêtue d’un ensemble
en tissu pagne dont le model très compliqué, fait ressortir chaque courbes de
mon corps. La discrète traine à l’arrière de la jupe et le scintillement des
diamants à mon cou et mon poignet, me donne un côté aristocratique et raffiné
que j’aime beaucoup.
-
Madame est très belle.
Je souris ! Raïla… Je serais vêtu d’un haillon qu’elle me dirait
la même chose. Mais cet après-midi, je vais la prendre au mot.
- Asante (Merci) ! Lui répondis-je en Swahili. Tu peux savoir si James est arrivée
-
Oui madame, il vous attend
devant la maison.
Je vois de l’admiration dans son regard, mais je ne saurai dire si
c’est à cause de ma mise ce soir, ou alors parce que j’ai mis un peu de Swahili
dans l’anglais que j’utilise habituellement pour communiquer avec elle.
-
Très bien. Je vais y aller
alors. Je pense que Monsieur et moi passerons la soirée dehors, pas la peine de
faire à manger pour nous ce soir.
-
Bien madame.
Sans plus rien ajouter, je sors de la maison et vais directement
dans la Mercedes grise dont James me tient la portière ouverte. Le trajet
jusque devant les locaux de la Beart Holding, se fait rapidement. A peine on
gare à peine dans le parking externe qu’Uhu rentre à son tour dans la voiture.
-
Bonsoir chérie !
Je le regarde s’approcher de moi pour m’embrasser, et je me dis
que les cieux ont été plus que clément avec moi. J’ai trouvé l’amour, un homme
beau, fort, intelligent et riche comme crésus. Je me sens la plus chanceuse du
monde.
-
Bonsoir ! Alors, où
est-ce qu’on va ? Enchainé-je sans attendre.
-
Tu sauras le moment venu,
mais je dois encore te bander les yeux.
Il le dit en dénouant la cravate noire qu’il porte sur sa chemise
immaculée.
-
Uhu…
-
Le Seigneur t’a tout donné
sauf la patience. Les meilleures choses arrivent à point nommé à qui sait
attendre.
Je pousse un soupir résigné avant de fermer les yeux et de me
laisser faire. Il passe ses mains par-dessus ma tête, noue le bout de tissu et m’attire
dans ses bras. J’inspire profondément en me laissant choir sur son torse. Son
odeur mêlée à son parfum musqué m’envoute. Ma vue entravée, mes autres sens
sont aiguisés. Les bruits extérieurs que l’ossature du véhicule peine à
masquer, me parviennent en fond sonore. Le mouvement de va et vient de sa main
sur mon bras nu, échauffe mon sang dans mes veines et hérisse mes poils. Je
suis bien dans ses bras et pourtant à fleur de peau. Je ne sais pas comment je
fais, pour être à la fois à mon aise et sur le qui-vive. Comme si mon esprit et
mon corps se sont partagé les commandes de ma personne, je ne contrôle plus
rien. La sensation est grisante, je me sens comme sur un nuage de soie.
-
Tu es très belle. Si on
était seul, je crois que je te sauterai dessus sans plus attendre.
Je frissonne délicieusement et me sens encore plus femme. Sa voix
grave, rendue rauque par le désir, me transporte encore plus. Je suis chaude,
j’ai chaud, et son souffle chaud dans le creux de mon oreille n’arrange rien.
-
Tu as froid ? James
diminue la clim s’il te plait.
-
Mais non. Réussis-je à dire
avec ce qu’il me reste de voix. Ça va très bien comme ça.
-
Loin de moi l’envie de te rendre
malade ce soir. Avec ce que je te réserve, je te veux au meilleur de ta forme.
Je souris, y a rien à dire je crois.
Le vrombissement du moteur commence à faire son petit effet, et au
bout d’un certain temps, je sens que je suis en train de m’endormir
-
Wapenzi (Chérie) ?
La voix d’Uhu me réveille, je ne sens plus les vibrations de la
voiture. Je lève la tête et tout est noir. Au moment où je sens les affres de
la panique m’envahir, je me souviens du bandeau. Ma main se pose
automatiquement sur la cravate pour l’enlever, quand celle d’Uhu m’arrête.
-
Pas maintenant… Donne-moi ta
main !
Ce que je fais et il me guide vers l’extérieur de la voiture. Mon
pied à terre me faire savoir que le chemin est accidenté, des cailloux sous mes
escarpins entravent ma marche. Je m’apprête à protester quand je me sens happer
vigoureusement du sol. Je me laisse de nouveau faire, non sans avoir lâché un
cri de surprise.
-
N’ai pas peur, je te tiens
bien.
Je m’accroche à son cou et me laisse transporter comme un bébé.
Après une distance longue de quelques mètres, il me pose délicatement.
-
Je vais enlever ton bandeau,
mais il faut que tu gardes les yeux fermés jusqu’à ce que je te demande de les
ouvrir. D’accord ?
-
D’accord ! Répondis-je
sans grande conviction.
Que de mystère.
Il desserre le lien à ma nuque et fait lentement glisser la soie
sur mon cou en me volant un baiser. Je lui mordille la lèvre avant qu’il ne
s’éloigne et que je l’entende ouvrir une porte.
-
Vas-y, tu peux regarder.
J’ouvre lentement les yeux et je suis tout simplement éblouie.
Nous sommes à la porte de ce qui semble être un bungalow, des dizaines de
petites bougies parsèment la pièce principale. Elles y diffusent dans un parfum
fruité, une lumière jaune qui fait danser des petites ombres noires sur les
murs. Je me tourne vers lui, troublée, avec une question dans les yeux ?
-
Joyeux anniversaire upendo
wangu (Mon amour).
Je le regarde encore plus étonnée par ce qu’il vient de murmurer.
Je sais que je ne suis plus tout à fait moi-même en ce moment, mais une chose certaine, ce n’est pas
mon anniversaire. Ni le sien d’ailleurs. Ce n’est pas non plus notre
anniversaire de mariage.
J’ouvre la bouche, puis la referme sans pouvoir dire quoi que ce
soit. Je lui fais un sourire éblouissant et l’attire plus près. Je suis
heureuse de voir tout ce qu’il a organisé ce soir, ça a dû lui prendre du temps
et de l’énergie pour tout mettre en place, je ne sais pas comment lui dire
qu’il a fait tout ça pour rien.