Chapitre : 1

Write by MoïchaJones

23 Septembre 2013, Nairobi. Kenya.


J’émerge lentement et les ronflements dans mon dos me rappellent qu’il est là. Je l’ai senti s’allonger tard dans la nuit, bien qu’il prenait sur lui de faire le moins de bruit possible. Je déteste qu’il doive s’en aller autant, mais j’y suis impuissante. Je n’y peux rien face à ça. Tout ce que je peux faire, c’est me délecter de sa présence quand il rentre.


Je veux lui faire face, mais je n’arrive pas à me libérer de ses bras qui m’enserrent la taille. La force que ses mains exercent sur mes reins, me fait me sentir à l’abri de tout. Rien de mal ne peut m’arriver, je suis en sécurité. Je gigote un tout petit peu et ça lui fait lâcher du mou, suffisamment pour que je puisse me tourner. Il est profondément endormi, son joli minois est en parfaite harmonie avec le silence qui règne dans la chambre. Plus aucun signe de stress nulle part, ses traits sont complètement relâchés dans le sommeil.


Qu’est-ce qu’il est beau, je ne peux m’empêcher de penser en passant nonchalamment mon index sur son visage. J’essaie d’en imprimer chaque relief au plus profond de ma mémoire. Je reste ainsi, à le regarder jusqu’à ce que le poids de mon œillade, réussis à le faire s’agiter. De peur de finir par le réveiller, je me lève silencieusement et ramasse au passage ma robe de chambre, que j’enfile rapidement. J’aurai bien prolongé mon sommeil si une alarme n’avait pas résonné dans ma tête, m’avertissant de l’heure. 6:30 ! Heure à laquelle elle court tous les matins dans mon lit.


A peine j’y pense que j’entends une porte s’ouvrir au bout du couloir. Un sourire naît sur mes lèvres, en même temps que je me félicite de l’infaillibilité de mon réveil biologique. La porte de notre chambre s’ouvre peu après, et moi, je la prends directement dans mes bras.


-          Mumy, je peux venir dans ton lit ?


Sa petite voix gracile est encore alourdie par les voiles du sommeil. Elle pose sa tête sur mon épaule en se frottant les yeux, me fourrant par la même occasion sa peluche dans la bouche.


-          On va aller se mettre au salon ma chérie, on y sera mieux.

-          Mais maman j’ai encore sommeil. Continue-t-elle

-          Tu as un lit, si tu n’es pas d’accord je t’y reconduis.

-          Tu n’es pas drôle. Lance-t-elle en mettant à la fois son index et son majeur dans la bouche.


Je souris en me demandant pour la énième fois de qui elle tient cette manière de sucer les doigts. Surement pas de moi, je ne l’ai jamais fait. Uhu non plus, sinon sa mère me l’aurait dit.


-          On va se faire des câlins dans le canapé, ce sera tout aussi drôle.

-          C’est mieux dans ton lit.

-          Une prochaine fois, d’accord ?


Elle ne dit rien, mais je sais qu’elle a compris qu’elle n’a pas trop le choix. Je nous emmène jusqu’au canapé en L qui meuble un coin du salon, et nous y installe bien au chaud sous le plaid que je laisse exprès dessus. Ma main par dessous son haut de pyjama, lui caresse doucement le dos, pendant qu’elle se cale bien tout contre moi et se laisse emporter par la douceur du moment. Il ne suffit pas de plus de dix minutes pour qu’elle se rendorme profondément. Je la porte dans le lit avec son père avant de ressortir sans bruit, pour rejoindre la cuisine où Raïla m’accueille avec un de ses éternels sourires.


-          Bonjour madame ! Avez-vous bien dormi ? Me dit-elle en Swahili.

-          Bonjour, oui j’ai merveilleusement bien dormi, merci. Et toi ?

-          Bien madame. Votre thé est prêt.

-          Merci.


Je vais me servir une tasse que je savoure, assise sur la table derrière elle.


-          Une omelette ?

-          Oui, je veux bien merci.


Elle s’active pendant que je prends des petites gorgées du breuvage encore brulant. On parle des pluies qui nous pourrissent les journées, malgré un soleil éclatant ; des modèles qui seront à la mode cet été, et de quelques faits d’actualité. Une fois mon petit-déjeuner avalé, je retourne dans la chambre et trouve mes deux amours dans un silencieux combat de territoire. Uhu sur le dos, recouvert à moitié, un bras en travers de son visage, et Imani elle, en travers du lit, un pied sur la poitrine de son père tandis que l’autre se bat avec son bras, pour posséder son visage.


Je souris en prenant instinctivement mon téléphone sur ma table de chevet pour immortaliser la scène. Je ne me lasse jamais de ces images que me complais à revoir, quand le doute s’installe en moi. Ma vie est parfaite sur tous les plans et parfois ça me fait peur. Je me sens privilégiée d’avoir accès à tout ce bonheur, car rien ne vaut l’amour que je sens fuser dans ma direction. La chaleur que cela me procure dans le cœur de voir ces êtres chers pour qui je donnerai volontiers ma vie.


Je pousse un soupir de quiétude pour me faire reprendre pied à la réalité. Si je ne fais pas attention, ma journée sera déjà finie que je serais encore là à regarder ces gros dormeurs.


Après une douche rapide, je ramasse le linge sale dans ma salle de bain, puis dans celle d’Imani, avant de descendre à la buanderie lancer une machine. Une fois libre de nouveau, je rejoins Raïla pour apprêter le repas avant de sortir faire les courses. A peine on finit de ranger les achats que je les entends s’approcher en pleine causerie.


-          Maman, tu as vu papa ?


J’ai juste le temps de me retourner et d’ouvrir les bras pour la recevoir.


-          Oui ma chérie je l’ai vue. Tu as bien dormi ?

-          Hum hum. Dit-elle en guise de oui.


Elle quitte mes bras pour faire un câlin à Raïla, pendant qu’Uhu me fait la bise et s’assoit à table. Je leur prépare vite de quoi tenir jusqu’au déjeuner, et les regarde manger en silence. J’étouffe mon rire, tout en épiant Uhu se battre pour que leur petit déjeuner ne se transforme pas en séance historique, mais c’est sans compter sur les élucubrations plus rocambolesques les unes des autres de sa fille. Je suis tout simplement amoureuse de cette enfant, de ses caquetages, de ses mimiques, de ses fous rires. Exactement comme celui qu’elle a en ce moment.


-          Imani tu arrêtes maintenant, tu risques de t’étouffer avec ta nourriture.


Je me suis senti obligée d’intervenir devant l’incompétence d’Uhu à la recadrer. Il n’arrive pas à la contrôler, encore moins quand il revient d’une absence prolongée. Il sourit quand je lui fais une grimace, en réponse à son clin d’œil de remerciement.


-          Je vais faire un tour chez mère. Me dit-il en reposant ses couverts et en s’essuyant la bouche.

-          Je peux venir avec toi papa ?


Il me regarde et j’hausse les épaules.


-          Je n’ai rien de prévue avec elle aujourd’hui.

-          Tu as entendu maman, va t’habiller on y va.


Elle saute de sa chaise et cours dans sa chambre suivie de près par Raïla. Je me lève et vais me mettre sur ses jambes.


-          Tu as bien dormi ? Dis-je en passant la main sur son crâne dégarni.

-          Oui. Me répond-il en me volant un baiser. Tu m’as affreusement manqué chérie.

-          Toi aussi tu m’as manqué, le lit me semblait bien vide sans toi dedans. Dis-je en prenant ses lèvres à mon tour.

-          Hum… Je vois. C’est tout ce à quoi je te sers ? Lance-t-il quand on se sépare enfin.

-          Mais non et tu le sais très bien.

-          Je te taquine.


Son sourire et son air malicieux me donne des envies coquines, que l’entrée brusque d’Imani coupe de manière sèche.


-          Maman, tu fais quoi sur mes jambes de papa ?


Elle vient se placer devant moi, les mains sur les hanches.


-          J’ai encore le droit de m’assoir sur les jambes de mon mari ? Et ce ne sont pas TES jambes.

-          Si c’est à moi seule. C’est moi seulement qu’il doit porter, tu es trop lourde toi.


Je la regarde très peu surprise par son argumentation de petite jalouse. C’est tout pour elle et rien pour les autres, en ce qui concerne son père. J’abdique sans plus rien ajouter et me lève pour la regarder me remplacer. Elle me dépasse cette petite, mais je la comprends très bien. Il n’y a pas moyen de ne pas être amoureuse de lui, je ne lui en veux pas du tout, c’est plus fort que nous.


Je secoue la tête en riant avant de me mettre à débarrasser la table, pendant qu’ils s’en vont dans un léger vacarme. Toute la semaine qui suit se déroule ainsi, partagé entre ma petite famille et mes journées au centre d’aide des enfants de la rue. Une association que ma belle-mère, a créée pour occuper ses journées de femme au foyer. Je n’y ai pas grand-chose à faire, mais ça m’empêche de m’ennuyer. Les journées sont longues quand on n’a rien de particulier à faire. Alors c’est à cœur joie que je monte et descends au gré de collectes de fond et de vêtements, des dons dans les orphelinats de la ville, des visites sur le terrain et des recherches de nouvelles façons de venir en aide aux enfants défavorisés. A force de faire, quand le week-end arrive, je suis tellement lessivée, que 2 jours me semblent n’être en fait que 2 heures.


Raison pour laquelle je suis partie plus tôt du boulot, c’est vendredi et je compte bien profiter d’une soirée tranquille à la maison, en famille. Je suis occupée à mettre la table quand la porte s’ouvre sur Uhu. Il s’approche et me dépose rapidement un baiser sur la tempe.


-          Bonsoir !

-          Salut.


Je m’arrête un instant d’entreposer couverts et assiettes sur la nappe rose pâle, pour le regarder. Il a le regard fuyant et les traits tirés, je sens qu’il a du se passer quelque chose. Mais au lieu de me parler, il pose sa sacoche sur le guéridon près du couloir et lance à voix forte.


-          Alors c’est qui ?


La réponse ne se fait pas attendre. Les pas précipités d’Imani résonnent sur le parquet et sa voix chantante avec.


-          C’est moi !

-          Toi qui ?

-          Mais Imani, papa. Lance-t-elle comme si c’était une évidence

-          Ah ouais ?

-          Bien sûr, je suis ta fille.

-          Ah mais c’est vrai qe j’ai une fille dans cette maison ! Dans mes bras ma chérie.


Elle fait ce qu’il lui demande et se lance sans attendre dans un récit détaillé de sa journée. J’arrête de m’occuper d’eux pour continuer ce que j’étais en train de faire. Les mains vides, je retourne à la cuisine quand j’entends Uhu lancer d’une voix monocorde.

-     

-  On dine chez maman ce soir.


Je rebrousse chemin et cherche son regard. Il fait celui qui est concentré dans les jeux.


-          Qu’est-ce que tu as dit ? Lancé-je sans me départir de mon calme.

-          J’ai dit que ce soir on va chez ma mère.


Je le regard m’ignorer royalement. Qu’y a-t-il de particulier ce soir pour qu’il me demande d’y aller sans me prévenir à l’avance. Ce n’est tellement pas lui d’agir comme ça, non pas qu’il ait besoin de me demander la permission pour diner chez sa mère. Non. Juste que la bienséance voudrait qu’il me tienne au courant, et non pas qu’il agisse en homme des cavernes.


-          Mais tu ne m’a rien dit ce matin. Le repas est presque prêt de toute façon, il est bien trop tard pour changer de programme.

-          On mangera ça demain, ce n’est pas un problème.


Sa voix se perd dans le rire d’Imani qu’il est en train de chatouiller et je me dis qu’il me prend vraiment pour une idiote à cet instant précis. Je reviens me mettre devant lui et respire un bon coup pour ne pas m’énerver. Rien ne sert de s’énerver. En plus la petite est là, je ne voudrais pas qu’elle s’imagine des trucs.


-          Uhu ?


Ma voix a du transparaitre ma frustration car sa réponse se fait sèche et quelque peu agacée.


-          Belinda, ce n’est pas dramatique que je sache. Une marmite de nourriture peut très bien dormir au frais, et être toujours appétissante si je n’abuse.


Je marque un temps d’arrêt avant de parler. Je pince l’arrête de  mon nez et  je ferme les yeux pour essayer de ne pas m’emporter.


-          J’espérais passer une soirée tranquille avec vous deux...

-          C’est ce qu’on va faire, sauf que ce sera chez mes parents. On sera bien tous les trois et tu pourras profiter de nous autant que tu le voudras.


Il me prend vraiment pour une conne ou bien il fait juste semblant de ne pas comprendre le fond de ma pensée ?


-          Je suis sortie plus tôt du boulot et je me suis démenée pour apprêter le diner, et au lieu de mettre les pieds sous la table, tu m’annonces qu’on va manger chez ta mère ? Je ne pense pas, non.


Il soupire et repose Imani qui s’est arrêté de jouer pour nous regarder tour à tour. Je crois que j’ai élevé le ton sans vraiment m’en rendre compte.


-          Ma chérie va dire à Raïla de te faire belle, on va manger chez bibi.


Cette dernière sort de la pièce et nous laisse, nous affrontant du regard.


-          Je ne vous ai pratiquement pas vu de toute la semaine, on peut au moins profiter de notre vendredi et reporter le diner chez ta mère à demain.

-          Non. Dit-il d’un ton sans appel.


Sa réponse me surprend par sa fermeté. Il ne semble pas vouloir discuter ou essayer de m’amadouer, en fait sa décision était déjà prise bien avant qu’il n’arrive.


-          Je n’y vais pas dans ce cas.


Je le regarde fixement, les bras croisés, bien décidée à en pas en démorde un seul instant. Il me regarde longuement avant de se rendre compte que ça ne sert à rien de jouer l’homme froid et dur qu’il veut paraître en ce moment. Il se rapproche de moi et veux me prendre dans ses bras.


-          J’ai déjà dit oui à mère, je ne vais pas la rappeler maintenant pour lui dire que finalement on ne vient pas parce que  ma femme veut profiter de moi.


Il le dit d’une manière qui me fait me sentir égoïste tout d’un coup. Je détourne mon regarde et fixe un point  invi

L'histoire que vous lisez

Statistiques du chapitre

Ces histoires vous intéresseront

Jamais sans elle