Revirement de situation

Write by Gioia

***Leslie Ejangue***

Melvin veut me pousser à bout mais il n’aura pas raison de moi. En arrivant au Campus, ma colocataire m’a appris que Melvin était passé ce matin quand j’étais rn cours. Et qu’est-ce que le chien a trouvé de mieux à faire ? Partir avec mon TP de Biochimie qui se trouvait sur ma table d’étude. TP sur lequel je bossais jusqu’à trois heures du matin hier. J’ai dû me faire le trajet de la cité universitaire de Cocody à Cité Djibi 3 où il habite avec sa famille.

J’ai sonné et c’est lui arboré d’un grand sourire bien satisfait qui m’a ouvert.

-Donne mon TP Melvin.

-Genre tu me salues pas quoi? Même pas un bisous?

-Que j’ai ton temps mon frère! Donne ma chose j’avance.

-Tu entres sinon je ne te donne rien.

-Tu veux voir ma folie Ehivet? De te traiter ici devant les passants ? Je demande menaçante.

Il sourit et croise les bras comme s’il n’attend que ça. Je piaffe et entre dans la maison parce qu’il n’en a pas l’air mais le gars a une patience infinie quand il s’agit de m’emmerder. Je l’ai suivi en chambre tout en gardant ma posture de combat c’est à dire les bras bien croisés et le visage attaché.

-Tu sais que tu gâtes ta beauté quand tu serres ta jolie frimousse?

-Haaa mouf. Donne mon TP avant que je n’explose ici.

-Pardonne-moi de ne pas avoir fait signe le week-end passé.

-Pour moi c’est quoi dedans ? Ne me fais pas signe non ? Je suis morte ?  Tu as dit que tu allais à Sassandra non? Retourne donc tu dors là une bonne fois tchrrr.

-Poussin, dit-il en se rapprochant de moi pour me prendre dans ses bras

-Rah, ne m’approche pas onong, je dis en reculant parce qu’il sort déjà le charme.

-J’aurais dû te faire signe quand mon séjour s’est rallongé c’est vrai. Mais avec mémé ça va tellement vite que ça m’est sorti de la tête.

-Minalmi. Tu penses qu’on ne connaît pas ton genre ci? Tu étais en train de tchouk une autre et tu viens me baratiner.

-Ma petite jalouse dit-il en souriant. Tu penses qu’avec toute l’énergie que je donne à la fac et pour toi il me reste un truc à donner ailleurs ?

-Je ne sais même pas pourquoi tu me donnes les détails que je n’ai pas demandé. Mon TP, et c’est la dernière fois que je dis!

Il me le donne et c’est moi qui suis surprise. Même pas un peu plus d’effort, pourtant c’est lui qui a de quoi se reprocher non ? En tout cas Je m’attendais depuis à ce qu’un truc comme ça arrive. Qui ne connait pas Melvin le charmeur au campus de médecine ? J’avais déjà entendu les bruits qu’il allait voir ailleurs. Je me retenais puisque je n’avais aucune preuve concrète pour le confronter. Me connaissant avec mon petit cœur qui chauffe vite, si je l’avais fait sans preuve il allait démonter mes arguments mais en plus me bouder. Et quand Melvin boude, ma part n’est rien. Ce gars est un sorcier dedans. Un jour on ne s’est pas parlé pendant un mois entier. Chacun appliquait littéralement le « camper dans son coin ». Parfois, je pleurais parce qu’il me manquait tellement et le pire c’est quand je le croisais sur le campus. J’ai même suivi le conseil de ma coloc en m’affichant avec d’autres mecs mais le type ne réagissait pas. J’ai fini par conclure que le type était passé à autre chose et lui ai écrit pour qu’il passe récupérer ses effets chez moi comme on n’a plus rien à se dire. Il est arrivé vendredi. Nos faces n’ont vu la lueur du soleil que le dimanche. Ma coloc ne s’est pas gênée pour me demander quel remake de porno on faisait dedans tous les deux. Même aujourd’hui je refuse de rentrer dans les détails parce que Melvin m’a choqué. Cet événement s’est déroulé il y a exactement seize mois mais aujourd’hui il a dépassé les bornes. Cette fois il a disparu pendant trois jours sans donner signe de vie. Ligne de surcroit fermée. Ludovic aussi était en déplacement. Si ce n’était la fierté j’allais demander à ma’a Yvette si elle avait de ses nouvelles.

Je prenais mon TP en vitesse pour sortir mais le voilà qui me barre la route en se mettant devant la porte.

-Je n’ai pas ton temps hein !!!! je crie au bord des larmes sans toutefois rien laisser couler parce que l’honneur avant tout. Un homme qui m’a trompé ne mérite pas de voir mes larmes.

Une voix un peu trop énergique a rempli la pièce et c’est comme ça que j’ai remarqué qu’il avait son téléphone en main.

-Allô, Melvin tu m’entends ? J’entends d’une voix de femme mature.

-Mémé je t’entends et toi?

-Oui. Mais tu appelles mon téléphone pourquoi? La semaine que tu as dit tu vas faire c’est ça tu as fait?

-Mémé je t’ai expliqué que je reviendrai la semaine prochaine. Ma petite avait déjà préparé mon enterrement ici à mon retour, il dit amusé et me regarde.

La mémé en question rigole bruyamment.

- dis-lui de bien faire hein. Il faut qu’on te montre un peu la vie.

-Mais tu es mauvaise mémé. Tu oublies que c’est moi ton petit fils et elle est même ta rivale. Elle va gagner ton terrain, Mel continue à rigoler.

-Melvin arrête de chercher une grand-mère comme moi et reviens vite finir ma clôture. Et puis dis à mon vrai mari Ludo de venir chercher son koutoukou hein. J’ai trouvé un bon hier pour lui.

-C’est moi ton premier mari mémé fait attention avec l’infidélité hein. Je t’ai dit que je ne partage pas donc garde mon koutoukou en lieu sûr.

-Quel genre de mari même ? Toi qui ne répond pas ton téléphone ? Même ça, tu as laissé à Abidjan quand tu venais à Sassandra alors que le blanc a dit que c’est portable pas « laissable », elle dit et me fait rire.

-N’est-ce pas. Apprends-moi les choses des blancs comme tu connais mieux que moi. Sinon Ta coépouse est ici. Tu veux lui dire quelque chose? propose-t-il alors que je secouais vigoureusement la tête.

-Hein faut me l’envoyer.

Melvin active le HP et je prends nerveusement l’appareil. Je ne connais même pas la mémé en question. C’est dans quel ndem Melvin m’envoie comme ça?

-umm allô? Bonjour grand-mère, c’est Leslie, je m’introduis timidement.

-Allô??? La femme de Melvin ça va? elle crie comme si on était dans une foule de 1000 personnes. J’avoue que le « femme de Melvin » a fait du bien à mes oreilles.

-Oui grand-mère ça va et toi?

-Laisse grand-mère là. Tout le monde m’appelle Mémé Gi. Sinon, ça va oh ma fille. Tu fais quoi à Abidjan ?

-Je suis étudiante en pharmacie.

-Ah c’est vous qui allez fabriquer mes médicaments pour que je vois tous les enfants et même leurs enfants aussi ? Au moins Melvin va me servir. Je dis hein, tu n’as pas vu mon beau Ludovic là-bas et c’est le bandit de Melvin que tu as pris ?

-Ma propre famille veut gâter mon foyer eh Dieu, Melvin s’exclame entre plusieurs rires.

-Mais Melvin comment tu parles dans mon téléphone quand je suis avec ma belle-fille? Ça te regarde ?

-Lol finis ton appel seulement la vieille mère.

-Voilà comment tu me gaspille mon crédit. Ma belle-fille je prie pour que tu aies le cœur avec lui et ses faux rendez-vous. Dis-lui de venir faire ma clôture oh. Merci et il faut bien étudier, bye bye, elle aligne et interroge d’une voix normale un certain Koffi sur le « pourquoi l’écran du téléphone n’est pas devenu noir alors qu’elle a fini l’appel ». Et le koffi en question, lui répond avec beaucoup de confiance que des fois les choses de blanc durent avant de se fermer. J’ai raccroché tranquillement l’appel avant que le rire moqueur qui naissait dans mes entrailles ne sorte. Ce n'est pas au premier appel que je vais gâter ma réputation chez la mémé de mon chéri....enfin oui bref, chéri j’ai bien dit.

-Du coup? Il demande avec un sourire satisfait maintenant qu’il m’a eu.

-Donc tu as oublié ton téléphone ici?  je demande sciemment mais j’ai déjà la réponse.

-Comme d’hab. Tu sais comment je suis tête en l’air dit-il en reprenant son sérieux.

-Qu’est ce qui me dit que ce n’est pas un coup monté avec mémé ? Je demande de mauvaise foi.

-Tu peux appeler Ludo maintenant ou maman pour leur demander où était mon cell. Maintenant si tu ne les crois pas non plus je ne sais pas quoi te dire. Tu es libre de partir, il dit en se dégageant.

C’est vrai que Melvin égare régulièrement ses affaires. Il lui arrive même de laisser son téléphone chez moi pendant une journée entière et le chercher ailleurs. Parfois je trouve ces choses derrière mon lit ou dans mon sac à dos. Mais Melvin est aussi craquant, beau, gentil et la coqueluche des filles au Campus. Du coup je ne me sens pas facilement en sécurité quand je me rappelle de ses détails.

-Tu sais bien que je ne veux pas partir, je dis faiblement tout en dessinant des arabesques avec mon pied au sol.

Même le regarder je ne peux pas parce que la honte est trop.

-Ah oui ? il se moque et me fait un bisou sur le bout du nez après s’être rapproché de moi. Son haleine me donne envie de ravager sa bouche. Il sent légèrement le sucré.

-Avoue que c’est un peu ta faute quand même, j’insiste sans aucune volonté pourtant.

Il commence à me butiner le cou tout en pressant mes fesses dans ses grandes mains.

-Ce...n’est.....pas.....ma....faute, il dit contre mon cou puis sa bouche se pose sur le côté sensible.

Celui là qui provoque automatiquement les frissons dans mon corps. ça me chatouille légèrement mais je mouille beaucoup et prononce son nom comme une prière. Il passe sa langue derrière mon oreille et la prend entièrement dans sa bouche pour la lécher avant de relâcher et me dire que je lui ai manqué. Sa voix m’a manqué et surtout l’autre en bas était trop en manque. Trois semaines maintenant en plus du départ. Il était trop occupé avec les cours. L’autre en bas ne se gêne pas pour mouiller ma nouvelle culotte. Va savoir pourquoi j’ai mis une nouvelle d’abord. Je jure je n’avais pas......

La minute d’après je me suis retrouvée soulevée dans les airs et posée sur le lit avec ses lèvres sur les miennes.

-Ludo il..., ma phrase mourut sur ses lèvres alors qu’il venait de poser les siennes dessus. Sa main englobait mon sein droit et tournoyait la pointe.

-Il n’est pas là donc fais toi plaisir me répondit-il avant de descendre vers mon ventre avec la langue puis le bas ventre.

-Ahhhhhh Melvin, j’ai soufflé un peu fort quand il se débarrassait de son haut après avoir fait pareil pour le mien.

-Hmhmm dis-moi tout.

Je dis quoi quand mon bouton ici subit  tous ses coups de langue. Ses mains ont quitté mes seins pour trouver mes aisselles nues et il a commencé à me chatouiller doucement tandis que sa langue continuait à déranger mon bouton.

Je suis si sensible......ce n’est pas ma faute. Mon esprit a quitté le monde du réel dès que ses mains se sont posées sur moi, alors imaginez mon état actuel. Il alterne entre coup de langues rapides et lents. Ses murmures de satisfaction, les miens, les chatouillis et le simple fait de savoir que c’est mon Melvin à moi toute seule qui sait comment me gérer.......tout ça c’est trop pour moi. La respiration devient difficile, mon bassin se soulève et j’agrippe sa tête avec ma main.

-Melllllll, cochonnnnnnnn soupiré-je en plainte dès que je franchis les cimes du plaisir.

Il a continué sa torture jusqu’à ce que je referme mes jambes sur sa tête pour lui signifier que c’était trop.

-Ouvre ta bouche ma cochonne.

Je m’exécute et suce goulûment sa langue qu’il a plongé dans ma bouche. Il reprenait la mienne quand je lâchais la sienne. Je sentais son érection bien dure contre moi. J’y ai posé la main pour le sortir et qu’il me possède quand un, « Melvin tu es à la maison? » dit au loin m’a coupé net dans mon élan.

-Putainnnmmm, je chuchote mortifiée en me faufilant sous le drap. Tu m’as dit que tu étais seul!!

Il me rejoint tout en rigolant doucement et me baise le front avant de répondre.

-Correction. J’ai dit que Ludo n’était pas là.

-Melvin? l’interpelle maman Yvette en toquant à  la porte.

-Ouais maman j’arrive.

-Non mais tu es fou? Je ne sors pas d’ici. Je ne veux pas la honte sur moi. Je souffle une fois que les pas de maman s’éloignent.

-Lol bébé désolé de te décevoir mais maman m’a déjà mis en garde sur contre une grossesse surprise pendant nos études donc elle sait que je te nourris régulièrement.

-Rhooo mais tu m’as jamais dit !! Punaise elle va penser quoi de moi maintenant ?

-Ce qu’elle pense déjà non, que tu es dans mon boa, il ironise.

-Tu es trop connnnnnnn, je souffle et on se bat tout en rigolant.

Mel est sorti trouver ma’a Yvette. J’ai quand même attendu un bon quinze minutes à l’intérieur. Comme je n’entendais pas de voix je me suis habillée, prête à filer à l’anglaise et voilà que je tombe sur Ludo. Le même Ludo qui était supposé ne pas être là.

-Coucou, je commence nerveusement. Je....j’ignorais pas que tu étais là.

-Salut, dit-il en portant sa tasse à ses lèvres.

-Tiens tu es là toi? Je te croyais au garage, dit Melvin qui venait de nous rejoindre. Ekie leslie tu es habillée déjà que tu partais ? Tu es même simple ?

-Je t’ai dit d’arrêter de m’imiter, je lui rappelle en lui faisant les gros yeux. Umm Je vais aller faire mon TP. Donc....euh.....Umm bon merci pour l’aide. On s’appelle.

-Ludovic arrête d’intimider ma copine, il rigole tout en passant le bras autour de mon épaule.

-Moi qui bois mon thé, j’intimide qui ici ? Faites vos choses entre cochons.

Baba God la honte de ça. J’ai lancé le regard de la mort à Melvin avant de déguerpir à la course. Tout ça c’est Melvin qui m’a appris. Je répète ce n’est pas ma faute.

***Melvin EHIVET***

-Regarde comment tu as court-circuité mon processus de réconciliation, je dis à mon frère avant de lui donner une tape dans le dos.

-Tu as assez fait le cochon pour aujourd’hui. Tu n’as pas cours en aprèm d’ailleurs ?

-Oui mon chéri tu veux me déposer aussi peut-être.

Il m’a lancé le journal en me traitant de connard avant de regagner sa chambre. Je me suis préparé rapidement et direction l’université Félix Houphouët-Boigny (FHP). Je suis en sixième année de médecine et c’est tout ce dont j’ai rêvé. Notre vie a pris un tournant complètement différent de ce à quoi je m’attendais il y a dix ans. Quand maman nous a laissé seuls avec mémé Gi, j’ai bien cru que ma vie prenait fin le jour là. J’ai haï cette grand-mère, Ludo et maman à mort. J’ai fait un bon mois à me rebeller, attendant simplement qu’elle me fasse un truc pour que je l’utilise comme prétexte et justifie la fuite à mains armées que je construisais dans ma tête depuis des jours. Par fuite à main armées, il faut comprendre que j’allais piquer son argent pour prendre le bus.

Piquer l’argent d’une vieille qui se débrouille avec son commerce aussi longtemps que je m’en souvienne. Même aujourd’hui je me donne encore des coups sur la tête quand j’y repense. Comment ho? Quand ho? Aucune idée mais elle a découvert une partie de mon plan. Elle m’a fait asseoir un jour et demandé si je pensais que c’était ça être un homme. Prendre la fuite au lieu d’affronter la vie ? À douze ans on sait quoi d’être un homme ? Je lui ai répondu n’importe quoi. Je m’attendais à des gifles ou punitions mais rien. Elle m’a juste dit qu’on est l’artisan de notre propre bonheur et les gens à Abidjan ne sont pas forcément plus heureux que ceux de Sassandra.

La honte faisant je me suis calmé pour un temps. Mais je n’approchais toujours pas le duo qu’elle formait avec Ludo. Mais cette vieille mère là, c’était un autre genre. Avec ses anecdotes, son franc parler et son caractère elle a réussi à me mettre en confiance au point de me rabibocher avec Ludo que je prenais pour un traître.

À la rentrée elle nous a inscrit Ludo et moi dans une école publique. Ce jour là elle m’a fait promettre que je lui ferai prendre l’avion quand je serais grand et en contrepartie elle me fera tout ce que je veux à manger. Je me suis accroché à cette promesse comme si c’était de l’or. L’école était terrible. Venant d’un Programme français où on était peu nombreux dans la classe je me suis perdu dans une de 70 élèves. Les punitions corporelles étaient d’ordre pour un un oui ou non. J’ignore comment j’ai navigué dans tout ça mais j’ai réussi à le décrocher ce fichu  bac avec la mention bien. Ludo avait eu le sien avant moi bien sûr et il avait regagné Abidjan directement. Le but étant de retrouver tonton Didier parce que mon frangin n’a jamais perdu cet intérêt pour les voitures.

Malheureusement le vieux Didier n’était plus au garage et encore moins au domicile qu’on lui connaissait. Déçu, Ludo a quand même déposé une demande d’admission à l’institut polytechnique FHP. Admission qu’il a décroché pour étudier en génie mécanique. Il s’est débrouillé tout seul du début à la fin de son master 1. Quand je chante que mon frère c’est un self made man il dit d’arrêter mais qui l’a fait si ce n’est lui-même? Il a joint travail et école sans relâche. Moi-même j’ignore encore comment parce qu’il a vite refusé l’argent que mémé et moi lui envoyions via maman grâce au maquis et petits trucs que je faisais sur place. Comme quoi il nous dirait si le besoin se faisait. Fallait voir comment mémé et moi on faisait nos kpakpato les soirs après des longues journées. Pour elle Ludo était entré dans une secte. Moi je penchais pour une Gnanhi qui le gérait au calme mais comme c’est la discrétion c’est le second prénom du frère on savait bien que jamais il ne nous le dirait.

En plus d’obtenir ses diplômes haut la main il s’est rapidement fait une excellente réputation dans le milieu. Je me rappelle de comment on se moquait de lui quand il se promenait avec ses vieux magazines automobiles en main. Aujourd’hui c’est de ça qu’on vit. Le destin cette fois a commencé par nous apprécier, parce qu’on l’a embauché comme ingénieur mécanique chez le garagiste Conception qui se fait rapidement un nom au point d’attirer des investisseurs étrangers selon ce que m’a raconté mon frère. Surprise du destin, il y a retrouvé tonton Didier qui est devenu actionnaire du garage après s’être fait racheter son petit commerce qui n’avait pas tenu face à la concurrence de l’époque. Grace à son expertise, la famille Ghanéenne qui lui a racheté son commerce lui a proposé une poignée d’actions et son expertise leur a servi à monter et faire croître le garage Conception. Nous ne roulons pas sur l’or mais le temps où nous mangions de l’igname avec le piment comme unique accompagnement est révolu.

Avec le temps on a fait du chemin. En revanche, il n’y avait pas de Gnanhi derrière Ludo, sinon elle a brusquement disparu parce que mon frère ne nous a jamais présenté de copine depuis que je l’ai rejoint sur Babi. Donc ce que j’espère plus que tout maintenant qu’il a une vie professionnelle assez stable et très prometteuse, c’est qu’il se trouve une femme qui lui donnera un peu d’amour. Mais c’est bien le plus difficile. Tandis que cette aventure m’a changé en un être humain plus aimable, Ludovic s’est renfermé sur lui. L’accident de papa a renforcé son côté réservé. Je ne connais pas spécifiquement les circonstances du dit accident. Juste qu’un jour on nous a appelé pour nous dire que sa moto est entrée sous un camion en pleine conduite.  Depuis il est devenu paraplégique et s’est muré dans un silence. Silence qui dure depuis quatre ans.

Cette nouvelle nous a mis à terre et aujourd’hui encore elle plane comme un oiseau de mauvais augure sur notre famille. Papa n’était pas le meilleur père mais il reste le nôtre et c’est bizarre de le voir sans volonté comme ça. Je suis mitigé et des fois perdu parce qu’en tant qu’étudiant en médecine je comprends un peu plus l’ampleur de sa situation. Ludo ressent plus de rage et de hargne. Hargne à remettre papa sur pieds. Dès qu’il apprend l’existence d’un traitement miracle il jette son argent dedans pour au final ne rien avoir comme résultat. On a été au Ghana et au Nigeria dans cette quête de guérison. On ne mentionnera plus les nombreux traitements qu’on a essayé ici à Babi. Et tout sortait de la poche de Ludo. Maman et moi lui avons expliqué que c’est certes louable mais à son stade dans la vie il doit penser un peu à lui. Économiser, acheter un terrain, construire, voyager, bref se faire un peu plaisir quoi. En plus je lui ai rappelé comme d’hab, que c’est la moelle épinière de papa qui est atteinte. Médicalement parlant il n’y a pas grand-chose qui peut être fait pour corriger ça même si c’est vrai que la recherche continue et un traitement par électrochoc a été testé en Allemagne il y a quelques années selon mes recherches. Mais ce traitement a juste permis au patient de faire quelques gestes. Même pas marcher. Et il est encore au stade de l’essai. Mais mon frère est si optimiste quand il s’agit de papa que parfois à côté je passe pour un sans-cœur. Et son optimiste donne de l’espoir à maman qui envers et contre tout est restée avec Henri Ehivet. Donc je fais avec et j’effectue aussi mes recherches.

Sinon côté fille mon frère continue avec son éternel c’est pas son truc. Pourtant durant le lycée à Sassandra, il avait eu une go qui a perdu patience à cause de la réserve de Ludo. Elle n’a fait que quatre mois avec lui et j’attends depuis ce jour, qu’une vraie meuf voit mon frère pour le chic type qu’il est en dépit de sa couche d’indifférence. Pour le moment je le tire en salle de sport autant que je peux. À défaut d’avoir le verbe pour attirer son corps peut le faire et après on va aviser non?

Leslie aime me dire que c’est un coup foireux et qu’il va me refaire le portrait quand il saura mais mon Ludo il aboie sans mordre. Et puis je dois faire quoi? J’ai des projets moi. Je veux envoyer mon frère dans le mariage et être tonton là. Parlant de la furie qui partage ma vie, j’ai rencontré Leslie dans une virée en club. Enfin rencontré c’est trop dit. J’ai vu ses fesses bouger, reconnu le groupe de filles avec qui elle était et j’ai vite fait mon choix. L’aborder fut un processus en revanche. Elle m’a sèchement rabroué le soir là et j’ai battu en retraite, sachant que j’allais revoir son groupe de copines tôt ou tard et elle par la même occasion.

Une semaine remplie d’enquêtes plus tard, j’en ai appris plus sur ma Belle d’un soir. Leslie, étudiante en pharmacie, fraîchement débarquée de Douala. Un domaine proche du mien ? j’ai pris ça comme un signe, la providence, bref tout ce qu’il me fallait comme excuse pour aller déranger la fille des gens. On s’est revu deux autres fois. Toujours la froideur du côté de la meuf. La quatrième, je me suis pointé à un de ses cours. Ouais, parfois il faut faire des choses étranges, surtout quand tu entends que des vautours visent ton gibier. Heureusement je n’ai eu besoin que d’endurer une séance de cours. Mon bavardage légendaire l’a conquis. Le hic c’est qu’au lieu d’avoir envie de fondre dans mes bras, je me suis retrouvé dans la case ami à qui on raconte tout. La déception fut dure au début mais l’amitié avec elle avec un goût qui m’a fait presque oublier l’amour. Je dis bien presque, dans le sens où j’ai décidé de laisser faire les choses au lieu de lui rabâcher régulièrement les oreilles.

Grâce à notre amitié, madame m’a d’elle-même avoué les petites réserves qui l’ont découragé d’accepter mes avances dans le temps. On l’a mis en garde contre les ivoiriens, des maîtres en matière de « beau-parlage » et distribution de goumin. Ma réputation de baratineur au campus ne m’a pas aidé non plus. Mais hein c’est les racontars je dis.....quelqu’un m’en veut.........enfin en partie. J’avoue que j’aime bavarder et taquiner. Dans ça on m’associe les filles à gauche et à droite. Des filles dont je ne connais même pas le nom mes gens. On a déjà vu ça où?

J’ai tenu parce qu’en quelques mois d’amitié, j’ai trouvé en Leslie ce que je ne cherchais même pas à la base. Une amie différente de moi mais avec qui je pouvais parler de tout, une confidente, petite maman qui me tirait les oreilles au besoin, une rivale de taille en ambition professionnelle parce que personne ne me gronde comme cette fille quand mes notes ne sont pas à la hauteur de mon potentiel. Ses dires oh. Et le non négligeable une amante qui me fatigue le corps comme il faut, comme si Dieu avait entendu dans mon subconscient la taille de fesses que j’aime et l’a fasciné juste pour mon plaisir.

On a nos petits soucis comme la plupart des couples. Sa jalousie étant le premier, les flirts pour moi....selon ses dires mais je ne considère pas ça comme des flirts moi....bon à revoir..... mais cette fille je l’aime profondément. Et le meilleur c’est qu’elle m’aime tout autant s’il y a un baromètre pour mesurer ce genre de chose mais en tout cas je me sens aimé quand je suis avec elle. Le reste, on se le dira plus tard. Les cours m’attendent.

***Blair Gueye***

J’ai vu à la télé une publicité sur un programme dans une église réveillée et le thème m’a attiré. « Rendez-vous avec notre destinée, ceci est ta saison de grande moisson. Ne rate surtout pas ce rendez-vous ». Et s’il y a quelqu’un qui a besoin de récolter en abondance c’est bien moi. Donc j’ai noté les détails et c’est avec beaucoup d’espoir que je me suis rendue à cette église. Le premier jour m’a un peu effrayé. Je suis une chrétienne du dimanche et n’ai connu que l’église protestante dans ma vie alors me retrouver dans un coin où les gens font du bruit en priant et certains crient carrément, c’était déroutant. Mais je me suis accrochée au message vraiment encourageant qu’a prêché le pasteur. C’est ce dernier qui m’a encouragé à revenir le lendemain.

Le programme était le même. Après son message, le pasteur a commencé à défiler dans les rangées et touchait les fronts de certains. J’ai gardé les yeux fermé pour ne pas me laisser distraire par les actions des gens à côté. Je sentais à un moment qu’on passait et repassait à côté de moi puis l’individu s’est arrêté et le pasteur dit.

-Jeune fille, tu viens parce que tu cherches une délivrance pour toi et ta famille depuis un moment. Ta famille était aisée mais vous avez tout perdu et depuis la souffrance ainsi que les maladies ne sont que votre partage.

J’ai pris peur et commencé à trembler. Ce qu’il dit est vrai et je ne connais pas ce monsieur. Il a continué son message.

-Le Seigneur m’envoie te dire que la saison des pleurs est finie pour toi. Hey ! il crie subitement et me fait sursauter mais je ferme encore plus fort les yeux. Je dis bien ! La saison des pleurs est finie pour toi, il s’écrie à nouveau en postillonnant sur mon visage. Les autres en arrière répondent vigoureusement Amen et il continue. Je n’ai pas de pouvoir magique mais j’ai la parole du Seigneur. Il m’envoie te dire que tu vas avoir une percée fulgurante. Tu vas rencontrer un homme venu d’ailleurs et commencer un commerce avec lui !! Tu seras celle qui fera sortir ta famille de la pauvreté !!! Dis amen !!!

Je me suis agenouillée comme les autres l’avaient fait avant moi et j’ai dis amen. Je n’arrivais pas à stopper le débit de mes larmes et j’avais la chair de poule.

-Oui pleure, pleure au Seigneur parce qu’il l’a déjà fait. Il ne reste plus que tes yeux le voient. Ça sera proche. Avant la fin du mois même. Alléluia !! Il te faut faire une semence de foi pour le Seigneur. Parce qu’il ne peut rien ajouter quand tu pars de zéro. Laisse ton cœur se diriger par l’esprit saint et donne sans retenue. Alléluia!!! Équipe de pasteurs venez nous allons prier pour la sœur.

Je n’ai pas pu tout suivre de leurs prières vu que tout le monde parlait à la fois mais je ressentais quelque chose dans mon cœur. Quelque chose de positif. C’est enfin la délivrance. À la fin j’ai donné tout ce que j’avais dans mon porte-monnaie, soit 12750 CFA. De l’argent gagné grâce à des petites ventes que je fais de temps en temps. Un des diacres m’a rencontré avant que je ne parte.

-Bonsoir ma sœur. Sois bénie. Je suis frère Philémon.

-Bonsoir monsieur. Je m’appelle Blair

-Sœur Blair, dans la maison du Seigneur il n’y a pas de monsieur. Nous sommes frères et sœurs. Est-ce que je peux avoir ton numéro de téléphone pour prendre de tes nouvelles et garder la communion fraternelle ?

-Ah okay. Voilà, je dis et le lui dicte.

-Merci. Je peux te déposer à la maison si tu rentres.

-Non merci. Bon euh bonne soirée, dis-je ne sachant pas trop quelle attitude adopter.

J’ai continué à fréquenter l’église et participé aux programmes. Maman a refusé de m’accompagner. Papa est venu une fois mais il a dit préférer son église protestante parce que le diable que tu connais est mieux que l’ange que tu ne connais pas. Moi je veux simplement que les choses changent. Ici les gens témoignent chaque dimanche que le pasteur de l’église, papa Benoît comme on l’appelle, a une onction spéciale. Les mariages, les naissances, les voyages, les promotions et tout le reste. Ce n’est que ça qu’on entend durant les témoignages. Parfois ils doivent même demander aux gens d’abréger parce que le temps est limité. Je rêve aussi d’expérimenter un miracle même si je me vois mal témoigner devant une foule. Pour le moment, je veux juste un stage, la santé pour mes parents et que les déboires de ma sœur cessent enfin. Si j’ai ça je serais tellement comblée.  Ce qui me fatigue un peu c’est le diacre Philémon et ses multiples appels ou messages. Toujours à me poser des questions sur ce que je fais, étudie et si j’ai un partenaire.

Les jours défilèrent et la fin du mois s’est pointée. Toute seule. Sans aucune rencontre spéciale. Pourtant je sors tous les jours, pour l’école, emmener maman à l’hôpital ou chercher du travail et le dimanche je suis à l’église. Je suis tellement dehors que ce fameux partenaire commercial aurait eu le temps de me croiser non ? Déçue mais toujours un peu optimiste, j’ai quand même demandé à rencontrer le pasteur pour comprendre. Ça m’a pris dix jours pour obtenir une audience.

-Sœur Blair alléluia. Que Dieu te bénisse.

-Euh bonsoir Pasteur. Dieu te bénisse aussi. En fait votre délai est passé et je n’ai rencontré personne concernant un commerce. Du coup je me demandais ce qui se passe en fait.

-Un commerce ? Ah oui. Continue à espérer ma sœur et garde la foi. Parfois le Seigneur veut voir si nous sommes sincères dans la recherche de sa face.

-Mais vous aviez donné un délai spécifique et j’ai eu la foi depuis le jour là. J’ai même fait l’offrande sacrificielle donc où aies-je failli ? demandai-je sincèrement confuse.

-Ce n’est pas une question de faillite ma sœur. Des mots pareils permettent au diable de retenir ta bénédiction. Il faut changer comment tu parles et voit les choses. Et je t’ai dit que je ne fais pas de miracles mais c’est le Seigneur. Je ne suis que son serviteur. Maintenant il faut continuer dans la prière et la foi sans se relâcher, il me dit avec une face remplie de confiance en plus hein. Je ne peux m’empêcher de rigoler un peu.

-Pasteur....si je vous disais que j’allais vous donner un cadeau dans deux jours et je ne le fais pas, auriez-vous toujours confiance en moi? Auriez-vous une tendance naturelle à porter crédit à mes dires?

-Dieu n’est pas instantané comme le lait Nido ou un homme qui fonctionne comme nous ma sœur. Ne te disperse pas dans les murmures. Le Seigneur n’aime pas ça.

-Je ne lis pas la bible souvent mais je sais au moins qu’elle dit que Dieu n’est point homme pour mentir ni le fils d’un homme pour se repentir. Ce qu’il a dit, ne le fera-t-il pas ? Ce qu’il a déclaré, ne l’exécutera-t-il pas ? Je récite verbatim l’un des versets que je connais par cœur.

-Oui mais la bible est remplie de paraboles hein. Ça prend le Saint Esprit sur l’homme oint pour….

Je me suis levée en pleine phrase. Le type croit mordicus et ne va pas lâcher son verbe. Un homme simple on le traite de menteur quand il ne respecte pas sa parole et c’est Dieu qui ne va pas faire ce qu’il a dit pour tester qui d’abord ? Moi Blair ? C’est le test de quoi ?  Clairement Pasteur Benoit est enfermé dans sa doctrine et s’en fout. À la sortie c’est le diacre collant qui m’a interpellé.

-Sœur Blair, j’ai écouté une partie de la conversation avec le pasteur et je voulais t’encourager. Quelquefois, on ne voit pas la solution que le Seigneur nous envoie alors qu’elle est juste devant nous.

-Hein?

-Je suis moi-même dans le commerce. Et j’ai reçu la conviction qu’en joignant nos vies je pourrais sortir ta famille de votre problème par la grâce de Dieu.

-Joindre nos vieess? Je répète éberluée.

-Sœur Blair, dit-il en souriant et prenant ma main, tu es une très belle femme. Dès que je t’ai vu dans l’église à ta première visite, ton look naturel m’a vraiment plu. Ton attitude et l’esprit saint transpirait, te donnant l’éclat d’une grande dame. J’ai écouté le message que le pasteur t’a donné le jour là et ça m’a un peu troublé vu que je suis dans le domaine du commerce. Mais j’ai eu la confirmation quand le Seigneur m’a dit clairement que tu es ma femme. J’aimerais qu’on puisse se voir en dehors de l’église pour mieux se connaître.

-Monsieur....

-Frère Philémon s’il te plaît. Même Philo si tu préfères.

-J’ai dit MONSIEUR !!!! criai-je sentant la colère monter. Vous avez quel âge ?

-L’amour n’a pas d’âge. Un homme peut enfanter....

-Eh bien allez enfanter ailleurs !!! Ce n’est pas à 24 ans que je vais enfanter avec un homme qui semble plus âgé que mon père, dis-je en essayant de retirer ma main. Mais non il la gardait sans vouloir la laisser.

-Sœur Blair avec ton physique beaucoup de jeunes te courent après j’en suis sûr. Mais combien veulent faire du sérieux avec toi ? Moi je veux le mariage et j’ai déjà une carrière bien assise.

-Lol, vous avez parlé de mon physique là ? Vous priez et avez le temps de voir mon physique ?

-Tu excuseras la crudité de mes mots mais c’est difficile de fermer les yeux devant tant de féminité et surtout avec tes robes qui dessinent si bien tes courbes, dit-il en me détaillant de la tête aux pieds.

-Toi et ton pasteur allez-vous faire foutre avec vos yeux de poisson globuleux, je dis en colère et me dégage.

La connasse qui va devoir marcher pour rentrer c’est moi. Et pourquoi? Parce que j’ai versé tout mon argent de poche dans cette église et j’espérais sincèrement que le pasteur allait me trouver une solution.

Une fois à la maison je me suis couchée mais le sommeil refusait de me prendre. Maman était en pleine séance d’insultes  sur papa. J’ai essayé de me couvrir les oreilles mais sa voix me parvenait encore. J’ai pris mon téléphone direction Facebook pour me changer les idées. Mauvaise idée, les photos de Clarence en voyage en Espagne avec ses amis m’attendaient. Miriam aussi venait de poster en statut que la maîtrise est bouclée et Sanofi (compagnie pharmaceutique) l’attend. Il y avait plein de photos d’autres amis de classe aussi. Je sais qu’on dit ne pas se fier aux apparences mais moi aussi j’aimerais juste avancer un peu. Je m’en fous de poster sur les réseaux sociaux mais au moins décrocher mon stage. Juste un truc qui puisse me propulser en avant. J’ai fini ma soirée comme d’hab. Lisant mes cours et nettoyant mes larmes de temps à autre.

Deux jours plus tard, je me suis réveillée gonflée à bloc pour aller encore déposer mes CV. Je rentre dans la soixantaine au niveau des dépôts mais qui compte. J’ai fait mes tours et à la fin il me restait un grand garage dont j’ai souvent vu les pubs récemment à la télé. Je ne sais pas trop ce que je vais y trouver mais qui dit compagnie dit comptabilité et je prie qu’il y ait une petite place pour moi.

Deux heures, c’est le temps que j’ai passé en attente avant de rencontrer un responsable. J’ai reçu l’éternel « on vous rappelle au besoin ». Mais cette dame a tenu à rajouter de ne pas trop espérer parce que des stagiaires dehors il y en a plein avec de meilleurs profils comparé à moi qui ai un trou de trois ans sur mon CV. À la sortie, je marchais mais ma tête était légère comme si j’allais m’évanouir. Je me suis assise sur un banc en essayant de calmer la frustration qui envahissait mon être.

-Oh, heho jolie fille comme ça tu pelures pourquoi ma fille ? me demande une voix masculine.

-Laissez-moi tranquille s’il vous plaît, dis-je en reniflant tête baissée

-Laissez ? Tu pleures et tu dis laisse-moi ? J’ai des enfants aussi je ne peux pas laisser mon enfant pleurer comme ça. Tu as mal quelque part ? Tu veux aller à l’hôpital ? L’homme que je vois quand je lève la tête me dit. Le trop plein fait que je me mets à parler et pleurer sans honte.

-J’ai mal...j’ai mal d’essayer et ne jamais réussir....je....je cherche seulement le stage....monsieur.....j’ai postulé chez le groupe Conception mais on m’a dit qu’il y a peu de chance qu’on me rappelle. C’était la réponse négative de trop.

-Tiens prend et mouche-toi d’abord avant de parler, il dit en fouillant dans sa poche avant de me remettre un paquet de Kleenex.

J’ai fait comme il a dit sans me soucier de savoir s’il avait peut-être mis un truc dans le mouchoir pour m’endormir et me kidnapper. À ce stade qu’il me kidnappe même. Je ne vaux rien sur cette terre.

-Je ne sais pas comment m’en sortir, repris-je. Après mon bac, j’ai fait trois ans à la maison à travailler dans des fast food et maquis pour aider ma famille. Ma mère est tombée gravement malade et le nom de mon père était sali. Un nom que je porte et qui m’a affecté. On n’avait pas d’aide et l’université c’était un luxe pour moi. Fallait bien que je fasse quelque chose non ? J’ai pris ce que la vie m’a envoyé comme roche et à cause de cette même roche on me dit que j’ai un CV vide ? C’est ma faute maintenant ?

-Le nom de ton papa est sali comment ? il demande confus.

-C’est une longue histoire et je ne veux pas vous ennuyer avec. Je pense que je vais rentrer. Merci de m’avoir écouté et pour le mouchoir, dis-je en me levant.

-Attends ! Comment tu t’appelles au moins ?

-Gueye monsieur, je lui réponds avant de partir en pressant le pas.

***Didier***

Cette affaire de poids du nom me rappelle une histoire semblable. J’ai contacté aussitôt l’actionnaire majeur à qui j’avais vendu mon petit garage. Aujourd’hui, je suis plutôt un conseiller externe au garage. Le niveau qu’ils ont atteint dépasse mes compétences, mais nous sommes devenus un avec cette famille surtout parce que ma fille s’est mariée chez eux.

-Oui Armand c’est Didier, comment ça va ?

-Didier ? Tu es encore à Abidjan toi ?

-Oui, je partais même ce soir, mais j’ai un service à te demander.

-Lequel ?

-Demande qu’on prenne en stage une certaine Gueye. Une fille de teint noir avec les cheveux Afro.

-Engager une fille ? Mais ce n’est pas mon domaine ça.

-Armand s’il te plaît, fais ce qu’il faut mais l’enfant là doit être pris.

-Hum je vais voir ce que je peux faire.

***Blair Gueye***

Mon cerveau n’arrive pas à accepter ce que mes oreilles ont entendues. Il y a trois semaines de ça, j’étais au Groupe conception et aujourd’hui on m’appelle pour que je vienne commencer un stage dans une semaine ? Est-ce que je m’emballe ou c’est enfin un début ? Le début d’une nouvelle ère pour les miens ?

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