Semaine 20

Write by Miss Nana

9 MOIS, 40 SEMAINES ET 1 BEBE

By Nana Técla


Semaine 20

_«L’organisme du bébé commence à réguler son taux de sucre. Le pancréas secrète maintenant de l’insuline. Le fœtus aime déjà le goût du sucre. Il prend du volume mais ses réserves de graisses demeurent limitées. Sa peau est encore fripée, elle s’étirera à mesure qu’il prendra du poids. Le développement du cerveau est en plein essor et dans les gencives, les bourgeons des dents permanentes commencent leur développement. » source : naitreetgrandir.com_


-Madame, vous allez bien ?


-…


-Madame, vous m’entendez ?


-…


J’étais dans les vapes. J’entendais comme un lointain bourdonnement autour de moi, sans arriver à distinguer clairement ce qui se disait. Quelqu’un jouait un tambour quelque part. ça résonnait dans ma tête et j’avais l’impression qu’elle allait exploser.


-Non, ne la bougez pas ! il faut attendre les pompiers.


Pompiers ? me suis-je dit. 

Qu’est ce qui se passe ? et d’ailleurs pourquoi je ne vois rien. Il faut que j’ouvre les yeux.


-Je crois qu’elle est enceinte, entendis-je une femme dire d’un air choqué.


-Eh Seigneur ! les gens sont méchants dans ce pays hein ! renverser une femme enceinte et s’enfuir, se plaignit une autre.


Mais où est-ce que je me trouve à la fin ? j’essayais d’ouvrir les yeux mais je ne n’entendais que le tambour et la sensation que ma tête allait exploser devenait plus forte. J’avais entendu les mots « renverser » et « enceinte ». Oh Seigneur oui ! je venais de me faire renverser par une moto ! mon Dieu ! le bébé ! mon bébé ! j’essayai encore une fois d’ouvrir les yeux malgré la douleur. Au début tout était flou, puis peu à peu je parvins à distinguer la lueur du lampadaire au-dessus de moi, puis le murmure de la petite foule qui s’était rassemblée me parvint. J’essayai de me redresser mais une douleur fulgurante dans les reins m’arracha un gémissement.


-Elle s’est réveillée, cria quelqu’un.


-Ne vous relevez pas madame, dit un autre.


-Vous allez bien ?


A toutes ces questions, je n’arrivais pas à trouver de réponse. Je sentis un liquide chaud couler sur mes joues et je compris que je pleurais.


-Mon bébé, murmurai-je en essayant de tâter mon ventre. Mon bébé dis-je encore pendant que les sanglots commençaient à émerger de ma gorge.


-Calmez-vous madame s’il vous plaît, me dit un monsieur avec calme et fermeté. Calmez-vous, il le faut pour vous et pour votre bébé. Pouvez-vous me donner le numéro de quelqu’un de votre famille s’il vous plaît ?


Je hochai la tête et lui récitai le premier numéro qui me vint à l’esprit, celui de Thierry.


Une heure plus tard j’étais installée dans un lit dans le centre de santé près du lieu de mon accident. En fait, l’accident avait eu lieu quelques minutes à peine après mon départ du boulot. Je devais traverser une ruelle pour joindre la voie de l’autre côté et un conducteur de moto sortit de nulle part m’est rentré dedans. J’ai à peine eu le temps de me rendre compte du choc. Je suis tombé sur l’asphalte et heureusement que je portais un casque quand ma tête a heurté le goudron. Je remercie vivement le gouvernement Togolais qui a réinstauré il y a quelques années le port obligatoire du casque. D’aucuns pensent que c’est un dérangement, et pourtant, ce n’est que pour notre propre sécurité. Quand je suis revenue à moi, le conducteur qui m’avait renversé s’était enfuit. Cela ne m’étonne pas du tout car dans ce pays c’était monnaie courante. Personne ne voulait avoir la responsabilité d’un mort ou d’un blessé. C’était inhumain, méchant et pourtant c’était le comportement habituel de mes concitoyens. Ensuite il a fallu tergiverser longuement sur l’attente ou non de l’arrivée des secours. Les connaissant dans mon cher pays le Togo, il fallait compter au mieux une bonne heure avant de les voir se pointer. Finalement j’ai donné mon accord pour qu’on me transporte en taxi vers le centre de santé le plus proche. Le numéro de Thierry étant inaccessible, il a fallu appeler mon père, qui s’est dépêché de nous rejoindre au centre de santé. Heureusement que les africains ont gardé un semblant de compassion pour le malheur d’autrui. En tout cas ceux qui m’ont aidé ont été très gentils. Un monsieur a payé le taxi et les frais d’admission à l’hôpital, une dame m’a apporté des affaires pour me couvrir et est restée avec moi jusqu’à ce que ma famille arrive. Pour le moment, seule ma mère avait été autorisée à me voir quelques minutes pour se rassurer sur mon état. Je ne sentais toujours pas le bébé bouger, mais la dame qui m’avait ausculté m’avait assuré que son cœur battait toujours.


-Bonjour Madame, dit une dame en blouse blanche en entrant dans la salle.


-Bonjour, répondis-je d’une voix faible.


Elle prit le temps de s’asseoir à côté de moi et de me sourire avant de continuer.


-Comment vous vous sentez ?


Je ne sais pas pourquoi cette simple question me toucha autant. Peut-être était-ce la réponse qu’elle exigeait qui me troublait autant, toujours est-il qu’en cet instant là je sentais tellement la misère du monde reposer sur mes épaules, je ne me sentais tellement pas bien, que je me remis à pleurer. La dame ne dit rien et me prit dans ses bras. Elle me laissa pleurer un moment puis me dit d’une voix douce :


-Je pense que ça peut suffire maintenant ma chérie.  Arrête de pleurer maintenant. Ce n’est pas bien pour le bébé. Je t’ai laissé parce que j’ai senti que tu en avais besoin, mais ce n’est pas bien que tu te mettes dans cet état surtout après le choc que tu as subi.


-Ok, dis-je en reprenant mon souffle et en m’essuyant le visage.


-Voilà, c’est bien. Je suis madame Annie MENSAH. Je suis le chef du service de maternité. J’allais partir quand on t’a emmenée et j’ai voulu te voir avant de laisser mon tour à la sage-femme de garde. Tu te sens mieux ?


-Oui ça va Madame, merci.


-Comment tu t’appelles ?


-Yabo, madame. Yabo ASSION.


-D’après ce qu’on m’a dit, tu as eu un accident Yabo. Qu’est ce qui s’est passé ?


-Je ne sais pas Madame. J’allais traverser la rue pour rejoindre l’autre côté avec ma moto. J’ai bien regardé avant de traverser, je ne sais d’où l’autre conducteur et sorti.


-Hmmm, je vois. Il faut faire très attention. Surtout dans ton état. On m’a dit que tu es restée inconsciente un moment et que tu t’es plainte de douleurs aux reins.


-Oui.


-Bon, pour le moment nous ne pouvons pas faire d’examens plus approfondis. Il fait nuit tu comprends ? Mais le cœur du bébé va bien et il ne semble pas y avoir de complications de ce côté-là. Tu le sens bouger ?


-Pas encore.


-Ok, ça viendra ne t’inquiètes pas. Tu en es à combien ?


-J'en suis à la vingtième semaine d'aménorrhée.


-Ok. A ce stade là, ils dorment beaucoup. Bientôt tu le sentiras bouger. Si jamais ce n’est pas le cas, préviens l’infirmière de garde.


-Ok, merci madame.


-Je vais y aller. Mais j’aimerais te dire une dernière chose. Il faut que tu pries beaucoup. Dans cet état tu es vulnérable aussi bien physiquement que spirituellement. Une grossesse c’est la formation de la vie, et le malin voudrait passer par tous les moyens pour que la vie ne prospère pas dans ce monde. Il faut que tu sois forte et que tu demande la protection divine pour toi et pour ton enfant. Excuses-moi de te dire ça, mais je suis chrétienne et je fais ce métier depuis assez longtemps pour savoir que dans cet état, il faut vraiment intensifier le combat spirituel.


-Non, je vous remercie plutôt madame. Ne vous excusez pas. Je ferai comme vous avez dit.


-Ok, je ferai une petite prière pour toi en rentrant. Prends soin de toi. Je fais entrer un monsieur qui voulais te voir depuis un moment. Je pense que ça doit être le papa, ajouta-t-elle en souriant.


-Ok. Faites-le entrer. 

Merci beaucoup Madame.


-Bonne nuit ma chérie.

9 mois 40 semaines e...