Toucher le fond.

Write by Farida IB



Emmanuel OSSENI…


Je monte les escaliers menant vers l’appartement d’Annick en répétant dans mon for intérieur le discours que j’ai préparé pour elle. Je ne suis pas doué aux mots, mais j’espère l’épater. Quand j’arrive au premier, j’agrippe tout juste la rampe du second escalier que la petite pimbêche du premier sort de son appartement.


Aline : bonsoir chéri.


Moi ton neutre : salut !


Aline : eh ben tu disparais comme ça de l’immeuble sans un  au revoir aux voisins ? 


Moi (reprenant les marches) : bonne soirée Aline !!


Aline (hurlant après moi) : c’est génial ça tu as retenu mon prénom ! Au fait, ma proposition tient toujours, tu sais ?


Je poursuis simplement mon chemin en pensant qu’il y a des choses qui ne changent pas dans cet immeuble.


J’arrive aussitôt au deuxième et prends la direction de notre appartement, au fur et à mesure que je me rapproche de la porte, je perçois comme des soupirs ponctués de gémissements. Je fronce les sourcils et hésite un moment avant de me décider à franchir le seuil de la porte. Je veux pas aller un peu trop vite en besogne, elle a quand même pu tenir tout ce temps. Hier encore cette lueur mélancolique qu’elle traîne depuis des mois subsistait toujours dans son regard. 


Au moment où je pousse la porte, je tombe sur un spectacle qui tétanise tous les muscles de mon corps. Là autant mon corps que mon esprit refusent de s’imprégner de cette image d’Annick en train de se faire astiquer par sa sœur. Je  les regardes faire alors que je sens le sang me monter au cerveau, un moment je toussote sans le faire exprès. En fait je commençais à manquer de respiration.


Annick (clignant plusieurs fois les paupières) : Ma… Ma… Manu ????


Moi : je vous en prie ne me laissez surtout pas vous interrompre.


Cholah baisse la tête comme un enfant pris en faute et Annick me fixe les yeux grands ouverts comme si elle n'en revenait pas. Je me tiens toujours à quelques pas de la porte essayant de me remettre du choc.


Cholah (au bout d'un moment) : euhh je vais y aller !!


Elle se saisit de ses chaussures et de son sac avec des gestes précipités avant de prendre la direction des escaliers en mode furie.


Moi (fixant Annick avec dédain) : je n’aurais jamais dû revenir dans ce satané appartement, tu me donnes envie de vomir !!


Annick (la voix tremblante) : je… Je… Ce n’est pas ce que tu crois.


Moi indigné : je ne sais pas ce que je devrais croire, mais je crois en ce que j’ai vu. Quand je pense que j’ai eu foi en ton changement, j’ai pris un appartement dans l’autre aile de l’immeuble pour m’en assurer et j'ai fini par y croire. Chaque matin depuis près de quatre mois, je m’arrête au balcon pour admirer la nouvelle personne que tu es devenue. Celle qui n’avait plus que pour seules préoccupations sa formation, son commerce et la quête de son amour perdu. Je m’en voulais d’avoir été aussi dur envers toi alors que nous étions partis sur un mauvais pied. J’étais prêt à te pardonner ton passé pour qu’on reprenne notre histoire sur de nouvelles bases, mais je pense que je suis arrivé dans le timing parfait pour m’éviter de commettre à nouveau cette bavure. En fait, tu n’as pas changé du tout tu t’es juste métamorphosé en gouine !! Et avec qui ? Ta petite sœur, ta petite sœur !! Franchement, tu me dégoûtes.


Annick : elle n’est pas ma sœur, Cholah n’a jamais été ma sœur et Asanda non plus. J’ai changé poussin, je l’ai fait pour nous. C’était une erreur ce qui s’est passé, elle m’avait pris de court, je ne voulais pas, je te jure que je ne voulais pas.


Moi : tu me prends pour un imbécile en plus ? Tu veux me dire que ce n’est pas toi qui gémissais tantôt sous les coups de langue de ta sœur ou je ne sais qui d’autre ? 


Annick (baissant la tête) : … 


Moi : c'est ce que je pensais.


Je tourne les talons sans plus attendre, je pense que je n’ai plus rien à faire dans ce pays.


*

*

Nihad ANOUAM…


Drinnnnnggg Drinnnnggg


J’ouvre lentement mes yeux pour me rendre compte que c’est mon téléphone qui sonne. Je tâte partout sur le lit avant de le retrouver sous l’oreiller. C’est Dylan, j’avise aussitôt l’heure et failli pété un câble. 


Moi furieuse : bon sang Rassondji tu me veux quoi à deux heures du matin ?


Dylan : je t'en prie ne raccroche pas.


Moi sèchement : qu’est-ce que tu veux ? 


Dylan : je voudrais te parler.


Moi : tu es la dernière personne avec qui je voudrais avoir une discussion en ce moment et de surcroît à cette heure précisément.


Dylan : écoute-moi s’il te plaît, ce que j’ai à te dire me tient à cœur.


Moi bourrue : et bah je m'en fous !!


Dylan plaintif : Nihad s'il te plaît...


Moi soupire agacée : tu as deux minutes.


Il soupire et je me mets à faire le compte à rebours des secondes.


Dylan : Nihad, je t’aime, ma vie n’a plus de sens sans toi. Tu me manques, ton odeur, ton sourire, ta chaleur me manque. Tes bisous dans mon cou, ton corps sur mon corps, tes lèvres contre mes lèvres, ça me tue de ne plus t'entendre dire "je ne suis qu'à toi", de ne plus t'entendre me dire "Je t'aime".


Moi : c'est bon tu as fini ? J'ai pris note, bonne nuit !!


Il soupire une seconde fois.


Dylan : je t’ai rendu ton argent bébé, que veux-tu que je fasse d‘autre pour me racheter ? Dis-le-moi et je le ferai sans inhibition. Tout ce qui compte pour moi c’est toi et non l’argent. Donne-moi une seconde chance et je te jure que ce sera toi et moi, sans magouille, sans imposture. 


Moi (rire dérisoire) : tu m’as rendu mon argent parce qu’on t’avait forcé la main. Franchement j'en ai marre de toi Dylan, fous moi la paix une bonne fois pour toutes.  


Dylan : bébé, je sais que tu n’as jamais cessé de m’aimer et je t’aime aussi comme un fou. Réécrivons notre histoire sur une nouvelle page, je te promets d’être l’homme de tes rêves. Ne laisse pas la colère rembrunir ta pensée, écoute ton cœur s'il te plaît.


Moi : pour ta gouverne mon cœur, mon âme, mon cerveau, mon corps, tu les as eus et tu as gaspillé alors tu ne peux que t’en prendre à toi-même. Maintenant laisse-moi dormir.


Clic !


Je raccroche sans ménagement. Quand je dis que l’enfant-là ne se prend pas pour du n’importe quoi, venir couper mon sommeil juste pour me raconter des bobards. C’est même quoi son problème à la fin ? Tssrrrrrr !!!


 Je me recouche et plus d’une heure plus tard alors que je peine à retrouver le sommeil, mon téléphone sonne à nouveau. Je décroche furieusement.


Moi (avec humeur) : non mais tu vas me laisser tranquille ?  


Gabrielle (au bout du fil) : oh, c’est comment ? Ils t’ont déjà appelé ? 


Moi (me passant la main sur le visage) : désolée, je pensais que c’était Dylan (plissant le front) qui est censé m’appeler ? Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi tu m’appelles à cette heure de la nuit ? 


Gabrielle : une question à la fois non ? Bah, en fait, je suis au camp roux (gendarmerie).


Moi (me levant en sursautant) : tu fous quoi là-bas ?


Gabrielle : c’est une longue histoire, viens me chercher s’il te plaît.


Moi soupir : pourquoi ça ne m’étonne même pas ? 


Je m’habille rapidement.


Gabrielle : laisse ça comme ça, euhh prend le maximum d’argent sur toi. On ne sait jamais.


J’arrange mes cheveux du mieux que je peux et me saisis de mon portefeuille, la chance même que j’ai de la liquidité sur moi. Je démarre ensuite sur des chapeaux de roue. C’est pendant le trajet que j’appelle Dylan, il a un pote gendarme qui peut nous sortir facilement de cette affaire. C’est la dernière personne à qui je voudrais demander un service en ce moment, mais on va encore faire comment ? La fille qu’on appelle Gabrielle a le don de nous mettre dans de gros ennuis. Je ne compte pas lui faire cadeau cette fois, elle va seulement sentir le fer passer cette fois tsssuiiippp !!! 


Je passe à Batterie IV chercher Dylan qui était plus que ravi de me rendre ce service, on se met direct en route, son ami nous rejoindra sur place. Pendant que je conduis, je regarde droit devant moi et lui non plus ne parle, enfin vu la gravité de la situation, il sait qu’il n’a pas besoin d’en rajouter. Quand on arrive, on fonce rapidement vers le premier agent qu’on rencontre, celui-ci nous renvoie sur un banc sans plus d’explications jusqu’à ce que James (l’ami) arrive sur les lieux. Il va aussitôt recueillir les informations et nous revient quinze minutes, plus tard, arborant une mine plutôt grave. On se précipite vers lui en parlant tous les deux en même temps.


Moi : qu’est-ce qui se passe ?


 Dylan : ils t’ont dit pourquoi ils l’ont arrêté ?


James : oui, et c’est plus grave que ce je pensais. Elle a été arrêtée en possession de stupéfiants.


On parle encore en même temps.


Moi : quoi ?


Dylan : comment ça ? 


James expliquant : ton amie ferait parti d’un réseau de dealer dont la police suit les traces depuis un bon moment. Ce soir, ils l’ont envoyé faire un échange sans savoir que leur client était en fait un agent infiltré. C’est lui qui a procédé à son arrestation, les autres membres du groupe ont pris la fuite.  Ils sont  activement recherchés par la police actuellement et tant qu’elle ne les dénonce pas, elle sera retenue ici jusqu’à son jugement. Enfin, ils veulent surtout le chef du réseau, un certain King.


Moi en mode panique : mais ça c’est quelle histoire ? Ils sont sûrs que c’était vraiment elle ? 


James : ils l’ont pris la main dans le sac.


Je commence à taper tes pieds, Dylan me presse doucement l’épaule ce qui a le don de me calmer spontanément.


Dylan : ils disent quoi concrètement ? Il n’y a pas moyen de trouver un arrangement ? 


James lui répondant : type toi-même, tu sais que l’affaire de drogue, c’est cinq ans minimum plus amende. Là, toutes les preuves l’accablent, ça nous sera difficile de la sortir de ce guêpier du moment où elle refuse de coopérer. À moins qu’elle ait un bras vraiment solide, elle aurait également besoin d’un avocat.


Tchouooo !!!


Moi parlant vite : j’appelle son père, c’est la fille du colonel Obiang.


Ce que je fais.


James (écarquillant les yeux) : elle fout quoi dans une affaire de drogue ? 


Dylan intervenant : elle a dû se faire piéger.


Je tombe sur son père à qui je me retiens de parler du contexte de son arrestation pour éviter que sa mère ne fasse un AVC. En attendant qu’ils arrivent, James fait un tour voir s’il y a du nouveau. Il revient cette fois avec un air plutôt abattu, Dylan et moi, nous lançons un regard inquiet.


James : bon, je leur ai dit pour son père et en plus, elle soutient ne pas être au courant du contenu de ce que son petit ami lui avait refilé pour  « un petit échange ». Ce qui fait qu’elle pourrait s’en sortir indemne au cas où elle dénonce le petit ami en question, le seul bémol, c’est qu’elle refuse catégoriquement de le faire.


Moi dépassée : elle ne veut pas le dénoncer ? 


James : wep !!


Moi (la main sur le cœur) : mon Dieu !! Gabrielle me fait quoi là ? 


Un léger vertige failli me faire tomber, Dylan me rattrape par l’épaule et nous fait asseoir sur le banc. Les parents de Gabrielle arrivent au même moment et parlent tous les deux en même temps.


M Obiang : où est ma fille ?


Mme Obiang : Nihad qu’est-ce qui s’est passé ? Ta sœur fait quoi là ? 


James leur explique, à la fin de son récit son père prend la direction des escaliers les sourcils froncés suivit de James. Sa mère se laisse tomber lourdement sur le banc avant de se mettre à pleurer  silencieusement. On attend près d’une heure trente minutes avant qu’ils ne reviennent. 


M. Obiang à moi : tu connais cet énergumène dont ma fille s’obstine à taire le nom ? 


Moi prise de panique : euhh…


M. Obiang avec humeur : c’est la seule solution qui s’offre à nous, étant donné que vous faites toujours tout ensemble, tu dois connaître le type, j’imagine.


Moi titubant : euhh oui, mais… Euhh, je sais juste qu’il s’appelle King.


Mme Obiang (recommençant à pleurer) : ma fille parle ohh, dis nous tout ce que tu sais (croisant ses mains sur la tête) Gabrielle va me tuer, seigneur qu’ai-je fait pour mériter cela ? 


M Obiang à sa femme : Caroline ce n’est pas le moment de pleurnicher (se tournant vers moi) tu ne sais rien d’autres ? Comme son domicile ou les lieux qu’il a l’habitude de fréquenter par exemple ?  


Moi (remuant la tête) : non, en réalité, il vit à Port-Gentil. Il vient sur Libreville un Week-end sur deux.


Mme Obiang : si je veux bien comprendre, c’est à cause de ce bangando (bandit) que Gabrielle se rend tout le temps à Port-Gentil et non pour le travail ?


Pardon, je donne ma langue au chat.


Dylan (qui n’a pas parlé depuis) : M Obiang qu’adviendra t’il d’elle si on ne retrouve pas ce King ? 


M. Obiang : je la laisse croupir en prison !


Mme Obiang (s’agitant sur le banc) : non ehh Odimba ne dis pas ça, fait quelque chose s’il te plaît. Je mourrai en sachant ma fille en prison.


M Obiang maugréant : c’est ce qu’elle mérite, tout ça c’est toi Caroline, c’est toi qui cautionnes ses choses. Voilà ce que ton éducation occidentale a engendré, « il ne faut pas brutaliser l’enfant, il ne faut pas crier sur l’enfant… » nanani nanana. Tu as vu dans quelle situation délicate elle nous met aujourd’hui ?


Mme Obiang implorant : tu as raison, mais fait la sortir d’ici et je te promets de te laisser faire tout ce que tu veux d’elle.


M. Obiang (hurlant) : en attendant, il faut qu’elle révèle le nom de cette crapule !


Je sursaute pendant que Dylan et James s’échange un regard, Mme Obiang se tut en se contentant de pleurer en silence.


Flottement.


James : euh, il faut que j’y aille, je dois reprendre le service dans une heure.


Moi : ok, merci beaucoup pour ton aide.


Dylan : je te raccompagne.


Mme Obiang : merci mon fils.


M Obiang : jeune homme laisse-moi ton contact, je t’appellerai plus tard.


James : d’accord monsieur.


Il lui laisse sa carte puis Dylan et moi l’accompagnons à sa voiture. On attend qu’il démarre avant de faire volte-face. 


Dylan (pendant qu’on avance) : ça va toi ?


Moi : oui, merci de demander. 


Dylan : je suis désolé pour ton amie.


Moi arquant un sourcil : en même temps, elle l’a cherché.


Dylan : mais elle risque de finir en prison.


Moi : son père va lui sauver la mise t'inquiète.


Dylan : je l’espère.


Je lui jette un coup d’œil.


Moi : au fait merci pour ta sollicitude.


Dylan : c’est moi (du tic au tac) Nihad euhh, je tiens vraiment à ce que tu me pardonnes pour ce qui s’est passé entre nous.


Moi : Dylan, ce n’est ni l’endroit ni le bon moment pour parler de ça.


Dylan ton suppliant : je sais, mais j’aimerais que tu me trouves un créneau pour qu’on puisse parler.


Moi coupant court : on verra.


Il s'abstient d'ajouter quoi que ce soit, lorsqu’on arrive dans le hall, on retrouve Mme Obiang qui nous informe qu'un agent est venu chercher son mari. Il revient sans tarder et nous libère aussitôt. Miss Obiang refuse toujours de moucharder son King. On quitte les lieux sur cette note, le trajet retour se  fait également en silence jusqu’à ce que la sonnerie de mon téléphone le brise. Je branche le kit oreillette et décroche ensuite.


Inconnu : bonjour, j’appelle bien sur le numéro de Nihad Anouam ?


Moi arquant le sourcil : oui, c’est moi, à qui, ai-je l’honneur ?


Inconnu : j’appelle de la clinique El Rapha, connaissez-vous une certaine Geneviève Mikala ?


Moi : c’est ma mère, il y a un souci avec elle ?


Inconnu : oui, elle vient de faire une crise cardiaque (boum du cœur) et le monsieur qui l’a envoyé nous a laissé vos coordonnées. Passez rapidement payer ses frais d’hospitalisation pour que nous puissions nous occuper d’elle. 


Moi : comment ça ? Le monsieur qui l’a envoyé est où présentement ? 


Inconnu : écoutez mademoiselle, votre père l’a juste déposé sur le brancard d'ambulance et nous as remis une carte en votre nom donc vous savez ce qu’il vous reste à faire. L’état de la patiente est très critique.


Moi : ok, j’arrive.


Je laisse le volant à Dylan, là, je touche vraiment le fond !!

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