UN AMOUR PLUS FORT
Write by Puma
Les parents de Sèna avaient très tôt fait fortune dans l'immobilier. Passionné d'architecture, Monsieur Sun ne tarda à réaliser ses conceptions innovantes sur les terrains qu'il a hérités de son défunt père. Parti très tôt, ce dernier avait quand même réussi à lui inculquer la recherche perpétuelle d'un mieux-être. Monsieur Sun ne se contenta pas de s'installer dans ces belles demeures. Il les loua et vendit. Il ne tarda pas à débaucher sa ravissante future épouse de sa société. Elle y travaillait comme agent immobilier et se consacrerait désormais uniquement à leurs affaires. Ce ne fut que lorsqu'ils décidèrent de vivre ensemble, qu'il se mit à dessiner la ravissante maison qui aujourd'hui leur sert de demeure familiale. Elle n'avait pas toute la charge décorative des villas qu'il louait mais était bien plus coquette et chaleureuse. La salle de séjour donnait une vue magnifique sur un jardin quelque peu mal entretenu, puisque confié aux soins de leurs enfants, mais dont les couleurs et le charme naturel éblouissait. La véranda qui la côtoyait offrait des sièges doux propices à des confidences et autres moments de partage d'amitié. Amie d’enfance de leur fille, les parents de Sèna considéraient Bayi comme un membre de la famille. En dépit des histoires colportées à son sujet, jamais ils n’avaient interdit à leur fille de la fréquenter. Encore moins penser à retirer Sèna du Club. Et ce n'était pas les avantages boursiers qui les retenaient.
L’année scolaire courait à sa fin. Bientôt les grandes vacances. Le championnat national interscolaire de football allait débuter. Mais pour l’heure, les entraînements étaient suspendus le temps des examens scolaires. Ils étaient déterminants pour valider l’année. Il fallait se concentrer pour les réussir. C'était l’occasion pour Sèna de prouver à ses parents qu’ils n’avaient pas eu tort de la laisser vivre sa passion. Elle voulait être le témoignage de ce qu’une fille pouvait très bien allier sport et études. Sèna ne parvenait pourtant pas à avancer dans ses révisions. Elle repensait au club. Bien que les activités aient repris, l’ambiance qui prévalait au sein des filles n’était pas idéale. Il manquait encore cette symbiose qui faisait la force de l’équipe. En dépit de l’intervention du coach pour rétablir la confiance au sein du club, l’absence de Vivi rappelait encore la période de crise qu’elles avaient connue. Elle occupait le poste de défenseur central. Même remplacée, l’équipe manquait toujours de son expertise. Les autorités avaient conclu à des dérapements d'adolescents. Pourtant, Sèna savait depuis la confession de Vivi qu’il y avait encore d’autres pans cachés de cette histoire. Elle était davantage certaine que son amie Bayi ne lui disait pas tout.
En cette période, jamais les parents n’autoriseraient de sortie. Sèna n’aimait pas non plus désobéir à ses parents. Elle savait que c'était grâce à leur rigueur qu'elle était devenue cette jeune fille consciente. Toutefois, elle tenait à voir Bayi. Elle était la source déclenchante de la crise. Elle seule pouvait réellement y mettre fin et peut-être obtenir le retour de Vivi. Si les deux amies ne s’étaient plus parlées depuis longtemps, elles ne manquaient pas de se voir. Mais Bayi évitait toute discussion.
C’est Afi qui ouvrit la porte ce soir-là lorsque par surprise Bayi vint sonner. Afi était loin d’être naïve. Du haut de ses treize ans, elle comprenait déjà tout ce qui se disait du club. Cela l’affectait énormément d’entendre ses camarades traiter sa sœur de ces noms encore compliqués à retenir pour elle. Jusque-là, elle savait que c’était faux et prenait la défense de sa sœur. En plus, elle connaissait la coupable dans toute cette histoire. C'était Bayi. Lorsqu’elle la vit à la porte, la preuve de cette amitié insistante la confondit. Afi se jeta sur elle pour lui porter des coups de toute la force qu’elle pouvait dégager. Très vite, et bien heureusement, ses parents intervinrent pour l’empêcher de blesser Bayi, restée sans se défendre. Elle savait qu’elle méritait un peu cette haine portée à son égard. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle était venue, s’excuser.
_ Tu n’es pas en révision, demanda Monsieur Sun tout en tentant encore de calmer sa benjamine qui se débattait dans ses bras.
_ Si, répondit-elle d’une petite voix. Je suis venue prendre un document chez Sèna
Monsieur Sun savait que c’était un alibi. Il n’en demanda pas plus pour éviter de la mettre en pire état qu’elle n'était. Surtout après l’accueil chaleureux que venait de lui offrir Afi.
Alerté par tout le vacarme orchestré par sa sœur, Bignon dévala les escaliers, suivi de Sèna . La voyant en larmes, c’est vers Afi qu’ils se dirigèrent pour la calmer.
_ je suis venue te parler, fit Bayi en s’adressant à Sèna
Elle venait de noyer son alibi. Et le regard de Monsieur Sun montrait bien qu'il l'avait démasquée. Tentant de rattraper le coup, elle poursuivit:
-j’ai besoin du tableau récapitulatif du dernier chapitre d’anglais.
Sèna prit le temps de calmer sa sœur. Encouragée par sa mère, qui de ses hochements de tête l’incitait à prendre le temps d'écouter Bayi, Sèna se dirigea vers la salle d'études pour revenir quelques minutes plus tard avec une feuille de papier dans les mains.
_ il faut que je t'explique le tableau sinon tu ne comprendras pas.
Sèna se dirigea vers la véranda. Bayi lui emboîta les pas, pressée de quitter cette ambiance inconfortable.
Sèna avait toujours voulu que Bayi intègre le club de foot féminin de Nanguézé. Quoi de plus normal, c’était son amie la plus proche et elles avaient toujours tout partagé. Maintes fois, Bayi avait décliné son offre. Ce ne fut qu’après sa rupture avec Kodjo qu’elle accepta rejoindre son amie au jeu. La déception l'avait poussé à se négliger au point de perdre toute sa féminité et ressembler à un garçon. Et quoi de plus masculin que le football ? C'est ce que Sèna croyait avant les révélations de Vivi. Selon cette dernière, Bayi aurait accepté de rejoindre le club pour avoir plus de facilités à se rapprocher des filles afin de se venger de sa nouvelle déception avec elle. Il fallait absolument que Sèna écoute la version de Bayi .
Sèna s’assura qu’il n’y avait pas d’oreille indiscrète. Elle s’apprêta à engager la discussion pour lever toutes ces zones d'ombre mais fut devancée par son amie.
_ je suis amoureuse de toi
_ pardon ?
_ je suis amoureuse de toi Sèna , répéta-t-elle presque en larmes. Lorsque Kodjo m’a quittée, j’étais complètement dévastée. J’en suis venue à détester les hommes. Je les hais vraiment. Ils mentent si aisément sur leurs sentiments. Ils profitent de leur force et briment les femmes. Ils abusent de la facilité qu’on a à les aimer sans penser à nous. Je les déteste à un point où je ne supporterai plus jamais qu’un homme me touche. J’ai compris aussi que nous passons notre temps à chercher l’amour alors qu'il est à nos côtés au quotidien. Toi et moi avons grandi ensemble. On s’est toujours soutenu mutuellement. Au football, tu es ma meilleure co-équipière. On s’entends super bien. On a les mêmes goûts vestimentaires et culinaires. Nos parents se connaissent depuis longtemps. Tu es la seule à m’avoir soutenue quand je déprimais après ma rupture. Même Vivi qui semblait touchée par mon triste sort s’est jouée de moi.
Sèna écoutait sans rien dire. Elle s’attendait à tout sauf à une pareille déclaration. Mais lorsque Bayi évoqua Vivi, c’était l’occasion de clarifier l’histoire.
_ elle ne s’est pas jouée de toi et tu le sais.
_ tu as discuté avec elle ? Elle t’a raconté ?
_ oui
_ tout ?
_ oui
_ même qu’on l’a fait ?
_ oui. Et son regret juste après aussi.
Bayi se sentit à nu. Elle n’avait plus besoin de mentir. Elle ne pensait pas que Vivi aurait eu le courage de se confier. Jusque-là elle se permettait de se faire passer pour la victime.
_Ce n'est peut-être pas de l'amour mais je voulais quand même qu'on essaie toi et moi. Face à ton indifférence, j'ai fini par détourner mon attention de toi. Vivi a pris ta place. Elle me donnait l’attention dont tu me privais. Ta seule passion, c’est le football. Même les garçons avec qui tu y joues tout le temps ne t’intéressent pas.
_ tu es une sœur pour moi. Je ne te cachais rien, même pas ma nudité.
_ je voulais plus. Je te désirais. Tu sais que j’ai perdu ma virginité avec Kodjo. Une fois gouté, le plaisir sexuel est un fruit dont on a bien de mal à se priver. J’ai donc jeté mon dévolu sur Vivi. Je pensais qu’elle était également amoureuse de moi. Hélas, je me rendis bien vite compte que ce n’était qu’une pulsion nourrie par le désir de découvrir quelque chose de palpitant. J'ai entrepris de tenter ma chance avec d’autres filles. C'était un peu désordonné mais je ne les forçais à rien.
_ tu voulais quand même briser leurs cœurs comme le tien l’a été
_c'est Vivi qui t'a dit cela ? j’étais en colère, je ne le pensais pas. Je ne me voyais plus avec un homme, tant ils me dégoutaient. Je cherchais celle qui allait à nouveau me faire croire à l’amour.
- et c’est auprès de Téna que tu l’as finalement trouvé, l’amour ?
_ Téna? Non. C’est plutôt elle qui me harcelait. Elle tenait à m’offrir son intimité. Elle espérait qu’en retour je lui obtienne une bourse de formation à l’étranger par l’intermédiaire de mon père. Elle me guettait à la fin des entraînements pour se jeter dans mes bras mais je la repoussais.
_ c’est donc pour cela qu’elle t’embrassait la dernière fois où on devait cheminer pour rentrer.
_ tu étais donc venue ? Et c’est pour cela que tu ne m’as pas attendue. Et tu m’as jugée sans m’en parler ?
_tout le monde se plaignait de toi, Bayi. Tu avais changé. Quand je vous ai surprises, c’était comme une preuve.
_ les apparences sont trompeuses. Oui j’ai changé. Oui je m’intéressais aux filles, mais jamais je n’en ai harcelé. Toi qui me connais depuis si longtemps, tu devrais le savoir.
_ tu ne me disais plus rien. Je ne savais même pas que mon amie s'intéresse aux filles. Moi je te défendais partout. Comment faire la part des choses ?
_ j’avais peur que tu me juges.
Bayi n’eut que ses mains pour recueillir ses larmes. Sèna se sentait trahie. Entendre ces vérités de la bouche de Bayi était beaucoup plus dur qu'elle ne l'aurait imaginé. Elle ne se sentait plus assez proche d'elle pour prêter épaules à ses larmes. Si toutes ces années d'amitié n'ont pas été suffisantes pour qu'elle lui avoue quelque chose d'aussi intime, elle ne savait plus comment elle devait lui témoigner son affection. Bayi comprit qu'elle perdait l'amitié de Sèna.
_tout cela pour me rendre compte que les filles aussi jouent avec les sentiments. Décidément, ce n’est pas fait pour moi l’amour.
_ ce sont les sentiments qui jouent avec nous Bayi. L'amour lui, on a tout le temps pour le connaître. Tu ferais mieux d'arrêter de chercher entre fille et garçon qui te procure le plus de frissons. L’amour est bien au delà de ça.
_ tu sais quoi de l'amour ? Tu n'as jamais eu de copain
_ ce n'est pas pour autant que je ne suis jamais tombé amoureuse
_ et tu ne m'en as jamais parlé ?
_ à quoi bon, je n'avais pas envie d'entretenir pareille relation
_ et pourquoi donc ? Tu préfères souffrir en silence et cacher tes sentiments ?
_ Je ne me sens pas prête à assumer une relation amoureuse. Et ce n'est pas de la souffrance, on est amis. Cela me suffit pour le moment
_ dis moi qui c'est
_ pourquoi te le dirais-je alors que toi tu ne me dis rien?
_ Si je te confie un secret tu me le diras ?
_ peut-être. Montre moi d'abord que tu es sincère avec moi et que je ne me suis pas trompée sur ta personne.
_ c'est vrai que je ne t'ai pas tout dit. La vérité c'est que Kodjo n'est pas le premier que j'ai connu.
Sèna n'en revenait pas. Encore un autre secret. Sur quoi d'autre lui avait-elle encore menti ? À cette allure, elle allait peut-être découvrir qu'elle était véritablement un garçon.
_ ce n'est pas ce que tu crois. Kodjo est le premier garçon avec lequel j'ai eu une vraie intimité. Mais avant lui j'ai eu une expérience avec une fille.
***
Orou avait appris que toute cette histoire d'harcèlement n'était que malentendu. Néanmoins, la révélation des intimités eues entre les filles ne l'enchantait guère. Les concernées étaient des amies à sa bien-aimée. Il aurait préféré qu'elles lui soient inconnues. Même s'il s'est éloigné d'Aya, il continuait de brûler d'amour pour elle. Aya avait dit la vérité. Elle n'avait rien à voir avec toute cette histoire. Mais Orou savait que ses parents ne la verront plus avec la même pureté qu'auparavant tant qu'elle continuerait de fréquenter ses amies. Il était pris entre le marteau et l'enclume, entre l'amour et la recherche de l'image parfaite d'une petite amie. Il finit par se décider à reprendre avec Aya, tant le feu de l'amour le brûlait. Mais à condition qu'elle délaisse le football et ses amies.
Aya avait accepté le revoir sur insistance de ses amies. Elle avait énormément souffert de la séparation. De l'eau avait coulé sous les ponts et elle avait tourné la page. Elle n'avait plus envie de réveiller de vieux souvenirs. Le manque de confiance d'Orou l'avait blessée. Pourtant, elle espérait secrètement qu'il assume son amour sans chercher à faire les choix à sa place.
Première arrivée sur les lieux, elle s'adossa à un des murs qui clôturaient l'usine. Elle n'attendit pas longtemps. Orou honora le rendez-vous les minutes qui suivirent. Aussitôt qu'elle le vit, Aya s'arracha du mur pour aller à sa rencontre.
-il faut que je rentre tôt, les parents ne savent pas que je suis sortie
-tu ne sors jamais sans prévenir tes parents Aya, tu cherches une excuse pour vite rentrer.
-je ne veux pas que la nuit me surprenne
-Je ne serai pas long, c'est promis. Viens t'asseoir stp, fit-il en lui prenant son poignet de ses deux mains veloutées.
Aya n'eut pas de résistance. Elle se laissa guider vers un vieux tronc d'arbre abattu non loin de la vieille bâtisse où ils avaient l'habitude de se retrouver. Chevauchant le géant végétal, Orou s'assit en face d'elle et plongea son regard dans le noir de ses yeux.
-te rappelles-tu la première fois où on s'est embrassé ?
Aya esquissa un léger sourire.
-il a fallu que je te supplie pendant de longues minutes avant que tu me laisses t'approcher. Tu avais peur des conséquences, tu ne voulais pas aller à l'encontre des principes religieux. Tu disais que tu voulais me garder pure jusqu'au mariage.
-oui, j'avais peur de te faire perdre ta pureté. Je n'imaginais pas te toucher sans t'avoir honorer devant ta famille. Je voulais attendre d'avoir pleinement le droit avant de toucher ne serait-ce qu'un seul de tes cheveux. Tu es la plus belle personne que je connaisse. Si j'ai voulu que tu quittes ce club de football, c'est pour te protéger. Tu es si candide à mes yeux. Je ne supporte pas l'idée que ton image soit salie. Cela me brisait le cœur de savoir qu'on parlerait mal de toi à cause du club que tu fréquentes. Je ne voulais pas que tu subisses cela.
-pourquoi revenir sur le sujet ? À tes yeux, mon image s'est également défaite. C'est pour cela que tu es parti.
- je te demande pardon Aya . Je n'ai pas eu le courage de rester affronter les autres et te défendre. J'avais aussi mon image à défendre aux yeux de mes parents et de notre communauté.
-tu as préféré sacrifier ton amour pour ton image. Je l'ai accepté. Mais moi j'avais besoin que tu sois à mes côtés pour me soutenir lorsque tous me pointeraient du doigt. Car je tenais à continuer à vivre ma passion pour le football.
-j'espérais que ton amour pour moi soit plus fort que ta passion pour un jeu
-et moi j'espérais que tu m' aimerais suffisamment pour ignorer les regards des autres.
-je veux que tu reviennes Aya. Je t'aime et tu le sais.
-j'ai besoin que tu crois en moi. Je ne vais pas abandonner une passion et un sport pour lequel je suis douée juste par peur d'être catégorisée. J'aime le football et même si toutes mes coéquipières changeaient d'orientation sexuelle je continuerai à jouer au football avec elles. Tant que mon intégrité et mes valeurs sont respectées, les autres peuvent penser ce qu'ils veulent. Pourras-tu assumer cela avec moi ?
Orou leva la tête vers le ciel. Aya lui demandait l'impossible. Comment lui le fils aîné d'un dirigeant religieux pouvait se permettre le luxe de faire fi de l'image de sa bien-aimée dans la société.
-tu n'es pas comme ces filles, Aya. Il y a d'autres sports dans lesquels tu peux t'épanouir
- moi j'aime le football. Et si de pareilles histoires se révèlent dans le nouveau club de sport, m'obligeras-tu à changer encore une fois de sport ?
-non, les autres disciplines ne sont pas si masculines que le football. C'est l'idée de se prendre pour des hommes qui font que les filles jouent au football et finissent par se livrer à ces jeux malsains.
-donc moi je me prends pour un garçon?
-non justement. Voilà pourquoi cela ne te convient pas.
-moi je veux jouer au football.
- je ne peux pas assumer cela, tu le sais. Ma famille ne voit pas tout cela d'un bon œil. Encore moins avec tout ce qui s'est passé au sein du club récemment. J'espérais en venant ce soir que les révélations de tes amies seraient raisons suffisantes pour te faire quitter le club.
Orou se rapprocha d'Aya. Les souvenirs tant évités remontèrent. Aya pouvait sentir le souffle tiède d'Orou s'éteindre sur son visage. Tout l'amour qu'elle ressentait pour lui remonta à ses lèvres. Encore toute tremblante de désir, elle réussit quand même à les empêcher de s'écraser sur celles d'Orou
-tu n'as plus peur de me faire perdre ma pureté ?
-un seul baiser Aya, ne me le refuse pas
-si tu acceptes rester avec moi malgré mes choix, tu pourras avoir autant de baisers que tu voudras
-je ne peux pas Aya
-alors laisse-moi rester pure pour celui qui m'acceptera
***
La messe avait été prolongée. Les annonces étaient nombreuses pour la semaine à venir. La nuit était complètement tombée. Monsieur Glagla décida d'aller chercher sa fille à l'office religieux. Encore quelques minutes et il put l'apercevoir sortir du bâtiment qui abritait l'autel. Vivi ne se dirigea pas vers la sortie. Elle prit le chemin menant à un autre bâtiment plus en retrait dans l'enceinte de l'établissement religieux. Le sanctuaire. Monsieur Glagla connaissait bien les lieux. Pratiquant régulier de sa foi, il savait que le silence était requis pour l'exercice spirituel dans ce lieu de haute connexion. Contemplation, méditation, invocation. Voilà ce à quoi l'on s'y invite. Ce n'était pas le moment d'interpeller Vivi.
En dehors de quelques couples restés s'entretenir au sujet de la préparation de leur mariage, il n'y avait plus grand monde dans la cour. Monsieur Glagla commençait par se sentir bien ennuyé. Plus d'une heure déjà que Vivi était au sanctuaire. Madame Glagla avait déjà appelé plusieurs fois. Dans ses dizaines de messages, elle enrageait à l'idée de voir refroidir le dîner qu'elle avait mis tant de soin à apprêter. Fatigué d'attendre, Monsieur Glagla se décida à aller chercher sa fille.
La lumière qui régnait dans le sanctuaire n'avait rien de comparable avec l a petite lampe qui éclairait la pièce . L'entrée faisait face à l'autel. Monsieur Glagla s'obligea à la révérence due au maître des lieux. Vivi était seule. Elle s'était assoupie faisant corps avec un des murs de pièce. La fatigue avait eu raison d'elle. Les compositions étaient pour le lendemain. Elle avait passé toute la journée à étudier.
Monsieur Glagla vînt s'asseoir sur le banc sur lequel s'était posée Vivi. De son regard de père, il revoyait la petite enfant qui avait grandi dans l'amour du cadre familial. Il repensa aux beaux projets d'avenir qu'il avait élaboré pour sa fille. Tous ces rêves de parents de voir leur enfant réussir ce qu'eux-mêmes n'ont pas eu la chance de concrétiser. Mais lorsque ses pensées revinrent à la relation de sa fille avec celle du directeur du sport scolaire, Monsieur Glagla fondit en larmes. Bien vite, sans pouvoir s'arrêter, il éclata en sanglots. Brisant le silence du sanctuaire, il se réfugia en prières pour soulager sa peine.
-pardonne-moi Seigneur, j'ai échoué. Comment ai-je pu laisser cela arriver ? Je n'aurais jamais dû la laisser jouer au football. Voilà maintenant elle se considère comme un garçon et va vers des filles. Pardonne-moi Seigneur, j'aurais du voir tout cela venir.
Madame Glagla n'était pas d'accord pour que Vivi intègre le club féminin de football. Elle avait eu vent de tout ce qui se disait des joueuses de football. Leur démarche métamorphosée et leur habillement de garçon manqué. Le plus inquiétant était leur envie de prouver qu'elles étaient aussi efficaces sur le terrain que les garçons. Cela les poussent à rivaliser avec le genre masculin. Madame Glagla ne voulait pas voir sa petite Vivi changer. Elle avait un bel avenir dans la chorale. Elle faisait ses dévotions de manière exemplaire. Mais lorsque son mariperdit son travail, il fallut chercher tous les moyens possibles pour alléger les charges familiales. Devant l'offre de bourses scolaires, elle laissa Vivi passer le test d'entrée sans grande conviction. A sa grande surprise, sa fille fut retenue. Elle n'avait plus de raisons de l'empêcher d'intégrer le club féminin de football.
Monsieur Glagla s'en voulait. S'il avait pu faire face aux besoins de sa famille, sa femme serait restée sur sa position. S'il avait essayé une reconversion au lieu de se limiter à ses demandes d'emploi, peut-être aurait-il eu plus de chance de redorer ses finances. Mais comment pouvait-il imaginer qu'avec toutes ses années d'expérience il serait toujours au chômage après deux années de recherche d'emploi ? Il espérait vote retrouver un travail pour ensuite la retirer du club. Hélas, il demeurait au chômage.
-pardonne-moi Seigneur, j'ai livré mon enfant au péché. Seigneur aie pitié de moi, j'ai détourné ton enfant du droit chemin
Vivi fut réveillée par les bruits de son père. Ce dernier ne s'en rendit pas compte. Il était tourné vers l'autel préoccupé à se soulager de ce sentiment de culpabilité. Cela faisait quelques minutes que Vivi regardait son père en larmes. Ce qu'elle craignait était devenue réalité. Elle donnait de la peine à ses parents. Jamais elle l'avait fait. Toujours obéissante, elle avait toujours fait la fierté de ses parents. Benjamine d'une fratrie de huit enfants, elle savait la place de choix qu'elle occupait dans le cœur de ses parents. Ils n'ont jamais hésité à lui donner ce qu'elle désirait tant qu'ils avaient les ressources. Ils ont toujours fait les choix en accord avec ses préférences. Vivi ne pouvait alors pas supporter de voir son père se culpabiliser ainsi.
-c'est ma faute papa, c'est ma faute . Je ne sais pas ce qui m'a pris j'ai cédé à la tentation. Pardon papa, pardon.
Vivi joignit ses pleurs à ceux de son père. Leurs bras entrèrent dans la danse poussés par l'union de leur cœur. Tous deux avaient du regret. Vivi choisit de se confier à son père. Elle lui narra toute l'histoire. L'enfant qu'elle était a succombé au désir et le regrettait. La lumière de l'esprit du sanctuaire apaisa leurs cœurs. Monsieur Glagla était soulagé de retrouver sa fille. Son amour était trop fort pour lui en vouloir davantage. En tant que parent, la faute de l'enfant ne détruit pas le lien du sang.
-le seigneur ne veut pas la mort du pécheur, mais sa repentance
***