Une seconde chance

Write by Farida IB



Nadine GBEGNON épouse GBEVOU…


Moi : c’est pour cela que j’ai pris la décision de divorcer.


Toute l’assemblée se mure dans un silence pesant pendant quelques minutes avant que sa majesté ne reprenne la parole.


Sa majesté : fils. Ton épouse a exprimé le fond de sa pensée, et j’ajouterai que sa réaction est opportune. Cependant (levant son regard sur moi) Dâ Aïnon (le notable) dis à ma fille que ce mariage a été célébré ici même devant nos ancêtres et sa famille par consentement mutuel. Ils ont unanimement consenti à s’unir par les liens sacrés du mariage donc elle ne peut arbitrairement décider de briser ces liens. Sauf, je dis bien sauf si c’est également le souhait de son mari. 


Dâ Aïnon (à moi) : as-tu entendu ce que sa majesté a dit ?


Moi : oui, j’ai tout saisi.


Sa majesté : bien Dä, demande à son époux s’il est d’accord avec ce qu’elle vient de dire.


Il s’exécute.


Florent répondant : non, je ne suis pas du tout d’accord votre majesté étant donné que je vous ai sollicité pour trouver une issue favorable à notre problème. (se tournant vers moi) Nadine, je me doute que ton cœur soit meurtri et tu as raison de m’en vouloir. Je fulmine aussi, je m’en veux d’avoir parjuré l’une des promesses solennelles que je t’ai faite le jour de notre mariage et trahi ta confiance par la même occasion. Je voudrais pouvoir te donner une explication à ce qui m’a poussé à le faire, mais je n’en ai aucune. Tout ce que je sais, c’est que je suis un véreux qui ne mérite pas ton amour et jamais de la vie, je ne trouverai une femme aussi merveilleuse que toi. Cependant, je t’aime, ça, je te le jure ! Je t’aime, t’avoir dans ma vie est plus que vital alors je ne peux pas me résoudre à te perdre. Cet amour que nous partageons n'est pas destiné à mourir.


Je me laisse éblouir par ses paroles quelques minutes mais la rancœur  reprend furtivement le dessus.


Moi (le fixant avec mépris) : tu m’aimes peut-être comme tu le dis, mais tu as fait ton choix et lorsqu’on fait un choix, on l’assume. 


Il quitte son siège et vient s’agenouiller devant moi.


Florent le regard suppliant : mon choix, c’est toi chérie, c’est toi que j’aime et je sais que tu m'aimes toujours. Nous avons traversé beaucoup trop de montagnes russes pour laisser tomber maintenant. Et ce moment aussi passera parce qu’il n’y a pas d’amour sans peine.


Moi ton haineux : il n’y a pas d’amour sans peine, et pourtant, depuis l’aube du temps les gens s’aiment et ne se font pas sciemment du mal.


Il ouvre la bouche pour parler, mais fut interrompu par le père spirituel.


Père spirituel : l’amour est patient, il est plein de bonté, l’amour n’est pas envieux, il ne cherche pas à se faire valoir, il ne s’enfle pas d’orgueil. Il ne fait rien d’inconvenant. Il ne cherche pas son propre intérêt, il ne s’aigrit pas contre les autres, il ne trame pas le mal. L’injustice l’attriste, la vérité le réjouit. En toute occasion, il pardonne, il fait confiance, il espère, il persévère. Cléopâtre & Antoine, Roméo & Juliette, Tristan & Yseult, Apollon & Aphrodite, ils ont su démontrer la force de l’amour, nous avons lu à travers l’histoire que l’amour surmonte tout, religion, rang social, les obstacles… La mort.


Nadine prend ton homme, aujourd’hui, devant nous, il est prêt à surmonter les obstacles avec toi. Il n’est ni pieux, ni saint, et il implore ton pardon.


Moi : mais qu'est-ce qui me dit qu'il ne recommencera pas ? Comment en être certaine ? (revenant à Florent) Qu'est-ce qui me garantit ta parole ? Que tu n'auras pas d'autres aventures ?


Père spirituel : rien du tout ma chère fille, rien ne lui garantit non plus qu'il ne sera pas puni pour le restant de sa vie. (se tournant vers moi). Quoique si vous vous êtes tournés vers une aide extérieure, c'est que vous êtes prêt à vous en sortir et à deux. Vous êtes prêt à prendre le risque pour cet amour qui vous avait unit devant cette assemblée il y a une quinzaine d’années. Et ça, ça s'appelle de l'amour, le vrai.


Un silence pesant surplombe l’auditoire de nouveau, bien évidemment, ils sont tous suspendus à mes lèvres. Je dois avouer que je me sens le cul entre deux chaises en ce moment. De toute évidence, je l’aime toujours, mais ma raison n'arrive pas à surpasser les blessures et les coups durs. Peut-être qu'il a changé comme il le dit ou peut-être pas. Rien ne le prouve !


Pourtant, je lui prends la main, le relève du sol et le prends dans mes bras. Je ne sais pas ce que nous réserve demain, mais je suis prête à prendre le risque. Parce que je l’aime, et c’est ça qui compte vraiment. 


*

*

Axel BENAN…


J’attends patiemment que Dorcas finisse ses tresses pour lui parler, enfin en espérant qu’elle m’écoute cette fois. Depuis la dernière fois chez elle, c’est carrément impossible de la voir, elle me snobe, mais grave. Elle ne répond ni à mes appels ni à mes messages et quand je me pointe chez elle, c’est juste si je ne suis pas invisible à ses yeux. Il a fallu que je l’épie pour maîtriser un peu son programme, je sais qu’en-dehors d’aller faire les courses ou balayer leur devanture très tôt le matin elle ne sort presque jamais de la maison. De toute façon elle a beau faire son intéressant, je finirai par me faire entendre, parole de Benan !   


Brrrrrr brrrrrr


Je sors mon téléphone de ma poche et le consulte, je soupire et le remets ensuite à la place après avoir vu l’indicatif du numéro appelant. A coup sûr c’est Rachelle, ça fait trois jours qu’elle m’appelle comme ça. Je ne sais pas qu’elle botte elle veut me sortir cette fois, mais autant finir avec ça.


Moi décrochant : oui ?


Rachelle : Axel, c’est Rachelle ne raccroche pas s’il te plaît.


Moi (levant les yeux au ciel) : qu’est-ce que tu veux ? Parle vite, je n’ai pas le temps.


Rachelle : euh, comment tu vas ? 


Moi brusque : tu m’enverras chez le docteur au cas où ça n’irait pas ?


Rachelle : Axel ! (elle soupire.) Je cherchais à te joindre depuis parce que je ne vois plus mes règles.


Moi parlant vite : donc ? 


Rachelle : je suis enceinte.


Moi : et en quoi cela me concerne ?


Rachelle d’un trait : c’est toi le père de l’enfant.


Rachelle : mais pour ça, il faudra qu’il naisse d’abord.


Moi : nous n’avons pas d’autres choix, tu as dit que tu es à trois mois non ?


Rachelle : oui


Moi : bah six mois ce n’est rien, ça passera très vite.


Rachelle : et pendant ce temps, je m’occupe comment de la grossesse.


Moi : tu ne peux que t’en prendre à toi-même, il fallait éviter de t’ériger en guichet automatique.


Rachelle : ne m’insulte pas s’il te plaît.


Moi : est-ce que c’est faux ? En tout cas pour ton histoire-là, ma cousine viendra te voir. Par contre s’il s’avère que je sois réellement le père biologique de cet enfant, tu devras garder en tête que tu ne seras rien d’autre que la mère de mon fils ou de ma fille.


Rachelle : j’ai compris.


Clic !


Je raccroche et reporte mon attention sur le salon de coiffure, plus j’ignore Rachelle et ses histoires mieux je me porte. Et celle-là aussi qui met vingt-quatre heures (traduction plusieurs heures) juste pour des tresses pfff. Je décide de surfer pour faire passer le temps tout en gardant un œil sur l’entrée du salon. Je vais sur whatsapp et tombe sur un message de Gina auquel je réponds dans l’immédiat.


« Gina : petit, tu es où ? »


Moi : on dit bonjour quand on n’a pas vu quelqu’un de la journée.


Gina : tssssrrrr !! Depuis là ? Tu faisais quoi ?


Moi : mes choses ! On dit quoi ?


Gina : j’ai besoin que tu me passes ta moto, j’ai une course rapide à faire en ville.


Moi : désolé, je ne peux pas bouger d’où je suis en ce moment.


Gina : tu es où ?  


Moi : je fais le guet pour pouvoir parler à Dodo.


Gina : akieeee tu es devenu le garde-corps de l’enfant d’autrui ? 


Moi : elle ne me laisse pas d’autres choix.


Gina : je dis ohh ton affaire-là c’est forcé ? Tu faisais ton malin ici sur la fille, maintenant, tu la suis pourquoi ? C’est quoi le but de ta démarche ?


Moi : ma petite seuls les imbéciles ne changent pas.


Gina : et bien moi, je n’ai pas foi en ton soit disant changement, si c’est pour l’utiliser et la rejeter à nouveau comme une mal propre laisse l’enfant tranquille. Elle n’a pas le caillou à la place du cœur pour que tu en fasses ton punching-ball.


Moi : ce n’est pas mon intention, cette fois, je veux faire du sérieux avec elle.


Gina : encore faudrait-il qu’elle t’accepte ! C’est bien vous les hommes, on vous donne le cœur et vous le briser en morceaux pour ensuite revenir quand le feu vous brûle ailleurs.


Moi : lol on parle toujours de moi ou de ton mec ? 


Gina : vous êtes les mêmes tchiippp !!!


Moi : mdr, pourtant je suis sérieux. Je sais que l'intensité de nos sentiments ne sont pas les mêmes, mais j’apprendrai à l’aimer comme cela se doit. 


Gina : tchuipp arrête ton baratin, que c'est maintenant tu te réveilles de ton profond sommeil ? 


Moi : je connais bien assez Dorcas pour savoir que c'est le genre de fille qu'on amène devant l'autel. Le seul bémol entre nous c’était, Rachelle. Je me connais bien et je sais que je peux tout sauf poursuivre deux lièvres à la fois. Elle aurait été plus malheureuse en restant avec moi à ce moment-là et c'est ce que je voulais lui éviter.


Gina : genre, tu la mets sur le banc de touche et tu la récupères quand tu veux.


Moi : ce n’est pas le cas cette fois, je peux te l’assurer.


Gina : tant mieux, de toute façon, c’est elle qui a le dernier mot.


Moi : je vais tenter ma chance.


Gina : eh ben bonne chance !


Moi : merci !


La discussion pris fin sur cette note. J'avise ensuite l’heure sur l’écran de l'appareil et constate que ça fait cinq bonnes heures que je suis planté devant ce foutu salon. Je pense que c’est suffisant pour qu’elle finisse, enfin, je ne sais rien de tout ça, mais ça commence à prendre des longueurs. Mes jambes s’engourdissent et je sens comme une fringale. J’hésite un moment avant de regagner le salon pour apprendre qu’elle est déjà partie. J’aurais dû m’en douter, elle a sûrement filé à l’Anglaise au moment où j’étais concentré sur le téléphone. Kieeee les femmes ! Vous n’aimez pas avoir raison un peu, vous en abusez toujours tchippp !! 


Je décide d’arriver chez elle et sitôt devant le portail, j’appuie sur la sonnette. Le portail s'ouvre quelques minutes plus tard sur son père qui me lance son regard courroucé habituel, je fais fi de cela en gardant un air serein. Il se goure complètement s'il pense m’intimider comme ça. Aujourd’hui là seulement, je suis décidé.


M Gbaguidi : encore toi ?


Moi : bonjour monsieur, je voudrais voir Dorcas s’il vous plaît.


M Gbaguidi : tu veux la voir pourquoi ? 


Moi : je veux lui parler (ajoutant) si possible en votre présence.


Il arque un sourcil.


M Gbaguidi : j’espère que ce n’est pas pour me faire perdre mon temps.


Moi : en aucun cas monsieur, je serai très bref.


M Gbaguidi (me cédant le passage) : suis-moi.


Je le suis docilement et pendant notre progression, je scrute un peu la maison que je trouve assez coquette. Il m’installe à la terrasse avant d’envoyer la domestique chercher Dorcas qui arrive sur le champ. Quand elle me voit, elle me lance un regard meurtrier avant de s’approcher doucement.


Dorcas maugréant : qu’est-ce que tu fais là ?


M Gbaguidi (s’adressant à elle) : assois-toi !


Ce qu’elle fait.


M Gbaguidi (la fixant) : lorsque tu viens rencontrer une personne avec qui tu n’as pas dormi, tu le salues avant de dire quoi que soit. C’est ça l’éducation que nous t'avons donnée ? 


Dorcas timidement : non papa


M Gbaguidi : alors ?


Dorcas au bout des lèvres : bonsoir,


Moi sourire en coin : bonsoir,


M Gbaguidi à moi : bien, jeune homme avant de décliner l’objet de votre visite pouvez-vous me rappeler qui vous êtes et la relation qui vous lie à ma fille ? 


Moi (m’éclaircissant la voix) : bien évidemment. Avant tout je tiens à m’excuser de vous prendre ainsi à l’improviste, je n'avais pas d'autre alternatives. Pour revenir à votre question, je me nomme Axel Benan et comme je vous le disais la dernière fois que j’étais ici, je suis un ami à votre fille.


M Gbaguidi : Dorcas, ce jeune homme affirme depuis qu’il est l’un de tes amis, mais tu m’as assuré qu’il n’en était rien. S’il est revenu par ici et qu’il tient la même version et demande de surcroît à me parler cela sous-entend que l’un de vous se fout clairement de moi et ça a intérêt à ne pas être toi ma fille.


Dorcas : je... Euhhh… Je...


M Gbaguidi (la fixant droit dans les yeux) : je te repose la question une  toute dernière fois et je veux la vraie réponse cette fois. Tu connais ce jeune homme oui ou non ?


Dorcas : euhh non, enfin oui.


M Gbaguidi : tu le connais oui ou non !?


Dorcas : oui papa.


M Gbaguidi : tu le connais comment ?


Dorcas : papa, c’était un ami.


M Gbaguidi (haussant les sourcils) : comment ça c'était ?


Moi intervenant : bah enfin monsieur… Euh, en fait nous sommes en désaccord en ce moment. (me grattant la tête) Il faut dire que je l’ai un peu irrité.


Dorcas me toisant : pfff pas qu’un peu ! Il…


Son père lui lance un regard qui lui intime l'ordre de se taire.


M Gbaguidi à moi : allez-y  dites nous ce qui vous amène 


Moi (me raclant la gorge) : monsieur Gbaguidi, j’ai demandé à vous voir parce que je voudrais sortir avec votre fille. Même si vous ne me connaissez pas personnellement, j’ai beaucoup de respect pour elle et pour vous, et c’est pour cela que je viens ici demander d’abord votre autorisation. 


Elle a un mouvement de recul et son père me fixe l’air étonné.


M Gbaguidi (les yeux plissés) : qu'entendre-vous par sortir avec elle ?


Moi : au fait si toutes les conditions étaient réunies je l'aurait tout de suite marié, tenant compte surtout de ces études. Pour le moment je demande  votre permission afin que nous puissions mieux nous découvrir. Je veux être libre de venir la voir et réciproquement pour passer du temps ensemble. Ainsi, elle n’est pas avec vous, vous saurez où elle est.


M Gbaguidi : puis-je connaître votre âge et ce que vous faites dans la vie ?


Moi : j’ai 25 ans et je suis comptable à la SHB de Bohicon.


M Gbaguidi (fronçant les sourcils) : à 25 ans, vous voulez déjà vous engagez auprès d’une femme, est-ce que vous savez ce que ça implique ce genre d’engagement ?


Moi hochant la tête : tout à fait monsieur Gbaguidi, je sais que quiconque souhaite sortir avec votre fille doit lui montrer du respect. En ce qui me concerne je  ferai de mon mieux pour la traiter comme il le faut et j'éviterai autant que je peux de lui faire mal. Parce que je sais qu’elle mérite ce qu’il y a de mieux.


Flottement.


M Gbaguidi reprenant : j’avoue que je suis agréablement surpris par votre démarche surtout à votre âge. Mais rien ne me rassure que si je vous la confie vous saurez prendre soin d’elle ou pire la laisser tomber lorsque vous verrez mieux ailleurs. Vous êtes encore jeune et vous avez la vie devant vous, je suis passé par là et je sais ce que c’est d’avoir 25 ans.


Moi toussotant : je comprends parfaitement vos inquiétudes. Je suis prêt à faire tout ce que vous voulez pour vous faire sentir plus à l’aise à l’idée de me voir sortir avec votre fille. Je suis prêt à respecter toutes les limites que vous imposerez pour vous prouver que je suis digne d'être votre gendre.


M Gbaguidi (se tournant vers Dorcas) : bien Axel, c’est cela ? (je réponds.) Vous avez l’air d’un jeune homme responsable et je vous aurai accordé ma permission tout de suite si cela ne tenait qu’à moi, mais la décision revient à ma fille. Concertez-vous et revenez me voir dès que vous êtes d’accord tous les deux.


Moi : d’accord monsieur.


M Gbaguidi se levant : bien à la prochaine.


Il me tend la main que j’empoigne fermement avant de s’éclipser vers l’intérieur. Dorcas me raccompagne la mine toujours attachée, nous franchissons à peine le portail qu’elle commence.


Dorcas : Axel tu te prends pour qui ? Tu as le culot de venir voir mon père, c’est pour me prouver quoi ? 


Je veux parler, mais elle me stoppe d’un geste de la main.


Dorcas  : c’est quoi ton but ? Finir ce que t’a commencé n’est-ce pas ?


Moi : ce n’est pas le cas…


Dorcas m’interrompant : ça ne t’a pas suffit de jouer avec mes sentiments, de me briser le cœur. À présent, tu veux quoi ? Briser mon âme ? (élevant la voix) Tu m’as prouvé que je n'étais qu'une étape de ta vie alors que tu étais bien plus que ça pour moi. J’étais prête, j’étais prête à tout pour toi, je t’ai aimé comme jamais, mais tu ne t’es pas gêné de me manipuler à ta guise avant de me jeter comme un sale chiffon. Tu reviens pourquoi ? 


Moi : je suis désolé…


Dorcas en colère : tu es désolé ? Tu sais ce que ça fait de se faire rejeter comme tu l’as fait avec moi ? Tu sais combien de fois, j’ai pleuré pour toi ? Tu te rends compte de…


Moi la coupant : Dorcas, je suis sincèrement désolé pour tout. Pardon pour toutes les fois où je t’ai blessé en préférant compter les étoiles plutôt que de saisir la lune. J’avais la chance de t’avoir à mes côtés, mais je n’ai pas su prendre soin de toi et je m’en excuse. Si je suis venu voir ton père, ce n’est pas pour t’obliger à revenir à moi, mais pour te prouver ma bonne foi à faire une relation très sérieuse avec toi. Je ferai tout, absolument tout pour me rattraper. Je suis même prêt à y passer toute ma vie. Je ne suis pas parfait, mais je vais faire de mon mieux pour m’améliorer et t’aimer comme tu le mérites.


Elle me regarde sans expression sur le visage quelques minutes avant de parler d'une voix morne.


Dorcas : tu m’as fait mal.


Moi me rapprochant : je sais.


Dorcas : tu m’as brisé le cœur.


Moi (penchant la tête) : je le sais et je suis désolé.


Je pose mes lèvres sur les siennes et l’embrasse sans qu’elle ne s’y oppose. Quand on se sépare elle reste collée à moi en me serrant très fort dans ses bras.


Dorcas : tu me promets de ne plus me laisser tomber ?


Moi : c’est promis bébé.


Dorcas : tu as intérêt si tu ne veux pas que mon père te fasse passer sous la guillotine. 


Je souris et soulève son menton pour un long et tendre baiser.


*

*

Annick ANJO…


Le curé : si nous sommes réunis aujourd'hui, dans ce cimetière, c'est pour rendre un dernier hommage à notre sœur Adeola Adaobi Asanda que nous avons connue et aussi pour témoigner à sa famille toute notre sympathie et pour lui dire nos condoléances. Nous sommes là aussi pour recevoir un message de paix et d'espérance, car, aujourd'hui, nous ne pouvons éviter de nous poser cette question angoissante : « Qu'en sera-t-il de nous après la mort ? » À cette question sur notre destinée, il ne peut y avoir qu'une réponse de foi. Nous qui croyons en Jésus-Christ ; nous qui croyons en sa Parole, nous savons, d'une certitude absolue, qu'après la mort, si tout est changé, rien n'est fini. Comme il nous l'a promis, aussi vrai que Jésus est ressuscité, nous ressusciterons nous aussi avec lui. 


Vas en paix, et que le Dieu d'Israël exauce la prière que tu lui as adressée.


Nous : amen.


Je m'approche du cercueil pour lui rendre un dernier hommage avant que nous passions tour à tour pour jeter du sable sur son cercueil. Quand tout le monde passe son tour, je me retourne et regarde le cercueil pour la dernière fois avant de me diriger vers la sortie du cimetière. 


Dire que c’est la période la plus triste de ma vie est un euphémisme, j’ai l’impression d’être dans « destination finale » tellement, la mort sévit autour de moi. En moins de trois mois, j’ai perdu la seule famille que j’avais au monde, enfin la nouvelle famille que nous avons formé depuis que les miens m’ont reniée pour avoir choisie le chemin de la prostitution. La mort de Cholah et son père m’a ébranlé, mais celle d’Asanda m’est tombée dessus comme un véritable coup de massue. Bien que ce soit elle-même qui en a décidé ainsi en mettant fin à sa vie, elle me laisse un goût très amer et triste, car je suis à nouveau seule au monde. D'ailleurs je pense à quitter ce pays et changer de vie, loin de mon passé si lourd et si honteux. J'ai la conviction que ces jours sombres doivent disparaître pour faire place à la perspective d’une vie meilleure sans prostitution bien sûr. 


Je franchis le portail du cimetière sur cette résolution et me dirige vers le bas-côté de la voie pour arrêter un taxi lorsqu’une Clio s’arrête à ma hauteur. Je jette un coup d’œil du côté de la voiture avant de reporter mon attention sur la route et quelques secondes après j’entends...


Lui : bonjour demoiselle.


Je coule un regard vers l’endroit d’où vient la voix et tombe sur le conducteur du clio qui me regarde tout sourire. 


Moi : euhh bonjour.


Lui : je vous dépose quelque part ?


Moi méfiante : merci, c’est gentil, mais je préfère attendre un taxi.


Il y a deux voitures qui klaxonnent derrière pour qu’il cède la place.


Lui : je pense que c’est vous que nous attendons tous pour bouger.


Moi : pardon ?


Lui : allez monter !


Je contourne le véhicule et prends place à côté de lui quelque peu étourdie par son regard intense et le bruit des klaxons. 


Lui : excuse-moi si je t’ai pris de court, il était impératif que tu montes avec moi.


Moi agressive : maintenant que  c'est fait est-ce qu’on peut démarrer pour qu’ils arrêtent enfin de klaxonner ? 


Lui : euh oui oui.


Il démarre très vite en prenant la direction du centre-ville. On roule en silence jusqu’à l’échangeur avant qu’il ne parle.


Lui : en fait, je te dépose où ? 


Moi : Cadjehoun (quartier).


Lui : ce n’est pas mon itinéraire, mais je vais te déposer.


Moi : en même temps, vous n’avez pas le choix.


Lui (me souriant) : tout à fait.


Pendant un moment du trajet, je jette de temps à temps un coup d’œil à son profil et je dois avouer que j'apprécie ce que je vois. Beau teint noir bronzé, sentant le frais et ce sourire qui me fait défaillir. Ce n’est pas moi lol, c’est une frappe atomique le mec. Je suis assise bouche close, obligée de prendre une expression austère pour garder contenance.


Lui (me jetant un coup d'œil) : je vous présente une fois de plus mes excuses si je vous ai vexé toute à l’heure, ce n’était pas mon intention. Au fait euhh, je vous ai remarqué pendant l’enterrement et j’attendais la fin pour vous approcher. Sauf que vous avez soudainement disparu donc je me suis senti obligé de sauter sur l’occasion lorsque je vous ai revu sur le trottoir.


Moi : ah euh ok.


Lui : moi c’est Monte-Carlo, mais tout le monde m’appelle Monte (lire Monté).


Moi dans un souffle : Annick !


Lui : enchantée Annick ! (ajoutant) Si ce n’est pas trop indiscret, pourrai-je connaître vos liens avec la défunte ?


Je lui jette un coup d’œil.


Moi : c'était une amie mais elle était comme une sœur pour moi.


Lui : je vois, moi, c’était ma cousine. 


Moi haussant le sourcil : cousine ?


Lui (hochant la tête) : oui, elle gardait peu contact avec la famille.


Donc, comme ça Asanda cachait un  cousin aussi sexy ? Hmmm, je préfère ne pas m’attarder sur le sujet. 


Moi : je vois.


Lui : je pense que le moment est très mal choisi pour tenir une conversation passionnante avec vous. Je ne peux pas comprendre ce que vous éprouvez en ce moment, mais dites-moi si je peux faire quelque chose, quoi que ce soit pour vous réconforter. On pourrait par exemple se voir un autre jour pour discuter un peu, histoire de vous changer un peu les idées.


Je le regarde genre « tu es sérieux ? » Il me fait juste son sourire diabolique qui me fait craquer.


Moi : euhh pourquoi pas ? Mais pas ce soir, j’ai déjà quelque chose de prévu.


Lui : je peux toutefois vous servir d’escorte.


Il le dit en me jetant un coup d’œil.


Moi haussant l’épaule : vous serez le bienvenu dans la maison du seigneur.


Lui : c’est encore mieux ma belle, alors je viens vous chercher à quelle heure ?


Moi prise de court : euhh


Lui : je suis sérieux.


Moi : euhh 19 h.


Lui : je serai chez vous à 19 h sans faute.


Je hoche simplement la tête et lui indique le reste du chemin jusqu’à ma destination. Il prend mon contact (sans me laisser le choix) avant de démarrer en trombe. Je ne sais pas comment l’expliquer, le type est désarmant, je dirai plus ensorceleur. Il suffit qu’il ouvre sa bouche pour obtenir ce qu’il veut. Je ferais mieux de me tenir loin de lui même s’il m’attire comme un aimant, je n’aurai aucune chance avec lui de toute façon. Cholah avait raison lorsqu’elle disait que les histoires d’amour à l'eau de rose ne sont pas destinées à des filles comme nous. Emmanuel me l’a bien prouvé. 


Je décide de faire une petite sieste après un tour rapide sous la douche, je m’assoupis quelques minutes avant d’attendre mon téléphone sonné. C’est la sœur Christine d’allada avec qui j’ai tissé des liens soit dit en passant. Elle me présente ses condoléances et s’excuse de ne pas avoir pu y assister et conclut par un petit rappel du programme de ce soir à l’église avant de raccrocher. C’est elle qui m’initie à la prière, elle m’a également présenté à la communauté de son église à Cotonou et j’y vais régulièrement pour des séances de prières. Ce serait abusé de dire que je suis devenue une croyante, mais j’avoue que prier me fait un bien fou. Je ressens cette paix intérieure qui ne dit pas son nom.


Le soir, c’est avec quinze minutes d’avance que Monte se pointe chez moi pendant que je m’apprête pour l’église. Je l’installe convenablement avant de le rejoindre à nouveau dix minutes plus tard. Quand j’arrive au salon, il décolle ses yeux de son téléphone et coule un regard le long de mon corps avant de me fixer l’air éberlué.


Monte : tu es officiellement ma femme à partir de cet instant.


Moi troublée : tu… Tu es toujours comme ça, tu vas toujours droit au but ?


Monte (me regardant fixement) : quand je t’ai vu près de la tombe de ma cousine j’ai tout de suite su que c’était le destin. 


Je le regarde sans trop savoir quoi dire.


Monte : alors ? Ça t’embête de devenir ma femme ?


Moi abasourdie : tu ne peux pas le décider comme ça sur un claquement de doigts, tu ne me connais pas et moi non plus.


Monte (se levant) : alors dis-moi, quelle est la pire chose que je pourrai apprendre sur toi qui me découragerait de t’épouser ?


J’hésite un moment avant de prendre un grand souffle pour me donner le courage de me dévoiler. De toute façon, je n’ai rien à perdre.


Moi (la tête baissée) : que j’ai été une prostituée.


Il m’incite à le regarder.


Monte : tu as été (oui de la tête) J’aime le temps de ce verbe. Ne perdons pas plus de temps, allons annoncer notre mariage au pasteur de ton église.


Moi bégayant : tu… Tu… Tu.


Monte (posant un doigt sur ma bouche) : shiiiii, s’il y a une chose que tu dois savoir sur moi, c’est que je suis un homme d’action. J’ai décidé que tu seras ma femme et tu le seras point barre.


Aka !!!!


Amour & Raison