Yannick GOLI
Write by Les Chroniques de Naty
Chapitre 32
La force ce n'est pas crier, hurler, s’imposer. C’est une petite voix, fidèle et confiante qui te dit chaque jour "continue" ... la force, ce n'est pas écraser, c’est respecter les silences, laisser naître les choses, à leur rythme, ne plus chercher à précipiter les évènements. Trouver sa force dans ce qui nous accable, faire une grâce de cet empêchement à vivre. On ne peut imposer aux autres notre volonté ou notre vision des choses. Cela s’apparenterai à de la dictature. Et je ne suis pas ce genre de personne qui s’impose à tout va. Je fais accepter mon point de vue, mes avis par la diplomatie et non par la force.
Je n’ai plus revu Akabla après notre entrevu du matin de son retour. Elle avait encore disparu pour je ne sais quelle destination et quant à moi, je continuais à sombrer dans l’alcool et la cigarette. J’ai dit adieu à mon boulot où je n’y mettais pratiquement plus les pieds. Par ailleurs, j’avais déjà liquidé toutes mes actions pour le beau cul de cette foutue diablesse.
Elle dit qu’elle veut divorcer.
Nom d’un chien !
Comment oses-t-elle parler de divorce quand moi Moctar j’ai tout plaqué pour elle ? J’ai mis une croix sur ma famille pour elle et voici comment elle me remercie en me trompant sous mes propres yeux. Car oui ! Je sais pertinemment qu’elle a un amant. Non pas un, plusieurs amants. Je vois comment elle s’habille ces derniers temps. Son gout pour le luxe est plus que prononcé maintenant. Elle s’embellit tandis que moi je m’ensevelis. Allez y comprendre quelque chose.
Tout comme les femmes, les hommes sont eux aussi des êtres assez complexes. La majorité d'entre nous les hommes veulent une femme bien, respectueuse, qui fait quelque chose de concret dans sa vie, vierge ou qui ne couche pas avec n'importe qui, fidèle, élégante, belle, et tout ce qui va avec ... Mais en réalité est-ce que nous les hommes nous avons toutes ces qualités... ?! On veut tous, une femme qui nous donne tout mais nous en retour on donne quoi ? Rien ? On n'a rien à lui offrir... ?! Si ce n'est notre présence ou de belles paroles. Tu ne veux pas d'une putain mais en réalité toi-même t'es une putain au masculin. Tu veux une femme fidèle mais toi rien que tu trompes à droite à gauche.
Je crois aussi que chaque homme mérite la femme qu’il a. J’étais avec une femme qui avait toutes les qualités d’une bonne épouse, et je l’ai laissé pour une autre qui en est à l’opposé. Cette dernière m’a leurrée avec les belles paroles et des gestes affabulateurs. Je me suis laissé prendre tel un jouvenceau.
Et on doit tout se demander une chose avant de vouloir une femme bien, regarde-toi dans un miroir et pose-toi les bonnes questions "est-ce que t'es un homme... ?!" Voilà une égalité parfaite, demande une femme qui te reflète. Un cochon ne pourra jamais satisfaire une lionne et n'oublies pas qu'une cochonne ne pourra jamais satisfaire un lion. Parce que selon moi, on n'a que ce qu'on mérite.
Akabla a été pour moi une cochonne. Parce que je suis moi-même un cochon. Oui ce n’est que ça l’explication plausible à tout ceci. Dans ce genre de situation, je me demande si l’on ne doit pas priver à l’homme la capacité de ressentir certaines douleurs. Je ne me voile plus la face, je suis au bord du rouleau. Ma conscience me joue des tours et elle se moque de moi. Je ne dors plus les nuits et mes journées je les passe dans mes bars favoris. Ne dit-on pas que le meilleur ami de l’homme c’est l’alcool ? Toujours est-il que j’ai trouvé du réconfort auprès de dame bouteille.
Elle me ferme les yeux sur les méandres de ma vie. Elles me cachent la souffrance que j’ai là, dans mon cœur. C’est mal et lâche de retomber dans l’alcool pour fuir ses déboires, mais j’ai toujours été incapable de faire face à trop de souffrance.
Dame bouteille me permets de coucher chaque jour qui passe avec une nouvelle femme. Ses femmes sont belles, et elles n’ont pas besoin de promesses. Elles veulent juste quelques billets glissés dans leurs décolletés vertigineux. Elles ne veulent pas de promesse de mariage. Tout ce qu’elles exigent de moi, c’est de leur payer le service charnel qu’elles m’ont rendu. Pour le plaisir des sens. Elles m’adorent parce que je paie bien et je ne couche pas tout le temps avec elles. Je préfère plus parler et raconter ce que j’ai sur le cœur. J’ai besoin qu’on m’écoute et qu’on me console.
Tout ce dont j’ai besoin, c’est de revenir à cette vie d’antan. Comment pourrais-je y revenir lorsque je ne sais même plus où j’en suis avec la vie que je mène actuellement ?
Alors je préfère continuer à me perdre dans cette débauche à laquelle j’ai pris gout. Oui j’aime cette vie, facile, légère, exempte de tout engagement, de toute responsabilité. Mes affaires sont au rouge et mon partenaire d’affaire essaie tant bien que mal de me remettre sur les pieds, mais c’est peiné perdu. Le pauvre marocain n’arrive pas à comprendre que je puisse me mettre dans un état pareil pour une femme… qui plus est, une femme comme … Akabla.
Akabla !
Tu ferras certes ma perte.
***Deux mois plus tard***
Comme à l’accoutumé, je revenais d’une de mes nombreuses virées nocturnes lorsque je tombe sur un groupe de personnes à l’allure très douteuse.
Je regarde l’heure sur ma montre.
01 heure !
Putain, il se fait un peu tard quand même. Mais pas assez tard pour les noctambules et fêtards comme nous. A vrai dire je ne suis pas complètement saoule, mais je n’arrivais pas à tenir sur mes pieds. Alors je dandinais tel un zombie. A la vue de ces gens, je pris peur. Disons que ces derniers temps, la sécurité n’est pas un mot que nous connaissons à Abidjan. Les agressions et autres violences sont monnaies courantes et j’avoue que je n’ai pas envie de finir le ventre ou le crane ouvert dans un caniveau. Je regrette de n’être pas sortie avec ma voiture ce soir. Je me demande ce qui m’a pris. Parce qu’à la base je n’avais pas prévue sortie cette nuit. Je devais juste faire les cents pas quand je me suis retrouvé comme par hasard dans un taxi en direction de la Riviéra Palmeraie.
Plus je m’approchais d’eux, et plus les battements de mon cœur redoublaient. Je suis du coup envahi par une peur sans nom et j’ai juste envie de rebrousser chemin.
Mais ceux-ci avançaient vers moi l’air de savoir ce qu’ils veulent réellement faire. Ils sont au nombre de quatre ; alors je ne peux pas me défendre contre eux. Je m’arrête un instant attendant mon sort ; vue qu’il n’y avait pas d’issus pour moi. Nous sommes sur une route droite, pas de couloir où se fondre. C’est juste eux et moi.
—Eh le vieux donne vite ce que tu as. Si tu ne vas pas qu’on verse tes intestins à terre ici.
—Prenez tout ! Mais laissez-moi s’il vous plait.
Je crois plutôt que c’est ce que qu’il ne fallait pas dire, car ils commencèrent à me donner des coups partout. Sur la tête, dans les côtes.
—Pitié ne me tuer pas. Dis-je implorant. Tenez !!! Prenez tout ce que vous voulez. Je leur tends mon téléphone ainsi que mon portemonnaie.
—Ferme ta gueule. On t’a dit que nous sommes des voleurs ?
Vous êtes quoi alors ? D’honnêtes citoyens faisant leur travail peut être ?
—Je vous en prie… ne me …
Je ne pus terminer ma phrase que l’un d’entre eux me fait lever et m’assène un violent coup sur la tête. Je m’écroulais. Je saignais de la bouche et du nez.
Ils continuaient à me tabasser lorsque nous sommes éclairés par les phares d’un véhicule. Ce dernier se mets à klaxonner plusieurs fois. Ils prirent la fuite, non sans m’avoir dépouillé de tout ce que j’ai et donné un dernier coup de pieds dans les côtes.
Mon sauveur !
Je me mets à tousser du sang et je crois que j’ai plusieurs côtes fracturées.
La voiture se gare juste à côté de moi et les occupants en sortent et se précipitent vers moi.
—Ça va monsieur. Dit l’homme en me retournant.
Je suis très mal en point car j’ai mal même du mal à répondre. Et je ne cesse de tousser. Je crains de ne faire une hémorragie interne.
—Moctar ? Appela la voix.
—Oui !
J’ai juste le temps de répondre et de tomber dans les pommes.
******Yannick GOLI******
—Moctar ! Moctar ! Criais-je au bord de la panique.
Mais qu’est ce qu’il fout ici à une heure pareille ? Cette zone est réputée être dangereuse en journée, a fortiori à cette heure de la nuit.
Je fini par me rendre compte qu’il s’est évanouis sous le coup de la douleur.
—Tu le connais ? me demande Yvette.
—Oui c’est mon ami. Aide-moi s’il te plait à le mettre dans la voiture. Il est très mal en point.
—Mais que fait-il ici à cette heure ?
—Pour une fois ne pose pas de question et fais ce qu’on te demande… s’il te plait. Ne vois-tu pas qu’il ne respire pas bien.
Elle me regarde en lançant un juron avant de s’exécuter. Nous le soulevant avec assez de peine et le faisons coucher sur la banquette arrière. Il respire difficilement. Je remonte dans la voiture et démarre sur les chapeaux de roues. Priant pour qu’il ne lui arrive rien de grave.
Moctar mon ami, que faisait tu ici ? Dans un endroit aussi mal famé ?
C’est dans un état second que nous arrivons à la clinique des Rosiers. Heureusement qu’il fut vite pris en charge par l’équipe de nuit. Je donnais les informations à l’aide-soignante pour qu’elle puisse remplir son dossier médical. Il fallait aussi payer la caution afin qu’on puisse lui faire quelques points de suture ainsi que les radios. Vu qu’il avait reçu plusieurs coups sur la tête, il lui a été fait un scanner sur place afin d’être rassuré.
—J’espère qu’il ira bien ? Dis-je en arpentant nerveusement le couloir de la salle d’attente.
— Calme-toi Yannick. Il ira bien. Tu tiens à lui apparemment.
—C’est mon ami. Et tu as raison, je tiens beaucoup à lui… même si nous ne sommes plus vraiment en de bons termes.
—AH bon ? Que s’est-il passé pour que vous ne soyez plus ami ?
Celle-là et sa curiosité.
—Je ne te dis pas que nous ne sommes plus amis. Je dis juste que nous sommes plus vraiment en de bons termes. Perçois un peu la nuance entre les deux expressions. Et puis je n’ai pas envie de parler de ça avec toi.
—C’est toujours comme ça. Tu n’as jamais envie de partager quelque chose avec moi. Avec ça tu diras que tu tiens à moi. Je me demande ce que je fais encore assise ici à me faire insulter gratuitement.
—S’il te plait. Je passe une main fiévreuse sur le visage et compte silencieusement jusqu’à dix pour me calmer et me reprendre. Ma voix tremblait légèrement et je ne voulais surtout pas m’énerver contre elle. Mais je crois qu’elle veut me pousser à bout ce soir.
—Non parle ! Ne te tais pas. Dis-moi exactement ce que tu as sur le cœur. Continua-t-elle. Enervée.
— Calme-toi. Je ne veux pas parler de ça ici. Et tu ne vois pas que ce n’est ni le lieu ni le moment de parler de ça ; la personne dont tu veux qu’on parle est dans un piteux état ; par ailleurs tu vois très bien que je ne suis pas d’humeur à parler néanmoins tu t’obstine. C’est ça le souci avec toi ; tu prends tout à bras le corps et tu t’emportes pour tout. Je ne sais pas quoi dire ! Tu ne veux jamais comprendre quand on te dit que ce n’est pas le moment de parler d’un truc.
—Mais ce n’est jamais le bon moment. Quand est-ce que ça le sera alors ?
Là je sens qu’elle parle d’autres choses et je ne vais pas m’aventurer sur ce terrain avec elle. Je sais très bien de quoi elle veut parler et c’est ce qui nous a emmenés à passer sur cette route où j’ai vu Moctar. D’une part ma colère envers elle a baissé un peu ; mais faut pas qu’elle abuse quand même. Je ne suis pas d’humeur à gérer toutes ces histoires de bonne femme.
—Là ce n’est la question. Il ne s’agit pas de toi ou même de moi. Mais plutôt d’une vie qui doit être sauvée.
—Tu parle de quoi même ? Tu as déjà fait ce que tu pouvais et devait faire à savoir le conduire à l’hôpital. Alors ce n’est plus à ton niveau ce qui va ou doit se passer. Ne fuis pas le sujet. Tu sais très bien ce dont nous parlions avant de tomber sur ton ami. Et c’est de ça qu’il est question Yannick.
—Je sors prendre l’air.
Je ne prête plus attention à sa mine offusquée et sort m’asseoir à côté du vigile. Lui au moins ne fait pas de bruit. Il ne jacasse pas comme Yvette. Et écoute plutôt la radio… que dis-je, c’est plutôt la radio qui l’écoute, car il ronfle comme un moteur le pauvre.
Je ne cesse de penser à Moctar. Mais surtout je ne cesse de me demander ce qu’il faisait à cet endroit.
Quoi ? Déjà deux ans que lui et moi ne nous voyions plus. J’ai dit à Yvette que nous étions plus en de bons termes, or c’est pire que ça. Nous ne sommes plus amis, du moins, il ne veut plus de mon amitié et tout ça pour une satanée histoire de pair de lolo.
Il a réagi comme un idiot transit amoureux. Je me demande ce que cette femme lui a donné. C’est vrai qu’elle est belle, mais elle n’arrive pas à la cheville de Martine. Alors comment a-t-il pu laisser cette dernière pour l’autre ? Elle ne l’a pas laissé simple. De ça j’en mettrai ma main à couper. C’est une sorcière et une croqueuse de diamant. Il n‘ya qu’à voir comment elle regarde les hommes ; mais surtout comment elle se comporte. Mon ami s’est tiré une balle en pleine tête en suivant cette tigresse.
J’ai eu à parler plusieurs fois avec Martine ces dernières années et elle non plus ne comprend pas ce qui a bien pu se passer. Du jour au lendemain, tout est parti en vrille et il s’est marié avec sa nounou. Mais pire, personne n’avait le droit de broncher au risque de s’attirer son courroux.
Notre dernière rencontre a été très violente et nous en sommes même venues aux mains. Parce que cette salope qui lui sert de vide couille lui a fait croire que je l’avais draguée.
Mon œil !
Qui voudrait d’une catin comme ça si ce n’est pas mon pauvre ami qui s’est laissé aveugler par un prétendu amour et s’est laissé prendre dans les mailles de cette femme de mauvaise vie. Je l’ai aperçue plusieurs fois dans des bars de Marcory en Zone 4 avec des gens n’ayant pas très bonnes réputation. J’en ais déduit qu’elle n’est plus avec mon ami. Mais bien au contraire, ils sont toujours mariés et elle le trompe. En plus avec des arabes à deux balles. Ces gens sont reconnus dans le milieu comme étant infecté de sales maladies. Mais ils couchent avec les filles sans protection et surtout ils leur font faire des trucs dégueulasse et dégradant pour un être humain.
Je me demande si Moctar sait tout ça.
Je restais là à ruminer lorsque je reçois un message d‘Yvette m’informant que le docteur me cherche. J’espère qu’il aura de bonnes nouvelles à m’annoncer.
Je le trouve discutant avec Yvette.
—Bonsoir Dr.
—Bonsoir monsieur. C’est vous qui accompagné le patient ?
—Oui c’est moi. Qui ya –t-il ? Demandais-je inquiet.
—Calmez-vous. Il va bien. Je pousse un ouf de soulagement et le laisse continuer. Mais il a eu beaucoup de chance ; vous l’avez envoyé à temps ici, sinon j’aurais craint que le pire n’arrive. Heureusement qu’il ya eu plus de peur que de mal. Nous avons fait plusieurs examens dont les résultats seront disponibles demain. Alors on le garde en observation pour plus de précautions. Vu tous les coups qu’il a reçue, ce n’est pas prudent qu’on le libère. Demain, lorsque nous seront situé sur son cas, il pourra rentrer chez lui. Encore une fois il a eu beaucoup de chance.
—Mais il s’en sortira non Dr.
—Oui il ira mieux. Et c’est pour éviter toutes surprises désagréables que je préfère le garder encore ici. En cas de rechute, nous saurons quoi faire. Il n’a eu que quelques côtes brisées et une fracture au niveau de l’omoplate. Alors son bras gauche sera plâtré pour environs deux mois.
—C’est compris. Peut-on le voir ?
—Bien sûr que vous pouvez. Il a même demandé ce qu’il fait ici. Il ne se rappelle apparemment pas de ce qui s’est passé. Mais ne le faites pas trop parler, car il a besoin de repos ; beaucoup de repos même.
—Je ne durerai pas Dr. Juste quelques minutes.
—Ok. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, veuillez voir les infirmières.
—Sans faute. Merci encore.
Lorsqu’il fut parti, je demande à Yvette de rentrer à la maison car je comptais bien passer la nuit avec Moctar. Et cette idée ne semblait pas la ravir.
—Pourquoi veux-tu que je rentre à une heure aussi tardive toute seule chez moi ?
—N’aie crainte. Tu peux prendre la voiture. Je rentrerai demain en taxi. Tu travailles demain et il est bientôt 3 heures du matin.
—Mais…
—Ne fais pas d’histoires. Prends la clé et rentre chez toi. Yvette, s’il te plait. Nous reparlerons de tout ce que tu veux après, à tête reposée. Pour l’instant je ne pourrai rien faire tant que mon ami n’ira pas mieux. Pour l’amour du ciel ; rentre à la maison.
Elle me jette un autre regard noir dont elle seule au secret et s’en va. Je sens qu’elle me fera payer tout ça. Soit ! Pour l’instant je veux juste être sûr que Moctar va bien. Mais surtout qu’il me dise ce qu’il faisait à cet endroit. Loin de chez lui, et surtout sans sa voiture.
Lorsque je rentre dans la chambre, je le trouve assis sur son lit. Il a une perfusion et la tête bandée. A regarder de plus près, je me rends compte qu’il est tout sale. Normal, vu l’état dans lequel il était, ce n’était pas évident qu’il ait les vêtements propres. Mais le truc c’est qu’il puait l’alcool à plein nez.
—Depuis quand bois-tu Bra ?
Il se retrouve surpris de me voir là. Je réponds à sa muette question.
—C’est nous qui t’avons emmené ici.
—Nous ?
—Oui. Mon amie et moi. Je la raccompagnais lorsque j’ai vu des gens tabasser quelqu’un au niveau du bar « Full option ». J’ai klaxonné pour intimider les malfaiteurs et ceux-ci ont pris la fuite. Quand j’ai stationné pour aider la personne, je me suis rendu compte avec douleur que ce n’était autre que mon ami. Terminais-je.
—C’est donc toi mon sauveur ?
—On peut dire ça. Et puis je t’ai toujours sauvé hein mon gars. Ce n’est pas la première fois. Dis-je pour me moquer de lui.
—Et j’espère que ça ne sera pas la dernière non plus. Répond-t-il en souriant.
Je retrouve mon ami, mon frère de sang et mon compagnon des quatre cent mauvais coups. Je crois que vu la circonstance, ce n’est plus la peine de revenir sur tout ce qui s’est passé entre nous depuis ces dernières années. Tout ça est loin derrière nous... du moins ça l’est pour moi.
—Tu n’as toujours pas répondu à ma question.
—Laquelle ?
—Depuis quand fumes-tu ? Et je perçois une légère odeur de cigarette aussi. Ne me dit pas que tu fume en plus de boire.
Il sourit tristement. Qu’est devenu Moctar ? Parce que l’homme assis en face de moi sur ce lit d’hôpital n’a absolument rien à voir avec mon ami.
—Je crois que ma réponse va beaucoup te décevoir mon frère. Je fume, je bois et je crois que je vais bientôt me droguer.
—Arrête tes plaisanteries de mauvais gout. On peut dériver mais pas jusqu’à ce point.
—Tu ne sais pas à quel point j’ai dérivé Bra. Ma vie est comme de la merde. Non… je suis de la merde actuellement. J’ai failli mourir, ces gens m’aurait tué si tu n’étais pas arrivé. Et je crois que c’est Dieu qui t’a conduit vers moi.
—Je ne sais pas par quoi tu passes mais tu devrais arrêter de dire ces paroles. Ça ne te ressemble nullement ; ou es passé ce monsieur plein de vie et d’entrain ? Avec qui j’étais ami… que je suis ami toujours. Mais je crois plutôt que tu n’es plus ce même homme.
—Moi aussi je crois que je ne suis plus cet homme. Si seulement tu savais…
Il ne put terminer sa phrase. Sa voix se brisa de mille éclats. Des larmes de douleurs perlèrent sur ses joues. Voir un homme de sa trempe pleurer me fait l’effet d’un coup de massue. Je me rends compte que rien n’est acquis dans cette putain de vie et que nous devons toujours nous bouger le cul pour nous en sortir. Mais aussi pour être heureux. Car il n’Ya pas de bonheur sur mesure ; ce dernier se construit au fil des années. Pas de moule préétablit pour être heureux. On doit saisir chaque occasion, mais surtout ne laisser s’échapper aucune opportunité. Toutes les saisir et les savourer.
—Ne pleure pas Moctar. Un homme doit être fort…
—J’en ai marre d’être fort Yannick. Je suis à bout ; je n’en peux plus. Je sens que je vais devenir fou, ou même que je vais me donner la mort pour ne plus avoir mal. Ce mal de chien qui me ronge le cœur et la conscience… je n’en peux plus… je suis fatiguée, à bout de souffle. Murmura-t-il. Un homme n’a pas à être toujours fort. Un homme a besoin de pleurer, de tomber, de flancher. Un homme, c’est aussi un être humain avec un cœur et la douleur est un genre féminin… mais un homme peut aussi avoir mal. Elle ne peut pas toujours être au féminin.
—Je te comprends. Mais tu dois te reprendre. Je ne sais pas ce qui se passe, cependant je sais que les larmes ne peuvent rien arranger à la situation. Tu vas donc te calmer, te reposer et surtout ne pas penser à tous ces problèmes. Tu viens de subir un très grand choc et le médecin a recommandé de te manager.
—Hum ! De toutes les façons je suis déjà mort. Alors je ne vois pas ce qui pourrait m’arriver de pire.
C’est ainsi qu’il me raconte ce qu’il vit depuis toutes ces années. Le début du mariage fut agréable, mais plus le temps est passé, il a vu un autre visage de celle qu’il appelle à femme. Je ne voulais pas l’interrompre. Je connais Moctar, je sais qu’il a besoin de vider son sac. Décharger son cœur de toutes ces émotions…
La moitié de son récit ne me surprend guère. Il ne fait que confirmer ce que je pense depuis le début. Certaines femmes sont faites pour vous conduire dans l’enfer d’ici-bas et dans celui de l’au-delà. Je me demande toujours pourquoi ce n’est que maintenant que Moctar a su que cette femme était la maitresse du diable. J’ai pour habitude de dire que lorsque le diable est à cours d’idée, il envoie une femme. Et je crois dans ce cas, Lucifer a délégué ses pouvoirs à sa meilleure élève.
—Wahou ! Je ne sais quoi dire. Dis-je quand il eut fini de parler.
—Moi non plus tu sais. Mais je sais que je me sens un peu mieux d’avoir parlé. Aussi, je voulais te dire que je suis désolée pour tout ce qui s’est passée entre nous ces dernières années. Je ne sais pas si tu pourras me pardonner.
—T’inquiète. C’est du passé tout ça. Le plus important c’est que tu sortes d’ici. Et que tu puisses te remettre sur pieds. Ta femme sait –t-elle que tu es ici ?
—Comment le saurait-elle ? murmura-t-il d’une voix dépitée. Elle s’en fou que je vive ou même que je meurs.
—Tu devrais la prévenir alors. Elle pourrait s’inquiéter de ne pas t’avoir vu ; et vu que tu n’as pas plus de téléphone, elle a surement essayé de te joindre sans succès.
Il soupira exaspéré.
—Puisque je te dis qu’elle s’en fiche de moi. Laisse tomber Bra. Mieux je reste ici le temps qu’il faut et je rentre quand tout ira mieux. Je n’ai personne à prévenir.
—Et ta mère alors ? Je vais lui demander de venir.
—Non ! cria-t-il. Elle ne viendra pas.
—Pourquoi ?
—Je ne me rappelle même plus la dernière fois que je l’ai vu. Je ne sais même pas si elle se souvient encore de moi ; du fils indigne que je sois. J’ai chassé ma mère de chez moi ! T’en rend tu comptes ? Tu me connais mon frère et tu sais à quel point j’aime ma mère et je suis prêt à tout pour elle. Mais c’est cette même mère que j’ai mis à la porte de ma maison. Je l’ai traité de sorcière et de mangeuse d’enfants. Et pourtant… et pourtant Yannick… c’est cette femme qui a fait de moi cet homme que je suis aujourd’hui. Qu’est-ce que j’ai fait mon Dieu ?
Comme s’il prenait soudain conscience de l’atrocité de son acte, Moctar se remet à pleurer de plus belle. Son visage était inondé de larmes. Et quant à moi, j’ai du mal à y croire en effet. Sachant à quel point il aime sa mère et surtout combien il lui est dévoué, je trouve ça incroyable qu’il l’ait chassé de chez lui. Pire, qu’il ne l’ait pas vu depuis longtemps.
Mais je suis sûr que la seule responsable de cette situation n’est autre que cette Akabla de malheur. Femme de mauvais augure, qui sépare une mère de son fils. Sans le dire à Moctar, je prends la décision d’appeler sa mère afin qu’elle vienne le voir. Je vais demander son contact à Nouria. Je me dis aussi qu’il n’est plus du tout en contact avec aucun membre de sa famille. Je pose la question pour être situé, et sa réponse ne fait que confirmer ce que je pensais déjà.
— Calme-toi Bra. Ce n’est pas de ta faute tout ce qui t’arrive. Je crois que c’est cette femme qui te fait faire toute ces choses insensées. Et tu dois…
—Non elle n’y est pour rien. M’interrompt-il. Elle pense juste bien faire… sinon elle m’aime Yannick. A sa manière un peu spéciale ; mais elle m’aime.
—Nom d’un chien Moctar ! Arrête de te voiler la face. Putain, elle ne t’aime pas et tu le sais mieux que quiconque. Une femme aimante et consciente ne laisserait jamais sans nouvelle de son mari aussi longtemps. Alors ouvre les yeux et vois les choses en face. Cette femme sera ta perte, elle te conduira six pieds sous terre si tu n’essaie pas de te bouger le cul.
—Mais…
—Il n’y a pas de mais qui tienne. Je te parle d’un truc sérieux. C’est ta vie qui est en jeu. Jusqu’à présent j’ai du mal à croire que tu aies pu laisser une femme comme Martine pour cette… cette chose…
—C’est ma femme.
—Non ce n’est pas ta femme. C’est un vide couille, une partie de jambe en l’air qui a trop duré. Un moment d’égarement qui a trop duré. On ne marie pas ce genre de femme ; elle se baise et se laisse sur le carreau. Ce n’est pas pour le foyer, mais plutôt pour le trottoir. Martine ! C’est elle ta femme. C’est une perle que tu as laissé passer... Elle aurait pu tout faire pour rester avec toi, elle t'aimait, elle pleurait pour toi quand votre couple n'allait pas si fort, elle est sérieuse, elle représentait ce que tu as toujours voulu... Mais toi, non tu as préféré la laisser souffrir et se détacher de toi petit à petit. Tu savais que derrière son sourire, se cachait une femme blessée, tu ne peux pas prétendre le contraire puisqu’au fond de toi tu sais que tu l’as blessée à jamais. À un certain âge, surtout au tien, il faut se poser les bonnes questions et se comporter de manière plus réfléchie. Tu ne dois plus laisser parler ton cœur, mais plutôt ta raison. Quelle sensation chercher tu encore ?
—(Silence)
—Alors ouvre les yeux. S’il te plait.
—Moi je l’aime et je ne sais pas si je pourrai vivre sans elle. Je n’en suis pas capable je sais qu’elle me fait souffrir et que je dois m’éloigner d’elle ; mais c’est impossible pour moi. Car j’ai l’impression de devenir fou quand je ne la vois pas. Je perds la notion de tout et la seule chose qui trouve grâce à mes yeux, c’est de la revoir elle. Comme si je l’avais dans la peau…
—Tu ne l’a pas dans la peau. Elle t’a juste envouté.
—Pas jusqu’à ce point.
—Seigneur ! Tu es… mieux je me tais. Ecoute on va faire simple ; je te laisse te reposer et je reviens te voir plus tard. Je vais rentrer chez moi me changer et t’apporter quelques vêtements de rechanges. Parce que tu ne peux pas quitte l’hôpital dans cet état.
—D’accord. Puis il me prend doucement la main. Merci Bra. Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans toi… je suis tellement désolé pour tout ça.
—Ce n’est rien mon frère. C’est la vie, et on a tous des fourmis qui nous piquent les couilles. Faut savoir juste s’arrêter et se gratter pour rependre la lutte. Et sache que c’est juste la tempête avant l’arc en ciel. Allez à plus tard. Je reviens dans la journée.
Je l’aide à se recoucher et je sors de la chambre. Il faut qu’on puisse aider Moctar. L’homme que j’ai vu dans ce lit d’hôpital est un pantin d’Akabla, car j’ai l’impression que Moctar est bientôt mort. Cette femme a fait de lui une marionnette qui ne sait plus ce qu’il fait, ni ce qu’il dit. Il est juste là, comme ça.
Akabla qu’as-tu donc fais à mon ami ? Mais quoi que ce soit, sache que tu ne pourras jamais avoir le dessus sur lui.
Très vite, je rentre en contact avec Nouria pour avoir des nouvelles de leur mère. A ce qu’elle me dit, cette dernière est là et elle va bien. Je n’ai plus qu’à passer la voir et lui expliquer ce qui ne va pas. J’espère que son cœur de mère prendre le dessus sur sa colère et sa douleur.