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Ecrit par Lilly Rose AGNOURET
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En parlant de mère, celle de
Peter, alias Big Wave a répondu à l'appel de ma mère. Donc, un samedi, elle est
arrivée chez nous, accompagnée d'une de ses amies. Elle s'est assise dans le
canapé de ma mère et a attendu qu'on lui pose des questions. On aurait dit
qu'elle venait témoigner à un procès. Pupuce était derrière chez notre copine
Marc-Elise. Elles bossaient toutes les deux. Julien était à son match de foot
hebdomadaire.
Donc, j'ai été réquisitionnée
pour faire le service.
La femme était là. À la
regarder, je lui aurais donné 50 ans; pourtant, elle en a que 35 ans. Sa
copine, une femme très bavarde, est du même acabit.
La discussion a commencé après
que la Beaufort et la Regab demandées soient servies.
Je me suis assise sur une
chaise à la table de la salle à manger. Les dames et ma mère étaient dans le
salon. Albert, est arrivé en renfort quelques temps après.
Quand maman annonce la
nouvelle, la mère de Peter commence son discours :
"Ah, cet enfant vient
encore m'ajouter les problèmes ! Ça ne va pas finir, cette histoire ! C'est le
seul garçon que j'ai, mais il ne comprend rien. Je parle à gauche, je parle à
droite et il fait toujours les mêmes bêtises. Il n'a pas pitié de moi. Madame,
vous m'appelez aujourd'hui chez vous là pour dire que votre fille est enceinte.
Mais avant de coucher avec Peter, elle ne s'est pas renseigné !"
"Comment ça, renseignée !
Quand les jeunes se mettent ensemble, ils font des enquêtes d'abord ! C'est ce
que vous voulez me faire comprendre."
"Eh, madame ! Elle aurait
dû poser les questions à gauche à droite, oh! C'est pas seulement le beau corps
et le beau visage que vous voyez là. Oooooh, il est beau oh! Oooooh, c'est un
grand basketteur, oh! C'est ça que les filles suivent. Elles défilent à la
maison-là, défilé, défilé, défilé. Même les draps sales qui sur lesquels il
dort là, sur son matelas, les filles ne voient pas ça. Non, c'est seulement
baiser que les enfants veulent !"
Yoooo! Je manque de m'étouffer
de rire en voyant le visage scandalisé de ma mère. Elle qui ne supporte pas les
écarts de langage, elle est servie.
"Madame, là où vous me
voyez là, j'ai seulement, 35 ans. 35 ans, oh! C'est l'enfant-là qui veut me
faire vieillir avec ses conneries! Dîtes-moi un peu, avec mon petit commerce de
manioc là que je fais au marché de Moukala, je trouve l'argent où pour payer
tous les trousseaux qui me tombent sur la tête."
"Qu'est-ce que cela veut
dire?" demande maman.
"C'est tout ça là, oh!
C'est tout ça là que je disais que votre fille n'a pas posé les questions avant
de venir se jeter dans le lit de mon fils, oh! L'enfant qu'on appelle Peter
Malonga a déjà 3 gosses! Vous me voyez là, que dépassée. Je suis déjà
grand-mère oh!"
"Trois enfants ! À 20 ans
! C'est une blague.", s'étonne Albert.
"Papa, je ne blague pas.
Quand je vous dis que mes soucis commencent du côté de SOGARA là-bas et se
terminent après le carrefour Banco, vous ne me croyez pas. Je suis dépassée là
où vous me voyez. Le mari, y a pas. Le copain, y a pas. Me voilà là avec mon
petit commerce et les 4 bouches qui sont sorties de mon ventre, et que je dois
nourrir. Y a la maman qui est venue du village. Elle est malade, il faut
trouver les médicaments pour la soigner. Elle est là à la maison depuis 3 ans.
Et là, je vais même trouver l'argent où, pour acheter même un silip (slip) à
l'enfant-là que votre fille a dans le ventre !"
"Écoutez, madame, je ne
vous ai pas appelée ici pour vous demander de l'argent. Je voulais simplement
faire votre connaissance." fait ma mère.
"Ok, madame. Donc là, on
a fait connaissance ; oh! Je suis Huguette Malonga, j'habite à badamier,
là-bas. La maison-là, c'est une brique ici, une brique là-bas. C'est comme ça
que j'ai monté les murs-là. C'est mon commerce et mes bricoles partout partout
là chez les blancs-là, qui m'aident à vivre, oh! Maintenant, si votre fille
veut venir aussi partager notre bâton de manioc et une boîte de sardines avec
nous là-bas, elle peut venir. Mais pardon, maman, évitez-moi les maux de tête
et les soucis. Ce n'est pas moi qui envoie l'enfant mettre les grossesses dans
la ville. Là, il était pendant les grandes vacances là-bas à Libreville, sur la
route de Kango chez ma grande sœur. On m'appelle la semaine dernière pour me
dire qu'il a laissé une grossesse là-bas. Que Dieu me pardonne, oh! Tout ça là,
je ne peux pas gérer. J'ai ma petite fille-là, Fidélia qui travaille que bien
trop bien à l'école. C'est là mon avenir. Tout mon argent meurt là-bas chez
elle parce que je sais qu'elle va avoir le BEPC là, les yeux fermés. Je ne peux
pas prendre cet argent-là encore, pour aller donner aux copines de Peter,
excusez-moi oh!"
"Nous vous comprenons,
madame", fait Albert. "Il s'agissait juste d'une prise de contact.
C'est toujours bien de savoir à qui ont a affaire."
"D'accord d'accord. Quand
je vois même votre maison là, je me demande ce que votre fille est venu
chercher dans mon taudis. Elle a vu un écran plat ou même un lit chez moi! Les
filles d'aujourd'hui vraiment ! Elles sont plus bêtes que nous, pardon."
"Pourquoi dîtes-vous ce
genre de chose", s'insurge maman.
"Ah, madame, pardon, oh!
Moi quand j'ai vu la vie de mon père là, qui plantait les tubercules pour nous
payer l'école, j'ai visé juste, oh. J'ai fait les enfants avec un policier, et
puis un professeur. J'ai regardé en haut. Pourquoi votre fille regarde-t-elle
en bas ? Quand elle me voit là, elle peut même me comparer à vous. Aka! Elle a
la maison où il y a le climatiseur. Au lieu de chercher le garçon qui habitent
dans une maison ou y a la piscine, elle vient se jeter là, dans nos marécages
de tchenguè!"
Après une tirade pareille, je
suis à terre. Obligée de quitter le salon pour aller rire dans la cuisine.
Comment quelqu'un peut-il parler de lui ainsi ? Cette femme n'a aucune honte,
on dirait.
"Donc comme ça, le père
de Peter est policier ?", demande Albert qui n'a rien raté de la
conversation.
"Un policier mort
retraité va vous donner quoi ? Vous pouvez aller le chercher du côté de
Tchibanga là-bas. Je vais vous donner son numéro Libertis."
"Ce n'est pas la peine !
Nous avons compris que tout ça vous est égal, madame.", fait maman, qui
semble très touchée par les propos de la mère de Peter.
"Madame, on ne va pas se
fâcher, oh! Si je pouvais, j'allais pouvoir. Mais comme je ne peux pas, je
préfère être claire dès le départ. Je ne pourrai pas. Même si je force, c'est
un petit 100 francs cfa qui vont tomber de ma poche."
Sur ce, la dame et sa copine,
siffle les 3 bières Beaufort et les 3 Regab qu'on leur a offert et elles s'en
vont.
Ma mère est sciée. Elle ne
sait plus quoi dire. Albert prend la parole et la fait sortir de son silence :
"On ne peut pas jeter la
pierre à cette dame, Bernadette. Quand on élève nos enfants aujourd'hui, c'est
avec l'espoir qu’ils évitent les mêmes embûches que nous."
"Tu as raison, Albert.
Mais, je reste quand même sans voix. Je m'attendais à mieux. Tania, viens voir
un instant."
J’arrive alors au salon, l'air
de rien. Je m'assois en face de maman. Elle me demande alors :
"Tu connais ce garçon ?
Ce Peter."
"Connaître, c'est un
grand mot, maman. Ce n'est pas mon pote, mais tout le monde le connaît, quoi.
C'est une star de basket à Pog."
"Ok. Donc c'est ce qu'a
suivi ta sœur."
Là, je préfère ne pas
répondre, car mes réponses peuvent m'emmener très loin. Je me contente de
hausser les épaules.
"Je pense, Bernadette,
que tu dois faire en sorte que la petite réussisse son bac et accouche dans de
bonnes conditions. Il ne faut pas que sa scolarité pâtisse de cette erreur de
jeunesse."