12. Api AKE
Ecrit par Samensa
API
Lunettes de soleil Gucci sur les
yeux, sac hermès visser sur l’avant-bras, démarche sensuelle sur mes Louboutin,
je me dirige vers la sortie suivies de mes groupies. Oui, mes groupies. Ces
filles qui n’ont rien d’autres à faire que de me suivre espérant que je
déteigne sur elles à plusieurs niveaux : beauté, assurance, richesse,… je
ne peux pas leur en vouloir. Et elles me sont bien utiles à vrai dire.
J’entame ma deuxième année de
master en économie à l’université publique. Mes parents ont voulu me faire
partir au Canada pour étudier mais j’ai refusé. Quitter la capitale de la
joie ? Jamais ? Et pourquoi je le ferai puisque j’ai l’occasion de
faire mes vacances où je veux ? Je suis bien à l’aise ici. Je sais que je
n’ai pas besoin de travailler pour réussir. Aller à l’école n’est qu’un
passe-temps. A 24 ans, j’aurais dû avoir fini avec mon master mais avec les
interminables grèves, je suis toujours sur la cité universitaire, à mon grand
plaisir d’ailleurs. Et ne vous y trompez pas, je suis intelligente à l’école.
Je passe mes examens avec brio sans ouvrir les jambes.
Alors que je suis en train
d’ordonner à l’une de mes suiveuses d’aller nous acheter des rafraîchissements
en attendant mon chauffeur du jour, je reçois une tape dans le dos qui me fait
chanceler. Je me retourne vivement et tombe sur Raïssa qui me regarde en
colère.
- Non mais ça ne va pas ? Je
crie.
-C’est plutôt chez toi que ça ne
va pas. Répond t-elle. Quand vas-tu arrêter de me chercher ? Crois-moi
cette fois je ne te laisserai pas prendre ce qui m’appartient. D’accord ?
Je devine aisément qu’elle parle
de David.
-Tu n’as pas honte de venir me faire
des histoires pour un mec ? Je réplique en souriant. Tu es tombée bien
bas. Entre nous ma chère, le combat pour un homme, ce n’est pas avec des
poings. C’est avec ça… (Je fais un tour sur moi-même pour la narguer) avec tout
ça. Et tu n’es pas en position de vaincre tout ça ma chère.
-Tu es pathétique. Ecoute moi
bien, je ne veux plus te voir tourner autour de lui. C’est la dernière fois que
tu vas chez lui. Il t’a sauté cette fois mais crois-moi que c’est la dernière
fois !
Euh là, c’est moi qui suis
perdue. Je ne la suis plus du tout.
-Je ne sais pas de quoi tu
parles.
-Regardez-moi cette
menteuse !
Elle parle tellement fort en se
frappant les mains que nous sommes vite entourés de curieux. Ce que je déteste
par-dessus tout, ce sont les scandales de bas niveau. Et elle est en train de
m’énerver maintenant.
-Raïssa, je ne sais pas de quoi
tu parles. Arrête ton cinéma maintenant !
-J’ai la preuve que tu as couché
avec lui ! Pourquoi tu me mens ?
Elle me jette à la face une
chaine. Par reflexe, je porte la main à mon cou et me rends compte que je n’ai
pas le mien aujourd’hui. Soit ! Mais je n’ai jamais mis les pieds chez
David encore moins couché avec lui. Ce bijou n’est pas le mien.
Alors que je suis dans mes réflexions,
je suis aveuglée par un coup porté par la folle à mon visage. Je me retrouve
les fesses au sol après avoir perdue l’équilibre sur mes chaussures. Elle tombe
sur moi et se met à lancer des coups. Surprise, je n’arrive pas à me défendre.
Autour de moi, j’entends des gens
se moquer et demander de la laisser faire. Je jure que ce sont les envieux qui attendaient
un moment comme celui-ci. Heureusement que mes suiveuses sont là, elles
arrivent à me libérer de la sauvage.
-Laissez-moi la tuer ! Je
vais lui refaire le portrait ! Je dis, laissez-moi non ! Crie-t-elle
pendant qu’on la retient.
Moi, je fais pitié avec mes
vêtements sales, mon tissage dérangé et mes affaires éparpillées dans le sable.
Une des filles m’aide à me lever tandis qu’une autre range mes affaires. J’ai
tellement honte que j’ai envie de disparaitre.
Par chance, l’un de mes petits
copains que j’attendais vient garer sa voiture. Je cours m’y refugier pendant
que les gens me hurlent des méchancetés. Raïssa me prévient qu’elle n’en a pas
fini avec moi.
Heureusement que les vitres de la
voiture sont teintées. A l’intérieur, mon guru essaie de savoir ce qui ne va
pas. Je lui demande de conduire et de me laisser tranquille. Papys est mon
titulaire. J’ai plusieurs personnes avec qui je sors mais ma plus longue
relation jusqu’à présent, c’est lui, plus d’un an. Il fait environ deux fois
mon âge mais ce n’est pas grave. Il sait prendre soin d’une femme. Tout le
contraire de ces jeunes de maintenant qui ont le cerveau plein d’eau.
-C’est pour une affaire de garçon
que tu es dans cet état ?
-…
-Tu ne veux pas me parler ?
-…
-Ok. Moi je veux te dire quelque
chose d’important.
-Ah papys, conduis non ! Tu
crois que j’ai envie de parler là?
-Je t’emmène où ?
-Chez moi.
-Lequel des chez toi ?
-En cité.
Le reste du trajet se fait en
silence. Une fois qu’il me dépose, il part faire des courses pour moi :
médicaments, nourriture, vêtements, bijoux… et revient me faire un massage. Adorable
comme tout cet homme. Et il insiste pour me parler. Je l’écoute donc.
ERIC
La reprise au boulot est dur comme
jamais. Le weekend a été infernal. Ce matin, la tension se faisait toujours
sentir à la maison. Malgré le fait qu’Ela n’ait pas fait de scène, je me sens
minable de l’avoir frappé. Cette femme est en or, sa réaction est juste
étonnante.
Je viens de raccrocher avec un
traiteur qui doit lui livrer son déjeuner au travail avec chocolat et bouquet
de roses. Je veux me faire pardonner.
Toutefois, je dois avouer que je
ne suis pas serein. J’ai une impression bizarre. L’impression que quelque chose
m’échappe dans cette histoire. Quelque chose d’important.
Depuis la scène, je n’ai ni vu ni
appeler mon frère. Lui aussi semble ne pas vouloir me voir car je sens qu’il
m’évite. Nous travaillons dans la même entreprise. Et j’ai fait le tour des
services, il n’était nulle part. Dans son bureau peut être.
A la pause déjeuner, Rodrigue
vient me chercher pour aller manger. Comme je refuse de sortir, nous commandons
la nourriture et restons discuter dans mon bureau en attendant. Nous parlons de
politique jusqu’à arriver au sujet qui me fatigue.
-Tu penses qu’Ela me
trompe ? Du moins qu’elle serait capable de le faire ?
Il écarquille les yeux
d’étonnement.
-J’ai besoin de conseils et tu es
mon meilleur ami et témoin. Dis-moi quelque chose sinon je risque de devenir
fou.
-Pourquoi tu penses cela ?
Demande-t-il calmement.
Je lui explique de long en large
le week-end, de la dispute dans le bar à laquelle il assisté jusqu’à ce matin.
-Le plus simple serait de lui
demander.
-Et tu crois qu’elle me le
dirait. Je ris nerveusement.
-C’est ta femme Eric. Et je crois
que tu es le plus à même de détecter si elle te dit la vérité ou pas. Tu la
connais mieux que moi en tout cas.
Le pire dans tout ça, c’est que
je crois dur comme fer qu’elle me ment à propos de quelque chose. Mais
quoi ? Car non, je ne peux pas imaginer Ela me tromper.
A un certain moment, je remarque
le regard navré de Rodrigue sur moi. C’est moi qui suit parano ou il en sait
plus qu’il le laisse entrevoir ?
Un bip sonore m’indique un
SMS :
« Je viens de recevoir tes cadeaux mon
amour. C’est juste Waouh. Merci bébé. »
Pas de « Je t’aime », elle est fâchée même si elle ne le fait pas voir.
ELA
Après avoir fini de déjeuner,
j’envoie un message de remerciement à Eric avant de terminer ce que j’ai à
faire. Je quitte l’entreprise vers 17 heures. Direction : la cité
universitaire.
J’ai deux mots à dire à ma petite
sœur. Aujourd’hui, maman m’a appelé pour me raconter encore une fois les
frasques d’Api. Cette petite va finir par tuer les parents. Ces derniers sont
aussi à blâmer. Ils l’ont tellement gâté qu’elle est en train de rater sa vie
devant leurs yeux impuissants. Quand Api commençait à dériver et que je
parlais, maman disait sans cesse que c’était son bébé et qu’il fallait la
laisser s’amuser. Voici où l’amusement nous a conduit. Elle n’en fait qu’à sa
tête.
Le jour où j’ai appris qu’en
terminal, ma sœur touchait des centaines de mille comme argent de poche par
mois, j’ai failli avoir une attaque. C’est ça l’amour de son enfant ?
C’est abusé. Je remercie Dieu d’avoir été élevée en grande partie par ma tante,
certes riche mais plus stricte.
Ça m’agace profondément d’être
celle qui doivent à chaque fois jouer le rôle des parents avec ma petite sœur.
Ils ne font que se lamenter dans mes oreilles et moi, je cours la sermonner.
Alors que je gravis les marches
menant à sa chambre, je reçois un message :
« Tu me manques Ela. Fais signe de vie
s’il te plait. Bisous. »
David. Ah un autre problème, bien
plus important. Il ne cesse de me bombarder de messages depuis. Il faut que
tout ça cesse pendant qu’il est encore temps.
Je toque à la porte. Api vient
ouvrir et renfrogne sa mine quand elle me voit. Je la suis à l’intérieur sans
qu’elle m’y ait invité. Je me retrouve obligée d’éteindre la télévision sur
laquelle toute son attention est focalisée pour l’obliger à m’écouter.
-Oui, tu es là pour quoi ?
Me demande-t-elle.
-C’est maman qui m’a demandé de
venir te voir ?... Api tu as perdu la tête ?
-Parce que ?
-C’est avec les gens qui ont deux
fois ton âge que tu sors maintenant ?
-Ah les nouvelles vont vite à ce
que je constate.
-Api, tu te rends compte de ce
que tu fais ?
-C’est ma vie, je ne sais pas
pourquoi vous vous en mêlez. Les vôtres sont si ennuyantes ? Ah laissez
les gens vivre !
-Api, je vais te refaire la
portrait hein ! Je ne suis pas maman ou papa pour que tu me parles comme
ça ! Tu me connais !
-Dis à maman que tu as accompli
ta mission en venant ici. Et que je ne changerai pas de décision. Cet homme je
l’aime.
Mais, ma sœur a quoi dans la
tête ?
-Qu’est-ce que ce vieil homme va
t’apporter ? Tu es trop jeune lui. Tu vas le regretter. Réfléchis bien
avant de poser tes actes. Pense à l’avenir.
-Je n’ai pas besoin de conseils
venant de toi.
Je fais de mon possible de me
retenir de lui envoyant une bonne gifle devant la désinvolture dont elle fait
preuve.
-Api. Dis-moi, que cherches-tu en
faisant cela ?
-La même chose que ce que tu
cherches en couchant avec ton beau-frère.
Je crois que mon cœur vient de
s’arrêter.