
14. Je ne suis pas idiot
Ecrit par Samensa
API
Elle croyait vraiment qu’elle
allait s’en sortir indemne ? Laissez-moi rire. Elle m’a bien eu par
surprise mais moi je lui ai montré qu’elle n’a pas le monopole de la folie.
Ce matin-là, après avoir pris un
petit déjeuner consistant, je me suis habillée en circonstances. Legging, body
suit dos basket sous un pull avec des tennis air max.
J’ai ensuite pris la direction de
son lieu de travail. Elle est assistante pharmacienne dans la pharmacie proche
du CHU. Quand je suis entrée, je ne l’ai pas vu. J’ai donc demandé à la
rencontrer. Elle était stupéfaite de me voir là mais comme toujours a voulu
faire sa grande gueule.
La pauvre n’a pas compris ce qui
se passait quand je l’ai pris par les tresses pour la faire passer par-dessus
le comptoir. Sans tenir compte de ce qui se passait autour de moi, les cris des
clients et autres, je me suis assise sur elle pour la rosser de coups. Je
sentais les gens essayer de m’arrêter mais j’étais déchainée à tel point qu’ils
n’ont pas pu. Je lui ai tapé dessus comme si elle était une enfant, ne lui
laissant pas le temps de souffler.
Quand j’ai été satisfaite du
résultat, je me suis levée et je suis sortie de la pharmacie sans un mot. C’est
ce que j’appelle un travail de pro. Efficace et sans bruit.
Qu’elle me dise merci de l’avoir
trouver sur son lieu de travail. Le CHU n’est pas loin, elle pourra aller se
faire soigner rapidement. Maintenant, elle sait à qui elle a affaire. En tout
cas, la prochaine fois que je m’énerve, je la retrouve et je la tabasse encore.
Couchée près de la piscine à
l’hôtel Ivoire, je regarde avec un sourire les appels manqués et ceux qui continuent
à pleuvoir depuis le début de l’après-midi. David, maman, papa, Ela.
La nouvelle est déjà parvenue à
leurs oreilles. Je vais répondre mais pas maintenant, quand je finirai de me
relaxer au spa, je les contacterai.
DAVID
Alors là ! La petite Api en
a dans les muscles. Je suis sidéré.
Quand je suis arrivé à l’hôpital,
j’ai été choqué à la vue de Raïssa. J’étais loin de m’imaginer que la situation
serait telle. Elle a des parties du cuir chevelu nues à cause de mèches arrachées,
les lèvres tuméfiées, l’œil droit fermé, les vêtements en lambeaux. On aurait
dit qu’un camion lui était passé dessus.
J’ai réglé tous les frais d’hôpitaux
avant de l’emmener chez moi. En chemin, elle a voulu aller au commissariat pour
porter plainte. Je l’en ai dissuadé. C’est en quelque sorte une histoire de
famille. Je n’ai pu lui promettre qu’Api viendra présenter ses excuses.
Raïssa a tempêté, pleuré,
pleurniché avant de s’en dormir.
Après plusieurs essais
infructueux, j’ai pu avoir Ela au téléphone pour lui faire part de la
situation. Elle m’a rappelé en fin de soirée pour me dire qu’elle passera à la maison
avec ses parents et Api pour qu’on en parle, dans deux semaines puisqu’ils sont
actuellement en voyage.
Quand j’ai essayé d’aborder un
autre sujet, elle m’a tout simplement raccroché au nez.
Deux semaines plus tard.
ELA
Le samedi matin, couchée dans mon
lit, je cherche quoi inventer pour ne pas aller à cette rencontre. Voir David
est la dernière chose dont j’ai envie.
Toutefois, un appel de ma mère me
fait lever du lit pour m’apprêter. Eric se propose de m’accompagner pour selon
lui, voir les œuvres de ma sœur.
Quand nous arrivons à
l’appartement de David, mes parents et Api sont déjà présents. C’est Raïssa qui
est venue nous ouvrir, David s’étant absenté pour aller chercher de la boisson
au supermarché du coin.
Dès que ma mère me voit, elle se
met à parler sans même me laisser le temps de m’installer.
-Ela, tu vois ce que ta sœur nous
fait ? Parle-lui !
La concernée ne semble pas
inquiétée le moins du monde. Elle m’adresse un regard qui en dit long sur sa
nouvelle perception de moi avant de replonger dans son iPhone.
-Api est assez grande pour savoir
ce qu’elle fait maman.
-Certes. Mais si ta petite sœur
se comporte mal, tu dois jouer ton rôle de grande sœur.
-Ses parents ne sont pas morts à
ce que je sache. Je réponds excédée.
Ma mère hoquète choquée pendant
que mon père me fusille du regard. J’ai dit ce que je pensais, point. J’ai
d’autres chats à fouetter moi.
En voilà un qui vient d’entrer.
David.
-Bonjour à tous. Excusez-moi pour
l’attente.
Le voir fait battre mon cœur de
manière désordonné. Il me semble tout à coup plus beau, plus imposant, plus
viril. Nos regards se croisent brièvement faisant naitre une boule dans mon
ventre. Baissant le regard vers le sol, je me remémore immédiatement notre
nuit, sur ce même tapis. Je n’ai d’autres choix que de serrer mon sac contre
moi pour cacher mon trouble.
Api me regarde en remuant
doucement la tête.
David dispose la boisson devant
nous avant de prendre place. Lorsqu’il passe le bras autour de l’autre, je
soupire d’exaspération.
David prend la parole pour
expliquer le contexte de la rencontre avec photo à l’appui. Eric n’a pas pu
s’empêcher de pouffer de rire en voyant les images malgré le regard noir que je
lui ai lancé. Non mais blague à part, Api lui a littéralement refait le
portrait. C’est délirant.
Ensuite, c’est au tour de Raïssa
de s’exprimer. Nous sommes éberlués par la version des faits de cette dernière.
C’est lorsqu’on demande à ma sœur
de s’expliquer que tout se gâte.
-Vous voulez que j’explique
quoi ? Ce qu’elle a dit ne vous plait pas ?
-Api, change de ton. Crie mon
père.
-J’ai dit quoi de mauvais
papa ? Je l’ai frappé, oui, je le reconnais. Je dois forcément dire
comment ?
-Api, quels esprits
t’animent ? demande ma mère. Parce que quelqu’un de simple ne peut pas se
comporter comme ça.
-Moi, animée par un esprit ?
Hum. Je crois que dans cette pièce, des gens ont des esprits pires que les
miens. Je te l’assure.
Je relève cette allusion sans
broncher.
-Je veux que tu présentes tes
excuses à ma copine. Dit David.
Sur ce, Api se met à rire.
-Présenter quoi ?... S’il
vous plait, arrêtons la comédie !
-Tu vois comme elle est
impolie ? Crie Raïssa.
-Toi tu te tais ! crie ma
sœur. Sinon tu vas me sentir encore une fois !... écoutez-moi bien, quand
elle est venue me frapper à l’école, je n’ai pas appelé l’ONU donc qu’elle
arrête son cinéma. J’ai juste rendu mon coup. Point barre. David, des excuses,
elle n’en aura pas.
-Mais pourquoi Raïssa est allée
faire des histoires à Api ? demande Eric.
-Elle est sortie avec
David ! lance Raïssa.
Tout le monde crie de surprise.
-Tu n’as pas honte de t’en
prendre à elle parce qu’elle est soi-disant sortie avec lui ? C’est à lui
que tu devais faire des histoires. Ce n’est pas de ta faute si tu n’arrives pas
à garder ton homme. Réplique-je.
-Merci ma grande sœur. Mais
mettons les choses au clair, même si j’en ai envie, je ne suis jamais sortie
avec lui. Et si c’était le cas, tu allais disparaitre de la liste de ses
conquêtes.
-Et ton collier faisait quoi chez
lui ? Hein ? Demande Raïssa.
-Ce n’était pas le mien. Répond
doucement Api en me regardant. C’était à Ela.
Qu’est ce qu’elle est en train de
me faire ? Tous les regards convergent vers moi. Du coup, l’air commence à
manquer dans la pièce.
-Oui, c’était le mien.
-Qu’est-ce que ton collier
faisait ici Ela ? demande Eric.
Je sens Eric déjà tendu et ça ne
m’aide pas.
-J’ai habité ici. Je suppose
qu’il a dû tomber à ce moment-là.
Cette excuse, moi-même je ne
l’aurais pas cru. Malheureusement, je n’ai rien trouvé de mieux.
Raïssa me regarde
sceptique : elle n’a pas avalé la couleuvre. Eric, quant à lui, devient
silencieux à mon grand désarroi.
-J’avais même oublié cette
histoire de pendentif jusqu’à ce que Api me le ramène.
Après un long silence, Api
ajoute :
-Alors, c’est fini ? On peut
rentrer ?
-Même si elle t’a provoqué, ce
n’était pas un moyen de résoudre cette affaire. rétorque David en ignorant sa
question.
-Oh toi non ! Pas de conseils
venant de toi. Merci.
David parait surpris mais ne dit
rien.
Ma mère prend la parole pour
s’excuser pour le compte d’Api. Elle prend l’initiative de dédommager mais
David l’en empêche car selon lui, « c’est la famille ».
La réunion se termine après la
prise de parole de papa pour demander encore pardon.
J’aide ensuite David à
débarrasser la table basse espérant me retrouver seule avec lui pour lui parler.
Cette occasion se présente dans la cuisine. Il me surprend par un baiser avant
que je repousse violemment et lui dire qu’Api sait tout. Je sors sans demander
mon reste et tombe sur Eric juste derrière la porte.
Je m’arrête net devant son regard
troublant. Il est juste adossé contre le mur, les bras croisés.
-Eric… Tu es là depuis
longtemps ?
-Non.
Ben dis donc, le
« non » est vraiment un nom.
-D’accord, on y va ?
-Je dois d’abord parler à mon
frère.
Pendant qu’il va rejoindre son
frère, moi je cours vers ma sœur et l’emmène dans un coin pour que nous nous
entretenions à voix basse.
-Qu’est-ce que tu as fait ?
Tu voulais que tout le monde sache ou quoi ?
-Ah donc tu sais que ce que tu
fais n’est pas bien. Pourtant tu le fais.
-J’ai tout arrêté, je te promets.
-C’est tant mieux pour toi… Ce
qui me faisait mal, c’est que j’avais des vues sur lui. Ça devrait s’arranger
maintenant.
-Non Api, tu ne devrais pas.
-Pourquoi pas ? Ou bien tu
es jalouse ?
-Tu n’as plus ton vieux que tu aimes
tant ?
-Ah ma sœur, tu es amoureuse… Je
crois que cette histoire est loin d’être terminée. Au revoir.
De loin, je perçois le regard
inquisiteur de Raïssa sur moi. Si celle-là soupçonne quoi que ce soit, moi Ela,
je suis foutue.
-Ela, on rentre.
Eric passe devant moi pour se
diriger vers la sortie. Je n’aime pas sa froideur.
ERIC
Au volant, je jette de temps à
autre des coups d’œil à ma femme.
Cette rencontre a été un déclic.
Cependant, j’ai besoin de voir plus clair dans tout ça.
Ela, je suis amoureux. Pas idiot.