14- Les couleurs de nos amours

Ecrit par lpbk

A peine la porte fermée qu’elle se jette sur moi. En d’autres circonstances, il ne fait aucun doute que je l’aurais étreinte durant quelques heures si ce n’est durant toute la nuit. Je défais la prison de ses bras autour de mon cou et je la pousse gentiment.

« Tu veux boire quelque chose ? »

Elle me regarde de la tête aux pieds.

« Non ! Mais merci de t’en soucier. »

Je lui fais un petit sourire. Rien d’encourageant. J’ai l’impression que je me sens comme qui dirait nerveux. Je laisse tomber mon sac et je vais dans la cuisine. J’ouvre le frigo. L’air presque froid court dans ma direction. J’attrape une bouteille que j’ouvre directement. J’avale de grosses gorgées et puis, j’avale de travers. Elle vient de m’enserrer la taille. Je suis pris d’une quinte de toux salvatrice.

« Ça va ? », me demande-t-elle en m’assénant de coups dans le dos.

Une fois de plus, je l’éloigne.

« Tu pourrais me remercier. Tu aurais pu t’étouffer. »

« Merci. »

Elle croise les bras sous sa poitrine généreuse. Celle-ci manque de justesse de sortir de sa robe. Tina est une belle guitare. Je ne suis pas en train de lui trouver quoique ce soit, je reconnais juste sa beauté. Elle avance vers moi en se déhanchant nonchalamment.

« Tu as dit que tu avais quelque chose à me dire tout à l’heure. »

Elle porte son parfum préféré. Elle porte toujours quand on a rendez-vous.

« On pourrait aller le faire au salon. »

Sans même me répondre, elle se retourne et marche déjà vers la sortie. Je devine vite au mouvement de ses fesses qu’elle ne porte pas de dessous. Je sens une érection naissante. Je déglutis et je tache de détacher mon regard de son corps.

Nous sommes bien installés. Moi dans un fauteuil et elle dans le canapé. C’est parfait. C’est le moment ou jamais. Comment y aller ? Etre brut de décoffrage ou habiller la chose de mille parures ? J’ai toujours détesté le style baroque ou encore le rococo.

« J’ai rencontré une femme. »

Je suis comme ça. Quand c’est noir, c’est noir. Chez moi, pas de blanc cassé, de fushia, ou encore de turquoise. Je ne connais que le blanc, le rouge, le bleu.

« Ah ha ha ha … », fait-elle en se pliant littéralement.

Finalement ça passe bien. J’étais sûre qu’elle me comprendrait. Si ça se trouve elle me donnera quelques conseils pour que ça marche.

« T’es pas sérieux ! Ah ha ha ha ha … »

Elle se tord de rire pendant une bonne minute. Je ne sais plus quoi penser.

« Tu n’es pas sérieux Rudy. »

Cette fois, elle est calme. De ses deux mains, elle lisse ses cheveux en arrière tout en croisant les jambes. Des talons aiguilles, comme d’habitude. Comment fait-elle pour marcher sur ces cure-dents ?

« Et je peux savoir depuis combien de temps ? »

J’espérais n’avoir rien à lui dire de plus. Mais bon, autant mieux jouer la carte de la franchise.

« Un certain moment. »

« Je suppose que tu étais avec elle tout à l’heure quand je t’ai appelé. »

« Non ! J’étais à la salle de sport. »

« Balivernes ! On sait tous les deux le sport que tu préfères pratiquer. Sinon, cette femme comme tu dis … »

« Je préfère qu’on ne parle pas d’elle. »

Elle se met debout. Arpente le séjour de long en large, un bras sous la poitrine portant l’autre en un angle droit pour se frotter la joue de la main de ce dernier. Elle s’arrête un instant et me regarde avant de recommencer à rire.

« Et qu’est-ce que j’ai à faire de cette histoire ? Je veux dire pourquoi tu voulais me le dire ? »

« Parce qu’il est temps que nous arrêtions de nous voir. »

Elle avance jusqu’à moi. Me pointe son index devant le nez.

« Attends ! Ne me dis pas que tu es amoureux de cette fille. »

Je ne pipe mot. Elle se croit en confessions ?

« Mais si ! C’est ça. Tu es amoureux de cette femme. », finit-elle par lâcher en applaudissant.

« Ravi que tu prennes la chose ainsi. Tu vas donc commencer par effacer mon numéro de ton répertoire. Ensuite tu m’effaces de ta mémoire. »

Splash !

J’entends siffler dans mes oreilles. Elle vient de me donner une gifle. Une vraie gifle. Rien à voir avec la caresse de Nowa. Je dois compter dans ma tête pour ne pas la lui rendre.

« Mais tu te prends pour qui ? Trois ans et voilà comment tu m’annonces qu’on doit rompre ? »

Rompre ?

« Toi et moi, nous n’avons jamais été ensemble. Je pensais que c’était clair dans ton esprit. Tu vas te marier Tina alors ait un peu de considération pour se pauvre gars. »

« Ma relation avec Tristan ne te regarde pas du tout. Qu’est-ce que tu t’imaginais, que je suis une pute ? Que je couche avec toi parce que mon fiancé est impuissant ? Il ne t’est pas venu à l’esprit que tu puisses me plaire ? »

C’est quoi encore cette tournure que prend les choses ?

Et j’aperçois des larmes dans ses yeux.

« Tina… »

« Laisse-moi ! Laisse-moi tranquille ! »

Elle attrape son sac et sort comme un ouragan. Je reste là, incapable de bouger.

 

Nowa NYANE

Toc toc toc !

Driing driing driing !

Nowa ! Nowa ! Driing driing !

« J’arrive ! »

Il est 02h du matin et quelqu’un est en train de s’acharner sur ma porte. J’ai appelé Rudy. Il m’a conseillé de ne surtout pas ouvrir mais là, je n’en peux plus. Et puis, si c’était un criminel, il ne m’appellerait pas par mon prénom.

J’ouvre la porte sans enlever la chaine de sécurité. C’est Georgette. Je ferme la porte pour l’ouvrir complètement. Elle tombe dans mes bras. Elle est en larmes. Je l’entraine rapidement dans le canapé et je cours fermer la porte. Il ne faudrait pas qu’un mal intentionné en profite.

« Georgette, que se passe-t-il ? »

Elle est allongée sur le ventre et je crois que si elle ne s’arrête pas de pleurer, nous risquerons la noyade. Je passe une main affectueuse sur son dos, ce qui la calme un peu. Elle lève enfin le visage et ce que je découvre me fait chanceler.

« Qui t’a fait ça ? »

Son visage est couvert de marques de coups. On dirait qu’elle s’est battue avec Goliath. Plutôt qu’elle s’est faite battre par Goliath.

« Qui t’as fait ça Georgette ? »

Elle sursaute. Ses genoux sont couverts d’écorchures. Je soulève le voile qui la recouvre et c’est une tragédie. Son corps porte des traces de coups violents. Celui qui lui a fait ça est un criminel.

« C’est Bibi ? C’est lui qui t’a fait ça ? »

Elle secoue la tête de haut en bas et fond en larmes dans mes bras.

Comment un homme peut-il être aussi violent avec une femme ? Elle est blessée dans toute sa chair et surement son esprit est marqué.

« Ne t’inquiètes pas Georgette. Tu es en sécurité maintenant. Tu as bien fait de venir ici. », lui chuchautais-je à l’oreille en continuant de lui caresser le dos.

C’est tout à fait horrible. Cet homme est un monstre. Une bête sauvage.

Quand elle se calme un tout petit peu, je lui apporte une tasse de thé à la camomille. Elle rechigne à l’avaler au début puis, elle finit par la vider. Je range son sac dans ma chambre.

« J’ai dressé le lit pour toi. »

Elle lève ses yeux tout bouffis sur moi, prend mes mains dans les siennes.

« Je ne te remercierai jamais assez pour ce soir Nowa. Jamais. »

Je m’accroupis pour lui faire face.

« Tout ira bien. Il faut que tu te reposes. »

Je l’aide à se mettre debout et nous allons dans la chambre. Une fois qu’elle est bien installée dans le lit, j’éteins l’éclairage principal et je sors sur la pointe des pieds car je n’ai pas envie de la réveiller.

« Et toi ? Tu vas dormir où ? »

« Tu ne dors pas ? », demandais-je en revenant sur mes pas.

« Pas encore. Tu ne m’as pas dit, tu vas dormir où ? »

« Au salon. »

« J’espère que je ne te dérange pas. Dès demain, je m’en irai », dit-elle en me serrant la main.

« Non, tu peux rester le temps que tu voudras. Maintenant essaie de dormir. »

Je suis en train d’apprêter ma couchette quand on cogne à la porte. Mon cœur fait un bon. Pourvu que ce ne soit pas cet idiot de Bibi. J’appuie vite sur l’interrupteur et je reviens au milieu de la pièce. Je me tiens prête à crier.

« Nowa ! C’est moi. Rudy ! »

En une fraction de seconde, je me retrouve en train de déverrouiller la porte et de sauter à son cou.

« Si je savais que tu m’aurais accueilli ainsi je serai venu plus tôt. »

Je souris.

Il entre et ferme la porte derrière lui. J’appuie à nouveau sur l’interrupteur. Il est bien là, devant moi. Comme pour me convaincre que je ne rêve pas, il s’approche de moi et me fait un câlin tout doux. Je fonds. Et quand il me lâche, je suis presque déçue.

« Qu’est-ce que tu fais là ? »

« Tu m’as bien dit qu’on frappait à ta porte. J’ai essayé de t’appeler après mais tu ne décrochais pas. Et puis pourquoi tu murmures ? Qu’est-ce qui s’est passé ? »

Il n’est pas mignon lui ?

« Oh c’est adorable. Tu t’inquiétais pour moi ? », fis-je un sourire moqueur accroché aux lèvres.

« Arrêtes de rigoler. Tu ne m’as pas expliqué pourquoi tu murmures. C’est quoi tout ça ? », fait-il en balayant la pièce d’un geste de la main.

Je suppose qu’il parle des couvertures et des oreillers.

« Tu m’aides ? Je t’explique tout après. »

« Non ! Tu m’expliques maintenant ! »

« T’es lourd ! On peut quand même s’assoir ? »

« Non ! J’ai envie d’un chocolat chaud avant ! »

C’est dans la cuisine, devant un bol de chocolat surmonté de crème que je lui raconte ce qui vient de se passer. Je suis bien obligé de lui dire ce que je sais de ce Bibi. Il ne dit pas grand-chose, se contentant de m’écouter parler. Quand je finis, il décolle enfin les lèvres.

« Tu es adorable Nowa. »

Je le gratifie d’un baiser sulfureux. A la façon dont il me regarde, je suis prête à parier qu’il meurt d’envie de m’embrasser. Curieusement, je ne me sens pas du tout gêné par le fait qu’il voit ma peau. J’ai même l’impression qu’il ne la remarque pas.

De retour dans le salon, je le regarde faire de la place. Il pousse les meubles sans faire de grands efforts. Je l’aide à installer deux couvertures bien épaisses sur le sol avant d’arrêter la lumière.

La tête sur son torse, j’écoute le mécanisme de son cœur. Alors que d’une main, il me caresse délicatement.

« Tu vas dormir ici ? »

« Pas si tu n’en n’as pas envie. »

Un sourire. Cupidon doit être en train de traverser ma rue en ce moment.

Le silence est là, face à lui l’obscurité.

« Tu dors ? »

« Non bébé ! Je cause avec les fantômes. »

Je le pince un peu. Ça lui apprendra à dire n’importe quoi.

« Ça fait mal ! »

« Je sais ! Humm… »

« Quoi ? »

« Tu me dis un secret ? »

« Tu m’en diras un toi aussi ? »

« Oui ! »

« D’accord ! »

Les secondes filent. Je caresse son torse avec la pointe de mes doigts

« Je crois que je suis amoureux. »

Le choc ! Mes caresses cessent. Il est amoureux de moi ? De moi Nowa NYANE ? C’est trop beau pour être vrai. La nuit peut-elle s’éterniser ? Cette nuit plus précisément ? Pitié Seigneur, envoie un de tes anges arrêter le sablier du temps, que jamais ce moment ne prenne fin.

« Arrête de rêver, c’est à toi maintenant. »

Je soupire.

« Vas-y dis-moi ! »

Un nouveau soupir.

« Je déteste ma sœur. En fait je suis jalouse de ma sœur. Non, je la déteste plutôt. »

Pam !

« Aïe ! Mais pourquoi tu m’as donné un coup ? »

« C’est tout ce que tu as à dire après une telle déclaration ? Tu ne peux pas être un peu romantique ? C’est à ce moment que tu aurais dû dire moi aussi je suis amoureuse de toi. »

Il a raison. C’est nulle ce que je lui ai dit. Mais voilà, je voulais partager cela avec lui. Et puis comme ça il sait que j’ai une sœur. De toutes les façons, si tout va bien, il devrait la rencontrer ainsi que tous les membres de ma famille. Quand je dis tout, je pense également à Mimi et à Quentin. Papa n’a qu’à faire ce qui lui plaira.

« Tu es sérieux ? », demandais-je en me sentant coupable.

« Je rigole ! Il faut qu’on dorme. Moi je travaille demain. »

« Mais demain c’est samedi ! »

« Il faut bien que je travaille pour pouvoir t’offrir un diamant dans quelques années. »

« J’en veux un bien gros. Tu peux même travailler le dimanche et les jours fériés. »

Nous étouffons tous les deux des rires. Il ne faudrait pas réveiller Georgette.

« Compris ! Allez, fermes les yeux. Bonne nuit. »

« Bonne nuit ! »

« Je t’aime Nowa. »

Les couleurs de nos...