15- Les couleurs de nos amours
Ecrit par lpbk
« Je comprends pourquoi tu as manqué ta première année de médecine. », m’exprimais-je à l’intention d’Iris qui était en train de torturer Georgette plus qu’autre chose.
« Elle raconte des bêtises Georgette ! Il ne faut surtout pas l’écouter. »
« Aïe ! »
« Mais arrête de gesticuler. Tu vois Nowa, c’est comme ça que vous faites et puis on dit que ce sont les médecins qui ne sont pas bons. »
« Je crois que ça suffit ! Ce n’est pas ici que tu vas nous étaler toute ta compétence chirurgicale. », fis-je en lui arrachant la paire de ciseaux des mains.
Je range le matériel dans ma trousse de premiers soins. Quelques fois, je jette un coup d’œil furtif en direction de Georgette. Elle est complètement défigurée. Je dois faire un effort surhumain pour ne pas la fixer comme les me fixaient mes camarades de classe en primaire. C’est horrible ce qu’il lui a fait.
« Et maintenant tu vas faire quoi ? », demande Iris.
« Tu ne vas quand même pas le laisser s’en sortir comme ça ! Ce serait trop facile pour lui. N’est-ce pas Nowa ? »
« Et tu voudrais qu’elle fasse quoi Einstein ? »
« Qu’elle porte plainte ! »
Et là, je me dis qu’elle doit être folle. Porter plainte ici à Babi !
« Eh bah, tu as du aspirer trop de relents d’alcool Iris. »
Je vois bien que cette idée met Georgette mal à l’aise. Je serai pareille à sa place. Iris semble oublier qu’ici c’est le plus fort qui a toujours raison. Je dirai même le plus riche. Contre qui une malienne sans le sous pourrait-elle porter plainte ? Pour qu’on l’écoute, elle devra passer dans le bureau de l’inspecteur principal et après, le cycle infernal reprendra. Il vaut mieux qu’elle se repose et qu’elle oublie vite cet homme. Le prix de cette vengeance est bien trop élevé pour une fille dans sa condition.
« Je pense plutôt que tu devrais te reposer Georgette. »
« Tu as raison Nowa. Je vais aller m’allonger un moment. » s’exprima-t-elle en se levant.
« Iris, merci pour tout. »
« Y a pas de quoi ma belle. Les amis c’est fait pour ce genre de situation. Allez va ! »
Je vais quand même attendre d’entendre le bruit de la porte qui se referme avant de demander à Iris de quelle partie de son cerveau cette idée de plainte a bien pu jaillir. Je crois qu’à force de regarder New York section criminelle, elle se perd dans l’espace.
« Tu peux me dire … »
Interrompu par la sonnerie de mon portable. Ce n’est que partie remise. Il faut que je réponde à ce message de Rudy.
« C’est de ta faute si j’ai si mal au crâne. »
Il est adorable ce gars. Comment je fais pour le trouver mignon par ce message ? Je ne sais pas, demandé à l’amour. L’amour ? Merde ! Qu’est-ce que je raconte ? Il ne faut pas que je m’emmêle les pinceaux.
« C’est de ta faute si j’ai trop bien dormi. »
« Tu es une belle sorcière ! »
« Mais pourquoi tu montres les dents ? Tu causes avec qui ? », crie Iris en se penchant pour trouver une réponse à sa question.
« Je vois ! Alors c’est le grand amour entre vous finalement ? », lance-t-elle en soulevant mes jambes pour s’assoir aussi dans le canapé.
« Tu devrais m’inviter au restau au lieu de me traiter de sorcière. »
« Aïe ! Mais qu’est-ce que tu veux Iris ? »
Elle vient de me donner une frappe monumentale sur mes cuisses nues.
« Je te parle ! », me répond-t-elle.
« Ce soir ? Toi et moi au restaurant du Radisson. »
Je pousse un hurlement tellement je suis aux anges.
« Ma parole ! Tu deviens folle ? », demande Iris en levant ses grands yeux sur moi.
« Il m’emmène au Restaurant ce soir. »
Elle croise ses jambes et augmente le volume de la télévision. Un peu comme si je n’avais rien dit. Bien décidé à la taquiner, j’attrape la télécommande et je coupe la télévision.
« Nowa, respecte-moi un peu ! Je suis ta grande sœur. »
« Tu pourrais faire semblant d’être heureuse pour moi Iris. »
Elle s’allonge dans le canapé. Je suis sûre qu’elle priait depuis un moment pour que je quitte de là. Heureusement, j’ai fait un pet quelque part, juste là où elle pose sa tête. Bien fait pour elle.
« Nowa, c’est juste un restau ma chérie. Sauf si … »
« Sauf si quoi ? »
« Sauf si … »
« Parle ! »
« Sauf si tu es amoureuse de lui ! »
Je serre mon téléphone contre mon cœur sans prononcer un seul mot.
« Ah oui, c’est ça ! Ma petite Nowa est amoureuse. Na na na na nè èh ! », chante-t-elle en frappant des mains.
« Non ! Je ne suis pas amoureuse. Je ne crois pas en Cupidon et ça tu le sais bien. »
Mon téléphone me signale une notification que j’ignore royalement. Il faut que je recadre cette fille qui continue à chanter à tue-tête cette stupide chanson. Je ne suis pas amoureuse.
« Aïe ! »
Je viens de lui lancer mon téléphone à la figure.
« Je vais t’apprendre à me respecter petite impolie. »
Et sans m’y attendre, elle se lève et court s’enfermer dans la salle de bain. Avec mon portable entre ses mains aux doigts crochues.
« Allez Iris ! Sors de là s’il te plait. »
« Non ! Eh bah ce n’est pas dans n’importe quel restau ma cocotte. »
« Iris ! »
Je n’arrête pas de tambouriner sur la porte.
« Oh, tu te calme Nowa. C’est toi qui m’as cherché. »
La mine boudeuse, je retourne m’assoir au salon. Elle finira bien par sortir. Sauf si elle a caché des provisions de nourriture dans les placards. 5 minutes. 10 minutes. Elle joue avec mes nerfs. 15 minutes. 25 minutes. A la guerre comme à la guerre. Je vais dans la cuisine où je me lance dans la préparation d’un bon repas très odorant. En moins de temps que prévu, ma petite souris mort à l’appât. La voici qui entre dans la cuisine le sourire aux lèvres.
« J’en ai profité pour prendre un bain. », dit-elle le sourire aux lèvres.
« Tiens ! Voici ton téléphone. »
Elle le pose sur la table et attrape une assiette. J’aurai dû mettre de la mort au rat dans cette casserole. Elle est carrément installée en train de manger ce délicieux pot-au-feu en me racontant tout un tas d’histoires sur la clientèle de la pharmacie dans laquelle elle travaille. Je fais semblant de l’écouter alors que dans mon esprit, je suis en train de lui donner des coups terribles. C’est quand nous terminons nos plats que je prends enfin mon téléphone. J’espère qu’elle remarque bien que je ne suis pas pressée.
On s’en va au salon. Peut-être que la RTI va nous surprendre pour une fois.
Bien callée, je décide de revenir à cette conversation qui avait plutôt bien commencé. Je suis presque sûre qu’il doit se demander pourquoi je n’ai rien répondu tout à l’heure. Pourvu qu’il n’ait pas déjà changé d’avis.
« Je t’aime ! »
C’est quoi cette embrouille ? Je préfère faire une relecture calme de nos échanges depuis ce matin.
Lui : « C’est de ta faute si j’ai si mal au crâne. »
Moi : « C’est de ta faute si j’ai trop bien dormi. »
Lui : « Tu es une belle sorcière ! »
Moi : « Tu devrais m’inviter au restau au lieu de me traiter de sorcière. »
Lui : « Ce soir ? Toi et moi au restaurant du Radisson. »
Moi : « Je t’aime. »
Je ferme les yeux. J’ouvre les yeux. C’est moi qui aie dit ça ? Je sens le ciel me tomber sur les épaules. Je n’ai jamais saisi ce message. Merde ! Le pire c’est qu’il n’a rien répondu. Il n’a rien répondu à ce je t’aime qu’Iris a envoyé.
« IRIS ! JE VAIS TE TUER. PAS DEMAIN, PAS DANS UNE MINUTE MAIS MAINTENANT. »
Je saute sur son coup, bien décidé à l’étrangler. Elle beugle comme une vache qui sent approcher la mort. Elle me donne des coups dans le dos avec ses genoux. Je vais tuer ma cousine aujourd’hui et je finirai sûrement mes jours en prison.
« Lâche-moi ! Nowa ! »
Elle me frappe toujours mais je ne lâche rien. Je suis prise d’une folie meurtrière.
« Nowa ! »
La sonnerie de mon portable me ramène à la raison. Je finis par la lâcher.
Elle a été sauvée par cet appel. Tina ! C’est rare qu’elle m’appelle celle-là.
« Bonjour Nowa ! Ça va ? »
« Euh oui et toi ? »
Iris est en train de se remettre de ses émotions. Elle l’aura cherché.
« Juste pour te dire qu’avec Tristan et maman, nous avons choisi une date. »
Ils vont faire un mariage à trois ? Et pourquoi moi on ne me demande pas quelle date m’arrange ? Il se peut que je prenne un billet pour la Chine ce jour sans le savoir. Bref je préfère reprendre mon souffle.
« Donc dans deux semaines, il y aura un repas à la maison pour l’annoncer. Je préfère te prévenir dès maintenant. Avec toi, on ne sait jamais. »
Humm… Elle ferait mieux de ne pas me chercher elle.
« OK ! »
« Et sinon, tu fais quoi de ton samedi ? »
« Rien ! »
« Nowa ! Il est temps que tu te trouves quelqu’un. Jusqu’à quand vas-tu continuer à te pointer aux évènements familiaux toute seule ? Maman commence même à se faire du souci pour toi. Tu ne serais pas lesbienne par hasard ? »
« Mais tu racontes quoi Tina ? »
« Ce n’est pas la peine de mal prendre cette question. Et puis moi ça ne me dérangerait pas. Tu as du mal à trouver quelqu’un qui t’accepte avec ta … comme tu es alors on ne va pas faire les difficiles ! »
« Tu m’en diras tant grande sœur. Je crois que je vais te laisser. J’ai une peau à aller essayer de soigner. »
Je raccroche sans rien attendre de plus. Elle est vraiment malade ma sœur. Dois-je reprendre où je m’étais arrêté avec Iris ou dois-je la laisser vivre telle est la question là, maintenant.
« Avant toute chose, laisse-moi dire quelques mots pour ma défense. », fait-elle les mains sur le cœur.
« Non ! Tu n’as rien à dire. La sentence est tombée. Je dois te tuer. »
Je fonce sur elle comme un taureau.
« Mais même les criminels ont droit à un procès. »
Je m’arrête.
« OK ! Appelle ton avocat. »
« Je vais appeler mamie ! »
« Mais ce n’est pas juste Iris. Il y a conflit d’intérêt. Mamie ne peut pas être ton avocate. »
« Eh bien, tu devras me laisser tranquille. Pas de procès, pas de peine ! »
J’expire bruyamment. Elle a de la chance. Je préfère aller dans la chambre. Je la vois qui fait rapidement le signe de croix. Je souris.
18h27. Je suis déjà prête.
Pas de robe ou de jupe. J’aurai bien voulu en mettre une mais voilà, je ne tiens pas à faire peur aux autres clients. Il vaut mieux éviter autant que possible l’incident dermique.
Un pantalon noir, un haut en dentelle rouge sang et par-dessus, un kimono à longues manches. J’ai pris le soin de bien étirer mon fond de teint jusqu’au cou et sur toute autre partie dénudée de mon corps. Je jette encore un coup d’œil à mon portable et voilà, toujours pas de réponse à ce « Je t’aime. »
Je commence à stresser mal. Et s’il changeait d’avis. S’il ne venait pas. Si tout d’un coup il avait pris conscience qu’il est hors de question que madame gecko lui dise ce genre de chose. Je respire. Il faut encore que je fasse quelque chose de mes cheveux. Georgette m’aide à les coiffer. Iris à qui je n’adresse plus la parole joue les assistantes avec la laque, les peignes et les pinces.
« Et si je te les lissais plutôt. Tu en penses quoi Iris ? »
Je lui lance un regard mauvais dans le miroir.
« Aucune idée. », répond-t-elle.
Elle a compris la leçon.
« Va pour un lissage ! »
Tout de suite, elle se met à l’œuvre et je retrouve avec une superbe coiffure. Rien d’extraordinaire. C’est tout à fait ce que j’aime. Simple, discret, chic et efficace. J’applique un peu de rouge à lèvres et voilà, je crois que c’est bon.
Dring
Mais pourquoi me regardent-elles ces deux-là ?
Iris s’en va ouvrir la porte pendant que moi, je mets mes chaussures. Un dernier coup d’œil dans le miroir et je sors de la chambre. Je les entends rire tous les trois. Mon cœur fait bam bam bam. Il rit ! Mais pourquoi n’a-t-il pas répondu à mon message. Ce n’était pas vraiment le mien mais voilà, il ne le sait pas.
« Bonsoir. »
Il tourne la tête vers moi. Mon cœur fait bim bam boum.
« Bonsoir. »
Pourvu que je ne m’écroule pas.
« Je suis prête. »
« Tu es magnifique ! »
Il faut qu’on arrête ce film. Iris et Georgette vont finir par se faire un torticolis à force de tourner leur tête de gauche à droite comme ça.
« On y va ? »
Je marche vers la sortie alors que lui, il reste faire une dernière blague. Je les entends rire à nouveau.
« Tu n’étais pas obligé tu sais ! », dis-je alors que nous venions de nous installer à notre table.
« Je sais. »
Nous n’avons échangé aucun mot durant tout le trajet. Je sens comme un nuage sur nos têtes. Il y a comme qui dirait un malaise. Il se lance dans la lecture de la carte. Je fais pareil. La musique en fond est tellement douce qu’on dirait une berceuse. Je ferme les yeux une seconde et je sens une douce chaleur couvrir ma main sur la table. J’ai envie de sursauter mais elle ne me laisse pas faire.
« Tu es sûre que ça va ? »
Non ! Ça ne va pas. Arrête de me caresser la main ainsi.
« Oui. Pourquoi ? »
Il plante ses yeux dans les miens.
« Pour rien. », dit-il en souriant.
Heureusement que c’est à ce moment que le serveur choisi de faire son apparition. Je respire.
« Bonsoir madame, monsieur ! Que désirez-vous ? »
« Pour commencer, votre meilleur Bourgogne. Madame préfère le vin blanc. »
Il prend note et s’éloigne.
« Tu as toujours mal à la tête ? »
« Non. J’ai dormi quand je suis rentré. Là, je vais mieux. Beaucoup mieux. Et toi, tu as fait quoi ? »
« J’ai failli tuer Iris. »
Il sourit.
« Mais je pensais que c’était ta meilleure amie. »
« C’est le cas. C’est juste qu’elle a … »
Je me ravise.
« Elle a quoi ? »
« On pourrait parler d’autre chose ? »
La musique s’arrête. Comme pour que nous puissions bien nous faire entendre
« Non. Je veux savoir pourquoi Calvin a failli se retrouver veuf avant l’heure. »
Elle est bonne celle-là. J’éclate de rire.
« Nowa ! Je veux savoir. »
« Pourquoi tu insistes autant ? »
« Si tu as failli tuer ta cousine et meilleure amie, il se peut bien qu’un jour ce soit moi qui doivent y passer. »
Il n’a pas tort.
« C’est elle qui a envoyé le dernier message. », dit la tête baissée et du bout des lèvres.
Le serveur était déjà en train de verser le vin dans nos verres qu’il décida de continuer cette conversation un peu trop gênante pour moi.
« Le dernier message était je t’aime. Et c’est Iris qui l’a écrit. Iris que tu as failli tuer pour ça. Dois-je comprendre que tu ne le penses pas ? »
Je lève la tête. Le serveur est toujours là. Il a fini de nous servir mais il n’est apparemment pas décidé à bouger d’un poil. Je vais me plaindre à son patron, il va voir lui que jouer les détectives ce n’est pas une bonne chose.
« Nowa. Dois-je comprendre que tu ne le penses pas ? »
Mais j’ai déjà compris. Je ne suis pas sourde.
Je déglutis.
« En fait euh... C’est …. Tu sais nous … »
Le serveur est toujours là ! Je vais lui mettre un coup dans le derrière si ça continue.
Je déglutis.
« OK ! », finit-il par dire.
« En entrée, madame prendra une salade de saumon fumé, melon et concombre. Pour moi ce sera salade César. En plat ce sera un homard bleu pour elle et des côtes d’agneau tandoori pour moi. Merci. »
Et quand le serveur tourne les talons, c’est le calme plat.
Il a toujours les yeux braqués sur moi et je regrette mes balbutiements de tout à l’heure. Je suis une sombre idiote. Une conne.
« J’ai un cadeau pour toi. »
C’est sûr que tout à l’heure, je n’ai pas assuré mais je mérite quand même mon cadeau. Après tout, je suis une fille en or. Ravie qu’il le sache.
« C’est gentil mais il … »
« Tu vas me dire qu’il ne fallait pas ? Humm… Les femmes ! De belles hypocrites. »
Il sort de la poche de son pantalon un écrin de couleur rouge. Je crois que je vais tomber dans les pommes. Même si je l’aime, je ne suis pas prête à me marier avec lui.