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Ecrit par Lilly Rose AGNOURET
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Je suis fin prête et habillée
pour me rendre à la clinique. Maman termine de ranger les affaires des petites.
Je la rejoins dans sa chambre.
« Je vais passer la nuit
là-bas. Elle a besoin d'aide, car elle ne peut porter les bébés à cause de sa
cicatrice. Là, ta grand-mère est restée là-bas avec la grand-mère Mbeng. »
« Oh ! Elles vont pouvoir de
raconter beaucoup de choses ! »
« C'est sûr ! Ces gens sont
vraiment gentils. Les sœurs de mr Mbeng étaient toutes là ce matin pour la
visite. », me confie maman.
« C'est vraiment cool pour
Pupuce. Elle qui pensait se retrouver seule ! »
« Non, il y aura dix-mille
mains pour s’occuper de ces enfants. Ma maison est bien petite pour accueillir
tout ce monde. »
Je souhaite poser une question
quand Julien arrive en trombe dans la chambre de maman en oubliant de cogner :
« Les filles, vous ne me
croirez pas. »
« Oui, qu'y a t-il. »
« Un frangin vient de me
balancer une info, là ! Parait que Big Wave s'est tiré ! »
« Nous étions déjà au courant
! Sa mère nous l'a dit tout à l'heure. »
« Et wèèèè ! Et vous savez où
le type a atterri ? »
« Non. Où est-il ? », demande
maman intriguée.
« Yo !!!! Il est à Malaga, en
Espagne. Il a pris l'avion la nuit dernière à 22h 30. Il a envoyé un whatsapp
aux autres frangins de son équipe en disant que sa vie commence maintenant ! »
« Oh !!! Il n'aura même pas
attendu que ses enfants arrivent au monde. », fais-je
« Qu'est-il allé faire là-bas,
en Espagne ? Et pourquoi si vite ? Où a t-il trouvé l'argent pour le billet ?
Qui l'a aidé pour le visa ? Que va t-il y faire ? », demande maman.
« Il va faire ce qu'il sait
faire : jouer au basket ! Ses frangins, qui sont déjà là-bas, lui ont arrangé
le coup ! Ils sont solidaires ces basketteurs. Et puis pour les enfants, vous
savez depuis le début qu'il n'en a que faire ! Ouvrez donc les yeux ! »,
conclut Julien.
Maman et moi sommes
dubitatives. Le type a mangé ici tous les jours après le school. Il n'était pas
aussi cool qu'on l’aurait aimé, mais ça fait froid au dos de savoir que ses
plans étaient calculés au plus près et que rien ne pouvaient les changer.
« Espérons qu'ils apprennent à
utiliser des capotes là-bas ! », fais-je.
« Ce n'est plus notre
problème, Tania. Nous devons nous atteler à parler de lui le moins possible
pour ne pas indisposer ta sœur. Et j'ai franchement plus envie d'entendre ce
prénom, Peter. Il est parti, qu'il vive sa vie et sort de la nôtre. »
« Il sortira de la nôtre,
maman. Tu n'auras pas besoin de prier pour ça. Le type a rêvé depuis des
siècles à se barrer d'ici ; il ne risque pas de revenir d'aussitôt ! »,
fais-je.
Quand maman et moi arrivons à
la clinique Total à 18 heures, toutes les frangines de Raponda sont là. Elles
se sont passé le mot par Whatsapp. Tout le monde veut voir les bébés de Pupuce,
dont on dit qu'elles ressemblent à des poupée. Sunita, sa combi en chef, est
là. Comme elle a vu les bébés ce matin, c'est elle qui donne les détails. Elles
ont des fossettes, confient-elle. Wèèèèè !
Une sage-femme est obligée de
venir à nous. Elle met un peu de discipline et nous annonce que l'on rentrera
deux par deux dans la chambre, exceptée maman et moi.
Je laisse donc les filles et
suis maman dans la chambre dans laquelle Pupuce est endormie.
La grand-mère Mbeng se lève
pour nous accueillir.
« Je vais m'en allée. Elle a
pris deux yaourts à midi. Elle n'a pas vraiment faim. À demain Bernadette. »
Elle s'en va accompagner de
grand-mère Ziza. La sage-femme arrive deux minutes plus tard avec les deux
bébés qui viennent de prendre leur toilette.
« Et voici nos princesses.
Elles sont toute propres. »
« Elle sont surtout très
belles ! », fais-je en m'extasiant devant les petites.
Je n'ai pas besoin de les
regarder plus pour me rendre compte que toutes les deux ont pris trait pour
trait, le visage de Kaba ! Le monde est vraiment injuste. On aurait dit
qu'elles sont sorties du ventre même de mme Mbeng !
« Mais, pourquoi
ressemblent-elles tant à leur grand-mère ? », fais-je.
« C'est un mystère ! Tout me
va du moment qu'elle sont en bonne santé ! », fait maman.
Pupuce se réveille alors. Je
fais rentrer ses potesses deux par deux. Il y a bien une trentaine de personnes
qui attendent pour elle. La bavarde de Sunita s'y met. Elles ont déjà préparé
une petite fête pour la sortie de leur amie.
« Juste un petit truc, quoi.
Des cup cakes, des pizzas, des grillages ! Et des jus. On fera ça quand tu
seras plus en forme. Et puis, y a mr Nziengui, le professeur de français qui
t'envoie ses salutations. Et la kongosseusse de mme Chancelle dit qu'elle
espère te voir en cours vendredi prochain. Oh, elles sont trop choux. »
Toutes les filles ont emmené
un petit cadeau : des paquets de couches, des grenouillères, des nounours.
Elles se taquinent. Elles
rigolent. L'ambiance est vraiment positive dans la pièce.
Bientôt, tantine Bibiane et
tantine Jolie, les sœurs de mr Mbeng arrivent. Elles embrassent les petites et
font signe à maman de les suivre dehors. Je suppose qu'elles veulent parler de
Kaba et de son comportement.
Mes complices ne tardent pas à
arriver. Je me rends compte que Marc-Elise est aux bras d'Antoine. Jileska,
égal à elle-même est pressée comme une puce. Dès qu'elle a l'une des petites
dans les bras, elle se met à la couvrir de baisers. Gaëlle nous fait alors
remarquer :
« Elles sont identiques, c'est
vrai, mais vous pourrez les distinguer facilement. »
« Comment ? » s'étonne Pupuce.
« Ah ! C'est vrai que t'as pas
pu les tenir dans tes bras longtemps ni leur donner le bain. Mais, figurez-vous
qu'il y en a une qui a un point de beauté juste là, sous le nez. », fait
Gaëlle.
« Personne ne s'en est rendu
compte », confie Pupuce. « C’est pour ça que Grand-mère les habillent avec des
couleurs différentes. »
Nous continuons à papoter. Ne
tenant plus sur place, Jileska balance :
« Excuse-moi pupuce, mais ce
tocard de Peter Malonga est où ? »
Marc-Elise lui fout
discrètement un coup dans le dos.
« Non, mais il faut poser la
question. Il me sort par les pores ce type ! Bon, excuse-moi. Je m’occupe de ce
que je peux maîtriser et comprendre. Elles sont trop jolies ces petites. »
La voilà qui se remet à
embrasser Jade et Ruby.
« Tania, ta mère a eu une idée
géniale en leur donnant ses prénoms. », me fait Marc-Elise.
« J'ai demandé à grand-mère de
leur trouver des prénoms en miènè. Et bien sûr grand-mère Mbeng a décidé de
leur trouver des petits noms fangs. »
« Yo ! À la fin, elles ne
sauront plus quelle langue parler entre le miènè, le fang et l'eshira. »
« Elles ne risquent pas de
parler eshira car je vous interdis dès aujourd'hui de prononcer le nom de
Malonga devant moi. »
STUPEUR DANS LA SALLE ! Nous
restons là, les yeux ouverts, étonnés. Que s'est-il passé ? Où donc a disparu
la Pupuce tellement amoureuse de Peter, qu'elle quittait chez elle pour aller
faire la lessive à Ntchenguè ? Personne n'ose poser de question. Nous nous
regardons et décidons de manière tacite, à ne nous intéresser qu'aux bébés.
Le téléphone de Marc-Elise
vibre violemment ; le mien est resté à la maison. Miro était trop fatigué pour
m'accompagner. Il a décidé de venir plus tard, avant la fin des visites. Le
téléphone de Jileska se met lui aussi à vibrer sauvagement. Je sors de la
chambre et vais vers Gaëlle et lui demande où se trouve Sharonna. Elle devait
nous rejoindre, mais n'est toujours pas là.
« Je viens de vous envoyer des
messages. Réunion de crise tout de suite chez toi, Tania. Sharonna nous y
attend. C'est plus que grave : c'est une question de mort ou de mort. »
Yoooooo ! Qu'est ce qui s'est
passé entre le moment où nous avons atterri à 14h 45 et maintenant ?
Les filles arrivent au pas de
charge.
« C'est comment Gaëlle ? Mon
cœur a failli lâcher. C'est quoi ce message ? », lance Sharonna. »
« L’heure est grave. Très
grave. Je ne sais même pas par où commencer. Allons-y seulement. »
J'abandonne donc mes nièces à
la clinique après leur avoir fait des bisous. Je suis les filles. Comme Antoine
a la voiture de sa mère, il nous dépose chez moi. Nous arrivons là et trouvons
notre copine tremblante et est en larmes. Un peu plus et elle entre en transe.
« C'est comment, Sharonna ?
Qu'est-ce qui se passe ? », fais-je dépassée.
Mon frère, qui la tient dans
ses bras pour la soutenir et l'empêcher d’atterrir par terre, nous lance :
« On verra de tout dans ce
Gabon. Il faut venir y vivre pour y croire. »
Nous regardons Sharonna sans
trop comprendre. Nous sommes obligées de la prendre dans nos bras et de la
bercer comme un bébé.