29. Qui ne risque rien n'a rien

Ecrit par Samensa

ERIC

La porte de mon bureau s’ouvre avec fracas, ce qui me fait sursauter dans mon siège. Je regarde, étonné, Rodrigue prendre place en face de moi.

-Je t’avais prévenu Eric ! Lance t-il sans un bonjour.

-Tu peux m’expliquer ce qui se passe ? Demandai-je étonné.

-Nancy ! Voici ce qui se passe ! Nancy, ma sœur !

Je pousse un soupir en m’affaissant dans le fauteuil.

-Je t’avais pourtant prévenu. Si tu ne comptais pas faire du sérieux, ce n’était pas la peine. D’abord ton frère et maintenant toi ? Pourquoi tu lui fais du mal ?

-Je ne lui ai rien fait. Nancy était au courant de la situation et même partante. Je ne lui ai rien promis. Nous sommes juste deux adultes consentants pour une relation. Point. Je ne comprends pas pourquoi tu viens faire une scène dans mon bureau.

-Tu ne comprends pas ? Alors je t’explique. Je ne peux pas supporter d’entendre ma sœur se lamenter au téléphone à cause de toi.

-Il y a des hauts et des bas dans la vie. Je n’y peux rien.

-Je veux que tu répares ça !

-Et comment ? Dis-moi.

-Traite la bien. Aime-la. Au point où vous en êtes, je ne crois pas qu’il y ait d’autre solution.

Je hausse les sourcils.

-Euh, l’aimer ? Je ne suis pas amoureux d’elle. Et ce n’est un secret pour personne.

- Et tu comptes faire quoi ? Rompre ?

-Pourquoi pas ?

-Tu ne peux pas faire ça. Déclare-t-il un peu trop sereinement à mon goût.

-Rodrigue, cette conversation prend une tournure que je n’apprécie pas. Vaut mieux qu’on l’arrête maintenant. Laisse ta sœur et moi régler cette histoire qui d’ailleurs ne concerne que nous.

-Fais attention à ce que tu vas faire. Ne lui fais pas de mal.

Sans un mot, il sort de mon bureau comme il y était entré.

Bon sang, il ne manquerait plus que ça. Que je m’embrouille avec mon ami pour une relation soit disant amoureuse. Je sens soudainement la colère monter contre Nancy qui agit comme un bébé.

« Pour quelqu’un de mature, tu te comportes vraiment comme une enfant. Ton frère ? Tu étais obligée d’en parler à Rodrigue. Qu’espères-tu en faisant ça ? »

Je dépose avec rage le téléphone après avoir envoyé le message à Nancy. Je me rends compte que c’est aussi la faute d’Ela qui m’a passé ce coup de fil, cette nuit. Même loin de moi, elle arrive à me faire mal. Je lance son numéro qui encore une fois est indisponible. Depuis cette nuit, j’ai maintes fois essayé de la joindre sans succès. J’ai parfois eu l’envie de demander à David comment elle allait, si elle avait changé de numéro mais j’ai trop d’honneur pour cela. Nos relations sont strictement professionnelles.

Ma secrétaire m’informe que l’heure de mon rendez-vous pour la rencontre d’un partenaire étranger est arrivée. Je sors donc de mon bureau, clé en main. Par malheur, je trouve Nancy en pleine causerie avec ma secrétaire. Le regard mauvais que je leur lance les interrompt net dans leur papotage. Nancy essaie de me suivre mais d’un geste de la main, je l’en dissuade. Elle doit comprendre que je ne suis pas content.

 

ELA

Une journée de travail épuisante terminée. Je range mes affaires et me dirige directement à ma voiture, sans un regard pour qui que ce soit. Il faut dire que les commérages se sont accentués lorsque je suis arrivée au bureau il y a environ une semaine avec des bandages et des bleus un peu partout. Je crois que l’excuse selon laquelle je suis tombée dans les escaliers a surpris plus d’un et pas vraiment convaincu certaines personnes, une minorité je l’avoue. Les traces sur mon corps témoignent en effet de quelque chose de plus grand.

Même le docteur qui m’a suivi n’a pas avalé la couleuvre. Je me rappelle de la consultation comme si c’était hier. Après m’avoir roué de coups, devant mon état alarmant, David m’a conduit à la clinique du quartier. Il faut dire que j’ai vécu ces événements à moitié évanouie. Toujours est-il que je me suis réveillée dans un lit d’hôpital avec un médecin et David à mes côtés.

-Qu’est ce que vous êtes arrivée exactement ? a demandé le médecin.

-Elle a fait une chute dans les escaliers ! S’est empressé de répondre David en me prenant la main. Je lui avais pourtant dit de faire attention avec les chaussures à talons

Sceptique, il a toisé David avant de reporter son attention sur moi.

-On va donner des antidouleurs. Vous avez 2 cottes fêlées, l’épaule gauche déboitée, plusieurs blessures au visage.  Je note aussi assez d’ecchymoses sur plusieurs parties de votre corps.

Je n’ai pu m’empêcher de pleurer à ces mots. J’ai eu tellement honte et mal à cet instant. Il a continué de m’examiner en me souriant de temps en temps. Près de moi, David me caressait doucement mon dos tandis que je frissonnais. A un certain moment, il est sorti prendre un appel. Le médecin s’est alors empressé de me parler.

-Une chute dans les escaliers ? Madame, je ne suis pas dupe. J’ai rencontré des cas comme les vôtres tellement de fois. Il est encore temps de vous sortir vivante de ce cauchemar.

J’avais envie de lui crier de m’aider, d’appeler ma famille. Malheureusement, je ne pouvais pas, mon visage entier était douloureux. Ouvrir la bouche était un calvaire. J’ai donc tendu la main vers le médecin pour serrer la sienne lorsque David est entré brusquement. Il a remarqué mon geste alors j’ai abandonné. S’asseyant près de moi, il m’a saisi fortement le bras. Pas besoin de mot pour comprendre. Je me suis tenue tranquille.

 

A la sortie de l’hôpital, David prend le soin de me mettre en garde contre toute tentative de fuite ou dénonciation. Il me prouve qu’il est capable de me tuer pour cela et pour me garder pour lui seul. Cet homme a une double facette. Je lui connaissais celle attentionné et je viens de découvrir celle de l’homme violent, colérique et instable. Je dois le quitter. Il doit en être surpris. Je suis tout le temps sur mes gardes car j’ai l’impression de me faire suivre. Je prépare donc mon plan en secret.

 

Ma montre affiche 18 heures. Anxieuse à l’idée de rentrer et de retrouver David, je m’arrête à un restaurant pour diner. Je commande du tchep au mouton et prend un verre de vin en attendant. Perdue dans mes pensées, je ne vois pas l’homme qui s’approche de moi.

-Ela ?

Je lève la tête et croise son regard. Mon cœur se met à battre à un rythme effréné.

-Eric. Soufflai-je.

-Tu vas bien j’espère ? demande-t-il en s’asseyant.

-Oui et toi ?

-Je vais bien. Ela, il faut qu’on parle.

-Je t’écoute.

-Il faut que tu arrêtes de foutre la merde dans ma vie. Débite-t-il rapidement. Par ta faute, je rencontre assez de problèmes. Il faut que tu m’expliques vraiment pourquoi tu m’appelles une nuit et après c’est silence radio.

-Toi non plus tu n’as pas cherché à me contacter donc je ne vois pas pourquoi je l’aurais fait. Car comme tu viens de le dire, je fous la merde dans ta vie. Je réponds amère.

-Quoi ? Dieu seul sait combien de fois j’ai essayé de te joindre. Ton numéro n’est pas disponible.

-Qu’est-ce que tu racontes ? Je n’ai jamais…

Je m’interromps comme une idée me traverse soudainement l’esprit. Je fouille mon téléphone et constate que le numéro d’Eric est sur liste noire. Ah David ! Je ris nerveusement.

-Qu’est ce qu’il y a de drôle ? demande Eric.

-Rien. Rien de drôle, je t’assure.

-Si tu le dis… J’ai besoin de te parler. Il faut qu’on règle ça en privé.

-Allons dehors alors.

-Finis de manger d’abord Ela.

Malgré la délicatesse de ce moment, il tient à ce que je me nourrisse avant. Faire passer mon bien être avant le sien, il l’a toujours fait et continue de le faire.

Le serveur m’apporte ma nourriture peu de temps après. Je finis mon repas et nous partons ensemble jusqu’à ma voiture. Le parking est calme et désert, approprié pour parler loin des oreilles indiscrètes.

-Tu m’as créé des problèmes avec Nancy en m’appelant tard de la nuit.

-Tant mieux ! Je ne peux m’empêcher de le dire, la jalousie m’emplissant.

-Arrête-moi ça ! Nancy n’a rien à voir avec toi. Je suis en train de me construire une nouvelle vie Ela. Pourquoi tu ne veux pas me laisser vivre heureux comme tu l’es avec David ? Hein ?

Je baisse les yeux alors qu’il se commence à hausser le ton. Je n’ai aucune réponse à ça.

-Bon sang ! Aujourd’hui, tu m’aimes. Demain, non. Ecoute, je ne suis pas prêt à te suivre dans tes caprices. Tu es assez grande pour savoir faire un choix. Tu l’as fait alors laisse-moi partir.

-D’accord ! Va-t’en ! Je te laisse partir !

J’éclate en sanglots en sentant toute la détresse accumulée ressortir.

-va-t’en ! Tu veux être heureux ? Alors sois heureux avec ta pute.

A ces mots, il me saisit violemment par les épaules. J’en ai le souffle coupé puis un cri aigu sort de mes entrailles, un cri qui le tétanise instantanément. Il me relâche, je me laisse tomber à genoux au sol. La douleur dans mon épaule gauche est insupportable.

-E… Ela, qu’est-ce que tu as ? demande-t-il en s’accroupissant en face de moi.

-Mon épaule. Mon épaule. Répétai-je en serrant les dents.

Son instant de tétanie à peine maitrisé, il m’aide à me lever.

Il m’installe sur le siège passager à l’avant, monte du côté chauffeur et allume la lumière dans la voiture. Avec minutie, il m’enlève ma veste, me laissant dans mon bustier. Je n’ai pas le courage de protester. Il recule de surprise devant l’état de ma peau. J’ai des traces de bleus partout sur le haut du corps.

-Qu’est ce qui t’es arrivé ?

-Je suis tombée… dans les escaliers. Je m’étais déboitée l’épaule.

Il inspecte chacune des traces, les traits crispés. Je lui montre le baume mentholé pour mon épaule pour qu’il me l’applique. Ses doigts sur mon corps me font un bien fou. J’ai juste envie de m’en aller avec lui mais j’ai peur de ce qui pourrait advenir si je prenais une telle décision. Le massage terminé, je décide d’oser. Ne dit-on pas que qui ne risque rien n’a rien ?

Je quitte mon siège pour me retrouver assise à califourchon sur Eric puis rapproche mes lèvres des siennes.

-Attention tu vas te faire mal encore une fois. Susurre-t-il.

La tension qui règne autour de nous est à son comble. J’aime Eric. J’en suis à présent persuadée. Plus rien ne peut m’en dissuader. Je presse mes lèvres contre les siennes en attendant qu’il prenne la décision de faire le premier pas. Ce qu’il ne tarde pas à faire.

Notre baiser est tendre et chaud. Il me rappelle notre promesse d’amour pour l’éternité. Il me rappelle notre passé. Il me rappelle mon bonheur.

D’un simple baiser, nous passons à plus sérieux lorsqu’Eric éteint la lumière, repousse le siège et fait passer mon bustier par-dessus ma tête et ma jupe sur mes hanches. Je tremble rien qu’à l’idée de retrouver un moment d’intimité avec lui. Mes mains vont ouvrir sa braguette afin de libérer son sexe déjà tendu. C’est un plaisir de savoir que je suis celle qui éveille tout cela en lui. Mon string en dentelle se retrouve en lambeaux à mes pieds.

Toujours en m’embrassant, Eric me pénètre d’un seul coup jusqu’à la garde. Nous poussons tous les deux un cri de satisfaction. Il me maintient immobile contre lui et m’oblige à le regarder dans les yeux. J’y lis de la douleur, la douleur d’un homme trompé. La honte me fait couler des larmes. Lentement et surement, il se met à bouger en moi, nos regards soudés. L’extase ne tarde pas à envahir mon être entier, toutes les douleurs intérieures et extérieures semblent disparaitre. Profiter de ce moment, c’est tout ce dont j’ai envie. Ses mains agrippent de plus en plus fort mes hanches, je le sens venir. Quant à moi, je suis violemment envoyée au 7ème ciel lorsqu’il prend mon sein gauche dans sa bouche. Il ne tarde pas à m’y rejoindre.

Essoufflés, nous restons dans les bras l’un de l’autre, écoutant nos respirations qui emplissent l’habitacle.

-Tu crois que c’est normal ce qu’on fait ? demande Eric, rompant le silence.

-Ne gâche pas ce moment s’il te plait.

Eric s’attarde sur ma poitrine nue et passe son pouce sur chacun de mes bleus.

-Dis donc, tu es mal tombée.

-Oui, très mal. Répondis-je rêveusement.

-Tu me dirais s’il y avait quelque chose ? Hum, Ela ?

-Quelque chose comme quoi ?

-Laisse tomber. Dit-il en posant la tête sur ma poitrine.

Nous passons un bon moment silencieux en savourant le bonheur d’être ensemble. Nos corps sont apaisés de reprendre leurs repères. Nos parfums, nos manières de nous toucher, nos conversations muettes.

La féérie est rompue par la sonnerie de mon téléphone. Eric me repousse quand il voit le nom de son frère. Alors que je réponds aux questions de David qui me demande de rentrer immédiatement, mon amant sort de la voiture sans un mot après avoir ranger ses vêtements.

 

DAVID

J’ai tellement chaud que j’ai décidé de rester en boxer en attendant Ela de pied ferme. Marchant de long en large, une cigarette entre les doigts, je fais défiler les photos reçues de l’homme que j’ai chargé de suivre Ela. Après l’épisode avec l’appel, j’ai décidé de prendre mes gardes. Vraisemblablement, j’avais raison.

Merde mais pourquoi elle agit comme ça alors que moi je suis prêt à tout pour elle ? Pourquoi veut-elle coute que coute me mettre en colère ? Elle sait bien que je l’aime et que je lui donnerai tout. Je l’ai dans la peau. Rien ni personne ne pourra nous séparer, qu’elle me fasse confiance sur ce point.

La cigarette finit par s’échapper de ma main tellement je bous de colère. J’envoie dans le décor mon verre de rhum. La porte s’ouvre à cet instant.

Je m’y dirige en courant presque. J’ai envie d’entendre ses explications, ce qu’elle aura à dire pour sa défense. Toutefois, une fois dans mon champ de vision, je perds le contrôle. Toute ma frustration retombe sur elle en un quart de seconde. Je l’envoie atterrir sur le carrelage glacé dans un bruit sourd.

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