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Ecrit par Loraine valérie

Chapitre 3

Lucie

Il est 13h30 à ma montre lorsque nous sortons de l’aéroport international de Cotonou. Si je m’en tiens au mail que tata Rachou m’a envoyé, nous descendons au Riviera et le temps pour moi de demander comment cela va se passer, je vois un homme s’approcher de nous et faire la bise à ma sœur. Ils parlent en langage familier puis nous voilà à bord d’une décapotable blanche. Ah Rachel, si prévenante, spontanée, minutieuse, tout pour vous dire une vraie professionnelle ma sœur. A la descente, nous nous rendons à la réception où tout le monde semble la connaitre apparemment, même pas de questions, on prend nos sacs et nous voici dans l’ascenseur. Nous arrivons à une porte où elle me donne des instructions avant de tracer le chemin vers la chambre d’en face. Me voilà à nouveau Cotonou mais cette fois pour le boulot, pff !

 

Anne DEBA

Je raccroche et tire sur ma cigarette. Ainsi ma fille vient d’arriver, très bien. J’ai quitté deux jours avant elle pour éviter les soupçons, on ne sait jamais ; c’est vrai que Rachel ne m’a jamais vu cependant je préfère rester sur mes gardes. Perfectionniste que je suis, j’ai bien sûr laissé quelqu’un les suivre, ben je peux me le permettre avec tout cet argent que j’ai aujourd’hui. Eh oui je n’ai pas chômé, un mariage avec un grand commerçant, voilà ! Assez parler, je dois peaufiner mes plans, je laisse trois jours à ma fille puis j’apparais ! C’est le moment que choisis ce petit pour apparaitre, ne me faites pas les gros yeux, mon mari a 69ans et moi j’ai besoin de rester active, donc ce petit me suit dans mes déplacements.

-         A quoi penses-tu ma reine ?

-         A rien…

-         Je te connais assez Anne, tu as un plan pas bien du tout dans ta tête

-         Arrêtes de jouer au détective et fais-moi plutôt du bien

-         Tu aimes ça hein ?

-         Je te nourris, t’habille, te loge pour ça non ? alors j’ai bien droit…

-         Ne parle pas trop, je suis tout à toi

-         Tu as intérêt, je ne partage pas et tu le sais. Alors le jour où tu déconnes…

-         Pas du tout ma beauté, tu es la seule… dit-il en m’embrassant, il me mord ensuite le cou en glissant les mains vers mon trésor, je crois que je vais vous laisser…

 

Royd

Cela fait aujourd’hui trois semaines que je suis avec cette famille et tout ce que je peux vous dire, le monde est injuste. Pourquoi a-t-il privé certains de la belle vie et donner à d’autre le maximum. Je suis sans père, pauvre, je n’ai que ma tête mais voilà des plus jeunes que moi qui trainent en voiture classes, qui ont des cartes gold à leur disposition. Pas que je suis envieux mais je réalise juste à quel point d’autres sont nés chanceux, moi mon propre père n’a pas voulu de moi… en tout cas, tout ceci n’a fait que me booster, je compte travailler plus dur que ça et donner le meilleur à mes futurs gosses. Je suis actuellement dans ma chambre, que dis-je, celle qu’on m’a passé ici et croyez, ceci pour moi pourrait être divisé encore en deux. Vu que les filles rentrent toujours chez les parents en soirée, il n’y a que nous ici, donc ma porte est tout le temps ouverte et voilà comment Anthony vient me trouver dans ce grand lit :

-         EDOU tu ne comptes pas sortir de là aujourd’hui ?

-         Pour faire quoi mec ? je suis bien ici, je réfléchis…

-         Il n’y a que toi pour réfléchir en vacances. Ta valise est déjà prête ? nous partons dans trois jours je te signale

-         Pour ?

-         On en avait parlé Royd, le Madagascar

-         Et je t’avais répondu non Tony, je ne peux pas. Tu en as assez fait pour moi, je ne vais pas abuser de ta générosité. Je vais rester et me trouver un job de Vác le temps que vous revenez

-         Pas question, tu viens avec nous et au fait, Angie est déjà là…

Je ne l’écoutais même plus, j’avais déjà les pieds dans mes sandales. J’aime la voir de beau matin, ne vous méprenez pas, nous sommes juste… cousins… enfin elle me traite comme ses cousins donc je me considère comme tel. J’arrive et la voit en cuisine habillée en longue robe fleurie…

-         Ça va toi ?

-         Je vais bien monsieur EDOU, tu es tombé du lit toi ? il est passé où ton haut ?

-         Demande-lui bien frangine, dit Tony debout derrière moi

-         Euh…j’avais juste soif, je voulais descendre rapidement chercher une bouteille d’eau

-         Ok

-         Où sont Maël et Melvin ?

-         Sortis faire du jogging, bon je monte

J’avais la honte de ma vie. Qu’est-ce qui m’a pris, je l’ignore. Je suis monté avec le pas lourd me débarrasser de mon bas puis à la douche. Je prends tout mon temps pour me calmer sous l’eau avant de sortir de là. Trente minutes plus tard je descendais rejoindre les autres, comme à son habitude, Angie avait garnie la table. Je me mets à coté de Tony pour un bon petit déjeuner. C’est d’ailleurs lui qui ouvre sa bouche :

-          Au fait Angie, tu savais que Royd refuse de nous suivre au Madagascar,

-         Mais pourquoi ça Royd ?

-         Ce n’est pas volontaire Angie

-         Ah bon ? c’est quoi alors ?

-         Bon je suis plein frangine, merci. Je suis dans ma chambre

Je vais tuer Tony un jour, il met le feu et se lève. Je me retrouve ainsi avec la détective de la maison, quoi faire ? Prendre mes jambes à mon cou…

-         Ici la terre Royd

-         Je suis là

-         Alors ? pourquoi ne veux-tu pas nous suivre ?

-         Je ne sais pas comment te le dire…

-         Essaie toujours…

-         En vérité, je ne suis pas né avec une cuillère en or dans la bouche comme vous, je ne suis pas aussi riche, bref je suis très pauvre et je n’ai pas le moyen de m’offrir un tel voyage.

-         Tu veux bien me parler de toi Royd ? demande-t-elle en joignant ses deux mains aux mentons

Face à sa mine sérieuse et attentionnée je me mets à lui raconter ma vie. Je l’explique ainsi pourquoi je ne peux pas abuser à nouveau de son frère. A la fin, j’inspire profondément, soulagé d’avoir dit cette vérité, quelques soit ce qu’elle me coutera. Elle respire à son tour avant de me dire :

-         Tu es mon ainé de quatre ans certes mais permet moi de te dire ceci. Tu as tout pris en compte mais l’inestimable, où le mets tu ? tu crois que l’air que je respire dans cette maison je peux l’enfermer et mettre un titre de propriété dessus ? cet air nous est donné gratuitement, riche ou pauvre. Tu m’as parlé des conditions dans lesquelles tu as atterri à la fac et alors ? une tête bien faite tu penses que tout le monde l’a ? que ça se paye avec des millions ? tu disposes de tes facultés physiques, remercie le ciel. Tu as déjà visité les hôpitaux ? ces grandes personnalités, ces grands baobabs qui tombent d’un jour à l’autre… T’es en vie EDOU Royd. En toi sommeil un roi, un grand de ce monde, persévère et ai la foi, tu accompliras de grandes choses, j’en suis certaine.

-          …

-         J’entends souvent dire : « ce n’est pas de ta faute si tu n’es pauvre mais c’est de te faute si tu meurs pauvre » alors montre leur que tu es sur terre pour un but précis.

-         Merci Angie, les mots me manque pour te dire ce que je ressens  si tu savais, tu viens de me booster le moral. La phrase qui dit que «  tout le monde peut gagner de l’argent mais pas le respect » vient d’être confirmée par toi ; tu viens de grimper dans mon estime…

-         Heureuse d’avoir pu t’aider

Je suis si ému, je ne m’y attendais pas du tout. Y’a-t-ils encore des gens comme ceci sur terre ? Qui ne te jugent pas quand tu es à terre mais te tendent la main pour te relever ? Des gens avec qui tu n’as aucun lien qui sont prêts à t’ouvrir leurs bras ? Elle est si sage pour son âge… je la prends dans mes bras et lui dit merci. Nous restons encore là à papoter jusqu’à ce que Maëlla ne vienne.  Je promets à Angie de les suivre hors du pays avant de les laisser seules. En remontant j’attends Angie m’appeler, je m’arrête et me tourne vers elle :

-         Oui ?

-         Juste une dernière chose Royd, je ne suis pas chanceuse, je suis bénie. C’est si simple que ça

-         Je te promets de me remettre à la prière

-         Ça me ferait plaisir.

 

Lucie

Je raccroche mon téléphone en entendant des pas dans le couloir. Les coups de fils personnels sauf s’ils sont urgents ne sont pas permis aux heures de travail, parole de la grande. Ne vous méprenez surtout pas, j’ai fait des stages dans le passé mais c’était soit avec papa, soit avec tonton Dani mais avec ma sœur ça craint. Je prends une voix professionnelle et autorise celui qui frappe de rentrer. Je fus soulager de ne pas la voir. C’était plutôt une jeune femme qui me tendait une enveloppe puis ressortit aussitôt. Je pensai que c’était pour Rachel mais c’était mon nom qui était inscrit dessus, qui me connait ici ? Je l’ouvre alors pour tomber sur un bout de papier : « 20ans, 20ans qu’ils t’ont arraché à ta vraie famille…t’es-tu déjà posé la question qui suis-je réellement au milieu de tous ces gens. Quelle est ma vraie identité ? Ma place ? Je t’en prie retrouve moi demain à l’adresse inscrit en dessous, viens seule. Il est temps que tu connaisses ta vraie histoire, qui sont tes parents, qu’est-ce-qui leur est arrivé ? La faute à qui ? Je viens t’éclairer et ne le dis à personne.»

Je jette la feuille sur ma table comme si c’était du feu, en effet j’étais brulée. C’est quoi ces mots ? Quelqu’un essaie de se payer ma tête j’en suis sure…non, non… je ne suis pas bête, je sais que j’ai été adopté mais jamais personne n’en a parlé autour de moi et jamais je n’ai posé la question. Je n’ai jamais été traité différemment. On dirait c’était un passé lointain, un souvenir. Il faut que j’en parle à quelqu’un mais à qui ? Les cousins viennent d’embarquer pour Madagascar, Rachel ? Les parents ? Je vais devenir folle… si pour le moment la seule personne pouvant répondre est l’inconnu ayant envoyé cette lettre alors je veux bien prendre le risque d’y aller.

 

Corélia Oni OUZIWE

Comment vous allez par ici ? Eh oui, je suis de retour mais en Madame DEROY (clin d’œil). Je suis aujourd’hui une femme comblée, entourée d’amour… les vieilles blessures sont pansées et guéries. Une seule chose m’intrigue ces temps-ci, ces rêves qui me hantent. Je suis actuellement avec Mme AKEBOUNE, ah oui Mel a rendu maboule notre Dani hein.

-         Explique-moi ce rêve Oni

-         Voilà ; je vois ma mère adossée contre un mur qui renifle et se tient le bas ventre. Elle se tord de douleur et saigne… ensuite avant de disparaitre elle crie en regardant derrière moi dis-lui, dis-lui stp, pas encore… A chaque fois que je me retourne je ne vois qu’une personne qui me fait dos s’éloigner

-         Et le second rêve ?

-         Je vois Angie couvrir deux personnes que je n’arrive pas à voir. Elle a l’air fatiguée mais avec une lueur dans les yeux, elle parait heureuse … tout ça m’effraie Mel

-         Je te comprends, même moi j’ai des frissons. Qui doit te dire quoi ? et qui protège Angie ?

-         Tout ça me ravie le sommeil, je veux au moins savoir ce qu’on doit me dire

-         Attends j’ai trouvé. La personne à qui ta mère confiait tous ses secrets, elle était proche d’une seule personne qui aurait des choses à te dire

-         TA MERE

-         Oui. Il faut qu’on aille chez elle, je ne peux plus attendre Mel

-         Pas des soucis. Je me change et on y va

Nous roulons durant trente minutes avant d’arriver au portail. Mon cœur commence à cogner si fort ma poitrine. Oui j’ai peur. Mel me sourit comme pour me rassurer avant qu’on ne pénètre ensemble dans la concession. Nous traçons directement notre chemin vers sa chambre où elle était allongée.

-         Vous n’êtes pas mariés aux dernières nouvelles ? restez un peu chez vous

-         Tu nous manques trop mamie

-         Seuls mes petits enfants ont droit à ce nom. Prenez place… tu as quoi Oni ?c’est quoi ce visage ? axel pourrait me choisir à toi si tu fais ce visage chez lui

Elle m’arrache ainsi un sourire. Je m’approche et prend place à ses côtés avant de mettre ma tête sur ses épaules et de laisser une larme s’échapper de mes yeux.

-         Tu as quoi ma fille ?

-         J’ai peur maman

-         De quoi ?

-         Que ce bonheur dans ma famille prenne fin, qu’on fasse du mal à mes enfants, peur de perdre encore une fois les gens que j’aime. J’ai constamment ce sentiment d’insécurité

-         Et à quoi cela est dû ?

Je lui raconte mes deux rêves et elle semble perdue dans ses pensées. La pièce se plonge dans un long silence jusqu’à ce que la vieille décide de le rompre.

-         Bienvenue ma fille, tu viens de loin. Dis-moi, quel âge a ta fille à présent ?

-         J’en ai trois, mamie ? tu parles de laquelle ?

-         Nous savons tous les trois ici que tu n’en as qu’une. Je parle de celle qui est sortie de tes entrailles, la chaire de ta chaire Oni, elle a quel âge ?

-         20ans mamie

-         Alors prends place et écoute….

J’ai juré à ta mère de ne jamais révéler ce secret, je lui ai promis de l’emporter dans ma tombe mais si aujourd’hui elle insiste elle-même pour que je te le dise alors c’est qu’un danger approche, un grand danger et cela ne m’étonne pas vu l’âge de ta fille. Tu as été plongé dans l’ignorance mais le camp adverse vois-tu, n’a pas fait pareil avec ses descendants. Ils savent tout ce que tu ne sais pas toi.

-         Ils savent quoi Mamie?

-         Rappelle-moi la signification de ton prénom Oni

-         Oni signifie « née dans les demeures sacrées »

-         Tu as raison mais nous t’avons toujours dit que ce lieu c’était l’église et c’est faux ma fille. Tu n’es pas née en pleine culte de dimanche mais en pleine forêt sous la pluie et c’est ta venue qui a rendu cette forêt sacrée.

-         Je suis perdue là

-         Je comprends. Je ne peux tout te dire là toute suite, les murs ont des oreilles. Revenez me voir demain très tôt le matin, que le soleil ne vous voit pas et là je parlerai. Ne t’inquiète pas Oni, les ennemies ignorent que tu es sur le point de connaitre ta vraie histoire et là tu as une longueur d’avance sur eux, tout ira bien.

-         Mais ma…

-         Fais ce que je te dis, je ne dirai plus un seul mot jusqu’à demain avant le lever du soleil.

-         Bien mamie

Nous lui faisons la bise avant de sortir de là. Tout ça me fait peur. Oui cette peur vient de grandir en moi, j’y peux rien. Je déteste les mystères.

 

A SUIVRE…

 
Graine du passée