3.
Ecrit par lpbk
J’étais encore couchée quand Héritier quitta le lit. J’aurai pu être la
belle au bois dormant et lui le prince seulement la réalité était autre et si
je me laissais aller à ma rêverie, je courais le risque de ne jamais plus me
réveiller car point de baiser il n’y aurait eu. D’ailleurs, à quand remontait
notre dernier baiser ?
Alors qu’il s’apprêtait pour son
travail, je restais donc allongée, feignant d’être encore endormie. Je ne
voulais surtout pas l’entendre et encore moins me disputer. Les murs de
l’appartement étaient mal isolés alors, sa sœur aurait été alertée par le
moindre éclat de voix. Je pouvais facilement imaginer la joie que ça lui ferait
de savoir que nous traversions une situation difficile.
Après son départ, je quittais le lit et me dirigeais vers la table basse
sur laquelle traînais des documents. J’avais encore du temps avant le début de ma
réunion alors j’en profitais pour relire mes notes. Je m’installais dans mon
sofa jaune moutarde et me laissais aller à ma lecture. Ce n’est que lorsque je
finis que je décidais de m’apprêter. J’optais pour un chemisier blanc et un
pantalon aux imprimés élégants. Devant cette allure à la fois féminine et
professionnelle, je ne pus m’empêcher de sourire. A l’aide de mon portable, je
capturais l’instant et en trois pressions, j’inondais les messageries WhatsApp
de Maeva, de maman et de ma cousine Lenny. Chacune d’elle me complimenta à sa
façon, ce qui m’apporta tout de suite de la légèreté. J’aimais me sentir ainsi.
J’aimais me sentir aimée.
Je sortais de ma chambre en discutant avec ma sœur qui semblait m’en
vouloir de l’avoir abandonnée la veille sans même lui avoir souhaité de passer
une bonne soirée. Je n’en n’étais pas fière mais il le fallait. Heureusement, elle
était de ces personnes qui ne restait jamais en colère longtemps et qui
savaient quand éviter les sujets qui fâchent. Elle passa donc très vite à autre
chose notamment mon anniversaire qui devait avoir lieu dans quelques semaines.
Chaque année, avec Lenny, elles s’organisaient afin de me faire une surprise. Je
détestais cela car d’une nature un peu timide, j’avais souvent du mal à gérer mes émotions lorsque je me retrouvais au
centre de l’attention. Mais ça, ces deux chipies s’en fichaient et au lieu de
leur en vouloir, cela renforçait plutôt nos liens.
—
Promis, cette année, on te prépare quelque chose de « soft ».
Son message m’arracha un petit sourire. Maeva à elle seule pourrait en
effet réaliser l’exploit de ne pas en faire trop mais Lenny, elle… Lenny était
la fille unique de ma tante Solène. Celle-ci l’avait eu dans la jeunesse avec
celui qui demeurait son seul et unique amour. Moïse Eniang était un jeune
ghanéen qui avait immigré en Europe de manière clandestine. Le destin et les
difficultés de la vie l’avaient menés jusqu’à Paris où il fit la connaissance
de tante Solène. Très vite cette dernière était tombée sous son charme et
malgré les menaces et les avertissements et la précarité de cet homme, ma tante
décida de le loger dans le studio que ses parents avaient mis à sa disposition.
Jusque-là, tout le monde avait espoir qu’il puisse encore se séparer mais
lorsqu’elle se retrouva enceinte en pleine année de licence, chacun comprit
qu’elle avait fait son choix. Mes grands-parents et mon père décidèrent donc de
le respecter. Tante Solène était heureuse. Seulement, le conte de fée ne dura
pas longtemps car après la naissance de Lenny, Moïse obtint ses papiers et
devint un tout autre homme. Lui qui n’avait jamais tué une mouche se retrouvait
à battre ma tante pour un oui ou pour un non. Et comme si cela ne suffisait
pas, il se permettait d’amener d’autres femmes dans leur studio. Des fois, elle
devait passer la nuit dans le coin cuisine avec ma cousine dans ses bras
pendant que monsieur gémissait de plaisir entre les cuisses d’une autre. Quand elle se sentait vraiment mal, elle appelait maman et venait passer la
nuit chez nous. Ma tante a vécu ainsi avec le nouveau Moïse pendant plus de
cinq années et ce n’est que lorsque de retour d’un séjour au Ghana, Moïse lui
apprit qu’il s’était marié à une femme de son pays et qu’il comptait faire
venir cette dernière en France qu’elle eut le courage de mettre un terme à leur
histoire. Avec l’aide de maman et de papa, elle prit un avocat afin de défaire
son ex-compagnon de sa nationalité française et de tous les avantages qui y
étaient liés. C’est ainsi que le père de ma cousine fut contraint de retourner
dans son pays natal.
Ma cousine connait si bien cette histoire et les ravages qu’elle a
causés dans la vie de tante Solène qu’à vingt ans, elle a décidé de passer
devant le juge pour pouvoir changer de nom. Aujourd’hui Lenny ne s’appelle plus
Eniang mais Lemaire. Elle déteste l’Afrique et tout ce qui lui rappelle de près
ou de loin cette partie d’elle. D’ailleurs, elle a toujours eu Héritier en
grippe et ne s’est jamais vraiment montrée compréhensive face à ses écarts. Selon
elle, je mérite mieux qu’un gigolo. Je dois dire qu’il arrive souvent que nous
nous crêpions le chignon à cause de sa grande gueule et de ses propos à la
limite même du racisme mais elle sait toujours comment m’appâter et me faire
revenir à de meilleurs sentiments. C’est un peu ça la famille, il parait. Sinon
outre cet aspect de sa personnalité, Lenny est une jeune femme des plus
adorables. Elle était authentique et d’un naturel fonceur. Elle avait une foi
démesurée en elle et en ses capacités ce qui laissait souvent penser à tort
qu’elle était quelqu’un de narcissique.
—
Est-ce qu’on ne pourrait pas plutôt se faire une
soirée entre filles ?
—
Non ! Et puis, avec Lenny, nous avons déjà cassé
nos tirelires donc, arrête de faire ta coincée.
Je laissais tomber mes épaules puis déposais le téléphone sur la table à
manger. De toutes les façons quoique je dise, elles n’en feront qu’à leur tête.
Je me préparais rapidement un thé à la cannelle et quelques biscottes que je
nappais généreusement de confiture de fruits rouges. J’appréciais fortement les
petits déjeuners salés mais ceux-ci avaient l’inconvénient d’être plus
gourmands en temps en terme de préparation alors très souvent, je basculais
vers ceux sucrés. Entre deux bouchées, je cogitais sur la situation actuelle.
Il était plus que clair qu’Emeraude ne devait pas rester ici. Son frère voulait
qu’elle quitte le Congo, libre à lui. Il voulait qu’elle vienne en France, ok.
Mais nous ne pouvions pas l’héberger surtout que jusqu’à présent, j’ignorais
tout de la durée de son séjour. Je ne voulais pas me sentir prisonnière dans
mon propre appartement. Mais en attendant d’en parler avec Héritier, je
décidais de rester courtoise. Comme si le ciel m’avait écouté et qu’il me
mettait au défi de tenir cette promesse, Emeraude apparut dans un pyjama en
satin impeccablement bien coupé.
—
Bonjour, Emeraude. Il y a du café, du thé et quelques
infusions dans l’armoire là-bas. J’ai aussi des biscottes et un peu de tout
pour le petit-déjeuner. Mais si tu ne trouves pas ton bonheur, nous pourrons
toujours faire les courses à mon retour.
—
Merci mais je fais attention à ma ligne en plus, je
vais retrouver des copines tout à l’heure, lâcha-t-elle sans un regard dans ma
direction. Je n’ai pas envie de me sentir boudinée.
Un silence pesant sans doute autant de kilos que moi s’installa. Contrairement
à moi, Emeraude n’avait visiblement pas l’intention de faire le moindre effort
mais si nous devions cohabiter ne serait-ce que quelques jours, il fallait que
nous trouvions le moyen de nous entendre. Alors qu’elle avait la tête plongée
dans le frigo, à la recherche de je ne sais quoi, je décidais de crever
l’abcès. Après tout nous étions deux femmes aimant chacune à sa façon le même
homme.
—
Emeraude, m’exprimais-je afin de retenir son
attention. Il est plus qu’évident que nous sommes parties sur de mauvaises
bases. Tu es la sœur de mon fiancée donc la mienne aussi, en quelque sorte. Nous
n’avons jamais pris le temps de faire connaissance et j’aimerai vraiment que
cela change.
Elle leva la tête vers moi et m’observa avec attention avant de
répondre.
—
Ma très chère Elsa, tu n’es pas sans ignorer que je…
enfin, que nous ne t’apprécions pas vraiment.
J’accusais le coup en la regardant se déplacer à la recherche d’une
cuillère afin de déguster le yaourt qu’elle tenait dans l’une de ses mains. Adossée
contre le plan de travail, elle prit le temps d’ouvrir son pot et d’avaler une
petite quantité de cette douceur lactée avant de poursuivre. Comme si elle ne
m’avait pas déjà assez blessée, je décidais qu’il fallait que nous crevions une
fois pour toute et abcès qui d’une manière ou d’une autre gangrénais ma
relation de couple.
—
Puis-je savoir les raisons pour lesquelles tu… hum,
soufflais-je car j’avais retenu mon souffle pour ne pas craquer. Puis-je savoir
les raisons pour lesquelles vous ne m’aimez pas ?
—
Mais tu n’y es pas du tout ma pauvre.
Elle venait de s’installer sur la chaise juste en face de la mienne.
Contrairement à moi, elle semblait calme et sereine. On aurait dit qu’elle ne
se reprochait rien, même pas le fait de s’adresser à moi comme à une petite
chose vulgaire et insignifiante.
—
Nous ne te détestons pas. D’ailleurs, aucune de nous
n’a du temps pour ça. Nous t’ignorons seulement toi et toutes tes manières de
petites bourgeoises. Regarde-toi, et dis-moi les raisons pour lesquelles mon
frère devrait faire sa vie avec toi.
En dehors de l’amour que nous nous portions, fallait-il des raisons
supplémentaires de penser qu’Héritier et moi étions faits l’un pour
l’autre ? L’amour à lui seul n’était-il pas ce qu’il y avait de plus
important dans un couple ? N’étais-ce pas le garant d’une relation
harmonieuse ? Si…
—
Des fois, je me dis que mon frère est bien idiot de
rester à tes côtés sachant toutes ces choses que jamais tu ne seras en mesure
de lui offrir. Mais je pense que tout n’est qu’une question de temps avant
qu’il se rende compte que vous n’avez rien à faire ensemble.
Les jours suivants cette mise au point, je m’arrangeais à ne pas croiser
Emeraude qui soit dit en passant avait l’air très occupée. Elle sortait le
matin pour ne revenir que dans la nuit. Et quand elle restait à la maison,
j’avais l’impression de devenir folle avec sa musique, ses cris et ses
conversations téléphoniques qui n’en finissaient pas. Ambre aussi était passée
la prendre un soir pour aller je ne sais où. Celle-ci s’était contentée de
l’attendre dans sa voiture. Chaque jour avait son lot de souffrances et si mon
fiancé ne semblait pas s’en rendre compte, ma sœur Maeva le sentait à la
résonnance de chacun de mes mots lorsque nous étions au téléphone.
Nous étions vendredi soir et en quittant mon bureau, je ne pus
m’empêcher de maudire Héritier. Lui qui acceptait que nous recevions chez nous
son ex-copine toujours amoureuse de lui. Il était clair que cette fille
cherchait à lui remettre la main dessus mais au lieu de s’en offusquer, il
avait l’air d’apprécier. J’avais tenté une ou deux fois de lui en parler mais
monsieur faisait le coq ce qui ne me rassurait pas du tout.
La perspective de cette soirée me rendait nerveuse. Lorsqu’Anita était
dans les parages, je me sentais toujours en compétition puisqu’en plus des
griffes, elle sortait à chaque fois l’artillerie lourde. Le fait qu’Emeraude
s’occupe elle-même du diner de ce soir m’arrangeait vu que cela m’éviterait
d’être jugée sur mes talents culinaires. De toutes les façons je ne savais
cuisiner le moindre plat congolais. En rejoignant l’appartement, je reçu un
appel de Lenny. J’eue du mal à cacher ma mauvaise humeur alors elle me demanda
ce qui n’allait pas. Evidemment, je lui expliquais mes différents soucis :
Héritier qui rentrait de plus en plus tard du travail, sa petite sœur que l’on
hébergeait pour je ne sais combien de temps et qui ne me facilitait pas la vie.
Je ne manquais pas de lui parler du diner de ce soir et de la présence d’Anita.
Je vidais mon sac. Avec Maeva, elles étaient les seules personnes auprès
desquelles il m’arrivait de craquer. Même si je savais que je pouvais compter
sur maman et sur tante Solène pour me conseiller et m’épauler je préférais ne
pas trop leur parler de mes difficultés puisque dès le début de ma relation
avec Héritier, elles m’avaient mise en garde. Les deux femmes le trouvaient
beaucoup trop superficiel et un tantinet orgueilleux. Elles n’arrêtaient pas de
me demander ce qui m’avait séduit chez lui. J’appréciais toute cette attention
qu’elles me portaient mais des fois, je trouvais qu’elles en faisaient un peu
trop. Après tout, Héritier n’avait rien à voir avec Moïse. Contrairement à ce
dernier, il était arrivé en France avec un visa étudiant. Il avait travaillé
dur afin de réussir et aujourd’hui, même s’il gagnait beaucoup moins que moi,
il vivait honnêtement. De plus, Héritier ne me trompait pas. Il n’était certes
pas l’homme le plus affectueux de la terre mais au moins, il était fidèle.
—
Mais, je ne savais pas pour sa sœur !
s’offusqua-t-elle.
—
Je sais. J’étais vraiment contrariée et toi, tu étais
à Londres. Je n’avais pas envie d’aborder le sujet et encore moins que tu te
fasses du souci pour moi au lieu de travailler.
Lenny était make-up artiste chez M.A.C depuis l’âge de 19 ans. En début
d’année elle était passée artiste senior. Elle avait dès lors rejoint la
branche ultra professionnelle de la célèbre enseigne de cosmétiques. Depuis,
elle voyageait à travers le monde pour participer à de grands évènements.
—
C’est si terrible ?
—
Tu n’imagines même pas. Elle passe son temps à me
narguer avec son corps parfait et ses tenues qui lui vont impeccablement bien. Elle
me lance des pics sur mon tour de poitrine ou encore ma cellulite. J’ai l’impression
de vivre avec Naomi Campbell.
Le silence à l’autre bout du fil suffit à me montrer à quel point elle
était compatissante. Je soupirais puis décidais de la laisser. Elle rentrait à
peine de voyage, je n’allais pas lui perdre plus de temps que ça. Néanmoins, je
savais qu’elle comprenait bien ma douleur.
Lorsque je poussais la porte de l’appartement, je fus frappée par l’odeur
qui émanait de la cuisine. J’accrochais mon manteau puis m’approchais de la
table. Je remarquais qu’il y avait encore pas mal de choses à améliorer pour
faire d’Emeraude une hôte exceptionnelle mais je gardais cela pour moi. Même si
je n’attendais pas vraiment de réponse, je la saluais.
—
Bonsoir.
Elle se tourna vers moi et je pus admirer sa mise en beauté. On aurait
dit qu’elle se préparait pour Cannes et pourtant, nous n’allions faire que
diner ici. Du bout de ses lèvres joliment maquillées elle répondit avec
empressement. N’attendant pas plus, je me retirais dans ma chambre afin de
m’apprêter.
Je me tenais debout, face à mon dressing quand Héritier pénétra dans la
chambre. J’étais à la recherche d’une tenue à la fois classe et élégante qui
clouerait le bec à ce beau monde.
—
Ils sont là ?
Sous haute insistance de sa sœur, Jules avait aussi été convié à ce
diner. C’était sans doute la raison pour laquelle Emeraude avait choisi cette
robe qui mettait exagérément ses atouts en valeur car en plus d’être échancrée
de partout, celle-ci était trop courte à mon goût. On eut cru qu’il lui
manquait des bouts de tissu.
—
Ils ne sont pas encore arrivés, me répondit-il en
s’approchant de moi.
Il posa ses mains sur mes hanches et m’embrassa dans le cou. Je sentais
ses mains glisser sur mes fesses recouvertes d’un shorty en dentelle couleur
carmin. Il les caressa avant de les empoigner brusquement, me faisant sursauter
au passage.
—
Qu’est-ce que tu es sexy.
Sa voix était rauque et ses mains se faisaient de plus en plus baladeuses.
Je fermais les yeux pour savourer ce contact mais très vite, je constatais
qu’il m’était insupportable. Cela faisait des mois qu’il n’avait pas effleuré
ma peau en plus, il m’avait tellement offensée ces derniers temps que je ne pus
que le repousser.
—
Eh bien, c’est de mieux en mieux là !
s’énerva-t-il
—
Tu crois peut-être que je suis à ta disposition ?
—
Non ! Je pense juste que tu es ma fiancée. Et je
te le dis déjà, ce n’est pas en te refusant à moi que nous arriverons à le
faire, ce fameux bébé miracle.
En plus de mettre mes nerfs à rude épreuve, il se permettait de me
sortir ça, sachant bien l’impact que cela pourrais avoir sur moi. J’étais
choquée et j’avais comme une envie de vomir.
—
Espèce d’égoïste, hurlais-je. Ca fait des jours que
nous n’avons pas échangé plus que des civilités et là, tu arrives comme une
fleur, prêt à me sauter dessus. Non mais tu te crois où ? Et puis,
utiliser cet argument est juste monstrueux.
Héritier était certes égocentrique mais jamais il n’avait été si loin. Ses
propos m’avaient profondément blessée. Comment et pourquoi se comportait-il
ainsi ? Qui de nous deux était fautif cette fois ? Je me sentais
comme une marmite sous pression au point où lorsqu’il quitta la pièce en
claquant la porte, je m’écroulais sur mon sofa. Heureusement, je n’étais pas du
genre à pleurer. Lorsque j’avais mal, je me renfermais sur moi-même telle une
huitre cherchant à protéger sa perle. Après quelques exercices de respiration,
je me retournais vers le dressing. Même si j’étais blessée, je me devais
d’assister à ce diner auquel Anita et moi nous affronterions sans aucun doute.
Je choisi une robe noire dont la fente sur le côté me donnait un air faussement
provocateur. J’optais pour un maquillage neutre en soulignant discrètement mon
regard et misais sur une bouche dans les tons roses mordus avant de coiffer mes
cheveux bruns à l’aide de mes doigts.
Lorsque je regagnais le séjour, je remarquais que la porte fenêtre
menant à la terrasse était à moitié ouverte. Héritier se tenait debout et avait
l’air tendu. Je décidais de le rejoindre afin de lui présenter mes excuses.
—
Mon cœur…
Il continuait de regarder droit devant lui. Je m’approchais et lui
encerclais la taille de mes bras avant de poser ma tête contre son dos. Je me
laissais bercer par les battements de son cœur avant de rompre le silence.
—
Je suis désolée, dis-je d’une voix hésitante. Je crois
que je suis à bout de nerfs depuis quelques jours. Tout semble m’irriter.
J’aimerais que tu sois plus présent, que nous parlions plus souvent de nous, de
notre avenir.
Doucement, il défit mon éteinte et se tourna pour me faire face.
—
J’ai l’impression que tu me reproches de travailler.
Or si je me lève chaque matin c’est bien pour toi, pour l’avenir dont tu
parles.
—
Moi aussi je travaille mais je trouve du temps pour
toi. Pour ton repas. Pour l’appartement. Je sais très bien que construire une
carrière demande beaucoup de temps et pour cela, je suis prête à sacrifier
quelques soirées et pourquoi pas un week-end. Mais le problème ici c’est que je
passe ma vie à t’attendre.
—
Mais qu’est-ce que tu veux que je fasse ? Que je
démissionne peut-être comme ça à la moindre dépense, tu pourras me rappeler que
c’est toi qui paie les factures.
—
Mais non, m’offusquais-je. Je n’ai jamais été…
—
Tu n’as jamais été quoi, Elsa ? Tu es contente de
gagner plus d’argent que moi. Tu me nargues chaque fois que j’en prends sur
notre compte joint pour mes besoins.
—
De quels besoins parles-tu ? Tu dilapides ce que
je gagne durement en costumes branchés, en restaurants chics. Tu te permets de
faire des cadeaux fous à tes amis et aux membres de ta famille sans jamais
m’informer.
Il s’éloigna nerveusement de moi avant de répondre.
—
Tout de suite les grands mots. Si nous mettons cet
argent de côté c’est bien pour pouvoir profiter de la vie…
—
Pas nous, le coupais-je. Ça fait des mois que tu n’as
pas mis un seul euro sur ce compte et pourtant, tu ne te gênes pas pour comme
tu dis en profiter.
Il leva les yeux au ciel et une fois de plus, rendit mes propos insignifiants.
—
Arrête un peu avec tes histoires, Elsa. Tu ne vas pas
te donner des ulcères pour quelques euros. Tout ça, ce n’est que du matériel.
Je restais bouche bée face à cette conclusion. Mon cœur se serra si fort
que ma tête se mit à tourner. J’avais du mal à tenir sur mes jambes alors je
m’appuyais contre un mur pour ne pas m’écrouler. Il me fallait réfléchir à ce
que cette discussion impliquait. Sans attendre son reste, il quitta la terrasse
en me laissant planter là.