31. Règlement de comptes

Ecrit par Samensa

ERIC

Une fois mon frère et « sa femme » partis, je me tourne vers Nancy, les dents serrées.

-Il faut que ça cesse Nancy et maintenant !

-Quoi ? fait-elle offusquée. C’est elle qui vient m’agresser et c’est moi qui suis sermonnée ? Ben voyons !

-Alors tu n’es pas allée lui faire des histoires chez elle ?

-…

-C’est bien ce que je pensais ! Je te remercie donc d’avoir permis que ma vie soit exposée devant toutes mes employés.

-Ce n’est pas de ma faute.

-Si, c’est de ta faute. Je ne m’explique toujours pas comment tu as pu aller jusqu’à chez elle pour l’agresser. Tu ne serais pas devenue folle ?

-Si lui dire ses vérités en face, c’est une agression alors oui, je l’ai fait et je ne regrette rien du tout. Elle n’avait qu’à te laisser tranquille !

-Tu oublies que de tout ce qui s’est passé entre elle et moi, j’étais consentant.

-Elle t’a ensorcelé. Murmure-t-elle désemparée.

-Peut être bien… Je crois, non je suis certain que nous arrivons au terme de notre relation.

-Quoi ?

-Je ne peux plus continuer cette comédie.

-Tu n’es pas sérieux ? demande-t-elle inquiète.

-J’en ai bien peur que si.

-Non. Dit-elle fermement.

-…

-Je t’aime.

-Je sais mais ce n’est malheureusement pas réciproque. On a essayé, ça n’a pas marché. Tu es une belle femme et tu as encore l’avenir devant toi pour te trouver un homme bien qui saura t’aimer à la hauteur de ce que tu mérites. Pour ma part, ce n’est plus possible.

Elle pouffe de rire avant de me regarder le visage baigné de larmes.

-Alors c’est ça hein, tu profites de moi et tu me laisses tomber.

A ces mots, je ressens le besoin de prendre appui en m’asseyant au bord de mon bureau. Je la regarde, ne comprenant pas pourquoi elle refuse l’évidence.

-Tu me laisses tomber pour une femme sans morale qui t’a trompé avec ton propre frère ? C’est le genre de femme que tu veux dans ta vie ?

-Ce que je veux dans ta vie ne te concerne pas. Je suis libre dans mes choix jusqu’à preuve du contraire. Je prends les décisions que je pense bien pour moi. Et celle-là, est bien pour moi et pour toi, même si tu refuses de le croire.

-Mais…

Je l’arrête d’un geste de la main.

-Je vais te demander de bien vouloir sortir de mon bureau. J’ai du travail et je crois que toi aussi.

Elle vire carrément au rouge et m’adresse un regard qui aurait pu me tuer s’il en avait le pouvoir. Ravalant ses larmes, elle sort de mon bureau en claquant la porte à tel point que j’ai l’impression qu’elle se sortira de ses gonds.

Je soupire avant de retourner m’assoir devant mon bureau, désolé pour Nancy mais à la fois ravi d’avoir enfin mis un terme à cette relation. S’il est vrai que j’ai été à un certain moment attiré par elle, il est clair qu’aujourd’hui, je ne ressens plus rien à part de l’amitié et de la sympathie pour la jeune femme. Je ne me sens aucunement coupable. Nous étions deux adultes consentants pour essayer une relation qui n’a, au vu de la situation pas marché. J’espère qu’elle comprendra et ira de l’avant.

Je reste travailler jusque tard dans la nuit pas parce que j’ai assez de dossiers mais pour éviter la solitude de ma maison qui me conduira bien évidemment à me perdre dans des pensées obscures et déprimantes.

Vers 22 heures, je reçois un appel. Je fronce les sourcils en voyant l’appelant : Api.

-Allô.

-Allô, Eric, c’est Api.

-Oui, je sais. Euh…

-S’il te plait, j’ai besoin de toi. M’interrompt-elle. Je suis à l’hôpital, rejoins moi.

-Quoi ? Tu n’as rien de grave j’espère ? Demandai-je en trouvant tout de même étrange qu’elle m’appelle moi.

-C’est Ela.

Mon cœur fait un bond dans ma poitrine.

Je note l’adresse de la clinique.

 

ELA

David me laisse m’en aller en me promettant de régler tout ce soir. Mon cœur fait une embardée comme à chaque fois qu’il promet qu’on règlera quelque chose.

Au lieu d’aller au bureau, je décide de rentrer à la maison. Avant, je fais un arrêt à la pharmacie.

Ces derniers temps ont été très stressants pour moi. Bien évidemment, cela a eu un impact que mon cycle menstruel. Toutefois, j’ai noté certains symptômes qui ne trompent pas : poitrine lourde, fatigue répétée, bouffées de chaleur périodiques, étourdissements et dégoûts pour certains plats que j’affectionnais pourtant, sans prise de poids notable. Je m’achète donc plusieurs tests de grossesse pour tirer tout cela au clair.

Une fois à la maison, redoutant les résultats, je décide de faire les tests plus tard. Je reste couchée dans le lit, ressassant les évènements de la journée et finit par m’endormir. Lorsque je me réveille, je suis plongée dans le noir et la montre de chevet affiche 19h26.

Je prends mon courage à deux mains et file dans la douche. Moins de 10 minutes plus tard, le verdict tombe : je suis enceinte. Pas l’ombre d’un doute puisque tous les tests sont positifs. Assise sur la cuvette des toilettes, j’éclate en sanglots en regardant les bâtonnets. Je pleure de joie. Je vais être maman.

Et cela fait tilt dans ma tête.

« Tu ne seras jamais mère si tu restes dans cette maison »

Et c’est vrai. A l’allure où vont les choses, il finira par nous tuer tous les deux.

J’ai longtemps rechigné à m’en aller de peur de me faire rattraper et battre de plus belle. Et aussi, parce que j’ai longtemps pensé que c’était la punition que Dieu m’infligeait pour mes péchés. Mais je crois que la vie que je porte en moi mérite que je prenne des risques. J’ai toujours ma famille et malgré mes mauvais choix, elle me soutiendra. Il faut que je m’en aille. David ne trouvera pas son punching ball à son retour.

Je prends une douche rapide, me vêt de survêtements noirs et me mets à ranger mes affaires les plus importantes. J’en suis à mes documents lorsque la porte d’entrée claque. David vient de rentrer.

Rapidement, je range les sacs sous le lit en priant qu’il n’ait pas l’idée d’y jeter un œil et vais le rejoindre dans le salon.

-Bonsoir. Dis-je.

-Bonsoir Ayelha. Il me toise avant de continuer à enlever les lacets de ses chaussures.

Je baise immédiatement les yeux de peur qu’il puisse y lire mes plans. Il me dépasse pour aller dans la chambre pour prendre sa douche.

Soudain, j’ai des sueurs froides dans le dos quand je me rappelle que j’ai oublié de ranger les tests de grossesse.

-Elaaaaa !!!! Entendis-je hurler les secondes qui suivent.

Mon cœur rate un battement. Je me mets à trembler de tous mes membres.

David déboule dans le salon et me jette les tests à la figure sauf un, celui qui indique la durée approximative de la grossesse. Je le sais, il le sait, cet enfant n’est pas le sien.

-Qu’est-ce que ça signifie ?

-Ce sont des tests de grossesse.

-Imbécile ! Je sais ce que c’est ! Je demande ce que cela signifie.

-…

-Tu vas me répondre.

-Je suis enceinte.

-De onze semaines ?

-Oui.

Une douleur fulgurante me traverse lorsque sa main atterrit sur ma joue. J’ai mal mais je refuse de lui donner le plaisir de voir mes larmes. Je le défie donc du regard.

-Tu vois où tu nous as mené ? Faire la pute jusqu’à tomber enceinte. Ce batard ne naitra pas !

-Mon enfant n’est pas un batard ! Martelai-je.  Et tu n’es pas Dieu pour décider de qui doit vivre ou pas ! Assénai-je en le regardant droit dans les yeux.

J’en avais plus qu’assez de me faire rabaisser, assez de supporter sans broncher.

Son rire sadique résonne dans la pièce.

-Tu veux jouer à ça avec moi ? Hein ? demande-t-il en s’avançant dangereusement vers moi.

Je recule jusqu’à me retrouver coincée contre la porte d’entrée.

D’un geste brusque, il me saisit par la gorge et se met à exercer une pression. J’envoie mon genou dans son entrejambe, ce qui me permet de me libérer de son étreinte pour ouvrir la porte. A mon grand malheur, elle se referme aussitôt que la main de David s’appuie dessus.

Il me saisit par les cheveux pour me trainer jusqu’à la chambre où il me jette sur le lit. Nous luttons ensemble alors qu’il essaie de me déshabiller pour accomplir la sale besogne qu’il a en tête.

Le fait que je me défende l’énerve au point où il me donne un coup dans le ventre pour me calmer. Mue par une force qui m’était jusque-là inconnue, j’arrive à me dégager et court jusqu’à la cuisine où mon premier réflexe est de prendre un couteau.

-Tu comptes faire quoi avec ça hein ?

-Au secours ! A l’aide !

Il rit en sachant que l’épaisseur des murs empêche les sons comme ceux que j’émets de sortir.

-Dépose ce couteau !

-Non ! Laisse-moi partir !

-Tu n’iras nulle part, je suis désolé. On est un couple maintenant et c’est inacceptable que tu portes un enfant d’un autre. Inacceptable !

Alors qu’il parle, je ne remarque qu’il a pris la boite de poivre que lorsque mon visage en est plein. Je me retrouve bien vite sous l’homme qui me serre le cou, le genou appuyé contre mon bas ventre.

Je sens mes forces me quitter. Cependant, il me vient à l’esprit que je n’ai pas le droit de faire payer mes fautes à mon enfant. J’en ai déjà perdu un à cause de ma bêtise. C’était le premier et ce sera le dernier. Dans un dernier effort de survie, je saisis le couteau près de ma main et l’enfonce dans la poitrine de mon agresseur qui se tord de douleur puis finit par s’écrouler sur moi.

Je le repousse puis à quatre pattes, me dirige vers la sortie en tâtonnant. Les violentes crampes dans mon ventre et mes yeux douloureux m’empêchent de faire autrement. J’arrive enfin à sortir de l’appartement.

Rassemblant toutes mes forces, j’appelle au secours. C’est avec soulagement que j’entends les portes du couloir s’ouvrir. J’entends des voix de surprises, des exclamations que je peine à distinguer.

Je sens qu’on me porte pour me faire sortir. Une femme crie que je suis morte. Une autre que je saigne trop. Des hommes me somment de ne pas lâcher prise, qu’on m’emmène à l’hôpital.

Le reste, je ne m’en souviens pas.

 

 

INDECISE