44-
Ecrit par Lilly Rose AGNOURET
44-
Il est 20h lorsque Sharonna arrive en compagnie de Stephen, son petit frère. Du
haut de ses 17 ans, il va en terminale B au lycée Ambourouet Avaro. Tous deux
m'aident à dresser la table.
« Tu t'imagines que j'ai du fuir le vieux. Il avait des plans, le type. Il
voulait qu'on aille au restaurant et tout. Je lui ai demandé de me laisser
sortir étant donné que monsieur a déjà payé les billets pour Dubaï. On y va en
vacances dans dix jours. Juste le temps d'effectuer les démarches à Libreville
pour récupérer mon diplôme »
« Comme je t'envie ! Vous resterez combien de jours ? », lui fais-je.
« Oh ! On y restera deux semaines. Ensuite, Stephen et moi allons passer deux
semaines à Cologne chez ma marraine. »
« C'est beau de pouvoir voyager. J'imagine, déjà faire le tour du monde, plus
tard, quand je travaillerai. Je serais aussi class et professionnelle que ta
mère. Et je voyagerai avec mes enfants et mon époux. »
« Oh ! En parlant de maman. Elle m'a appelée. Elle vous passe ses
félicitations. Elle a osé me supplier de ne pas la juger. Elle m'a dit que
l'amour ne prévient pas et qu'elle me souhaite de vivre la même chose. J'ai cru
que j'allais vomir quand elle m'a dit ça ! »
Je me contente de rire devant la mine dépitée de Sharonna.
« On en rira dans dix ans, tu verras ! »
« Oh ! Ça ne risque pas d'arriver ! », fait Stephen. « Elle est enceinte,
vois-tu ? Nous allons sûrement avoir un petit frère. Difficile de rire une fois
que le petit sera là. »
Les assiettes que j'avais dans la main atterrissent par terre.
« Tu rigoles, Stephen ! Sharonna, dis-moi qu'il rigole ! Ta mère va avoir 49
ans. À cet âge on souhaite se débarrasser de ses enfants et vivre une nouvelle
vie avec son époux et non pas pouponner de nouveau. »
« On se calme, Tania. Tu t'imagines ce que j'ai pu ressentir en apprenant la
nouvelle ! Je n'ai même pas eu le courage de le dire à mon père. Je ne sais
même pas comment annoncer la nouvelle à mes grands frères Josselin et Michaël.
», me fait Sharonna.
« J'ai besoin d'un efferalgan ; Excusez-moi, j'arrive. », fais-je alors que
Pupuce et maman sortent de la chambre, intriguées par le bruit des assiettes.
Alec, Patrick et Sunita qui sont partis acheter à boire chez Azockry,
reviennent quelques minutes plus tard. Dès lors, Pupuce ne quitte pas le bras
de Patrick. Sunita, elle, a dû mal à éloigner sa bouche de celle d 'Alec. Elle
semble s'être transformer en masque à oxygène, tend il semble qu'il a
excessivement besoin d'elle comme de l'oxygène pour vivre.
À cela, Sharonna rit et lance :
« personne ne va te le voler ici, Sunita. On respire ! »
La petite de Jileska, du haut de ses 17 ans, répond simplement :
« Si tu savais, Ya Sharonna. Si tu savais ! »
Bref, il semble que la petite soit en train de vivre Noël avant l'heure.
Gaëlle arrive en compagnie de Marc-Elise.
« Les consignes de Nazaire Ontala et d'Elisabeth Ogoula sont les suivantes :
ramenez leur fille à la maison sitôt que nous avons fini de manger. Ils m'ont
dit qu'il est hors de question qu'elle nous suive en boîte de nuit. », me fait
Gaëlle en rigolant.
« Ah, ces gens là, quand je vais les barrer ils vont bien s'ennuyer dans leur
maison. Ce n'est pas moi qui leur ai dit de ne faire qu'un enfant ! », s’énerve
Marc-Elise.
« Oh, le bijoux de maman Élisabeth se fâche ! Ma go, tu vas juste là a
Libreville. Ce n'est pas comme si tu quittais le pays. Tu seras toujours leur
bébé. », lui fais-je.
« Peu importe. Au moins, j'aurai un peu d'indépendance. Je vais me prendre une
chambre. Et j'espère vraiment réussir le concours de l'Afram ! Mais d'abord,
cet oral de rattrapage du Bac»
« Et t'as des nouvelles d'Antoine », lui demande Sharonna.
« Il m'a envoyé un message de félicitations, mais je n'ai pas envie d'en
parler, » répond-elle simplement.
Les filles n'insistent donc pas. Nous nous mettons à rire en voyant Julien qui
essaie d'échapper aux griffes de Pamela-Jo. Je me demande pourquoi il l'a
invitée.
Maman arrive avec Ruby dans les bras alors que Jade dort déjà. Elle nous
souhaite à tous un bon appétit en nous félicitant encore pour notre réussite au
bac.
Avant de repartir dans la chambre, elle m'appelle dans la cuisine et me donne
des consignes.
« Si vous sortez, tu gardes Pupuce à l’œil. Tu l'emmènes en boîte de nuit et tu
la ramènes à la maison, d'accord ? Je ne veux pas que vous consommiez d'alcool,
on est d'accord. Et bien sûr, Julien ne sort pas avec vous, quelques soient ses
supplications. Amusez-vous bien. Et bonsoir à Miro. »
Sur ce, elle s'en va dans la chambre en souhaitant bonne soirée à tout le
monde.
Nous mettons à manger dans la bonne humeur. Je regarde ma montre et suis
impatiente de voir Miro arriver. Patrick demande à goûter du piment, malgré les
mises en garde de Pupuce. Il met en mets un peu dans son plat et devient aussi
rouge qu'une tomate, quand le piment agit dans son organisme.
« Mais, c'est un suicide ! Comment faites-vous pour manger ce truc ? »
« Ce n'est pas pour les poltrons », lui lance Julien.
« Je veux bien être poltron si cela doit me garder en vie. », répond Patrick en
essayant de rire.
Gaëlle lui demande alors de nous raconter la vie à Londres. Il se met à parler
de la ville dans laquelle il a étudié et vit depuis cinq ans.
« Je suis né à Nairobi. Mon père y était conseiller économique à l’ambassade de
France. Ma mère et lui s'y sont rencontrés. Elle était professeur de Lettres à
l'université. Je suis le deuxième enfant du couple. Ma sœur cadette étudie à
Lille. », nous fait-il.
« Et toi, Alec. Comment es-tu arrivé en Belgique ? », questionne Sharonna.
« Oh, c'était un compromis entre l’Allemagne où vivent mes parents et la Suède
où vivent encore mes grands-parents. Rien de bien original. Je suis en Suède.
J'ai grandi entre Dakar, New York, Bruxelles et Düsseldorf. J'avais l'embarras
du choix quant au lieu où j'allais effectuer mes études. »
« Ok. Intéressant tout ça ! », conclut Gaëlle.
Miro arrive finalement à 22 heures 30 alors que nous mangeons encore. Il semble
exténué.
« J'ai serré tellement de mains, et tellement souri aux gens, que j'ai bien
envie de me glisser dans mon lit. », me fait-il alors que nous sommes tous les
deux devant le portail.
« Impossible, tu as promis aux filles de nous emmener danser. », lui fais-je.
« Ok, ok ! Viens, allons retrouver les autres. »
Quand nous rentrons au salon, j'entends alors Pamela-Jo demander à Pupuce :
« Dis, tu seras à Toulouse en septembre ! On pourra s'y voir, alors ? »
« Non, je serai à Paris. J'ai été accepté dans une école de commerce qui a une
branche dans 5 villes de France. Je préfère Paris, finalement. Mon avion
décolle de Libreville le 1er septembre, je crois. Enfin, c'est mon père qui se
charge de tout. »
Gaëlle et Sharonna me regardent l'air de dire : mais finalement , cette Pupuce,
elle reste en Afrique où elle va en France ?
Moi, je ne m'en préoccupe pas plus. Je ne serai sûre de son itinéraire que
lorsque je verrai son avion décoller. Car, même assise dans la salle
d'embarquement à l'aéroport international Léon Mba, elle serait capable de
rater l'avion exprès, en allant s'enfermer dans les toilettes !
Et écoutez-là rajouter.
« Et c'est tellement plus pratique d'être là. En un saut, tu peux rapidement
prendre le train pour Londres, l'Allemagne, la Belgique. Je veux voyager, tu
comprends ! »
Ça c'est sûr que le message est passé ! Paris est tellement SI PROCHE de
Londres où travaille Patrick. Pas besoin de nous faire un dessin.
Je sers à manger à Miro, qui préfère s'en tenir aux feuilles de manioc, que ça
mère lui a déjà fait manger plusieurs fois. Assis à mes côtés dans le canapé,
sa tête ne tarde pas à tomber endormie sur mon épaule.
« Il semble épuisé ! », me fait Sharonna.
« Ce n'est pas grave, les filles. Qu'il reste dormir dans les bras de sa chère
et tendre. Et Pascal et moi, nous vous emmenons en boîte de nuit. »
Les filles sont d'accord avec ce programme. Moi, je réfléchis quelques secondes
à mon sort. Monsieur mon chéri va dormir ici. Où vais-je l'installer. Dans mon
lit au matelas peu confortable ou ici dans le canapé. Pupuce me sort de
l’embarras en me murmurant dans l'oreille :
« Je vais piquer de beaux draps à la vielle et vite arranger le lit et la
chambre. T'inquiète. »
Pour une fois, la télépathie entre nous a bien marché.
À 23h 30, alors que Miro dort couché sur le canapé, Julien et moi, accompagnons
les amis vers les voitures conduites par Patrick et Alec. Nous leur disons au
revoir.
« Désolée de devoir vous laisser tomber ; », fais-je à mes copines.
« T'inquiète ; nous allons nous amuser. On te raconte demain », me fait
Sharonna.
« Bonne nuit à toi Marc-Elise. Maman Élisabeth t'attend à la maison. », fais-je
à ma copine.
« Très drôle, Tania Akendengué. J'adore ton humour. »
J'ai eu le temps de dire à Pupuce de bien prendre soin d'elle en boîte de nuit
et de rentrer tranquillement à la maison après s'être amusée.
« T'inquiète », m'a t-elle dit. « J'ai retenu la leçon. »
Ils s'en vont, même si Pamela-Jo a un énorme pincement au cœur et les larmes
aux yeux en disant au revoir à Julien.
« Enfin partie ! J'ai bien cru qu'elle n'allait jamais me lâcher. », me confie
mon frère.
« Dis la vérité. Tu l'aimes quand même un peu, cette fille. »
Il me regarde sans rien répondre.
J'arrive à traîner Miro jusque dans la chambre. Je le débarrasse de sa veste de
costume, le couche sur le lit et lui enlève ses chaussures. Il est tellement
sonné, qu'il ne boude pas un instant. Il arrive à m'emprisonner dans ses bras.
Et à me murmurer dans l'oreille : Viens avec moi à New York, Tania.
Je me redresse pour être sûre d'avoir bien entendu, mais le sommeil l'a déjà
transporté bien loin au pays des rêves.