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Ecrit par Lilly Rose AGNOURET
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Il est 5 heures du matin quand j'entends les petites pleurer pour leur biberon
du matin. Je me lève doucement du lit où Miro dort encore et me glisse furtivement
dans la chambre de maman.
« Ce sont de véritables horloges, ces petites. Pas besoin de réveil ! », me fat
maman. « Comment s'est passée votre sortie ? »
« Euh ! Miro s'est endormi, donc j'ai dû l'installer dans mon lit. Les autres
sont partis sans nous. », lui fais-je.
« Tu as laissé Pupuce sortir toute seule ? Oh ! Et elle n'est pas encore
rentrée ? », me demande maman ;
« Apparemment, non. Mais t'inquiète, je suis sûre que nous pouvons lui faire
confiance. »
« Ok ! L’essentiel c'est qu'elle s'amuse comme une fille de son âge. Voilà, le
biberon de ces dames est prêt.
Nous donnons à manger aux petites qui ne tardent à se rendormir. J'installe
tranquillement Ruby dans son berceau alors que Jade décide comme à son habitude
de rester dans les bras de maman.
« Nous avons bien mangé, cette nuit. Les garçons étaient contents. », dis-je à
maman.
« Je suis heureuse de l'entendre. Vous pouvez respirer maintenant que votre bac
est en poche. L'atmosphère est plus agréable. Et bientôt, il n'y aura plus
personne dans la maison pour mettre l'ambiance comme le font tes copines. Vous
serez toutes éparpillées un peu partout. »
« Oh ! C'est que tu me chasses. Je ne sais pas encore où je vais atterrir,
maman. Gaëlle ne s'envole pour Cape Town qu'au mois de décembre. Sharonna, elle
s'en ira en janvier si tout va bien. »
« Oh ! Elle va finalement aux USA comme prévu ? »
« Non, son père a décidé de l'envoyer en Afrique du Sud, en attendant qu'il se
remette à flot. Le départ de leur mère a mis un cran d'arrêt à ses grands projets
pour elle. »
« C'est vraiment dommage ! Mais l'essentiel c'est qu'elle fasse les études qui
lui plaisent.
« Comme tu dis. Au fait, sa mère est enceinte. »
« La mère de qui ? De qui parles-tu, Tania ? »
« Euh ! La mère de Sharonna est enceinte, maman. »
« Enceinte de qui ? »
« Euh, de Peter Malonga. Elle a annoncé la nouvelle hier à Sharonna. »
« Dieu ! A 50 ans ! C'est une blague ! Qu'ont-ils fait boire à cet enfant à sa
naissance ? Comment fait-il pour être aussi fécond ? Il enceinte toutes les
femmes qu'il touche !!! »
« Maman ! »
« Pardon, je préfère penser à autre chose ! Ce n'est pas possible. Je vais me
recoucher. J'irai à la messe de 10 h aujourd'hui. Ce n'est pas possible !
Enceinte ! »
Je laisse maman se remettre du choc de cette nouvelle. Je me demande comment
les grands frères de Sharonna accueilleront la nouvelle.
Je reviens dans ma chambre et trouve Miro éveillé, qui tient en main, un livre
de Pupuce.
« Bonjour bel homme ! »
« Bonjour belle dame ! J'ai l'impression que quelqu'un m'a gardé prisonnier
cette nuit ! »
« J'aurais fait plus si tu n'étais pas aussi fatigué, qui sait Tu te serais
réveillé tout nu ce matin? »
« Oh ! Tu aurais pu faire de moi ton esclave sexuel que je n'aurais rien
trouver à dire. Viens là », me fait-il en m'emprisonnant dans ses bras.
« Tu vas à New York, Miro ? »
« Pour quoi faire ?, me répond t-il intrigué.
« Non, rien. Rien. »
Il sourit et me dit :
« Il faut que je m'en aille. Je ne veux en aucun cas que ta mère pense que j'ai
abusé de sa confiance. »
« Elle sait que t'as dormi dans mon lit. Je le lui ai dit. »
« Oh ! Dans ce cas, je me dépêche de m'en aller avant que ton frère ne pète un
plomb. »
Il sort du lit et prend sa veste et ses chaussures en mains. Je l'accompagne
jusqu'à sa voiture et il m'embrasse avant de s'installer au volant. Il baisse
après avoir mis le contact et me lance :
« Au fait, fais ton sac. Je t'enlève pour la journée, pour la nuit et peut-être
pour la vie, si tu veux bien de moi ! »
Il s'en va avant même que je n'ai le temps de lui poser des questions !
Je mets quoi dans ce sac ? Il m'emmène où ? Quand vais-je revenir chez moi ?
C'est quoi ces plans ?
Je reviens dans la maison et vais dans la chambre pour me remettre les idées en
ordre. Je n'arrive pas à penser sainement parce que le baiser de monsieur me
reste là sur les lèvres. Je fais quels bagages et pourquoi. Je... Aïe ! Je
viens de poser mes fesses sur le lit et sans m'en rendre compte, je me suis
assise sur quelque chose. Je me lève pour voir ce que c'est et... SURPRISE.
« Euh ! Tu devrais peut-être l'ouvrir au lieu de rester là la bouche ouverte !
Tu vas finir par gober une mouche ! »
« Très drôle, Julien. C'est toi qui me fait cette blague ! », fais-je à mon
frère qui se tient debout devant ma porte.
« J'ai un très grand sens de l'humour, tu le sais. Mais, je pense quand même
que mes blagues valent un peu moins cher que le billet d'avion à l’intérieur de
cette enveloppe. Et t'as vu la bague que ce type est capable de payer ! Pardon,
il faut vraiment que je réussisse mes études supérieures. Je pourrais ainsi
faire planer la future femme de ma vie ! »
« De quoi parles-tu, Julien ? »
« Arrête de poser des questions et ouvre donc cette enveloppe ! Bon, moi je
sais déjà ce qu'il y a à l’intérieur. Ouvre au lieu de rester là à me regarder.
»
Je m'exécute comme une automate.
Il y a une carte de vœux dans cette enveloppe A5. Il y est écrit : FÉLICITATIONS
POUR CE BAC !
Il y comme l'a dit Julien, une réservation pour un billet Libreville/Paris/New
York au nom de Akendengue Tania. Et avec ça, un écrin. J'ouvre et je me trouve
en face d'une jolie petite bague. Il y a un mot qui accompagne le tout.
~mon cœur t'appartient pour la vie
Je reste là à regarder tout ça. Et mon esprit semble complètement ailleurs, sur
une autre planète.
« Tu as perdu ta langue, sister. Je comprends, le choc est trop fort, c'est ça
! Tu as du mal à imaginer la go du château d'eau de Port-Gentil, là-bas à New
York. Je compatis à ton trouble ma chérie. Je compatis », me fait Julien avec
son rire espiègle.
« Tu étais au courant ? Tu... »
« Y a quel problème ? Il m'a remis le truc hier. Il m'a un peu briffé et puis
voilà ! Est-ce que y a quelque chose à discuter, là. Tu montes simplement dans
l'avion et c'est tout ! »
« Oh ! Je...je... »
« Pardon Tania ne nous insulte pas. Y a pas à réfléchir, là. Qu'est-ce que tu
ne comprends pas ? Prends une douche froide si tu en as besoin, mais s'il te
plaît, fais-moi ces bagages et on n'en parle plus. N'oublie pas de me ramener
tous les Dvds collector de Hip Hop que tu trouveras là-bas, ok. »
Comme je ne réagis toujours pas, Julien me secoue fermement et appelle maman à
la rescousse :
« Bernadette, ta fille va tomber dans les vap' »
Maman sort rapidement de sa chambre et nous trouve là, dans ma chambre, moi
toujours sans voix et Julien exaspéré.
« Que se passe t-il ? », demande t-elle.
« Il se passe qu'on emmène ta fille à New York. Madame veut rester à côté de
toi pour sucer le sein. Il est temps de la sevrer, maman ! C'est pas possible.
»
c'est quoi cette histoire. Montre-moi voir ça », fait-elle en m'arrachant des
mains le papier que je tiens encore. « Oh ! Vous partez dans 3 semaines. Donc
il était sérieux quand il me parlait de ses projets ! C'est quoi le problème
Tania. »
« Rien, je suis juste émue. Je ne m'y attendais pas. C'est que... »
Et là, je me mets à pleurer. Je ne sais pas si c'est l'étonnement, la joie où
l'incertitude qui l'emporte. Je pleure simplement.
« On t'offre un billet d'avion et ça te fait pleurer. J'ai raté un épisode ou
quoi ? »
« Non, non ! Elle fait sa star, tu comprends, maman. Elle ne savait pas qu'elle
tomberait sur un type qui serait tellement fou d'elle qu'il dépenserait tout
son argent pour elle ! C'est tout. Et pour ta gouverne, mademoiselle ma sœur
chérie, c'est l'argent de son job d’état de l'année dernière qui a payé ton
billet d'avion et la bague. C'est comme ça chez les blancs, il paraît. Ici pour
se marier, y'en a qui comptent sur les poches des autres. Lui, son père qui est
pourtant riche l'oblige à travailler toutes les vacances depuis qu'il a 14 ans.
Oh, rien de compliqué comme ici où on va décharger les camions chez les
commerçants libanais. Non, il travaille dans l’entreprise de son oncle, quelque
part à Dijon. Bref, plus j'en sais un max sur ce type, plus je l'apprécie.
Vraiment ! »
Toujours avec le même sourire espiègle, Julien s'en va en sifflant. Maman
m'assied alors sur le lit et me serre dans ses bras.
« C'est comment mademoiselle Akendengué. C'est bien la première fois que je te
vois perdre tous tes moyens. »
« J'suis bête, n'est-ce pas ? »
« Non, c'est normal. Maintenant, prépare-toi. Je crois que quelqu'un doit venir
te chercher, non ! »
« Parce que ça aussi vous l'avez comploté dans mon dos ! »
« Ma chérie, tant qu'il est poli et correct avec toi, je ne vois pas pourquoi
je mettrais des barrières entre vous. Mais, dis-moi, il va être 7 heures. Où
est ta sœur. »
« Je n'en ai aucune idée, maman. »
Je regarde de nouveau la réservation d'avion. Départ le lundi 31 août à 22h 35.
retour le dimanche 20 décembre.
« C'est loin New York, maman ? Je sais pas ! Même quand je dis que je veux
aller au Ghana je n’imagine même pas comment je vivrai sans toi. »
« ça s'appelle devenir adulte, ma chérie. Je serai toujours là. Tu ne dois pas
t'empêcher de profiter de la vie. Et n'oublie pas que lorsque tu seras mariée,
tu ne m’emmèneras pas dans tes bagages ! »
« ça fait tout drôle, tu sais. »
« Oui, j'imagine. Mais, s'il te plaît, garde la nouvelle pour toi. Tu le diras
à tes copines et à ta sœur, quand tu auras ton visa la semaine prochaine. Pas
avant, compris ? »
« D'accord, maman. D'accord. »