47: he taught me to drive and to fight and to dream, when he looks in my eyes, I hope he can see that my dad’s a hero to me
Ecrit par Gioia
***Belle Laré Aw***
Ce n’est que la nuit quand ma fille dort profondément que je m’autorise à voir ce que ses animaux ont fait de son corps. En journée je me dois de porter ce masque invisible quand je lui donne la douche afin que ma détresse ne la contamine pas. Mais dans la pénombre je ne peux retenir mes larmes qui coulent silencieusement. Quel genre de mère je suis pour n’avoir rien senti pendant que mon enfant était au bord de la mort? Où était mon intuition? En fin de compte j’ai dérangé ma mère jusqu’à la fin de sa vie. Pensant que j’étais loin entrain de grignoter des arachides, elle défendait l’enfant que j’ai sciemment fait venir dans ce monde. La situation chaotique a eu raison de son cœur quelques heures après qu’on les ait emmené toutes les deux à l’hôpital. Toute seule elle est partie. Sans que je puisse la tenir dans mes bras. J’essaie. Au quotidien je fais des efforts pour rapiécer ma famille. Remettre mes enfants sur le chemin du positif. Pourtant j’échoue lamentablement depuis deux ans. Notre seule victoire outre le fait qu’elle soit encore en vie c’est le fait qu’elle n’ait plus besoin de somnifères pour dormir. C’est petit face à ce qu’il nous reste à accomplir mais pour nous un exploit. Je remonte la couverture de sa taille à son cou et la rapproche de moi avant d’enfermer mes bras sur elle. Comme toutes les fois où je me réveille durant la nuit, je lui fais la promesse silencieuse de ne plus jamais la quitter.
Les matins sont calmes désormais. Plus de télé ici. Je trouve Elikem plantée au milieu de la cour, un balai à la main, regardant le ciel. Je lui laisse son intimité et me rends en cuisine pour préparer le petit déjeuner mais Eli est déjà aux fourneaux. Je passe mes bras autour de sa taille et j’embrasse son dos.
-Vous avez pu dormir un petit peu? Il demande après avoir serré une de mes mains sur sa taille
-Oui, excuse moi de ne pas t’avoir attendu hier. Je lisais à Dara et j’ai dû m’endormir sans m’en rendre compte
-Pas de soucis mon ange, je préfère entendre que le sommeil t’a emporté plutôt que tu veillais.
Du mouvement se fait entendre non loin de la cuisine et la tête de Mally apparaît dans l’embrasure de la porte.
-Salut, il dit d’une voix monocorde puis retourne mais Eli l’intercepte
-Eh Reviens par ici bonhomme.
L’intéressé arrive avec la mine sombre tout en traînant les pas. Je me détache de mon mari pour prendre mes maux de tête contre moi. Il se raidit mais je fais fi et câline sa tête.
-Tu as bien dormi?
-hum, il maugrée
-Regarde papa nous fait sa spécialité, je dis avec un air faussement enjoué
-Et tu pourras manger autant que tu veux en plus, Eli complète sur le même ton que le mien
-J’ai pas faim. Je retourne dans la chambre.
-depuis quand tu n’aimes pas les omelettes aux champignons et tomates cerises toi? En plus j’ai acheté des belles oranges hier juste pour....
-J’ai envie de rien papa! Il dit sèchement
-Mally maintenant ça suffit hein! Je réplique sur un ton irrité. Tu penses être le seul à souffrir ici?
-mon ange....
-Non Eli il doit l’entendre! Je coupe avant de me retourner vers mon fils qui me lance le regard plus hostile que je lui ai vu depuis sa naissance. Tu crois que parce qu’on ne s’enferme pas dans nos chambres nous allons mieux? Personne ne choisit les événements qui arrivent dans la vie mais comment on réagit oui. Si tout le monde reste dans son petit coin on va évoluer comment et quand?
Il baisse sa tête, ses épaules sont toujours tendues. Les miennes aussi je m’en rends compte.
-On va évoluer pour aller où sans grand maman? Dis moi maman. On va où d’ici quand Dara a souffert et j’étais pas là pour les protéger?
-Oh mon chéri je....
-je ne veux pas de pitié! il dit d’une voix brisée par les larmes et s’en va à la course sans prêter attention à son père qui lui demande d’attendre
Je couvre mon visage de mes mains pour étouffer mes sanglots mais peine perdue. Je sors pour me rendre dans la salle d’eau à côté pour m’asperger le visage d’eau. Finalement c’est toute ma tête que je mets en bas du robinet. Je n’ai rien fait de ma tête sinon porter mes cheveux simples depuis je ne sais même plus quand. L’eau me fait quand même du bien. Quand je relève la tête, je tombe sur Elikem avec une serviette en main qu’elle me tend.
-Dis moi au moins que tu as faim toi. Papa s’est donné du mal
-j’ai pas faim mais je mangerai, elle dit faiblement
Je lui embrasse la joue et nous retrouvons Eli dans la salle à manger. Elikem fait la table et je prépare le plateau de Dara. Different jour, même routine. J’essaie une nouvelle combine cette fois pour l’encourager à sortir.
-Devine ce que papa a apporté.
-quoi? Elle murmure tout en se triturant les yeux
-un magnifique bouquet de fraises dont certaines sont enrobées de chocolat. Il les a pris juste pour toi et en plus il y’a d’autres surprises.
Je ne mens qu’à moitié. C’est Magnim qui a apporté le bouquet de fraises hier soir quand elle s’était déjà endormie. Je l’ai mis dans le frigidaire. Depuis l’accident lui et Ciara sont ici aux deux jours. Les Adamou nous appellent constamment. J’ai bien expliqué à Farida qu’ils n’ont pas à s’en vouloir. Nous sommes allés au Ghana avec joie pour eux. Mais elle ne l’entend pas. Ils avaient insisté pour prendre en charge la chirurgie de Dara à Boston. Ils ont même proposé qu’elle les rejoigne à Marseille afin qu’elle soit suivie régulièrement par un psychiatre. Seulement tout ça ne serait possible que si ma fille était disposée à mettre le pied dehors. Même son psy de Lomé elle ne l’a pas vu. Toutes les fois où ce dernier a pu lui parler c’est parce qu’il a accepté vu la situation de s’entretenir avec elle au téléphone.
-J’ai pas envie de fraidjes
-mais depuis quand? Tu les aimes pourtant
-j’ai plus envie.
-Donc tu es d’accord qu’Elikem les mange toutes? Elle n’en laissera aucune. Tu sais comment elle aime le chocolat
-elle peut mandjer ce qu’elle veut, mais tchoi tchu restes hein. Tchu vas pas me laisser, Elle dit d’une voix tremblante
-Bien sûr que non poussin, je te promets, dis-je après l’avoir pris contre moi
On mange toutes les deux avec très peu de conversation. Elle se contente de m’écouter et répond par monosyllabes. Je l’aide à se doucher avant de lui sortir des vêtements. Parlant de ça, elle n’en a presque plus qui lui vont. Vu qu’elle ne bouge pas vraiment depuis deux ans, elle a pris un peu de poids. Elle est toujours aussi belle pour moi et j’aimerais bien qu’elle le comprenne. Malheureusement à son retour, elle a cassé dans la rage les miroirs de sa chambre. J’étais dans ma chambre conjugale entrain de faire du ménage quand le bruit m’était venu. À mon arrivée, c’est Mally qui la tenait tandis qu’elle avait sa chaise en main et sanglotait amèrement.
Eli passe nous voir avant de se rendre au travail. Comme d’habitude vers onze heures Mally se met à lire à haute voix depuis le salon. Aujourd’hui il finira peut-être To Sir Philippe With love de Julia Quinn qu’il a commencé depuis une semaine. Je suis pressée de savoir si la relation entre Philippe et ses enfants va s’améliorer. Mally pour une raison inconnue n’entre jamais dans la chambre pour nous proposer ses talents de lecteur. J’ai bien essayé de l’inviter mais il s’est défilé sous prétexte qu’il ne lit pas pour nous. Donc en contrepartie je laisse toujours la porte de la chambre entrouverte.
-Encore cette vieille romance? Ça sera pour nous ramener une femme de l’âge de maman ici dans quelques années sous prétexte que l’amour n’a pas d’âge, on entend d’Elikem qui fait son entrée dans la chambre
-je ne manquerai pas de t’envoyer une vidéo de nos baisers passionnés avec le dentier inclu, il réplique et Elikem plisse son visage de dégoût après avoir levé ses yeux au plafond
-Mais maman elle porte pas de dentchier en plus
-Et cette insulte déguisée m’a en plus échappé, ramène ton visage comme les chaussures de ton père là ici
-Je ne suis pas du quartier! Il dit au loin et on ne l’entend même plus
-trouve lui une place dans ta valise quand tu partiras Elikem, je ne cesse de te le répéter, sinon il va me tuer avant ton retour
-Lol supporte hein. Tu voulais un garçon ou pas? En plus si je dois emmener quelqu’un ça sera Dara mon chouchou, n’est ce pas?
Elle lui donne un sourire en coin comme réponse. Un faible. Et c’est récurrent. On ne sait pas ce que ça veut réellement dire. Quoiqu’il en soit la petite ambiance taquine disparaît aussi vite qu’elle est apparue. Dara et Elikem regardent 90210 sur l’ordinateur. J’en profite donc pour sortir, vaquer à mes occupations dans la maison, jeter un coup d’œil à Mally de retour dans sa chambre aussi et devant son ordi. Cette fois par contre j’ai de la chance, sa porte est ouverte contrairement à son habitude bien qu’on lui ait interdit de la verrouiller. Sa tête est sur son ordi, il dort à poings fermés et ronfle de temps en temps. On croirait quelqu’un qui n’a pas dormi de la nuit. J’allais le réveiller pour qu’il aille au lit mais je me ravise. S’il n’a réellement pas dormi, je ne veux pas le déranger. Mon regard tombe sur une fiche juste à côté de son ordi quand j’allais sortir. La curiosité a raison de moi. Je prends la feuille que je parcours. Il s’agit d’une liste de quoi? Je l’ignore mais continue à lire parce qu’intriguée par un nom que je reconnais en tout cas. Je fais quelques recherches sur Google et ma gorge se noue d’émotions. Je remets la feuille à sa place et coule sur mon garçon au cœur d’or un dernier regard. Non seulement il a répertorié une liste longue comme le bras de crèmes contre les cicatrices après chirurgie mais en plus il a fait des recherches sur les ingrédients selon ses notes en plus d’autres chirurgies possibles. Pourquoi lui aussi n’en parle à personne? Parce qu’Elikem fait aussi ses recherches et s’il lui en avait parlé elle me l’aurait dit.
Eli rentre plus tôt aujourd’hui. Je vais mettre le feu sous ma préparation et en attendant je propose aux trois qu’on dîne dans la chambre de Dara pour passer un moment en famille mais encore une fois Mally se défile. Il n’a pas faim.
-Pourtant j’ai vu la joie danser dans tes yeux quand j’ai dit qu’on aurait du coq au vin pour le dîner
-bah j’ai mangé des chips
-ta mère n’a pas cuisiné des chips. Tu vas manger avec nous en famille, Eli lui dit sur un ton ferme et il se met à rire de dérision
-en fait tu aimes bien faire dans le fake toi hein monsieur.
-Mally tu vas loin!
-Non Elikem laisse-moi lui dire! dit-il avec véhémence. De quelle famille on parle au juste papa? Parce que si vous n’avez pas honte sachez que moi si. Elle était où la fameuse famille quand elle se faisait laminer ici par des animaux qu’on a ramené nous-mêmes? Vous savez ce que ma sale gueule foutait? J’étais sorti chercher une vulgaire caméra! Une putain de caméra avec laquelle je sais même pas ce que j’ai fait au final. C’est pour une connerie de caméra que ma sœur a souffert et ma grand mère n’est plus. Donc vous m’excuserez de ne pas avoir cet audace là pour la regarder en face et pire jouer au frère aimant quand on ne m’a pas trouvé lorsqu’il fallait montrer cet amour!
-Mally c’est pas ta faute, ça....
-Si! Il gronde et interrompt Elikem. Celui qui était responsable dans la maison en l’absence de papa c’était moi! J’aurais gardé mon sale cul dans cette maison que rien de tout ça n’aurait eu lieu!
On lit la torture et rage comme s’il nous défiait de le contredire. Eli fait un pas puis un autre vers lui. Je retiens mon souffle.
-Ne t’approche pas! J’ai dit pas de pitié!
-Trop tard, tu ne peux pas m’empêcher d’éprouver de la peine et compassion pour toi bonhomme. Tu es mon fils, Eli dit avant de le prendre dans une étreinte.
Les bras de Mally restent le long de son corps. D’où je suis je peux sentir la tension en lui mais Eli garde l’étreinte et lui masse la nuque.
-Tu n’es pas le seul à te reprocher des choses tu sais Mally. Elikem, Maman et moi on se sent tout aussi coupables et incapables. Tu me diras probablement qu’on a rien fait mais c’est comme ça. Quand un malheur arrive à un être cher, c’est naturel de se demander si on aurait pu y changer quelque chose. On peut passer beaucoup de temps à se rejeter les fautes, se morfondre ou on peut essayer de se rapprocher.
-J’ai...j’ai pas de justifications.......je saurais pas quoi dire si elle me demande pourquoi j’étais pas là, j’ai honte. il dit d’une voix hachée par les larmes
Eli relâche son étreinte, prend son visage en coupe et nettoie avec ses pouces les larmes.
-Mon intuition me dit qu’elle n’a pas probablement pas besoin d’un frère qui se justifie actuellement. Juste un frère qui lui montre qu’il l’aime fera son bonheur même si elle ne l’exprime pas. Et je mise plutôt sur mon intuition
-Elle nous a fait perdre le tiercé un tas de fois ton intuition, il dit après un rire moqueur
-Ha et alors? On est pas bon dans tous les domaines mais elle marche des fois, pas vrai Elikem?
Ma fille qui se trouvait dans mes bras hoche la tête.
-alors on le fait ce dîner en famille ou pas?
-Si elle me jette du coq au vin dessus je te tiendrai pour unique responsable
-Je vais prendre ça pour un oui. Chérie tu sors les plats de fêtes? Eli me demande avec humour
Elikem et moi on s’empresse de le faire. Pendant ce temps il rejoint Dara dans sa chambre. Je prie fort que tout se passe bien là-bas.
***Aïdara Laré Aw***
-Entchrez, je dis après qu’on ait cogné et c’est papa qui apparaît
-alors, tu t’es levée du lit mon poussin. Je suis content, il dit et tire une chaise pour me rejoindre au bureau
Je tire instinctivement les manches de mon pull jusqu’à la moitié de mes paumes.
-Tchu es rentré tôt
-j’en avais marre de lire la paperasse à l’hôpital donc j’ai fui dès qu’une occasion s’est présentée.
-c’est pas bien de fuir le tchravail papa, je réponds amusée
-Ah tu verras quand tu commenceras la vie active dans quelques années. Ce n’est pas aussi fun que les écoliers le pensent
-Qui va m’embaucher? Je parle même pas bien
-Moi je te comprends parfaitement pourtant
-parce que tchu fais les efforts et tchu es habitchué. Mais les autchres ils auront pas la patsience.
-Alors je vais créer une entreprise juste pour toi comme ça tu pourras la diriger à ton rythme, il dit. Je rigole. Il sourit et touche mes cheveux. Qu’est ce qui amuse mon poussin?
-je sais même pas bien lire papa t’as oublié? Je vais djiriger comment?
-Nuance, tu sais lire à ton rythme, raison pour laquelle avoir ta compagnie sera plus simple. Dis-moi juste ce que tu voudrais comme compagnie et je vais le faire
-Tchu es une fée maintenant? Je demande sceptique
-Est-ce qu’on a besoin d’une fée quand on a un papa en veste qui porte des lunettes et réparer les choses?
-umm....papa tchu sais pas réparer
-oh....qui a dit ça? Je te rappelle que Mally avait cassé ta chaise de bureau actuelle il y’a trois ans. Qui l’a remise comme il faut? Han?
-mais t’a acheté une autchre papa....y’avait plus mon collant derrière la prauve.
-Exactement! J’ai rempli le chèque pour qu’on achète une autre et réparé la situation. C’est un talent, ne néglige pas, il dit avec conviction et me fait rire.
-Je peux venir rire avec vous? Maman demande après avoir ouvert la porte
-Oui oui, je réponds et ferme en vitesse mon journal intime.
Derrière elle, il y’a Elikem et Mally avec des plats en main. Mally me présente un.
-Tiens mange, il dit rapidement et va se mettre sur le bord de mon lit loin de nous
-quelqu’un t’a dit avoir la gale ou la tuberculose pour que tu restes si loin de nous? Elikem lui demande après s’être assise sur le duvet au sol
-Façon vous allez péter après ce plat je préfère prendre mes précautions.
-Pfff quand un crado se permet d’avoir des manières, Elikem lui répond
-chérie raconte leur comment je t’ai surpris deux semaines avant ton accouchement en faisant la peinture dans la chambre de Mally pendant qu’on t’avait gardé sous surveillance à l’hôpital, il dit avec fierté pendant qu’on mangeait
-Heu....
-pourquoi tu heu?
-Mais attend non, j’essaie de m’en rappeler. Mally a quand même quinze ans maintenant. Ça remonte
-Elle sait que t’a rien fait papa, Elikem lui dit
-Quoi?
-on t’a vu sur les vidéos buvant ta bière tout en revenant superviser le peintre.
-tu as vu ça quand alors que tu étais en vacances à Paris quand tout ça s’est fait?
-c’est maman qui t’a filmé. Elle passait son temps à te filmer quand tu la croyais sortie pour faire une marche avec Dara.
Son air déconfit nous fait éclater de rire.
-Donc vous saviez pendant tout ce temps que je ne faisais rien mais je recevais quand même les gros compliments? Je suis déçu. Surtout de toi Xena. Maman encore, elle n’en raterai pas une, mais toi.
-Eh pardon, c’est moi qui devait pisser sur ta joie quand tu portais le sourire de superman?
-ne les calcule même pas le vieux. C’est le talent que je cherche actuellement ça moi. Écrire les chèques dès que je veux. Ce que j’allais faire dans ce monde, vous n’auriez pas assez de mots pour le qualifier
-heureusement Dieu nous a épargné
-là comme ça là ton mauvais cœur vient de tirer dans ton pied pour les trente prochaines années. Mon un franc tu ne vas pas voir.
-Jiii parce que je comptais sur toi d’abord? J’ai déjà ma retraite de préparée avec mon mari. Dès qu’il la prend on te largue quelque part et nous partons avec Dara sur les traces des anciennes civilisations. On t’enverra des cartes
-je te rappelle que la négligence parentale est un crime. Je peux encore me faire adopter ailleurs et ce sont tes yeux qui vont suer comme l’oignon dans une poêle huilée
J’éclate de rire et très vite les larmes s’en mêlent.
-Bah ma puce, qu’est ce qui se passe? me demande papa qui s’est agenouillé en face de moi après avoir déposé son plat
Mon visage est couvert de mes mains mais elles tremblent. Pareil pour ma voix quand je commence à parler enfin
-vous...vous rappelez quand maman a mis grand maman en cours de cuidjine comme Elle a demandé et elle est revenue fâchée après la deuxième journée à cause de “on chue les oignons”
-Lol sacrée zizèle je m’en rappelle bien. Elle a envoyé une note vocale de vingt minutes à Elikem pour lui expliquer le comment du pourquoi elle n’allait plus retourner au cours, Mally dit avec humour
-Cours dont je ne pouvais même plus récupérer l’argent
-Doux Jésus j’ai tout entendu sur ses camarades de classe et le pauvre professeur. Que non comment un Monsieur qui vient de Mango vient lui dire suer les oignons, Elikem rajoute
-et la fois où elle t’a demandé papa si tu pouvais lui faire les recherches sur les anciennes civilisatchions aztèques parce qu’elle a vu à la télé et peut-être ce sont nos coudjins lointains
-non pas cousins lointains. Dis bien la chose, elle avait dit cousin de loin loin, Elikem et Mally disent en chœur sur un ton blagueur
-Elle devait pas...pa....rtir...nous....
-les gens partent et nous laissent toujours mon amour. C’est le triste sort des gens qui vivent. Mais elle nous a laissé de très beaux souvenirs n’est ce pas? Papa me dit
-Oui, je dis après m’être nettoyée la face avec la manche de mon habit
-Et on peut continuer à s’en créer des beaux souvenirs tous ensemble. Nous on a envie d’en faire avec toi. Tu aimerais ça?
J’hoche la tête.
-Alors on peut se faire une balade en voiture comme au bon vieux temps.
-on va sortir? Je demande apeurée. Mon coeur bat si vite que j’ai du mal à respirer correctement
-On sera tous ensemble. Maman et moi devant. Elikem et Mally avec toi en arrière. Tu n’as rien à craindre
***Elikem Akueson***
Si j’avais encore des larmes j’en aurai sûrement verse une tonne mais il ne me reste plus rien si ce n’est ce sentiment maussade éternel. Ça nous a pris cinq tentatives pour qu’elle ait le courage de sortir. Mais rien qu’en voyant sur le côté l’ancienne cage des chiens elle s’est mise à trembler comme une feuille. On parlait mais elle ne bougeait pas. Papa le héros sans cape a sauvé la journée en la portant. Il a fait fi des supplications de maman qui demandait qu’on retourne à l’intérieur. Mally tremblait tellement qu’il ne s’est même pas rendu compte que son nez coulait jusque dans sa bouche. Il a aidé en tenant les pieds de Dara pendant que papa la portait. J’ai juste eu le temps d’aller chercher son inhalateur en plus d’une serviette chaude pour de temps en temps essayer de la ramener à elle. Maman s’est installée à l’avant. Le gardien qu’on a embauché deux ans auparavant a ouvert et papa a démarré. Elle est revenue à elle durant le trajet. C’est la force avec laquelle ses ongles entraient dans ma cuisse qui m’ont fait comprendre combien son traumatisme était profond. Mais elle a tenu. Papa nous a fait balader jusqu’à ce qu’elle arrive à se calmer. Elle n’a pas parlé mais au moins elle nous tenait Mally et moi.
J’ai repris un vol quelques jours plus tard pour la France d’abord, histoire de voir mon papounet ainsi que la petite famille puis bien sûr Ray. Après l’obtention de son CAP cuisine il a décidé de poursuivre avec un brevet professionnel dans le même domaine. Sa tante a rendu l’âme l’année dernière mais au moins il a pu accomplir son rêve en lui faisant goûter sa cuisine.
Nous filons directement au lit dès qu’il rentre. Je suis couchée sur le dos. Lui est sur le côté, une main sous son menton et me raconte avec un grand intérêt les péripéties de sa journée.
-Quoi? J’ai un truc sur le visage? Il demande après le long monologue
-Non, juste que je me rappelle de comment tu étais réfractaire à l’idée d’un changement de carrière quand je te disais depuis que tu étais fait pour ça. Tu me dois mon bonus en réalité
-Lol mais oui que je dois. Je vais bien te payer au temps voulu même, t’en fais pas. On aura des jumeaux, il dit après un baiser sur les lèvres et j’éclate de rire
-Je fais quoi avec les jumeaux mon frère?
-Mais jouer avec et les couvrir d’amour. En plus je vois bien ton cœur dur là s’attendrir devant des mini mois qui tiendront tes jambes pour se tenir
-lol mais tu as ton rêve d’écrit jusqu’au bout quoi. Déjà je n’ai pas un cœur dur
-c’est ça. On avait déjà conclu que c’est ma grande patience qui fait rouler le couple sinon on allait se prendre la tête pour des broutilles
-correction, tu allais te prendre la tête pour des broutilles et te reprendre la tête parce que je ne te suivais pas dans ta prise de tête
-Tu vois la preuve? La journée n’est même pas finie que tu me donnes raison. Ça t’aurait tué d’admettre que j’ai raison sur ton cœur de caïman?
-Seigneur Dieu, c’est arrivé là-bas? Je dis avec amusement
-ça a même dépassé bébé. Tu ne peux plus me mystifier avec ta beauté. Je te connais que de trop
-Lol si tu le dis. Raconte moi plutôt comment ça va pour Garcie. Des nouvelles?
-pardon, celle-là fait ce qu’elle veut quand ça lui chante. Même quand elle vient ici c’est pour me donner des ordres. Koh pourquoi tu n’as pas encore de voiture? Comme si c’est elle qui mettait l’argent dans ma poche
-hehehe la petite sœur des gens. Faut la comprendre, c’est elle la seule fille donc elle veut se faire bichonner
-Elle a un père et une mère pour ça. Je ne suis pas son égal.
-Et mon Deno? Il ne viendra toujours pas te visiter cette année? L’Australie est chic comme ça?
-Le ton là continue encore? J’ai dit quoi sur ça?
-Mouf, c’est mon Deno un point un trait
Il roule les yeux ce qui me fait rire.
-Je ne sais pas s’il viendra. Il n’a rien confirmé. L’école le chicote probablement. Il croyait qu’étudier la microbiologie c’était faire des pâtés de sable
-il t’a dit ça quand?
-N’est-ce pas qu’il voulait étudier ça pour faire comme moi?
-mais s’il a des difficultés tu peux lui dire de me faire signe sans problème. D’ailleurs il n’a jamais répondu à mon message sur Facebook pourtant ça fait quoi deux ans que je lui ai envoyé?
-je pense qu’il ne se connecte plus depuis son départ du pays. C’était il y’a deux ans justement
-du coup il a genre 21 ans maintenant c’est ça?
-ouais pourquoi?
-Rien j’ai juste pensé à Laith. Il aurait 21 ans aussi
-le fils de ton oncle Tao là
-Ouais. Ça passe vite. Les petites jeunettes là ont presque toutes dix-huit ans. Mally et Snam quinze. On grandit sans s’en rendre compte.
-Et, il dit puis dépose sa tête sur ma poitrine qu’il commence à baisoter, tu en as 25, moi 26. L’âge parfait pour commencer une famille tu trouves pas
-Lol tout doux mon cher. La famille on la commence surtout quand on est prêt
-est-ce qu’on l’est vraiment jamais pour ce genre? La vie même est imprévisible donc c’est à nous de faire les pas
-Voilà que tu en deviens même philosophe. Juste pour un rappel, j’ai trois ans de residency à faire pour devenir pédiatre et ensuite trois ans de fellowship pour la sous-spécialité en hémato-oncologie. Comme j’ai repris la septième année, il me reste encore sept ans à faire.
-Quoi? Il fait éberlué
-Bah c’est quatorze ans au total que ça prend pour finir dans la branche que j’ai choisi je t’avais tout expliqué pourtant
-Mais tu avais déjà fait ton tronc commun non. Pourquoi ça prend encore du temps comme ça?
-Les parcours ne sont pas similaires d’un pays à un autre mais les programmes se ressemblent. Même ici en France il m’aurait fallu faire un diplôme inter universitaire après onze ans pour la spécialité en hématologie. Donc je suis bloquée au Colorado pour un bon moment. Il te reste un an et demi ici toi. Même si tu devais emménager aux États Unis, tu ne trouveras pas un métier par un coup de baguette magique. Compte un an voire deux pour toi avant de démarrer une carrière qui te fait vivre, plus encore nourrir une famille.
-quatorze ans d’études. Mince tu auras 31 ans quand tu finiras et ça ne te fait même pas peur
-mon papa Eli en a fait quinze. Et quatre ans après il a rajouté un MBA à distance en administration de la santé avant d’assumer petit à petit la direction de l’hôpital. Et avant lui sa maman Atia avait fait un parcours encore plus long par contre espacé. Elle a pris pas mal de pauses.
-Eux au moins on peut dire que c’est le côté sénégalais qui les motivait parce que le peu que j’ai connu dans ma vie est féru de diplômes. Toi c’est quoi ta motivation?
-l’avancée de la science Ray. Ça n’a aucun lien avec les diplômes. Crois-moi que si j’avais le choix je ne ferais pas ses longues années mais je rêve d’un monde où les gens comme Jennifer auraient des options abordables et fiables pour vaincre leurs maladies au lieu de se rabattre sur les opiacés et autres traitements palliatifs.
-Hum. Tu sais quand même que ça ne se fera pas en ton temps. Il y’a beaucoup trop de maladies dans le monde et tu n’es qu’une personne.
-J’aurais une équipe comme la mère de mon papa Eli qui avait dédié son temps à la recherche cardio-vasculaire. Et même si je n’accomplis rien de grand en mon temps je crois qu’une toute petite avancée aujourd’hui est la pierre d’une grande montagne dans cent ans.
-dis comme ça tu as raison. Mais tu fais des pauses hein. Il faut qu’on vive aussi.
-lol arrivons d’abord à la moitié de nos parcours respectifs et on en reparle.
-d’accord, dit-il après m’avoir rapproché de son torse
-Ray
-Hum?
-Merci d’être là et de me donner un semblant de normal depuis un bon moment. Je t’aime
-tu n’as pas à me dire merci, c’est mon travail et je le fais avec amour, il dit puis m’embrasse le front
La nuit est paisible et douce. Une fine pluie nous réveille en matinée. On profite du temps mouillé pour se titiller sous la couette et faire chauffer nos muscles. Il part ensuite à l’école. Le reste du séjour se déroule ainsi. Il n’est pas long. Juste cinq jours, vu que j’en ai fait cinq aussi avec mon papounet et la famille. On se sépare le matin sur des bisous et promesses de se revoir.
J’arrive chez moi à Briargate en soirée. Océane m’accueille avec des ballons et une banderole comme si je rentrais avec un trophée. Elle m’aide avec me valises et se jette sur celle dans laquelle j’ai des effets pour elle. Je retrouve ma chambre avec une petite pointe d’anxiété. Les cours reprennent. C’est étrange comment le fait d’avoir échoué augmente ma peur. Comme si peut-être je pouvais encore me planter. Pourtant je me mets à fond justement pour tenir loin de moi l’échec. En tout cas, je mets de l’ordre rapidement sur mon bureau, préviens les deux familles de par le monde que je suis arrivée sainement, laisse un message aussi à Ray, hésite et finalement envoie aussi un à Romelio chez qui j’ai décidé de ne pas aller au final. Je n’aime vraiment pas les embrouilles dans ma vie et pire je ne suis pas bonne pour faire semblant. La vérité c’est que je me sens sous une loupe en présence de Jennifer. Qu’est-ce que je vais dire, quoi faire pour ne pas dépasser les bornes. Bornes que je ne connais d’ailleurs pas. Parce qu’avant qu’elle ne me fasse sa remarque à l’aéroport je ne voyais pas où était le mal dans un câlin avec Romelio. Mais j’ai compris rapidement qu’il n’est plus mon Romelio. Maintenant il est d’abord celui de Jennifer. Et ensuite on partagera avec les autres jeunots ce qu’il nous donnera. Peut-être je devrais avoir une discussion avec elle sur ce que j’ai le droit de faire avec Romelio ou pas mais l’autre vérité aussi c’est que je n’en ai pas envie. Le sentiment de me forcer à faire des choses n’est pas un que j’aime. Je n’ai jamais aimé ça. Donc c’est mieux pour moi de rester à distance à moins que les circonstances nous forcent à se voir. Et bon je me dis qu’avec le temps la familiarité s’installera naturellement entre nous. Enfin je suis optimiste.
***Eben Ezer Tountian***
Il n’y a rien qui énerve plus que le fait de se battre pour que sa famille émerge et que certains se complaisent dans la pauvreté. C’est cinq cent mille que j’ai remis à ma mère avant de partir pour le Portugal. Maman d’elle-même dans le temps vendait déjà les médicaments à Vogan et quand j’ai commencé à travailler chez les Wanké, le papa de Hadeya m’a mis en contact avec un revendeur ghanéen grâce à qui elle a diversifié son stock. Avec le temps, on a même arrangé la devanture de la maison et transformé une pièce devant en petite boutique de style pharmacopée. Elle et mon frère Jérôme celui qui me suit directement s’occupent tous les deux de la pharmacopée qui en plus tourne bien. Au lieu de se tenir à ça qu’est ce que fait l’imbécile heureux? Il met en cloque une fille dont la famille est passée faire le boucan la semaine précédant ma descente au village. Je questionne Jérôme sur sa vie et il regarde ses babouches.
-tu crois que j’ai le temps des pitreries? Je demande avec agacement
-Non le grand. C’est pas comme ça que les choses se sont passées
-donc ce n’est pas l’asticot entre tes jambes que tu as introduit dans l’enfant d’autrui?
-Oh grand, quand même il y’a maman ici. Il faut surveiller le langage
-Tu vas me fermer ton gueule là oui! Maman n’était pas là quand tu allais coucher la fille? Tu n’as pas honte Jérôme? 22 ans et père de deux enfants! Deux de mères différentes! Tu vas où avec ça? Laisse-moi te dire que si tu comptais sur l’argent de la pharmacopée pour jouer ton rôle de père tu as menti!
-puisque je te dis que ça ne s’est pas réellement passé ainsi. La première fille là pour elle c’était faux. Elle me draguait quand je sortais avec la deuxième donc pour m’avoir elle m’a piégé. Mais sinon c’est la deuxième ma vraie chérie
-Tu as quoi pour qu’on te piège? Ta longue bouche là?
-Oh maman....dis quelque chose
Le regard que je lance à ma mère la décourage directement. Elle sait que si elle m’appelle c’est pour que je règle les choses à ma façon.
-À partir de maintenant, maman va te remettre un salaire net à la fin du mois pour le travail que tu fais à la pharmacopée. Si toi-même tu lui donnes plus après maman ne m’appelle pas pour de l’aide. J’ai aussi ma vie de l’autre côté. Personne ne sait comment je me débrouille. C’est clair?
-oui mon fils. Mais s’il te plaît essayons de régler la chose avec l’autre famille avant ton départ parce que le papa a menacé qu’un malheur s’abattra sur nous s’il n’a pas de nos nouvelles avant dix jours.
Je piaffe et pousse la tête de Jérôme.
-c’est sûr ton asticot entre les jambes que le malheur tombera pfff imbécile va. Fabien et Hilda sont même où depuis là? (Les deux derniers)
-Hilda est allée acheter du charbon. Fabien chez sa copine Bijou
-Copine maman? Tu es sérieuse quand tu me dis ça? Un garçon de 18 ans? C’est quel laisser-aller il y’a dans cette maison?
-ah je vais dire quoi, quand je parle ils n’écoutent pas, elle dit sur un ton las
Si Jérôme est un bon inconscient, Fabien lui maîtrise l’insolence. Va savoir si c’est seulement la puberté. Il se tenait devant moi pour me demander si moi je dors seul au Portugal là-bas pour venir l’emmerder ici et qu’il a le droit d’avoir une copine. Quelqu’un qui n’a pas encore le bac. Pourquoi Dieu voyant le caractère de ma mère lui a donné trois garçons, c’est ce que je ne comprends pas. Sa vie aurait été plus simple avec des Hilda. En tout cas elle a intérêt à le rester avec l’âge. C’est que je lui ai répété jusqu’à mon départ.
Fabien je l’ai recadré rapidement aussi. Jérôme a décidé d’épouser la maman de son deuxième enfant. Je n’ai même pas essayé de mettre ma bouche dedans. Si cette vie lui convient tant mieux. J’ai réitéré à maman qu’il lui donne ses quinze mille par mois et c’est tout.
De retour sur Lomé je suis passé saluer les Wanké. Madame Raïssa me boude toujours mais j’ai gardé une sorte d’amitié inexplicable avec Hadeya et son père. Ensuite j’ai fait un saut chez mon oncle qui depuis trois mois déjà est malheureusement dans le coma suite à un accident routier. C’est par un e-mail d’Axel que j’ai appris la triste nouvelle. En dépit de la façon dont les choses ont fini, je reste reconnaissant envers lui parce qu’il a été un père pour moi quand je n’avais personne donc cette nouvelle m’a ébranlé. J’ai trouvé les quatre garçons à la maison, Joshua, Axel, Ezra et Allen. Ça fait deux ans et quelques mois mais ils ont tous poussé c’est fou. Josh m’a fait un signe de la main sans un mot avant de retourner à l’intérieur. La tristesse était criarde sur son visage. Ne sachant pas à quelle heure leur mère reviendrait, j’ai préféré emmener les trois garçons à la pizzeria d’à côté pour qu’ils ne traînent pas avant de rentrer. J’ai eu le topo de la situation assez rapidement avec les deux derniers. Puis nous sommes retournés chez eux et je suis resté dehors avec Axel qui s’est mis à pleurer et se traiter de mauviette tout en s’essuyant le visage
-je sais que c’est dur Axel mais tu dois tenir le coup et rester confiant. Il y’a des gens qui se réveillent même après des longues années dans le coma tu sais. Mon oncle est un battant. Il ne va pas vous laisser comme ça
-J’aimerais te croire je te jure. Mais je sais pas
-Il faut faire le vide dans ton esprit quand la peur veut gagner. Ou peut-être tu m’écris tiens. Comme ça on discute. Ça me ferait plaisir. On peut causer de tes études et tout. Tu as eu le bac non?
-Oui
-bah voilà. J’imagine que tu fais des recherches pour la suite. Je ne connais pas tout mais je peux t’aider
-je sais même pas si je vais continuer l’école
-Ah non. Ça je refuse. Tu ne vas pas te laisser abattre maintenant. Ce n’est pas mon oncle qui aurait aimé ça
-Justement s’il....s’il était là, tout serait plus simple. Maman m’a traité d’égoïste quand je lui ai présenté des dossiers d’inscription en France. Elle m’a rappelé que Josh a repris sa classe à l’école américaine. En plus il y’a les frais de scolarité d’Ezra et Allen. Puis les frais d’hôpitaux de papa. Je sais que c’est égoïste de penser ça mais j’avais vraiment envie de voyager pour étudier aussi. Toute ma vie j’ai jamais rien demandé. Pourquoi pour une fois je ne peux pas avoir une chance? Même si c’est pas cette année?
-qu’est ce qui te fait peur dans les études ici? Il y’a des bonnes écoles de BTS
-Mais tout le monde que je connais est ou va partir
-Et alors? Rien ne sert de courir. L’important c’est d’atteindre son but tant qu’on vit. Tu crois que moi Eben, répétiteur il y’a neuf ans je me voyais étudiant à Porto? Pourtant j’y suis. Avec quelqu’un qui vient d’un milieu aussi modeste que le mien, un vendeur de fripes. C’est vrai que nous reprenons une bonne partie des études mais on en est fier et nous y sommes arrivés en cherchant des opportunités sur internet en plus d’économiser nos sous. C’est vrai qu’on a eu de l’aide pour les visas mais la grosse partie de la recherche nous l’avons fait tous les deux, soir après soir. Voyager n’est pas aussi difficile qu’on le pense tu sais. Ne crois pas que ta vie est finie à 17 ans lol. Tu as encore du chemin. Fais ce que tu peux au niveau où tu te trouves. Au moins ta maman n’est pas contre le fait que tu poursuives tes études ou je me trompe?
-Non, il répond en reniflant
-bah voilà. Il y’en a qui n’ont même pas cette grâce. Saisis-là. Commence. On prie pour ton papa. Et on a foi en un avenir meilleur. Si j’y suis arrivé ce n’est pas toi bourré de talents comme je te connais qui ne pourra pas. Écris moi comme je t’ai dit. Tant que tu ne passes pas ton temps à geindre, je n’ai pas de problème pour t’aider ou te guider. Tu es mon petit frère après tout.
-Merci Eben! Tu m’as remonté. Je m’excuse à l’avance pour la gêne
-Lol tu n’as pas changé au fond. Toujours poli, dis-je tout en ébouriffant ses cheveux
Il a refusé les deux mille francs que je lui donnais sous prétexte que les mots, la sortie et la pizza étaient suffisants. Je suis retourné au petit motel où j’ai résidé durant mon court séjour. J’ai fait mes valises le lendemain matin et le soir je me suis envolé pour le Portugal.